L`Union européenne face à la diarrhée virale épidémique des porcs

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teurs intensifs de porcs dont les Pays-Bas, le
Danemark ou l’Allemagne), la Commission
européenne avait refusé de suivre Paris.
Comme dans le cas de la vache folle il y a
près de vingt ans, la France choisissait donc,
au nom de la sécurité sanitaire, de faire
cavalier seul.
Que sait-on exactement de la situation
sanitaire ? 1 Fin avril 2013, les premiers cas
de DEP ont été détectés aux Etats-Unis.
Cette maladie n’avait encore jamais été
ronavirus respiratoire porcin. Il s’agit d’un
virus à ARN positif enveloppé de 28kb, peu
résistant dans le milieu extérieur. Il ne se
conserve pas non plus dans les viandes de
porc et ne se transmet pas à l’homme. Difficile à cultiver sur cellules. Il se transmet par
voie oro-fécale entre porcs. Des formes plus
virulentes ont été décrites en 2011 et 2012 en
Chine. Le virus de la DEP est responsable
d’une diarrhée profuse, aqueuse, pouvant
toucher différentes classes d’âge (animaux
adultes, porcelets sous la mère, porcs en
croissance). Des vomissements peuvent aussi
être observés sur les porcelets ou même les
truies.
Le virus incriminé aux Etats-Unis est une
souche très virulente conduisant jusqu’à
100% de mortalité chez les porcelets sous la
décrite auparavant sur le continent américain. En septembre dernier, plus de 200 sites
porcins ont été infectés, la majorité d’entre
eux se trouvant dans les Etats à forte concentration porcine : Iowa, Minnesota, Indiana
principalement et récemment en Oklahoma.
Quelques cas avaient déjà été décrits en
Ohio, Colorado, Missouri, Illinois, Michigan, Nebraska et Dakota du Sud.
Le coronavirus responsable de cette maladie, proche de celui de la gastroentérite
transmissible (GET), touche les porcs de tous
âges, mais entraîne principalement de la
mortalité chez les porcelets avant sevrage
(jusqu’à 95%). La maladie est par ailleurs
enzootique dans de nombreux pays d’Asie
orientale.
Ce virus est classé dans le genre Alphacoronavirus avec le virus de la GET et le co-
mère. Les autres catégories d’animaux sont
affectées, mais moins sévèrement que les
jeunes porcelets. L’épizootie s’est propagée
très rapidement à plus de deux cents sites
porcins en quelques mois.
«Le virus a été séquencé et présente plus
de 99% d’identité avec le génome d’un virus
de DEP, isolé en Chine en 2012. Dans la
mesure où ces virus mutent rapidement,
ceci semble indiquer une introduction sur le
territoire américain relativement récente, souligne le ministère français de l’Agriculture.
L’Europe n’est pas à l’abri d’une introduction du virus dont les conséquences sont
difficiles à évaluer.»
Bluff ou pas, la France décida au dernier
moment de revenir sur sa décision d’embargo, expliquant chercher un consensus
au sein de l’Union. Mardi 6 mai, Bruxelles
point de vue
L’Union européenne face à la diarrhée
virale épidémique des porcs américains
C’est une affaire sanitaire et économique.
C’est donc une affaire éminemment politique. Elle est aussi internationale et donc
diplomatique. Le hasard veut qu’elle survienne à la veille de ce grand rendez-vous
démocratique que sont les élections pour le
renouvellement des femmes et des hommes
qui auront droit de siéger au Parlement de
l’Union européenne.
Au départ, l’information devait paraître
au Journal Officiel de la République française
daté du 3 mai 2014 : la France allait interdire
les importations de porcs vivants et de
l’ensemble des produits à base de porc en
provenance des Etats-Unis, du Canada, du
Mexique et du Japon. C’était là une mesure
extrême pour se protéger contre le virus de
la diarrhée épidémique porcine (DEP – ou
PED pour Porcine Epidemic Diarrhea en anglais). Les médias européens d’information
générale n’en ont encore que peu parlé mais
cette maladie a déjà tué plus de sept millions de porcelets aux Etats-Unis où le prix
de la viande de porc atteint des records.
«Quand on voit les chiffres, il y a de quoi
être inquiet. Il y a peu de maladies qui provoquent une si forte mortalité à une si grande
échelle, confiait, début mai, Jean-Luc Angot,
directeur général adjoint de la Direction
générale de l’alimentation (DGAL) et chef
des services vétérinaires français. Si la diarrhée épidémique porcine apparaissait dans
des régions comme la Bretagne, qui concentre l’essentiel de la production porcine,
cela serait dramatique.»
L’embargo annoncé visait les porcs vivants
et le sperme de porc mais aussi tous les «sousproduits» à base de viande de porc comme
l’alimentation animale. Les plasmas contaminants des porcs adultes infectés peuvent
en effet être incorporés dans l’alimentation
animale pour porcins, et transmettre ainsi le
virus aux élevages intensifs. Cette même
alimentation animale peut concerner les animaux domestiques via le marché florissant
des pet foods.
S’intéresser à ce sujet, c’était découvrir que
la Chine et le Japon avaient déjà imposé des
restrictions aux importations de porc américain. La France était alors le seul pays de
l’Union européenne à annoncer un embargo. Paris avait déjà proposé l’adoption d’un
embargo européen en avril. Etrangement
(compte tenu de l’intérêt de grands produc-
1090
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014
D.R.
Jean-Yves Nau
[email protected]
1 Des informations précises sur ce sujet sont disponibles
à cette adresse du ministère français de l’Agriculture :
http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Anses_BE_58_
Web_cle0d1ac3.pdf
carte blanche
37 millions de vies presque
à portée de main…
A première vue, elle est plutôt triomphaliste,
cette lecture de week-end. Le Lancet vient
de publier une estimation du nombre de vies
que l’on pourrait sauver d’ici à 2025 en visant «simplement» les facteurs de risque les
mieux étayés pour les maladies non transmissibles.1 L’enjeu est de taille. Ces maladies emportent plus de la moitié d’entre
nous dans toutes les régions du monde,
sauf en Afrique subsaharienne, et leurs facteurs de risque principaux sont très bien
connus. L’étude du Lancet en
retient six : le tabac, l’alcool, la
consommation de sel, l’obésité, l’hypertension artérielle
et l’hyperglycémie. Sur le plan
médical, on sait ce qu’il faudrait faire. Si on le faisait,
donc ? L’équipe qui s’est penchée sur cette question est
dirigée par un Anglais, mais
ses membres viennent du
Canada, de Nouvelle-Zélande, d’Allemagne,
de l’OMS, et leurs données sont celles du
monde entier. Le résultat est impressionnant. Cibler ces six facteurs permettrait d’ici
2025 de sauver 37 millions de vies. On se
prend à rêver. L’étude ne porte que sur la
mortalité, mais à la clé il y aurait certainement aussi un effet important sur la morbidité, sur les coûts de la santé. Je vous le
disais : presque triomphaliste.
Presque seulement car… comment fait-on
cela ? Les facteurs de risque sont connus,
oui, mais comment les atteindre à ce point ?
L’étude postule une diminution de 10% de la
consommation d’alcool par personne, de 25%
de la prévalence de l’hypertension artérielle,
une diminution relative de 30% de la prévalence du tabagisme, la stabilisation de
l’obésité et de l’hyperglycémie à leurs taux
actuels. A ce stade, on se frotte les yeux.
Diminuer le nombre de fumeurs d’un tiers ?
L’entretien motivationnel, une des interventions de cabinet les mieux étudiées dans ce
domaine, augmentait de 2,3% le nombre de
personnes qui arrêtent de fumer dans une
méta-analyse.2 Pas suffisant. Si on sort du
Pr Samia Hurst
Médecin et bioéthicienne
Institut Ethique, Histoire,
Humanités
Faculté de médecine
CMU, 1211 Genève 4
[email protected]
cabinet pour voir quels effets on peut avoir
avec des outils plus politiques, c’est un peu
mieux. Les interdictions de la publicité du
tabac sous toutes ses formes font baisser le
tabagisme de 9% en 10 ans ; l’effet estimé
de chaque augmentation de 10% du prix
des cigarettes est de 4-7%.3 Bien connaître
les facteurs de risque ne suffit pas pour
savoir les influencer à large échelle. Passer
du diagnostic aux interventions, et déjà le
triomphe est moins palpable.
Moins palpable, c’est vrai, mais en même
temps notre ignorance sur les politiques
qu’il faudrait adopter n’est pas totale. Les
exemples cibleraient le tabac, l’alcool, l’alimentation, sans doute aussi l’exercice phy-
D.R.
décidait finalement de «durcir les règles»
concernant l’importation du sang porcin
américain et canadien, destiné à l’alimentation animale sans pour autant modifier les
règles sur les importations de porcs. La
Commission européenne soulignait que «les
règles d’importation concernant les animaux
vivants sont déjà très strictes» et que les
autorités canadiennes et américaines «ont
fait savoir qu’il n’était pas prévu que des
porcs vivants soient vendus aux pays de
l’Union européenne».
La Commission explique notamment que
son «comité d’experts» a estimé nécessaire
que les produits sanguins issus du porc pour
l’alimentation animale (ceux devant être
importés vers l’Union européenne) soient
désormais «traités à 80 degrés». «Ce traitement devra être suivi d’une durée de
stockage de six semaines à température ambiante, pour s’assurer, dit la Commission,
que les éventuels coronavirus présents ne
soient plus virulents». Le comité d’experts se
réunira à nouveau en juin, précise la Commission. Le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a alors «salué» cette
mesure de précaution. «Tout doit être fait
pour prévenir l’introduction du coronavirus responsable de cette épidémie dans les
élevages français et européens», a indiqué le
ministre dans un communiqué.
La question du sang porcin apparaît désormais cruciale dans cette affaire, ce sang
pouvant (lorsque les plasmas sont insuffisamment traités par chauffage) être un
vecteur privilégié de transmissions virales.
Aucune information n’a encore été donnée
quant aux nouvelles techniques d’inactivation (par chauffage «à 80 degrés»), pas plus
que sur les volumes de plasmas sanguins
porcins concernés. Aucune précision non
plus sur le spectre des aliments pour animaux concernés. On redécouvre, dans cette
affaire, que le sang peut être un vecteur de
contamination virale. Et que ce risque est
d’autant plus grand qu’il s’inscrit dans le
contexte de la mondialisation du commerce
des produits agroalimentaires.
sique. Ils incluraient l’interdiction de la publicité sur le tabac, l’augmentation du prix des
cigarettes, une régulation libérale face à la
cigarette électronique.4 Ils incluraient des
«ceintures de sécurité» alimentaires comme
une régulation plus stricte de la teneur en
sel. On y ajouterait finalement des aménagements urbains rendant l’exercice physique
plus accessible au quotidien. Mais alors
nous voilà sortis non seulement du cabinet
mais carrément du système de santé. Ces
choses que nous saurions en théorie faire,
qui les fera ? Depuis nos journaux scientifiques et nos cabinets, nous pouvons bien
sûr continuer d’insister, mais la plupart des
ministres de la Santé n’ont pas tout cela dans
leur dicastère. 37 millions de vies presque à
portée de main, donc. Pas si triomphaliste,
finalement…
1 Kontis V, Mathers C, Rehm J, et al. Contribution of six
risk factors to achieving the 25x25 non-communicable
disease mortality reduction target : A modelling study.
Lancet 2014 ; epub ahead of print.
2 Hettema JE, Hendricks PS. Motivational interviewing
for smoking cessation : A meta-analytic review. J Consult Clin Psychol 2010;78:868-84.
3 Asma S, Song Y, Cohen J, et al. CDC grand rounds :
Global tobacco control. MMWR Morb Mor tal Wkly
Rep 2014;63:277-80.
4 Rodu B. The scientific foundation for tobacco harm
reduction, 2006-2011. Harm Reduct J 2011;8:19.
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014
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actualité, info
en marge
Fins de vie : qui décide véritablement
sur le Vieux Continent ?
La pratique de la médecine n’est plus ce
qu’elle fut. Les grandes urgences médicochirurgicales quittent progressivement le devant de la scène. On n’ouvre plus les corps
larga manu et l’imagerie in situ émousse le
regard clinique. Les autopsies à l’ancienne ne
sont plus de mise. La médecine interne est
amplement contaminée par l’immunologie.
L’avenir ? Il est aux pathologies chroniques, les véritables ou celles que l’on s’invente, un peu pour passer le temps. Car le
temps est long, aussi long que la fin de vie
peut, parfois, être violente. La fin de vie ou,
plus précisément, la décision de fin de vie.
Hier encore ce sujet renvoyait le plus souvent à la fatalité associée à une médecine
bien trop souvent impuissante. Tel n’est plus
le cas. S’ouvrent alors des questions nouvelles, souvent dérangeantes, parfois angoissantes. Moins celle de la définition de la
mort que la définition des vies qui valent
encore la peine d’être vécues.
C’est, en creux, ce que nous dit un petit
guide à visée pédagogique que vient de publier le Conseil de l’Europe.1
Ce document est intitulé «Guide sur le
processus décisionnel relatif aux traitements
médicaux dans les situations de fin de vie».
Il a été élaboré par le Comité de bioéthique
du Conseil de l’Europe, dans le cadre de ses
travaux relatifs aux «droits des patients» et
dans le but de faciliter la mise en œuvre des
principes établis dans la Convention sur les
droits de l’homme et la biomédecine (dite
«Convention d’Oviedo»).
«En transformant des maladies aiguës ou
à progression rapide en des maladies chroniques ou à progression lente, les progrès de
la médecine génèrent des situations complexes et renouvellent sans aucun doute à la
fois le débat sur la fin de vie et le cadre dans
lequel sont prises les décisions relatives aux
traitements médicaux en fin de vie» écrivent
en introduction les auteurs. Ils ajoutent que
la fin de la vie humaine et les questions
qu’elle soulève en termes de dignité de la
personne sont l’une des préoccupations
actuelles des Etats membres du Conseil de
l’Europe. C’est possible. Cette préoccupation
qui ne renvoie toutefois pas à une approche
culturelle et sociétale unique. Ni même à
des pratiques convergentes.
Le seul cadre officiel, ici, est celui, éthique
et juridique, de la Convention d’Oviedo sur
lu pour vous
Coordination : Dr Jean Perdrix, PMU ([email protected])
Vitamine D et prévention de la chute :
une remise en question ?
Bien que discutée, la supplémentation en vitamine D est largement
utilisée pour ses effets sur les os et
pour d’éventuels effets bénéfiques
plus larges. Les méta-analyses les
plus récentes concluent cependant
à l’absence de bénéfice clinique
significatif de son administration
dans la prévention des fractures,
des événements cardiovasculaires,
du cancer et de la mortalité globale.
La vitamine D reste cependant
généralement recommandée pour
diminuer le risque de chutes chez
la personne âgée. Mais le niveau
d’évidence de ces recommandations est faible, et c’est pour le
préciser que ces auteurs ont planifié une méta-analyse «séquentielle» des données de la littérature :
elle permet de déterminer le niveau
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d’évidence en faveur ou en défaveur
d’un traitement à partir duquel la
conduite de nouveaux essais cliniques devient futile. Après une
recherche systématique extensive
de la littérature, vingt essais cliniques randomisés – hétérogènes
dans leur conception, leur méthodologie et leur qualité – regroupant
près de 30 000 patients, ont été
identifiés. La méta-analyse «classique» des résultats n’a pas montré
d’effet significatif de la vitamine D
sur le risque de chutes, et la métaanalyse «séquentielle» a permis
de déterminer que la vitamine D
ne permettrait pas de diminuer le
risque de chutes de plus 15% au
mieux, limite de futilité clinique
choisie par les auteurs. Ces
derniers concluent à l’absence
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014
les droits de l’homme et la biomédecine
(adoptée en 1996 et ouverte à la signature en
1997 à Oviedo, en Espagne). Les principes
défendus ont vocation à s’appliquer, quel
que soit par ailleurs l’environnement juridique propre à chaque Etat. Ce guide à
vocation pédagogique s’adresse en premier
lieu aux professionnels de santé concernés.
Mais il peut aussi être une source d’information et de réflexion utile également pour
les patients, leurs familles et leurs proches –
ou encore pour l’ensemble des accompagnants ou associations impliqués dans la fin
de vie. Certains éléments contenus dans ce
guide pourront également alimenter les nombreux débats suscités par les problématiques
de fin de vie.
d’évidence significative pour la
substitution en vitamine D pour
prévenir les chutes, et signalent
que de nouveaux essais cliniques
méthodologiquement similaires
aux travaux publiés ne permettront
pas de faire évoluer l’évidence.
Commentaire : comme toute métaanalyse, ce travail présente de
nombreuses limitations, discutées
par les auteurs et par l’éditorial
accompagnant la publication. On
peut notamment relever l’hétérogénéité des études inclues, particulièrement pour ce qui concerne
la détermination des chutes (fréquence, sévérité) et la méthode de
substitution vitaminique (dose, modalité). Mais ces résultats excluent
raisonnablement un effet significatif sur les chutes, au moins au
niveau de signification clinique
choisi par les auteurs (15% au
mieux), qui paraît raisonnable.
Ainsi, ils ne justifient pas, en l’état
actuel de l’évidence, la prescription de vitamine D dans le but de
réduire le risque de chutes, plus
que pour les indications «classiques». Que faire alors ? Dans
l’attente d’un hypothétique essai
clinique méthodologiquement
«parfait», l’incertitude demeure, et
l’enthousiasme généralisé pour la
substitution en vitamine D s’essouffle
encore un peu ! Mais rappelons
qu’elle reste cependant justifiée
comme traitement adjuvant des
substances prescrites pour la
prévention fracturaire de l’ostéoporose, comme les bisphosphonates
et que l’apport naturel de vitamine
D (nutrition et soleil) reste également
à encourager !
Thierry Fumeaux
Service de médecine, Hôpital de Nyon
Bolland MJ, Grey A, Gamble GD, Reid
IR. Vitamin D supplementation and falls :
A trial sequential meta-analysis. Lancet
Diabetes Endocrinol 2014;pub ahead
of print.
D.R.
En pratique, ce document du Conseil de
l’Europe a pour objet :
• de proposer des repères pour la mise en
œuvre du processus décisionnel relatif aux
traitements médicaux dans les situations de
fin de vie. Ces repères devraient notamment
permettre d’identifier les acteurs participant
au processus, les différentes phases de ce
processus et les éléments factuels intervenant dans la décision ;
• de rassembler les références tant normatives qu’éthiques, ainsi que les éléments relevant de la bonne pratique médicale, utiles
aux professionnels de santé confrontés à la
mise en œuvre du processus décisionnel relatif aux traitements dispensés en fin de vie.
Le guide peut également donner des éléments de référence aux patients, à leurs
proches et à leur famille ou à leur représentant, afin de mieux comprendre les enjeux
des situations en cause et ainsi de participer
au processus de manière appropriée ;
• de participer, par les clarifications qu’il
apporte, à la réflexion globale sur le processus
décisionnel en fin de vie, et en particulier
sur les situations complexes rencontrées dans
ce cadre, puisqu’il est l’occasion d’exposer
les termes d’un certain nombre de questionnements et de débats auxquels les différents
pays d’Europe apportent parfois des solutions diverses.
Attention : ce guide «n’a pas pour objet de
se prononcer sur la pertinence ou la légitimité de telle ou telle décision dans une situation clinique donnée». Il s’inscrit dans le
contexte spécifique de la fin de vie : une situation dans laquelle la visée principale de
tout traitement médical devient avant tout
palliative, centrée sur la qualité de vie du
patient ou, a minima, le contrôle des symptômes susceptibles de nuire à la qualité de la
fin de vie. Ce guide ne porte pas non plus sur
la question de l’euthanasie ou du suicide assisté. Le Conseil de l’Europe observe ici que
«certaines législations nationales les autorisent et prévoient un encadrement spécifique».
Aucun doute n’est permis : le fil conducteur de toute réflexion sur les décisions relatives aux traitements médicaux doit être le
respect de la dignité de la personne et de
son autonomie. Pour autant, l’expérience
clinique «montre qu’en fin de vie un patient
peut être vulnérable et avoir des difficultés
à exprimer un avis». Il est aussi des situations où la décision intervient alors que le
patient n’est plus en état d’exprimer une
volonté. Enfin, dans certains cas, le patient
peut exprimer en toute autonomie le souhait
légitime de ne pas prendre de décision sur
son traitement médical.
Dans un tel contexte, mouvant et incertain,
le Conseil de l’Europe rappelle que la prise
de décision doit être «l’aboutissement d’un
processus dynamique et collectif», un processus «permettant de garantir la place centrale du patient en approchant au mieux ce
qui aurait été sa volonté s’il avait pu l’exprimer, d’atténuer les biais de la subjectivité
inévitable et de ménager autant que possible
l’adaptation du traitement en réponse à l’évolution de la situation du patient concerné».
Ce guide du Conseil de l’Europe aborde
notamment la question de la fin de vie, de
l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation.
C’est là une question qui commence à faire
débat en France au décours d’une affaire
spectaculaire, dite «affaire Lambert», du nom
d’un homme en état pauci-relationnel dont
le destin se joue actuellement chez les magistrats du Conseil d’Etat.
«Dans un certain nombre de pays, la
nutrition et l’hydratation artificielles sont
considérées comme des traitements et sont
donc susceptibles d’être limitées ou arrêtées
dans les conditions et selon les garanties
prévues pour les limitations et arrêts de traitement (refus de traitement exprimé par le
patient, refus de l’obstination déraisonnable
ou d’un traitement disproportionné, évalué
par l’équipe soignante et admis dans le
cadre d’une procédure collective)», peut-on
lire dans ce document.
Les auteurs ajoutent : «Toutefois, dans
d’autres pays, il est considéré que l’alimentation et l’hydratation artificielles ne sont pas
des traitements susceptibles de faire l’objet
d’une décision de limitation ou d’arrêt, mais
sont des soins répondant à des besoins
essentiels de la personne que l’on ne peut
arrêter à moins que le patient, en phase terminale de sa fin de vie, en ait exprimé le
souhait. La question du caractère approprié,
au plan médical, de la nutrition et de l’hydratation en phase terminale est elle-même
débattue. Pour certains, elles sont considé-
cardiologie
Cocaïne récréative : des
conséquences cardiaques
sous-estimées
Infarctus du myocarde, ischémie : les troubles
cardiaques sont bien documentés chez les
cocaïnomanes. Qu’en est-il pour les consommateurs occasionnels ?
Pour la première fois, une étude s’est intéressée aux risques à long terme de ce type
de consommations souvent considérées
comme peu nuisibles à la santé. Pour les
auteurs, les résultats sont alarmants. Les
consommateurs occasionnels de cocaïne
présentent en effet une augmentation de la
rigidité aortique, de la pression artérielle et
de la masse ventriculaire gauche directement
associée à la durée et à la fréquence de
consommation. Or, tous ces paramètres
représentent des facteurs de risque cardiovasculaire bien établis. Ces observations
proviennent de mesures de résonance
magnétique, effectuées sur vingt consommateurs réguliers de cocaïne (une à deux fois
par semaine) depuis plus de dix ans pour la
grande majorité d’entre eux, et vingt sujets
contrôle. Les deux groupes étaient principalement constitués d’hommes âgés respectivement de 37 et 33 ans en moyenne, avec
des professions qualifiées et appartenant à
une classe sociale aisée.
Cette étude, malgré un échantillon limité
de participants, lié notamment à la difficulté
du recrutement, met donc en évidence les
effets négligés de la consommation récréative de drogues dures à long terme.
Marina Casselyn
Kozor R, Grieve SM, Buchholz S, et al. Regular cocaine
use is associated with increased systolic blood pressure, aortic stiffness and left ventricular mass in young
otherwise healthy individuals. PLoS One 2014;9:e89710.
rées comme nécessaires au confort du patient
en fin de vie. Pour d’autres, le bénéfice pour
le patient ne va pas de soi.»
«Ne pas aller de soi» ? C’est une formule
qui convient assez bien à la somme des
questions qui sont ici soulevées.
Jean-Yves Nau
[email protected]
1 Ce guide est disponible à l’adresse suivante : www.coe.
int/t/dg3/healthbioethic/conferences_and_symposia/
FDV%20Guide%20Web%20f.pdf
Rappelons que le Conseil de l’Europe est la principale
organisation de défense des droits de l’homme du continent. Il compte 47 Etats membres, dont 28 sont également membres de l’Union européenne. Tous les Etats
membres du Conseil de l’Europe ont signé la Convention
européenne des droits de l’homme, un traité visant à protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de
droit. C’est la Cour européenne des droits de l’homme
qui contrôle la mise en œuvre de la Convention dans les
Etats membres.
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014
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