quitter leur fonction, sont assignés à résidence et soumis à la censure de Rome, ce qui signifie qu’ils doivent demander
la permission pour publier quoi que ce soit, même un compte-rendu.
Leurs livres sont retirés du commerce et des bibliothèques jésuites. C’est une censure très dure, qui va durer 10 ans,
que de Lubac vit très mal. Il est donc très surpris d’apprendre, en 1960, sa nomination à la Commission théologique
préparatoire au concile de Vatican II, commission dans laquelle il retrouve des confrères de la Compagnie dont il pense,
à juste titre, qu’ils ont contribué à le faire condamner. Il est donc à la fois surpris et mal à l’aise, d’autant plus mal à l’aise
que ceux qui représentent sa mouvance d’ouverture sont très minoritaires dans la préparation du concile.
Pourquoi est-il à ce point surpris ? C’est sous Pie XII qu’il est condamné et c’est Jean XXIII qui l’appelle au
concile. Qui était Jean XXIII ? Etait-il acquis à la cause du renouveau de l’Eglise ?
Lorsque Angelo Giuseppe Roncalli, futur Jean XXIII est nonce à Paris, entre 1944 et 1953, il est plutôt de tendance
conservatrice. Ce n’est pas un intellectuel et il est assez peu intéressé par les questions théologiques. Sans doute se
passe-t-il quelque chose dans son parcours. Peut-être ce qu’il a vu en France l’a-t-il fait réfléchir ? Car par la suite, après
avoir été élu pape, à la surprise générale, il convoque le Concile, et tiendra des positions plutôt ouvertes. On ne sait pas
encore très bien comment sont arrivés à la Commission théologique préparatoire des tenants de l’ouverture comme de
Lubac, écarté en 1950, Yves Congar, dominicain écarté en 1954, ou l’Allemand Karl Rahner, grand théologien, qui a une
très bonne formation philosophique.
Les sources offrent deux explications. Selon la première, des théologiens conservateurs auraient souhaité la présence
d’opposants afin que le Concile ne soit pas suspecté d’être ficelé d’avance. Selon la seconde explication, l’initiative de
ces nominations reviendrait au pape lui-même qui aurait expressément demandé leur présence. On ne sait pas si Jean
XXIII connaissait personnellement de Lubac. Dans ses agendas, que j’ai publiés, je n’ai rien trouvé de tel. Pour Congar,
on a dit qu’il avait lu son livre où il l'appelle à évoluer. Mais là encore, je n’ai pas de
Vraie et fausse réforme dans l’Eglise,
traces formelles.
Ce courant très minoritaire va toutefois s’imposer et fortement influencer le concile. A quoi tient ce
retournement de situation ?
On est au début des années 60’. Les sociétés occidentales évoluent à toute allure : conquête de l’espace, tensions
nucléaires, tiers-monde… Des problèmes nouveaux apparaissent, le monde change. Or les premiers textes produits par
les Commissions préparatoires sont fermés, clos sur l’ancien monde. Les pères conciliaires ont très mal reçu ces textes
en décalage complet avec la volonté d’ouvrir l’Eglise au monde, ne tenant pas compte de la place des laïcs, de la
nécessité de déconcentrer le pouvoir, de donner plus de poids aux évêques, etc. Ils sont fortement appuyés par Jean
XXIII lui-même qui, dans son discours d’ouverture, affirme que le Concile ne doit condamner personne mais faire des
propositions pour proposer la foi au monde d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de modifier les dogmes, mais de les présenter
d’une manière plus accessible. Evidemment, le courant majoritaire conservateur a été pris de court. Des évêques qui se
posent des questions, un pape qui les appuie…
Le premier texte problématique qui se présente, texte qui revient en arrière par rapport au concile de Trente, est
repoussé par une majorité des pères conciliaires et Jean XXIII demande qu'il soit refait. Finalement, les théologiens qui
avaient eu des difficultés avec Pie XII sont appelés pour travailler avec les évêques. On dit que c’est un concile des
évêques de l’Europe du Nord, notamment belges, allemands, français, tandis que les italiens et les espagnols étaient
plutôt sur des positions conservatrices. En réalité, il n’y aurait pas eu de majorité progressiste sans l’appui des jeunes
évêques brésiliens, africains, indonésiens… qui pour beaucoup avaient été formés en France ou en Allemagne et étaient
sensibles à ces réflexions, au grand dam de la Propagation de la foi qui les finançait ! Une très large majorité
réformatrice s’est donc dégagée et les conservateurs ont perdu leur avantage. Par exemple, le texte condamnant le
communisme n’a recueilli qu’environ 500 suffrages sur plus de 2500 votants. L’esprit dans lequel travaillait de Lubac
depuis 1920 triomphait.
Le déplacement du centre de gravité de la Congrégation des Messieurs de Lyon au scolasticat de Fourvière est
donc général ?
Oui, cette évolution qui se fait à Lyon se retrouve partout dans le monde mais avec des délais différents et parfois de
manière très rapide voire brutale comme au Canada, en Espagne, ou dans les anciens pays communistes. Lyon est une
sorte de microcosme où l’on trouve beaucoup des tendances représentatives de l’effervescence du temps. On parle de
de Lubac, mais beaucoup d’autres jésuites comme François Varillon, Lucien Fraisse, Pierre Ganne, etc., ont fait passer
ces idées, voire des idées plus audacieuses, auprès d’une jeune génération parfois plus conservatrice qu’eux ! Ils
s’intéressaient aux philosophes, à la littérature, aux courants politiques, bref aux idées contemporaines et cherchaient à
adapter le message de l’Eglise à leur temps. Chez les dominicains, la revue s’inscrit dans ce courant.
Lumière et vie
C’est aussi un temps fort de l’œcuménisme, avec deux centres lyonnais, l’un fondé par les dominicains et l’autre par