LNA#57 / cycle université De l’état actuel de l’Université [1] Par Jacques LEMIÈRE * Maître de conférences - agrégé de sciences sociales Institut de sociologie et d’anthropologie, Université Lille 1 Soit le début d’une chronique sur l’état actuel de l’Université en général, qui, on le sait, n’est pas bon du tout. Et commençons par y saisir une Université particulière, l’Université Lille 1, dans ses origines comme dans certains éléments de son temps social et de son espace social. T emps social, avec une séquence de quarante ans, qui correspond à son existence séparée de l’Université de Lille (telle que créée en 1896), sous les effets de la loi Edgar Faure qui en fit, en 1970, l’une des trois nouvelles Universités publiques lilloises : ce changement statutaire s’accompagnait de l’accueil, inédit dans une Université de sciences exactes, et très original en France, de trois disciplines, chacune préoccupée, dans la foulée de Mai 68, de s’émanciper de leurs tutelles respectives, et bien davantage pour des raisons politiques et idéologiques que pour des raisons scientifiques (même si celles-ci ont pu, dans le discours, être invoquées) : la géographie s’émancipant de l’histoire, l’économie s’émancipant du droit et des sciences politiques (abandonnant à Lille 2 le droit, la médecine et la pharmacie, dans une sorte d’entre-soi des professions libérales), et la sociologie de la philosophie 1. Espace social, avec son basculement sur ce campus de périphérie, né, dans les années 1960, de l’« ex-urbanisation » de la Faculté des Sciences de Lille, alors invitée à quitter le centre de la ville pour les terres arables d’Annapes, dans un contexte de forte croissance des effectifs étudiants 2, et en lien à un plan d’urbanisation nouvelle, dit de Lille Est, conforme aux visions de l’époque (aménagement du territoire, « grandes métropoles d’équilibre », grands espaces définis par leur fonction, bâtiments modernes), qui commença donc par une nouvelle Faculté des Sciences, ouvrant ses portes en 1967, et s’acheva par l’édification d’une « ville nouvelle », Villeneuve d’Ascq 3. Arrêtés ministériels du 18 décembre 1969, créant les universités lilloises, et du 20 janvier 1970, approuvant les statuts de l’Université des Sciences et Techniques de Lille, dite Lille 1. La sociologie est la seule de ces trois disciplines qui n’est pas encore accueillie officiellement dans la constitution de Lille 1 par l’arrêté du 18 décembre ; inversement, la psychologie, qui y figure, rejoindra de fait Lille 3. 1 En cinq ans, entre 1954 et 1959, les effectifs de la seule Faculté des Sciences plus que doublent, de 1600 étudiants à 3381. Les étudiants de sciences seront 5476 en 1964 : ils n’étaient que 436 en 1947. 2 3 Lille-Annapes n’est pas exactement le cas de Nanterre-La Folie, où le projet de nouveau campus parisien trouve son point de chute dans « un petit terrain militaire à l’ouest de Paris » dont dispose le Ministre des Armées de l’époque, Pierre Messmer, et qu’il refile à son collègue de l’Éducation nationale, Christian Fouchet, sans que le campus ne soit inscrit dans une planification urbaine d’ensemble : « On ne parle pas d’ intégration du campus dans un plan de développement régional, du milieu urbain, des moyens de transport » (L’explosion de mai. 4 Relation aux études et sociabilités étudiantes : collision des espaces-temps [1] Soient deux anciens étudiants des années 60 (celles d’avant Mai 68) – l’un en philosophie, l’autre en physique – dans le « quartier latin laïc » de Lille, ce quartier, aujourd’hui vidé de ses fonctions universitaires et de ses étudiants, que, quand la jeune Troisième République réorganisait l’Université française, la municipalité de Lille, sous la conduite des républicains (sous le mandat de Géry Legrand), puis des socialistes (sous le mandat de Gustave Delory), créa de toutes pièces, pour concurrencer la toute naissante Faculté catholique (1877) et son « quartier latin chrétien », de sorte à attirer dans la capitale des Flandres les Facultés de l’Université de Douai (dont les origines remontent à une fondation, en 1562, par Philippe II d’Espagne, et ne devenant française qu’en 1712) 4. Dans le quartier latin chrétien Vauban, architecture et symbolique néo-gothiques à tous les étages, emblèmes des milieux catholiques en lutte contre la laïcisation de l’enseignement menée par les autorités municipales et gouvernementales. Chez son rival, le quartier latin laïc de la place Histoire complète des événements, Lucien Rioux et René Backmann, éd. Robert Laffont, 1968). Toutefois, les « annapiens », comme on les nomme à l’époque (les premiers « annapiens », les « annapiens » de l’Annapes des bâtiments provisoires, ont été les étudiants des années de propédeutique et des premières années d’économie, années dont les effectifs étaient les plus nombreux) commenceront par venir en bottes à l’Université, et les usagers de la Cité Scientifique devront attendre le printemps 1984 pour disposer, avec le métro VAL, d’un mode de transport fonctionnel et rapide, en lieu et place des bus qui les brinqueballent de la place des Buisses à la Cité Scientifique, en passant par Fives, Hellemmes et « par tous les villages ». En 1854, quand ré-ouvre l’Université de Douai qui a été fermée par le gouvernement de la Restauration, Lille n’a qu’une seule Faculté, la Faculté des Sciences, créée la même année par décret impérial, et dont Louis Pasteur fut le premier doyen. Les Facultés de Médecine, Droit et Lettres sont à Douai. La Faculté des Lettres est transférée de Douai à Lille par un décret de 1887. La Faculté de Droit et de Lettres de la rue Angellier est achevée en 1892. L’ensemble nouveau de la Faculté des Sciences, place Philippe Lebon, est achevé en 1886 (à sa création, en 1854, la Faculté des Sciences était établie dans un ancien couvent, sur le site de l’ancien Lycée Faidherbe, aujourd’hui disparu). Le déménagement complet de la Faculté des Sciences du centre de Lille à la Cité Scientifique ne sera effectif qu’au début de l’année 1968 « quand le recteur Debeyre fit couper l’eau et l’ électricité dans les bâtiments de la place Philippe Lebon ». Les Lettres et le Droit ne rejoignirent le campus du Pont de Bois qu’en 1970, avec l’application de la loi Faure et le découpage de l’Université de Lille en trois Universités publiques. 4 cycle université / LNA#57 Bibliothèque Universitaire, Cité Scientifique, Université Lille 1 Philippe Lebon, architecture et symbolique néo-classiques, large convocation de la mythologie grecque et, sommet d’une laïcité triomphante, accueil et abri républicain des religions minoritaires, sous les traits de la synagogue (rue Angellier, 1881) et du temple protestant (place du Temple), non loin d’une majestueuse bibliothèque de l’Université qui prend, elle, les figures solennelles d’un autre temple, celui de la Raison et de la Science. Dans ces lieux, les murs parlent : les idéologies et les politiques du quart de siècle qui précéda la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905 se lisent, à l’époque tout comme aujourd’hui, dans les géométries de l’espace et dans les dessins des façades. un de ces nombreux transfuges qui lâchèrent Éric Weil, « partant de la philosophie dans la valise de Pierre Bourdieu pour faire de la sociologie ». Il était, dans cette période de forte politisation du monde étudiant sous les effets de la guerre d’Algérie, contre les partis et les gouvernements qui ont engagé le pays dans cette guerre, responsable du cercle de philosophie des étudiants communistes, qui ne tarderaient pas à être touchés par la scission, à la veille de mai 68, précisément dans les années 1966 et 1967, entre orthodoxes prosoviétiques (PCF et Comité Vietnam national) et jeunes marxistes-léninistes (UJCML 6 et Comités Vietnam de Base). Le premier de nos anciens étudiants, à partir de 1962, eut comme enseignants le philosophe Éric Weil (qui réfléchit Hegel, dans le sillage d’Alexandre Kojève et de son séminaire de l’École Pratique des Hautes Études sur la Phénoménologie de l’esprit, renouvelant la lecture de Hegel en France ; co-fondateur, en 1946, de la revue Critique avec Georges Bataille), Weil qui dirigeait, à la Faculté des Lettres de la rue Angellier, les études de philosophie ; mais, aussi, le jeune sociologue Pierre Bourdieu, que Weil a fait venir à Lille en 1961 (de la Sorbonne où il était, à son retour d’Alger en 1960, assistant de Raymond Aron 5). Et notre étudiant fut Le second de nos anciens étudiants, de 1960 à 1965, eut comme professeurs, à la Faculté des Sciences de la place Philippe Lebon, le mathématicien Michel Parreau et le physicien Jacques Tillieu, qui furent, successivement et respectivement, les doyens créant les collèges scientifiques universitaires étendant la Faculté des Sciences de Lille dans la région (Calais, Valenciennes, Amiens et Saint-Quentin), puis réalisant le déménagement de cette faculté du centre de Lille à Annapes. Il incarne, lui, l’engagement politique dans la dimension du syndicalisme étudiant de l’époque, puisqu’il fut un responsable de l’UNEF (une UNEF dans toute sa force, avant qu’elle ne connaisse, elle aussi, le processus de la scission entre communistes et trotskistes) et de l’AGEL (Association Générale des Étudiants de Lille, extrêmement organisée et très intervenante). - Weil (1904-1977, qui a enseigné la philosophie à Lille de 1956 à 1968) : « Je veux imposer la sociologie à Lille, il me faut un normalien ». - Aron, alors à la Sorbonne : « Je ne veux pas m’opposer à la carrière de Pierre Bourdieu ». (Témoignage, en novembre 2010, de Jean-René Tréanton, alors maître-assistant en charge de l’enseignement de la sociologie dans le cadre de la licence de philosophie, à travers un certificat de « morale et sociologie » – il n’y a pas encore de licence de sociologie – associé à la recherche de ce « normalien ». En octobre 1977, neuf mois après la mort d’Éric Weil, Jean-René Tréanton lui dédie, en tant que « Philosophus inter pares, Amicus sociologiae et Liliensis corde », un numéro de la Revue française de sociologie entièrement composé d’articles de sociologues lillois, dont Claude Dubar, François Gresle, Jean-Paul Tricard et Jean-Pierre Lavaud). Pierre Bourdieu enseigna à la Faculté des Lettres de Lille de la rentrée universitaire de 1961 jusqu’à sa nomination à l’École Pratique des Hautes Études en 1964. Les Héritiers. Les étudiants et la culture, l’ouvrage cosigné avec Jean-Claude Passeron, paru en 1964, doit beaucoup à sa fréquentation et à son dialogue avec les étudiants lillois (qu’il constitue aussi, pour ce livre, en GTU « Groupes de travail universitaire » sur « l’interconnaissance chez les étudiants » et « une tentative d’intégration »), mais aussi avec ses collègues de Lille. Un groupe de travail, qui avait réuni les sociologues BOUrdieu, PAsseron, REYnaud et TREanton, avait contribué en mai-juin 1964 à un numéro de la revue Esprit sur l’Université (Faire l’Université. Dossier pour la réforme de l’enseignement supérieur), sous le pseudonyme collectif d’Émile Boupareytre (« L’universitaire et son Université »), avant que, au lendemain de la parution des Héritiers, les deux premiers ne s’éloignent des deux autres. À Lille, en philosophie, enseigne également Suzanne Bachelard, mais qui a peu étudié les travaux d’épistémologie de son père, de sorte que c’est Bourdieu, qui prépare aussi Le métier de sociologue (1968), qui est le premier à parler de Bachelard et de Canguilhem aux étudiants de Lille ; Bourdieu qui est également très 5 Soient deux groupes d’étudiants d’aujourd’hui, étudiants en sciences humaines à la Cité Scientifique de « Lille 1 - Sciences et Technologies » : un groupe d’étudiants en sociologie de niveau Mastère première année, un groupe d’étudiants en ethnologie de niveau Licence troisième année. Bacheliers 2007 ou 2008, donc. Faisons-les rencontrer nos bacheliers du début des années soixante, l’ancien étudiant en philosophie – en décembre 2010, pour les étudiants de M1 sociologie –, et l’ancien étudiant en physique – en février 2011, pour les étudiants de L3 ethnologie – dans une salle d’un bâtiment de physique attribuée aux sociologues et ethnologues (c’est Lille 1). proche, à Lille, des grands hellénistes que sont Jean Bollack, Mayotte Bollack et Heinz Wismann. En psychologie sociale viendra aussi Robert Castel ; et en sociologie, plus tard, Christian Baudelot. 6 Union des Jeunesses Communistes Marxistes - Léninistes. 5 LNA#57 / cycle université Alors, dans une véritable collision des espaces-temps, les étudiants entendent des choses pour eux stupéfiantes, dans les récits par lesquels ces prédécesseurs, décidément bien lointains et exotiques, redonnent vie à ce qu’étaient leur relation aux études et la sociabilité étudiante à l’œuvre dans cette séquence 1961-1968, dans ce lieu urbain qu’était le quartier Philippe Lebon. Ils y entendent que « les frontières disciplinaires n’y avaient pas grand sens entre étudiants de sciences, étudiants de lettres, étudiants de l’ école d’ ingénieurs (l’Institut industriel du Nord) ou des Arts et Métiers » ; que les cafés du quartier, qui se faisaient face, aux angles de la rue Nicolas Leblanc avec la place Philippe Lebon (« La Source », l’actuel « Matignon » et le café des sœurs Crinquette, aujourd’hui disparu) sont alors des lieux de rencontre in-disciplinaires, littéraires et scientifiques confondus, et que « la conception d’un campus cloisonné en disciplines, d’une logique disciplinaire de l’espace n’adviendra qu’avec la conception architecturale et urbanistique de la Cité Scientifique » ; que « les éléments majeurs de clivage étaient politiques (les prises de position sur la guerre d’Algérie qui, vers sa fin, jouait un rôle énorme, puis, après 1962, sur la guerre du Vietnam », mais aussi « cinéphiliques, les goûts en matière de cinéma étant facteur de regroupement, dans une atmosphère de cinéphilie exacerbée où, à cette époque, le cinéma avait remplacé le roman, comme Badiou le fait justement remarquer dans des commentaires délivrés en marge de son livre Cinéma 7, où le cinéma, passion centrale, « voisinait avec des lectures qui n’ étaient que des lectures théoriques » ; que la vie sociale et politique étudiante, outre les cafés (« on travaillait beaucoup au bistrot »), avait un centre névralgique situé au début de la rue de Valmy 8, l’ « U1 » (« le vrai cœur de la vie étudiante de l’ époque, c’ était l’U1 »), avec son restaurant (en convention avec le CROUS, mais entièrement géré par l’AGEL), son bar, son imprimerie, où, outre des polycopiés de cours et une infinitude de tracts, s’imprimait le « Lille-Université » (ou « Lille-U »), avec ses soirées culturelles et musicales, entièrement organisées par les étudiants (« la culture était gérée par les étudiants eux-mêmes » : le théâtre, le ciné-club, les concerts de jazz), avec ses fabrications et ses distributions de tracts sur les sujets qui fâchent, avec 7 Nova éditions, Paris, 2010, recueil des articles publiés, sur le cinéma, par Alain Badiou entre 1957 et 2010. « L’U1 » traversa les années 1970 dans une atmosphère de scissions syndicales, puis fut détruit, c’est-à-dire rasé par le Maire de Lille, Pierre Mauroy, bien que n’appartenant pas à la Ville. 8 6 aussi ses « gardes de l’U », gardes « militaires » contre les coups de l’extrême-droite et les plasticages de l’OAS 9, avec les manifestations qui partent de l’U1 ou qui se terminent à l’U1 ; que, dans tout un cursus d’études de philosophie et de sociologie, « on ne pouvait avoir, finalement, étudié pratiquement qu’une seule question, rapportée au débat entre marxisme et structuralisme, entre Marx et Lévi-Strauss » ; qu’on pouvait croiser un doyen vous faisant remarquer malicieusement « vous avez toujours un livre sous le bras mais ce livre, à coup sûr, n’est pas au programme » ; que la préoccupation de l’emploi, après les études, était absente du temps des études ; qu’on « avait une vie intellectuelle très déconnectée des programmes de fac », qu’ il « ne fallait pas payer le diplôme plus cher que nécessaire », mais qu’on considérait que « dès lors qu’on lisait, on bossait », d’où que « la vénérable » Bibliothèque, « sa salle de lecture extraordinaire, dont on respectait le silence, alors que le moindre bruit s’y entendait » était « un lieu plus important que la Fac » ; que la librairie Meura était « ce lieu, extrêmement sympathique, où on trouvait des livres rares, où le libraire faisait des recherches, où on allait préparer des devoirs, carnet en main », « la seule librairie qu’on ne volait pas » ; qu’on pouvait aller suivre les cours de marxisme que Michel Simon, un des fondateurs de l’Institut de sociologie 10 donnait le soir au local de l’UEC 11, rue du Barbier Maes ; que Bourdieu, qui ne restait généralement pas sur Lille, pouvait offrir à un étudiant le billet aller et retour Lille-Paris pour poursuivre avec lui une conversation qui durerait donc les deux heures et demie du train de l’époque (« tout ce que vous lui donniez revenant trois semaines plus tard transformé en du Bourdieu, plus rien ne vous appartenant plus ») ; et que le même Bourdieu refusait toute question des étudiants à l’issue de ses cours, n’acceptant des questions écrites qu’après que ses étudiants les aient médités pendant la semaine suivante 12 ; que les militants, à coup sûr, n’étaient pas en mesure de passer leurs examens en juillet, et qu’une quarantaine d’étudiants, tous maîtres d’internat ou surveillants d’externat, ne pouvant être prêts 9 Organisation Armée Secrète. 10 À la Cité Scientifique de Lille 1, en 1970, avec Jean-René Tréanton, sociologue, et Jacques Lombard, ethnologue. Union des Étudiants Communistes. 11 De quoi rendre Bourdieu méconnaissable à ceux qui, ne connaissant son œuvre que par la vulgate qui en est issue, se méprennent sur le sens de sa pensée de l’éducation et du système éducatif. 12 cycle université / LNA#57 pour les examens de juillet, passaient tout l’été, en groupe, préparant leurs examens de septembre, restant travailler à la Bibliothèque universitaire qui fermait à peine, un restau-U restant également ouvert pendant l’été, « avec un plaisir fou de vivre la ville vide », ce qui, de fait, distinguait les étudiants entre « juilletistes » et « septembristes » ; qu’alors on ne distribuait pas des journaux gratuits à la porte de l’U1 ou à la gare, mais qu’on y vendait « Le Monde » (« et qu’un étudiant pouvait gagner 10 centimes par numéro – le journal en coûtant 30 à l’ époque – s’ il en était un vendeur ») ; et que ce sévère quotidien était lu par les étudiants, et pas seulement vendu par certains d’entre eux, qu’il était donc « le journal des étudiants » puisqu’un étudiant de sociologie, à qui Bourdieu faisait chercher des statistiques sur la présence habitante des étudiants dans tel quartier, avait découvert que le chiffre des ventes du « Monde » dans ce quartier « pouvait en être un bon indicateur, petit indicateur bricolé, dès lors que les autres lecteurs, qui étaient les profs, y étaient abonnés »… D’où une fascination non exempte de trouble, chez les étudiants actuels, devant ces prédécesseurs qui « se sentaient plus soustraits à la société que les étudiants d’aujourd’ hui ne le sont » et qui, s’adressant à ces derniers, ont alors eu « plus l’ impression de parler d’un moment que d’un lieu, un moment pris entre la guerre d’Algérie et Mai 68, un moment très politique ». (À suivre) * [email protected] Merci, pour leurs témoignages, à Jean-René Tréanton, Gérard Engrand et Bernard Maitte ; et, pour avoir reçu ces deux derniers, aux étudiant(e)s des promotions 2010-2011 des cours de « Outils et pratiques audiovisuels » (M1, sociologie) et « Théories, auteurs et méthodes » (L3, ethnologie). Ancienne Bibliothèque Universitaire, devenue Maison de l'Éducation Permanente, Lille 7