La prise en charge des patients susceptibles d`être dangereux

Inspection générale de
l’administration
N°06-019-01
Inspection générale des
services judiciaires
N°06/06
Inspection générale des
affaires sociales
N°2006 020
La prise en charge des patients
susceptibles d’être dangereux
Ramiro RIERA Simon BABRE
Membres de l’Inspection générale de l’administration
Joëlle BOURQUARD Françoise THOMAS
Membres de l’Inspection générale des services judiciaires
Gérard LAURAND Alain LOPEZ
Membres de l’Inspection générale des affaires sociales
- FEVRIER 2006 -
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Résumé du rapport IGA n° 06-19-01, présenté par Simon BABRE et Ramiro RIERA, membres de l’inspection
générale de l’administration, IGSJ n° 06/06, présenté par Joëlle BOURQUARD et Françoise THOMAS,
membres de l’inspection générale des services judiciaires et IGAS n° 2006 020, présenté par Gérard LAURAND
et Docteur Alain LOPEZ, membres de l’Inspection générale des affaires sociales.
IGA / IGSJ / IGAS La prise en charge des patients susceptible d’être dangereux Février 2006
I. La dangerosité est une notion aux contours flous difficile à cerner et se prêtant mal à la
mesure. Elle est éclairée par des faits, mais relève aussi du risque. Les patients dangereux
constituent une population indéfinie, très dispersée. La maladie mentale peut expliquer
certains actes criminels, mais elle ne conduit pas forcément à avoir une attitude dangereuse
pour autrui ou pour soi-même.
Le souci d’une sécurité des citoyens et le droit des victimes, toujours plus absolus, ont
modifié le regard que porte la société sur les risques dus aux comportements de patients
dangereux. Les lieux et les circonstances du danger sont multiples qu’il s’agisse des services
d’urgences des établissements de santé, des services de psychiatrie, des cabinets médicaux,
des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, des juridictions, des prisons, de la voie
publique ou encore du domicile.
Alors même que les professionnels qui prennent en charge ces patients ont un sentiment
marqué d’une insécurité grandissante, la réalité de cette dangerosité n’est pas toujours
démontrée. Les différentes institutions (police, gendarmerie, justice, hôpitaux…) possèdent
des systèmes d’information qui leur sont propres. Mais ceux-ci sont peu utilisables pour
qualifier la dangerosité des patients et son évolution. Dans les hôpitaux les comportements
indésirables sont en progression sans qu’il soit prouvé que les violences à l’encontre des
personnels aient crû de manière significative. Les interventions des services de police et de
gendarmerie sont plus nombreuses, la Justice est également confrontée à ce sentiment
d’insécurité et les établissements pénitentiaires doivent prendre en charge un nombre élevé de
détenus présentant des troubles mentaux. Certes, les institutions comme les professionnels
paraissent moins tolérants devant les incivilités et la violence, pour autant le nombre des
plaintes reste limité.
II. En revanche, les facteurs de risque liés à cette dangerosité sont davantage repérables.
Ils tiennent d’abord à la défaillance des solidarités sociales et des dispositifs de prévention.
L’expression de la violence, sous toutes ses formes et en tous lieux, est le reflet de l’évolution
de la société. Plus nombreux à l’extérieur de l’hôpital que dans les services d’hospitalisation,
bon nombre de malades mentaux vivent chez leurs parents. Les familles sont souvent en
difficultés, devant vivre en permanence avec un proche aux réactions imprévisibles. Dans un
tel contexte, force est de constater que le soutien aux familles est insuffisant. Quand des
personnes présentant des troubles psychiatriques sont hébergées en secteur médico-social ou
social, le défaut manifeste de liaison avec le sanitaire met en situation difficile les
responsables de ces structures d’accueil.
L’appréciation de la dangerosité est une démarche complexe. Dans de nombreux pays, des
outils d’évaluation sont utilisés. Ils posent la question de la possibilité de prévoir
scientifiquement les conduites humaines. La France privilégie la démarche clinique qui a
l’inconvénient d’être subjective. L’expertise judiciaire est l’un des outils de mesure de la
dangerosité. Elle est déterminante pour évaluer la responsabilité et pour fixer la peine. Pour
autant, la situation de l’expertise psychiatrique est critique : faible nombre des experts
psychiatres, allongement du délai de dépôt des rapports, baisse de la qualité des expertises,
modicité de la rémunération de l’expert.
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Résumé du rapport IGA n° 06-19-01, présenté par Simon BABRE et Ramiro RIERA, membres de l’inspection
générale de l’administration, IGSJ n° 06/06, présenté par Joëlle BOURQUARD et Françoise THOMAS,
membres de l’inspection générale des services judiciaires et IGAS n° 2006 020, présenté par Gérard LAURAND
et Docteur Alain LOPEZ, membres de l’Inspection générale des affaires sociales.
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Par ailleurs, le centre national d’orientation (CNO) participe à la détection, au diagnostic et au
choix de la prise en charge médicale des condamnés atteints de troubles mentaux. En dépit de la
qualité de sa prestation technique, il rencontre des difficultés, notamment de gestion des flux, qui
nuisent à son efficacité.
La prise en compte de la dangerosité des patients hospitalisés sous contrainte fait souvent
l’objet de décisions contestables. La facilité pousse à recourir très souvent à la procédure
d’hospitalisation à la demande d’un tiers alors que l’hospitalisation d’office s’imposerait
(troubles compromettant la sûreté des personnes, atteinte grave à l’ordre public). Ce choix
prive, par la suite, le représentant de l’Etat de l’exercice plein et entier de sa responsabilité. Il
est démuni face à des sorties d’essai, ou des sorties accompagnées, accordées pour de tels
patients et dont les régimes juridiques sont insuffisamment définis.
Ces facteurs tiennent ensuite à la défaillance des réponses institutionnelles.
Les institutions sont en état de « surchauffe ». Les hôpitaux sont en suractivité, notamment les
services d’urgence. Des sorties de patients, hospitalisés dans des services de psychiatrie aux
files actives en augmentation, peuvent être prématurées. La situation est d’autant plus
préoccupante que les moyens budgétaires contraints, et les effets de l’ARTT, induisent un
ratio personnel/malade en diminution.
Les prisons sont surpeuplées, notamment les maisons d’arrêt. Les personnels de surveillance
sont en difficultés pour encadrer une population toujours plus nombreuse, en perte de repères
et désocialisée. La justice est de plus en plus sollicitée. Les services de police et de
gendarmerie sont tirés « à hue et à dia », et de plus en plus conduits à assumer un rôle de
régulation sociale.
Les conditions d’accueil et de prise en charge des patients susceptibles de présenter des
risques de dangerosité sont critiquables. Les locaux en psychiatrie sont en partie inadaptés
avec des conséquences négatives sur le comportement des patients. Par ailleurs, la dispersion
des structures de soins dans la cité multiplie les petites équipes soignantes isolées.
Malgré d’importants efforts de modernisation et de restructuration, le parc pénitentiaire reste
quant à lui partiellement vétuste. Cet état, ajouté à la surpopulation carcérale de certaines
maisons d’arrêt, est difficilement conciliable avec les plus élémentaires normes d’hygiène.
L’usage des chambres d’isolement en psychiatrie est de plus en plus banalisé, sans nécessité
médicale obligée, notamment en ce qui concerne les détenus hospitalisés. Les unités
d’hospitalisations sont le plus souvent fermées.
Dans ce contexte, les mesures de sécurité excessives auxquelles on assiste peuvent dégrader la
qualité des soins, mais aussi accroître les risques d’atteinte aux libertés et paradoxalement les
risques de dangerosité.
Les facteurs de risque sont aussi liés à la situation de fragilité dans laquelle se trouvent les
professionnels. Dans les hôpitaux, le constat porte sur une moindre cohésion des équipes, le
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décalage manifeste entre les qualifications exigées et les aptitudes requises sur le terrain. En
particulier, la formation des infirmiers diplômés d’état en psychiatrie est mise en cause.
Le personnel surveillant des prisons est souvent en difficultés pour gérer les relations avec les
détenus présentant des troubles mentaux. Il n’est pas formé pour cela. Les personnels des
services pénitentiaires d’insertion et de probation rencontrent aussi des problèmes pour suivre
des personnes ayant des troubles mentaux. Ils ne disposent que de peu d’informations de la
part du personnel soignant et se heurtent au secret médical. Enfin, l’obligation de soins
ordonnée par le juge se révèle d’une efficacité relative.
La plupart des institutions s’interrogent sur les évolutions sociologiques de leur personnel :
renouvellement rapide des générations avec la crainte d’une perte d’expérience collective,
féminisation accrue.
Le cadre d’exercice des soignants est actuellement instable. Les principes auxquels obéissent
la gestion des secteurs de psychiatrie, leur organisation et les pratiques médicales ne sont plus
suffisamment lisibles. Cela peut expliquer une augmentation des risques. Une des difficultés
majeures réside dans les incertitudes sur l’avenir du secteur psychiatrique. D’autre part, la
discipline médicale psychiatrique traverse une période de flottement sur le plan de la théorie
et des pratiques. Cette situation désoriente les équipes soignantes et n’est pas sans
conséquence sur leur aptitude à traiter des situations difficiles.
Au terme de ses travaux, la mission aboutit à deux conclusions. La première est qu’il
n’existe plus de consensus social sur la prise en charge des patients dangereux présentant des
troubles mentaux. La seconde est que si des mesures de protection sont nécessaires, elles
doivent être situées dans une stratégie globale seule capable d’agir sur les facteurs de risques.
III. En conséquence, les propositions de la mission se déclinent en trois axes :
1. Mieux organiser les soins
¾ La sectorisation psychiatrique est à redéfinir, en revenant à ses principes tout en
s’adaptant aux évolutions de notre système de santé.
La situation de la sectorisation psychiatrique est aujourd’hui trop pleine d’incertitudes et
d’ambiguïtés. Une redéfinition des fonctions de la sectorisation et de ses modalités de mise en
œuvre doit être menée à bien. Il faut conforter le secteur dans son rôle de prise en charge des
malades mentaux, au sein d’un territoire de proximité, et tout en situant les structures et les
équipes de soins par rapport aux besoins de la population appréhendés selon l’échelle
territoriale la plus pertinente en terme d’efficience, et tout en s’insérant dans un ensemble de
liens en réseau avec les institutions et les professionnels du domaine de la médecine
somatique, du social, du médico-social et du secteur libéral.
¾ Les pratiques médicales sont à établir de manière à être fiables et consensuelles, grâce:
- à des conférences de consensus sur la prise en charge des états d’agitation, sur
l’intervention en urgence des équipes psychiatriques au domicile d’un patient,
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- au développement de l’évaluation et de la recherche clinique (notamment sur les tests
biologiques permettant d’assurer le dépistage d’un usage de toxiques, sur de nouvelles
molécules ayant des effets sédatifs, sur les principes d’emploi des associations
médicamenteuses, sur le mélange des pathologies dans les unités des soins, sur les courtes
hospitalisations répétées). Pour réaliser de tels travaux, plusieurs moyens sont conseillés :
agir auprès de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), utiliser les Programmes
Hospitaliers de Recherche Clinique (PHRC), formuler certaines exigences auprès des
laboratoires pharmaceutiques.
¾ Il faut se doter de perspectives de gestion claires.
L’arrêt de la fermeture de lits en psychiatrie doit être adaptée aux besoins, variables selon les
régions. Les concepts architecturaux des structures hospitalières mériteraient d’être revus en
prenant mieux en compte l’évolution des pratiques médicales.
Le financement des établissements de soins psychiatriques doit pouvoir assurer la juste
rémunération des activités réalisées.
Il est urgent de définir une stratégie spécifique pour faire face aux conséquences de
l’évolution démographique annoncée des psychiatres.
¾ Dans les services d’urgence, il est nécessaire d’organiser un accueil des patients adapté à
l’activité et à ses fluctuations.
Il est nécessaire de disposer de locaux permettant de fractionner les flux, de mieux gérer
l’attente. L’information des patients et de leur famille doit être organisée. Les roulements de
personnel sont à adapter aux pics d’activité.
2. Mieux adapter les prises en charge à la situation du patient
¾ La confiance est à renforcer dans la relation soignant-soigné
Une mission d’évaluation de la mise en œuvre de la loi du 4 mars 2002 serait utile pour mieux
préciser : les conditions de prise en charge dans une situation d’urgence, les précautions à
prendre par les soignants, les conditions d’accès à l’information médicale pour un malade
dangereux, le soutien juridique apporté par les établissements de santé à leurs personnels.
¾ La dangerosité doit être mieux évaluée pour mieux orienter les patients :
- il faut développer et structurer l’observation des violences et de la dangerosité au sein des
établissements de santé,
- une étude sur les outils d’évaluation possibles et leurs limites est indispensable,
- les conditions de l’expertise judiciaire sont à améliorer (une conférence de consensus est à
organiser, des équipes ressources pluridisciplinaires sont à constituer à l’échelon régional,
la fonction de repérage capable d’orienter vers une expertise psychiatrique est à mieux
organiser, la rémunération des experts est à valoriser),
- l’évaluation et l’orientation des détenus atteints de pathologie mentale doivent être plus
performante.
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