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cycle université / LNA#57
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LNA#57 / cycle université
Philippe Lebon, architecture et symbolique néo-classiques,
large convocation de la mythologie grecque et, sommet
d’une laïcité triomphante, accueil et abri républicain des
religions minoritaires, sous les traits de la synagogue (rue
Angellier, 1881) et du temple protestant (place du Temple),
non loin d’une majestueuse bibliothèque de l’Université qui
prend, elle, les figures solennelles d’un autre temple, celui de
la Raison et de la Science. Dans ces lieux, les murs parlent :
les idéologies et les politiques du quart de siècle qui précéda
la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905 se lisent,
à l’époque tout comme aujourd’hui, dans les géométries de
l’espace et dans les dessins des façades.
Le premier de nos anciens étudiants, à partir de 1962, eut
comme enseignants le philosophe Éric Weil (qui réfléchit
Hegel, dans le sillage d’Alexandre Kojève et de son séminaire
de l’École Pratique des Hautes Études sur la Phénoménologie
de l’esprit, renouvelant la lecture de Hegel en France ;
co-fondateur, en 1946, de la revue Critique avec Georges
Bataille), Weil qui dirigeait, à la Faculté des Lettres de la rue
Angellier, les études de philosophie ; mais, aussi, le jeune
sociologue Pierre Bourdieu, que Weil a fait venir à Lille en
1961 (de la Sorbonne où il était, à son retour d’Alger en
1960, assistant de Raymond Aron 5). Et notre étudiant fut
5 - Weil (1904-1977, qui a enseigné la philosophie à Lille de 1956 à 1968) : « Je
veux imposer la sociologie à Lille, il me faut un normalien ». - Aron, alors à la Sor-
bonne : « Je ne veux pas m’opposer à la carrière de Pierre Bourdieu ». (Témoignage,
en novembre 2010, de Jean-René Tréanton, alors maître-assistant en charge de
l’enseignement de la sociologie dans le cadre de la licence de philosophie, à tra-
vers un certificat de « morale et sociologie » – il n’y a pas encore de licence de
sociologie – associé à la recherche de ce « normalien ». En octobre 1977,
neuf mois après la mort d’Éric Weil, Jean-René Tréanton lui dédie, en tant que
« Philosophus inter pares, Amicus sociologiae et Liliensis corde », un numéro de la
Revue française de sociologie entièrement composé d’articles de sociologues lillois,
dont Claude Dubar, François Gresle, Jean-Paul Tricard et Jean-Pierre Lavaud).
Pierre Bourdieu enseigna à la Faculté des Lettres de Lille de la rentrée univer-
sitaire de 1961 jusqu’à sa nomination à l’École Pratique des Hautes Études en
1964. Les Héritiers. Les étudiants et la culture, l’ouvrage cosigné avec Jean-Claude
Passeron, paru en 1964, doit beaucoup à sa fréquentation et à son dialogue avec
les étudiants lillois (qu’il constitue aussi, pour ce livre, en GTU « Groupes de
travail universitaire » sur « l’interconnaissance chez les étudiants » et « une tenta-
tive d’intégration »), mais aussi avec ses collègues de Lille. Un groupe de travail,
qui avait réuni les sociologues BOUrdieu, PAsseron, REYnaud et TREanton,
avait contribué en mai-juin 1964 à un numéro de la revue Esprit sur l’Univer-
sité (Faire l’Université. Dossier pour la réforme de l’enseignement supérieur), sous
le pseudonyme collectif d’Émile Boupareytre (« L’universitaire et son Université »),
avant que, au lendemain de la parution des Héritiers, les deux premiers ne
s’éloignent des deux autres.
À Lille, en philosophie, enseigne également Suzanne Bachelard, mais qui a peu
étudié les travaux d’épistémologie de son père, de sorte que c’est Bourdieu, qui
prépare aussi Le métier de sociologue (1968), qui est le premier à parler de Bache-
lard et de Canguilhem aux étudiants de Lille ; Bourdieu qui est également très
un de ces nombreux transfuges qui lâchèrent Éric Weil,
« partant de la philosophie dans la valise de Pierre Bourdieu
pour faire de la sociologie ». Il était, dans cette période de
forte politisation du monde étudiant sous les effets de
la guerre d’Algérie, contre les partis et les gouvernements
qui ont engagé le pays dans cette guerre, responsable du
cercle de philosophie des étudiants communistes, qui ne
tarderaient pas à être touchés par la scission, à la veille de
mai 68, précisément dans les années 1966 et 1967, entre
orthodoxes prosoviétiques (PCF et Comité Vietnam national)
et jeunes marxistes-léninistes (UJCML 6 et Comités
Vietnam de Base).
Le second de nos anciens étudiants, de 1960 à 1965, eut
comme professeurs, à la Faculté des Sciences de la place
Philippe Lebon, le mathématicien Michel Parreau et
le physicien Jacques Tillieu, qui furent, successivement et
respectivement, les doyens créant les collèges scientifiques
universitaires étendant la Faculté des Sciences de Lille dans
la région (Calais, Valenciennes, Amiens et Saint-Quentin),
puis réalisant le déménagement de cette faculté du centre
de Lille à Annapes. Il incarne, lui, l’engagement politique
dans la dimension du syndicalisme étudiant de l’époque,
puisqu’il fut un responsable de l’UNEF (une UNEF dans
toute sa force, avant qu’elle ne connaisse, elle aussi, le pro-
cessus de la scission entre communistes et trotskistes) et de
l’AGEL (Association Générale des Étudiants de Lille, extrê-
mement organisée et très intervenante).
Soient deux groupes d’étudiants d’aujourd’hui, étudiants
en sciences humaines à la Cité Scientifique de « Lille 1
- Sciences et Technologies » : un groupe d’étudiants en socio-
logie de niveau Mastère première année, un groupe d’étu-
diants en ethnologie de niveau Licence troisième année.
Bacheliers 2007 ou 2008, donc. Faisons-les rencontrer nos
bacheliers du début des années soixante, l’ancien étudiant en
philosophie – en décembre 2010, pour les étudiants de M1
sociologie –, et l’ancien étudiant en physique – en février
2011, pour les étudiants de L3 ethnologie – dans une salle
d’un bâtiment de physique attribuée aux sociologues et eth-
nologues (c’est Lille 1).
proche, à Lille, des grands hellénistes que sont Jean Bollack, Mayotte Bollack
et Heinz Wismann. En psychologie sociale viendra aussi Robert Castel ; et en
sociologie, plus tard, Christian Baudelot.
6 Union des Jeunesses Communistes Marxistes - Léninistes.
Bibliothèque Universitaire,
Cité Scientifique, Université Lille 1