Décès de François Gresle
C'est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès, à l'âge de 67 ans, de notre
collègue et ami François Gresle, emporté par la maladie dont il souffrait depuis longtemps.
Parmi les sociologues de sa génération, au sein d'une sociologie du travail dominé par les
recherches portant sur le salariat et le monde ouvrier, les agriculteurs s'agissant des
travailleurs indépendants, il est le seul à s'être intéressé au petit patronat qui a fait l'objet de sa
thèse d'Etat soutenue en 1978 à la Sorbonne. Cette thèse, publiée en 1981 aux Presses
Universitaires de Lille sous le titre L'univers de la boutique. Famille et métier chez les petits
patrons du Nord, 1920-1975), demeure une référence majeure de la sociologie du travail.
Commencée à Lille, sa carrière s'est poursuivie à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
où il fut, de nombreuses années, un professeur apprécié par ses collègues et, plus important
sans doute, par ses étudiants. Infatigable lecteur, il possédait une rare connaissance de
l'histoire de la discipline comme en témoignent les deux tomes, plusieurs fois réédités, de son
Histoire de la sociologie rédigés en collaboration avec Charles-Henri Cuin. Il a également été,
parmi d'autres responsabilités, membre du comité de rédaction de la Revue Française de
Sociologie. Fortement investi dans le rayonnement et la défense de notre discipline, il ne s'est
jamais laissé enfermer dans une approche théorique restrictive ou dans une étroite
spécialisation. Passionné par l'histoire militaire, il fut un des pionniers en France, non sans
difficulté, à militer contre les préjugés pour une reconnaissance légitime de l'étude
sociologique des objets relatifs aux armées. Outre ses écrits, dont Le service national (PUF,
Que Sais-Je) et La "société militaire" : son devenir à la lumière de la professionnalisation
(RFS, 2003/4, Vol. 44), ainsi que la direction de l'ouvrage Sociologie du milieu militaire
(L'Harmattan), il a été à l'origine de diverses initiatives - séminaire thématique de DEA, relais
avec le ministère de la Défense, création d'un RT de l'Association Française de Sociologie,
etc. - qui ont contribué avec d'autres à ouvrir progressivement une voie pour la réalisation,
aujourd'hui devenue courante, de travaux sur les militaires, leur institution et les multiples
problématiques qui leur sont attachées. Il avait un caractère et des convictions affirmés.
Toutefois, ceux qui l'ont connu de manière privilégiée, ses doctorants notamment, peuvent
témoigner de sa générosité, de sa gentillesse, de sa profonde humanité tout autant que de sa
rectitude morale et intellectuelle. Au-delà d'une fin de carrière rendue particulièrement
douloureuse en raison des effets du terrible mal contre lequel il luttait avec dignité et
discrétion, domine le sentiment d'une sincère gratitude mêlée d'estime de la part de tous ceux
à qui il a tant donné. Notre communauté présente ses condoléances à sa famille et s'associe à
sa douleur.