actualité, info teurs intensifs de porcs dont les Pays-Bas, le Danemark ou l’Allemagne), la Commission européenne avait refusé de suivre Paris. Comme dans le cas de la vache folle il y a près de vingt ans, la France choisissait donc, au nom de la sécurité sanitaire, de faire cavalier seul. Que sait-on exactement de la situation sanitaire ? 1 Fin avril 2013, les premiers cas de DEP ont été détectés aux Etats-Unis. Cette maladie n’avait encore jamais été ronavirus respiratoire porcin. Il s’agit d’un virus à ARN positif enveloppé de 28kb, peu résistant dans le milieu extérieur. Il ne se conserve pas non plus dans les viandes de porc et ne se transmet pas à l’homme. Difficile à cultiver sur cellules. Il se transmet par voie oro-fécale entre porcs. Des formes plus virulentes ont été décrites en 2011 et 2012 en Chine. Le virus de la DEP est responsable d’une diarrhée profuse, aqueuse, pouvant toucher différentes classes d’âge (animaux adultes, porcelets sous la mère, porcs en croissance). Des vomissements peuvent aussi être observés sur les porcelets ou même les truies. Le virus incriminé aux Etats-Unis est une souche très virulente conduisant jusqu’à 100% de mortalité chez les porcelets sous la décrite auparavant sur le continent américain. En septembre dernier, plus de 200 sites porcins ont été infectés, la majorité d’entre eux se trouvant dans les Etats à forte concentration porcine : Iowa, Minnesota, Indiana principalement et récemment en Oklahoma. Quelques cas avaient déjà été décrits en Ohio, Colorado, Missouri, Illinois, Michigan, Nebraska et Dakota du Sud. Le coronavirus responsable de cette maladie, proche de celui de la gastroentérite transmissible (GET), touche les porcs de tous âges, mais entraîne principalement de la mortalité chez les porcelets avant sevrage (jusqu’à 95%). La maladie est par ailleurs enzootique dans de nombreux pays d’Asie orientale. Ce virus est classé dans le genre Alphacoronavirus avec le virus de la GET et le co- mère. Les autres catégories d’animaux sont affectées, mais moins sévèrement que les jeunes porcelets. L’épizootie s’est propagée très rapidement à plus de deux cents sites porcins en quelques mois. «Le virus a été séquencé et présente plus de 99% d’identité avec le génome d’un virus de DEP, isolé en Chine en 2012. Dans la mesure où ces virus mutent rapidement, ceci semble indiquer une introduction sur le territoire américain relativement récente, souligne le ministère français de l’Agriculture. L’Europe n’est pas à l’abri d’une introduction du virus dont les conséquences sont difficiles à évaluer.» Bluff ou pas, la France décida au dernier moment de revenir sur sa décision d’embargo, expliquant chercher un consensus au sein de l’Union. Mardi 6 mai, Bruxelles point de vue L’Union européenne face à la diarrhée virale épidémique des porcs américains C’est une affaire sanitaire et économique. C’est donc une affaire éminemment politique. Elle est aussi internationale et donc diplomatique. Le hasard veut qu’elle survienne à la veille de ce grand rendez-vous démocratique que sont les élections pour le renouvellement des femmes et des hommes qui auront droit de siéger au Parlement de l’Union européenne. Au départ, l’information devait paraître au Journal Officiel de la République française daté du 3 mai 2014 : la France allait interdire les importations de porcs vivants et de l’ensemble des produits à base de porc en provenance des Etats-Unis, du Canada, du Mexique et du Japon. C’était là une mesure extrême pour se protéger contre le virus de la diarrhée épidémique porcine (DEP – ou PED pour Porcine Epidemic Diarrhea en anglais). Les médias européens d’information générale n’en ont encore que peu parlé mais cette maladie a déjà tué plus de sept millions de porcelets aux Etats-Unis où le prix de la viande de porc atteint des records. «Quand on voit les chiffres, il y a de quoi être inquiet. Il y a peu de maladies qui provoquent une si forte mortalité à une si grande échelle, confiait, début mai, Jean-Luc Angot, directeur général adjoint de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et chef des services vétérinaires français. Si la diarrhée épidémique porcine apparaissait dans des régions comme la Bretagne, qui concentre l’essentiel de la production porcine, cela serait dramatique.» L’embargo annoncé visait les porcs vivants et le sperme de porc mais aussi tous les «sousproduits» à base de viande de porc comme l’alimentation animale. Les plasmas contaminants des porcs adultes infectés peuvent en effet être incorporés dans l’alimentation animale pour porcins, et transmettre ainsi le virus aux élevages intensifs. Cette même alimentation animale peut concerner les animaux domestiques via le marché florissant des pet foods. S’intéresser à ce sujet, c’était découvrir que la Chine et le Japon avaient déjà imposé des restrictions aux importations de porc américain. La France était alors le seul pays de l’Union européenne à annoncer un embargo. Paris avait déjà proposé l’adoption d’un embargo européen en avril. Etrangement (compte tenu de l’intérêt de grands produc- 1090 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014 D.R. Jean-Yves Nau [email protected] 1 Des informations précises sur ce sujet sont disponibles à cette adresse du ministère français de l’Agriculture : http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Anses_BE_58_ Web_cle0d1ac3.pdf carte blanche 37 millions de vies presque à portée de main… A première vue, elle est plutôt triomphaliste, cette lecture de week-end. Le Lancet vient de publier une estimation du nombre de vies que l’on pourrait sauver d’ici à 2025 en visant «simplement» les facteurs de risque les mieux étayés pour les maladies non transmissibles.1 L’enjeu est de taille. Ces maladies emportent plus de la moitié d’entre nous dans toutes les régions du monde, sauf en Afrique subsaharienne, et leurs facteurs de risque principaux sont très bien connus. L’étude du Lancet en retient six : le tabac, l’alcool, la consommation de sel, l’obésité, l’hypertension artérielle et l’hyperglycémie. Sur le plan médical, on sait ce qu’il faudrait faire. Si on le faisait, donc ? L’équipe qui s’est penchée sur cette question est dirigée par un Anglais, mais ses membres viennent du Canada, de Nouvelle-Zélande, d’Allemagne, de l’OMS, et leurs données sont celles du monde entier. Le résultat est impressionnant. Cibler ces six facteurs permettrait d’ici 2025 de sauver 37 millions de vies. On se prend à rêver. L’étude ne porte que sur la mortalité, mais à la clé il y aurait certainement aussi un effet important sur la morbidité, sur les coûts de la santé. Je vous le disais : presque triomphaliste. Presque seulement car… comment fait-on cela ? Les facteurs de risque sont connus, oui, mais comment les atteindre à ce point ? L’étude postule une diminution de 10% de la consommation d’alcool par personne, de 25% de la prévalence de l’hypertension artérielle, une diminution relative de 30% de la prévalence du tabagisme, la stabilisation de l’obésité et de l’hyperglycémie à leurs taux actuels. A ce stade, on se frotte les yeux. Diminuer le nombre de fumeurs d’un tiers ? L’entretien motivationnel, une des interventions de cabinet les mieux étudiées dans ce domaine, augmentait de 2,3% le nombre de personnes qui arrêtent de fumer dans une méta-analyse.2 Pas suffisant. Si on sort du Pr Samia Hurst Médecin et bioéthicienne Institut Ethique, Histoire, Humanités Faculté de médecine CMU, 1211 Genève 4 [email protected] cabinet pour voir quels effets on peut avoir avec des outils plus politiques, c’est un peu mieux. Les interdictions de la publicité du tabac sous toutes ses formes font baisser le tabagisme de 9% en 10 ans ; l’effet estimé de chaque augmentation de 10% du prix des cigarettes est de 4-7%.3 Bien connaître les facteurs de risque ne suffit pas pour savoir les influencer à large échelle. Passer du diagnostic aux interventions, et déjà le triomphe est moins palpable. Moins palpable, c’est vrai, mais en même temps notre ignorance sur les politiques qu’il faudrait adopter n’est pas totale. Les exemples cibleraient le tabac, l’alcool, l’alimentation, sans doute aussi l’exercice phy- D.R. décidait finalement de «durcir les règles» concernant l’importation du sang porcin américain et canadien, destiné à l’alimentation animale sans pour autant modifier les règles sur les importations de porcs. La Commission européenne soulignait que «les règles d’importation concernant les animaux vivants sont déjà très strictes» et que les autorités canadiennes et américaines «ont fait savoir qu’il n’était pas prévu que des porcs vivants soient vendus aux pays de l’Union européenne». La Commission explique notamment que son «comité d’experts» a estimé nécessaire que les produits sanguins issus du porc pour l’alimentation animale (ceux devant être importés vers l’Union européenne) soient désormais «traités à 80 degrés». «Ce traitement devra être suivi d’une durée de stockage de six semaines à température ambiante, pour s’assurer, dit la Commission, que les éventuels coronavirus présents ne soient plus virulents». Le comité d’experts se réunira à nouveau en juin, précise la Commission. Le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a alors «salué» cette mesure de précaution. «Tout doit être fait pour prévenir l’introduction du coronavirus responsable de cette épidémie dans les élevages français et européens», a indiqué le ministre dans un communiqué. La question du sang porcin apparaît désormais cruciale dans cette affaire, ce sang pouvant (lorsque les plasmas sont insuffisamment traités par chauffage) être un vecteur privilégié de transmissions virales. Aucune information n’a encore été donnée quant aux nouvelles techniques d’inactivation (par chauffage «à 80 degrés»), pas plus que sur les volumes de plasmas sanguins porcins concernés. Aucune précision non plus sur le spectre des aliments pour animaux concernés. On redécouvre, dans cette affaire, que le sang peut être un vecteur de contamination virale. Et que ce risque est d’autant plus grand qu’il s’inscrit dans le contexte de la mondialisation du commerce des produits agroalimentaires. sique. Ils incluraient l’interdiction de la publicité sur le tabac, l’augmentation du prix des cigarettes, une régulation libérale face à la cigarette électronique.4 Ils incluraient des «ceintures de sécurité» alimentaires comme une régulation plus stricte de la teneur en sel. On y ajouterait finalement des aménagements urbains rendant l’exercice physique plus accessible au quotidien. Mais alors nous voilà sortis non seulement du cabinet mais carrément du système de santé. Ces choses que nous saurions en théorie faire, qui les fera ? Depuis nos journaux scientifiques et nos cabinets, nous pouvons bien sûr continuer d’insister, mais la plupart des ministres de la Santé n’ont pas tout cela dans leur dicastère. 37 millions de vies presque à portée de main, donc. Pas si triomphaliste, finalement… 1 Kontis V, Mathers C, Rehm J, et al. Contribution of six risk factors to achieving the 25x25 non-communicable disease mortality reduction target : A modelling study. Lancet 2014 ; epub ahead of print. 2 Hettema JE, Hendricks PS. Motivational interviewing for smoking cessation : A meta-analytic review. J Consult Clin Psychol 2010;78:868-84. 3 Asma S, Song Y, Cohen J, et al. CDC grand rounds : Global tobacco control. MMWR Morb Mor tal Wkly Rep 2014;63:277-80. 4 Rodu B. The scientific foundation for tobacco harm reduction, 2006-2011. Harm Reduct J 2011;8:19. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014 1091 actualité, info en marge Fins de vie : qui décide véritablement sur le Vieux Continent ? La pratique de la médecine n’est plus ce qu’elle fut. Les grandes urgences médicochirurgicales quittent progressivement le devant de la scène. On n’ouvre plus les corps larga manu et l’imagerie in situ émousse le regard clinique. Les autopsies à l’ancienne ne sont plus de mise. La médecine interne est amplement contaminée par l’immunologie. L’avenir ? Il est aux pathologies chroniques, les véritables ou celles que l’on s’invente, un peu pour passer le temps. Car le temps est long, aussi long que la fin de vie peut, parfois, être violente. La fin de vie ou, plus précisément, la décision de fin de vie. Hier encore ce sujet renvoyait le plus souvent à la fatalité associée à une médecine bien trop souvent impuissante. Tel n’est plus le cas. S’ouvrent alors des questions nouvelles, souvent dérangeantes, parfois angoissantes. Moins celle de la définition de la mort que la définition des vies qui valent encore la peine d’être vécues. C’est, en creux, ce que nous dit un petit guide à visée pédagogique que vient de publier le Conseil de l’Europe.1 Ce document est intitulé «Guide sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux dans les situations de fin de vie». Il a été élaboré par le Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe, dans le cadre de ses travaux relatifs aux «droits des patients» et dans le but de faciliter la mise en œuvre des principes établis dans la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (dite «Convention d’Oviedo»). «En transformant des maladies aiguës ou à progression rapide en des maladies chroniques ou à progression lente, les progrès de la médecine génèrent des situations complexes et renouvellent sans aucun doute à la fois le débat sur la fin de vie et le cadre dans lequel sont prises les décisions relatives aux traitements médicaux en fin de vie» écrivent en introduction les auteurs. Ils ajoutent que la fin de la vie humaine et les questions qu’elle soulève en termes de dignité de la personne sont l’une des préoccupations actuelles des Etats membres du Conseil de l’Europe. C’est possible. Cette préoccupation qui ne renvoie toutefois pas à une approche culturelle et sociétale unique. Ni même à des pratiques convergentes. Le seul cadre officiel, ici, est celui, éthique et juridique, de la Convention d’Oviedo sur lu pour vous Coordination : Dr Jean Perdrix, PMU ([email protected]) Vitamine D et prévention de la chute : une remise en question ? Bien que discutée, la supplémentation en vitamine D est largement utilisée pour ses effets sur les os et pour d’éventuels effets bénéfiques plus larges. Les méta-analyses les plus récentes concluent cependant à l’absence de bénéfice clinique significatif de son administration dans la prévention des fractures, des événements cardiovasculaires, du cancer et de la mortalité globale. La vitamine D reste cependant généralement recommandée pour diminuer le risque de chutes chez la personne âgée. Mais le niveau d’évidence de ces recommandations est faible, et c’est pour le préciser que ces auteurs ont planifié une méta-analyse «séquentielle» des données de la littérature : elle permet de déterminer le niveau 1092 d’évidence en faveur ou en défaveur d’un traitement à partir duquel la conduite de nouveaux essais cliniques devient futile. Après une recherche systématique extensive de la littérature, vingt essais cliniques randomisés – hétérogènes dans leur conception, leur méthodologie et leur qualité – regroupant près de 30 000 patients, ont été identifiés. La méta-analyse «classique» des résultats n’a pas montré d’effet significatif de la vitamine D sur le risque de chutes, et la métaanalyse «séquentielle» a permis de déterminer que la vitamine D ne permettrait pas de diminuer le risque de chutes de plus 15% au mieux, limite de futilité clinique choisie par les auteurs. Ces derniers concluent à l’absence Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014 les droits de l’homme et la biomédecine (adoptée en 1996 et ouverte à la signature en 1997 à Oviedo, en Espagne). Les principes défendus ont vocation à s’appliquer, quel que soit par ailleurs l’environnement juridique propre à chaque Etat. Ce guide à vocation pédagogique s’adresse en premier lieu aux professionnels de santé concernés. Mais il peut aussi être une source d’information et de réflexion utile également pour les patients, leurs familles et leurs proches – ou encore pour l’ensemble des accompagnants ou associations impliqués dans la fin de vie. Certains éléments contenus dans ce guide pourront également alimenter les nombreux débats suscités par les problématiques de fin de vie. d’évidence significative pour la substitution en vitamine D pour prévenir les chutes, et signalent que de nouveaux essais cliniques méthodologiquement similaires aux travaux publiés ne permettront pas de faire évoluer l’évidence. Commentaire : comme toute métaanalyse, ce travail présente de nombreuses limitations, discutées par les auteurs et par l’éditorial accompagnant la publication. On peut notamment relever l’hétérogénéité des études inclues, particulièrement pour ce qui concerne la détermination des chutes (fréquence, sévérité) et la méthode de substitution vitaminique (dose, modalité). Mais ces résultats excluent raisonnablement un effet significatif sur les chutes, au moins au niveau de signification clinique choisi par les auteurs (15% au mieux), qui paraît raisonnable. Ainsi, ils ne justifient pas, en l’état actuel de l’évidence, la prescription de vitamine D dans le but de réduire le risque de chutes, plus que pour les indications «classiques». Que faire alors ? Dans l’attente d’un hypothétique essai clinique méthodologiquement «parfait», l’incertitude demeure, et l’enthousiasme généralisé pour la substitution en vitamine D s’essouffle encore un peu ! Mais rappelons qu’elle reste cependant justifiée comme traitement adjuvant des substances prescrites pour la prévention fracturaire de l’ostéoporose, comme les bisphosphonates et que l’apport naturel de vitamine D (nutrition et soleil) reste également à encourager ! Thierry Fumeaux Service de médecine, Hôpital de Nyon Bolland MJ, Grey A, Gamble GD, Reid IR. Vitamin D supplementation and falls : A trial sequential meta-analysis. Lancet Diabetes Endocrinol 2014;pub ahead of print. D.R. En pratique, ce document du Conseil de l’Europe a pour objet : • de proposer des repères pour la mise en œuvre du processus décisionnel relatif aux traitements médicaux dans les situations de fin de vie. Ces repères devraient notamment permettre d’identifier les acteurs participant au processus, les différentes phases de ce processus et les éléments factuels intervenant dans la décision ; • de rassembler les références tant normatives qu’éthiques, ainsi que les éléments relevant de la bonne pratique médicale, utiles aux professionnels de santé confrontés à la mise en œuvre du processus décisionnel relatif aux traitements dispensés en fin de vie. Le guide peut également donner des éléments de référence aux patients, à leurs proches et à leur famille ou à leur représentant, afin de mieux comprendre les enjeux des situations en cause et ainsi de participer au processus de manière appropriée ; • de participer, par les clarifications qu’il apporte, à la réflexion globale sur le processus décisionnel en fin de vie, et en particulier sur les situations complexes rencontrées dans ce cadre, puisqu’il est l’occasion d’exposer les termes d’un certain nombre de questionnements et de débats auxquels les différents pays d’Europe apportent parfois des solutions diverses. Attention : ce guide «n’a pas pour objet de se prononcer sur la pertinence ou la légitimité de telle ou telle décision dans une situation clinique donnée». Il s’inscrit dans le contexte spécifique de la fin de vie : une situation dans laquelle la visée principale de tout traitement médical devient avant tout palliative, centrée sur la qualité de vie du patient ou, a minima, le contrôle des symptômes susceptibles de nuire à la qualité de la fin de vie. Ce guide ne porte pas non plus sur la question de l’euthanasie ou du suicide assisté. Le Conseil de l’Europe observe ici que «certaines législations nationales les autorisent et prévoient un encadrement spécifique». Aucun doute n’est permis : le fil conducteur de toute réflexion sur les décisions relatives aux traitements médicaux doit être le respect de la dignité de la personne et de son autonomie. Pour autant, l’expérience clinique «montre qu’en fin de vie un patient peut être vulnérable et avoir des difficultés à exprimer un avis». Il est aussi des situations où la décision intervient alors que le patient n’est plus en état d’exprimer une volonté. Enfin, dans certains cas, le patient peut exprimer en toute autonomie le souhait légitime de ne pas prendre de décision sur son traitement médical. Dans un tel contexte, mouvant et incertain, le Conseil de l’Europe rappelle que la prise de décision doit être «l’aboutissement d’un processus dynamique et collectif», un processus «permettant de garantir la place centrale du patient en approchant au mieux ce qui aurait été sa volonté s’il avait pu l’exprimer, d’atténuer les biais de la subjectivité inévitable et de ménager autant que possible l’adaptation du traitement en réponse à l’évolution de la situation du patient concerné». Ce guide du Conseil de l’Europe aborde notamment la question de la fin de vie, de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation. C’est là une question qui commence à faire débat en France au décours d’une affaire spectaculaire, dite «affaire Lambert», du nom d’un homme en état pauci-relationnel dont le destin se joue actuellement chez les magistrats du Conseil d’Etat. «Dans un certain nombre de pays, la nutrition et l’hydratation artificielles sont considérées comme des traitements et sont donc susceptibles d’être limitées ou arrêtées dans les conditions et selon les garanties prévues pour les limitations et arrêts de traitement (refus de traitement exprimé par le patient, refus de l’obstination déraisonnable ou d’un traitement disproportionné, évalué par l’équipe soignante et admis dans le cadre d’une procédure collective)», peut-on lire dans ce document. Les auteurs ajoutent : «Toutefois, dans d’autres pays, il est considéré que l’alimentation et l’hydratation artificielles ne sont pas des traitements susceptibles de faire l’objet d’une décision de limitation ou d’arrêt, mais sont des soins répondant à des besoins essentiels de la personne que l’on ne peut arrêter à moins que le patient, en phase terminale de sa fin de vie, en ait exprimé le souhait. La question du caractère approprié, au plan médical, de la nutrition et de l’hydratation en phase terminale est elle-même débattue. Pour certains, elles sont considé- cardiologie Cocaïne récréative : des conséquences cardiaques sous-estimées Infarctus du myocarde, ischémie : les troubles cardiaques sont bien documentés chez les cocaïnomanes. Qu’en est-il pour les consommateurs occasionnels ? Pour la première fois, une étude s’est intéressée aux risques à long terme de ce type de consommations souvent considérées comme peu nuisibles à la santé. Pour les auteurs, les résultats sont alarmants. Les consommateurs occasionnels de cocaïne présentent en effet une augmentation de la rigidité aortique, de la pression artérielle et de la masse ventriculaire gauche directement associée à la durée et à la fréquence de consommation. Or, tous ces paramètres représentent des facteurs de risque cardiovasculaire bien établis. Ces observations proviennent de mesures de résonance magnétique, effectuées sur vingt consommateurs réguliers de cocaïne (une à deux fois par semaine) depuis plus de dix ans pour la grande majorité d’entre eux, et vingt sujets contrôle. Les deux groupes étaient principalement constitués d’hommes âgés respectivement de 37 et 33 ans en moyenne, avec des professions qualifiées et appartenant à une classe sociale aisée. Cette étude, malgré un échantillon limité de participants, lié notamment à la difficulté du recrutement, met donc en évidence les effets négligés de la consommation récréative de drogues dures à long terme. Marina Casselyn Kozor R, Grieve SM, Buchholz S, et al. Regular cocaine use is associated with increased systolic blood pressure, aortic stiffness and left ventricular mass in young otherwise healthy individuals. PLoS One 2014;9:e89710. rées comme nécessaires au confort du patient en fin de vie. Pour d’autres, le bénéfice pour le patient ne va pas de soi.» «Ne pas aller de soi» ? C’est une formule qui convient assez bien à la somme des questions qui sont ici soulevées. Jean-Yves Nau [email protected] 1 Ce guide est disponible à l’adresse suivante : www.coe. int/t/dg3/healthbioethic/conferences_and_symposia/ FDV%20Guide%20Web%20f.pdf Rappelons que le Conseil de l’Europe est la principale organisation de défense des droits de l’homme du continent. Il compte 47 Etats membres, dont 28 sont également membres de l’Union européenne. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé la Convention européenne des droits de l’homme, un traité visant à protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. C’est la Cour européenne des droits de l’homme qui contrôle la mise en œuvre de la Convention dans les Etats membres. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 mai 2014 1093