Revue des Questions Scientifiques, 2015, 186 (3) : 337-362 Qui est qui dans « Bombe atomique et croix gammée » ? Guy Demortier Université de Namur [email protected] Comme nous l’annoncions dans le numéro thématique précédent « Allemagne-Belgique 1914-2014 : 100 ans d’histoire commune », voici les biographies des scientifiques, directement ou indirectement impliqués dans les recherches sur la bombe atomique, côté allemand. Niels BOHR (Copenhague, 7 octobre 1885 – 18 novembre 1962) Fils de Christian Bohr, un professeur de physiologie qui deviendra recteur de l’université de Copenhague et de Ellen Adler qui fit partie d’une des premières générations de jeunes danoises admises à l’université, Niels Hendrik David Bohr eut une sœur, Jenny (l’aînée), qui suivit les traces de son père en médecine et un jeune frère, Harald, un mathématicien, professeur à l’université de Copenhague mais encore grand footballeur qui fit partie de l’équipe du Danemark aux jeux olympiques de Londres en 1908. Leur maison natale étant aussi un lieu de rencontres de philosophes et autres sommités permit aux deux garçons de participer, dès leur plus jeune âge, à des discussions informelles sur divers sujets, avec pour préoccupation majeure de les inviter à poser des questions et à les commenter. Ils étaient ainsi préparés à une future vie de scientifique : mener les tâches à leur terme, échanger le plus grand nombre de points de vue et ne rien laisser en suspens. 338 revue des questions scientifiques qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 339 En 1903, Niels entre à l’université de Copenhague pour étudier la physique, sans attirance apparente toutefois, pour cette discipline. Une de ses préoccupations alors était de poursuivre le type de discussions analogues à celles qu’organisaient ses parents : c’est ainsi qu’il crée, avec des amis, « Ekliptika », un club interdisciplinaire d’où émergèrent des professeurs de philologie, de physiologie, des hauts dignitaires en économie, des directeurs de musées et des diplomates. Durant ses études de physique, Niels Bohr n’eut pas la chance de bénéficier d’un haut encadrement scientifique comme on en trouvait déjà dans d’autres pays d’Europe, en France et en Allemagne par exemple. L’enseignement de la physique à Copenhague était assuré par un seul professeur et les activités de recherche et de pratique scientifique devaient être trouvées par les étudiants eux-mêmes, dans des industries ou des laboratoires extérieurs. Bohr réalisa cette partie de sa formation, chez lui. Son premier travail de science fut consacré à l’étude de la tension superficielle de gouttelettes d’eau dans un jet d’air, modèle qu’il exploitera plus tard pour expliquer l’excitation des noyaux atomiques (1937) mais aussi le mécanisme de la fission de l’uranium (1939). En 1911 il défend un doctorat à Copenhague avec une thèse sur le comportement des électrons dans les métaux. En 1911 encore, il perd son père et rencontre Margrethe Norlund, sœur d’un de ses confrères d’Ekliptika qui deviendra sa femme l’année suivante. On lira avec intérêt les « interviews de Margrethe » que propose A. Lucas dans les introductions des divers actes de sa pièce. Il obtient, en septembre de la même année, une bourse de la fondation Carlsberg pour un post-doctorat, qu’il se prépare à effectuer en Angleterre. Ce post-doc débute à Cambridge où il avait fait un bref séjour, chez J.J. Thomson (celui qui identifia l’électron en 1897 et qui reçut le prix Nobel de physique en 1906 pour ses travaux sur la conduction électrique dans les gaz). Thomson était alors directeur du laboratoire Cavendish de l’université de Cambridge. Le jeune Niels y fut spécialement marqué par une déclaration de Thomson : « La recherche en sciences appliquées mène à des réformes, la recherche en sciences pures conduit à des révolutions ». Néanmoins, l’entente avec Thomson n’était pas des meilleures depuis que Bohr avait fait une critique du modèle de l’atome proposé par Thomson : modèle qui préconisait un mélange de protons et d’électrons dans le noyau de l’atome.Il déménage alors à Manches- 340 revue des questions scientifiques ter pour travailler avec Ernest Rutherford (PN de chimie en 1908). Il avait rencontré ce dernier lors du repas de Noël organisé durant son stage précédent à Cambridge. Rutherford lui avait à ce moment parlé des bases d’un nouveau modèle de l’atome qui rencontrait les objections que Bohr faisait au modèle de Thomson. C’est en 1913 que Niels Bohr fournit les prémices de ce qui deviendra la nouvelle physique : celle qui apportera une explication du comportement quantique qui régit le monde microscopique. Reprenant la proposition de Max Planck (PN de physique en 1918) qui démontrait comment les atomes absorbent et émettent de l’énergie par quanta de radiation et y associant le modèle de l’atome que Rutherford décrivait sous forme d’un noyau (rassemblant la majeure partie de la masse dans un volume très réduit et chargé positivement) entouré d’électrons (portant ensemble une charge négative équivalente), Bohr établit le modèle de l’atome le plus simple : celui de l’hydrogène. Il postule en particulier que le seul électron de cet atome ne peut subsister que dans une série d’états quantiques bien définis. Le passage vers un état d’énergie plus grande (petite) s’opère par absorption (émission) d’un quantum de radiation. Tant que l’électron demeure dans cet état, il ne « radie » aucune énergie, une proposition en contradiction flagrante avec l’électromagnétisme classique de Maxwell. Ce n’est qu’avec Louis de Broglie (PN de physique en 1929) et Erwin Schrödinger (PN de physique en 1933) que cette difficulté sera définitivement résolue. Bohr put prouver expérimentalement l’exactitude de sa proposition pour le seul atome d’hydrogène mais il indiqua clairement que l’ensemble des atomes devait avoir un comportement similaire et que ce sont les électrons les moins liés à la structure qui conditionnent les réactions chimiques. Avec Gerhard Herzberg (PN de chimie en 1971) et Wolfgang Pauli (PN de physique en 1945), on en aura une explication définitive. À Manchester, Bohr rencontre George de Hevesy (PN de chimie en 1943) avec lequel il discute de radioactivité et Charles G. Darwin (neveu du grand Charles Darwin, fondateur de la théorie de l’évolution) qui venait, lui aussi, de quitter Cambridge pour étudier, avec Rutherford, l’interaction des particules alpha avec la matière. En 1916, Bohr est nommé professeur à Copenhague. Il demeurera fidèle à son université et à son institut jusque 1962, malgré les nombreuses sollicita- qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 341 tions des universités de Berkeley, Manchester, Gôttingen et Munich. En 1918 il propose son modèle de correspondance qui affirme que « Toute description des processus naturels doit être fondée sur des concepts formés préalablement en physique classique ». En 1921 est inauguré l’Institut de physique théorique de Copenhague que Bohr a imaginé après la Première Guerre mondiale. Profitant de la neutralité du Danemark durant le conflit, Bohr le transforme rapidement en un centre international, sans hiérarchie, où les scientifiques de tous bords peuvent se réunir, sans heurter leurs sentiments patriotiques. Grâce au financement des fondations Carlsberg et Rockefeller il peut y inviter les meilleurs chercheurs, pour quelques mois voire quelques années. L’accueil des scientifiques allemands permit à ces derniers de poursuivre leurs activités en dehors de leur pays qui était privé des revues scientifiques puisque les abonnements avaient été supprimés par le régime. Dès le début du fonctionnement de l’Institut, le bâtiment devient aussi la résidence de la famille. Niels et Margrethe y vivent avec leurs fils Christian, Hans, Erik, Aage, Ernest et Herald nés respectivement en 1916, 1918, 1920, 1922, 1924 et 1928. Bohr reçoit le prix Nobel de physique en 1922, au cours de la séance académique où est remis aussi le prix Nobel de 1921 à Einstein. Nous renvoyons à la bibliographie d’Albert Einstein (parue dans le numéro précédent de cette Revue) pour les discussions épiques qu’il entretint avec Bohr sur la mécanique quantique, durant les Conseils de Physique Solvay de Bruxelles de 1927 et 1930. Bohr participa aussi aux Conseils de 1933, 1948 et 1961. En 1924, il débute sa collaboration avec Werner Heisenberg (PN de physique en 1932) qui publie l’année suivante son premier article dans lequel il formule la nouvelle mécanique quantique. En 1926, parait l’article de Erwin Schrödinger (PN de physique en 1933) sur la mécanique ondulatoire, une autre manière d’aborder les mêmes phénomènes. En 1927, Bohr expose le principe de complémentarité qu’il a conçu avec Arnold Sommerfeld, un principe qui affine le lien entre physique classique et physique quantique. C’est aussi l’année durant laquelle il énonce une des interprétations de la physique quantique appelée l’interprétation de Copenhague. Cette proposition remet en question des idées comme le déterminisme causal, la trajectoire d’une particule ou le concept de particule dans l’espace-temps, sujet de discorde avec Einstein. 342 revue des questions scientifiques L’année 1932 a été riche en inventions et découvertes: la création du premier cyclotron à Berkeley par Ernest Lawrence (PN de physique en 1939), la découverte du neutron par James Chadwick (PN de physique en 1935) qui permit d’asseoir définitivement la description du noyau de l’atome et la découverte du positron par Carl Anderson (PN de physique en 1936) inaugurant l’étude expérimentales des antiparticules prédites par Paul Dirac (PN de physique en 1933). Dès lors, Bohr ne peut pas laisser son Institut (où on utilisait pour seuls outils que des crayons, des craies, du papier et un fonds de bibliographie) trop éloigné de l’expérimentation. Il rassemble les fonds nécessaires pour installer un centre expérimental orienté vers la physique nucléaire. Trois accélérateurs sont commandés : deux linéaires sur le modèle du Cockcroft-Walton (PN de physique en 1951) et un cyclotron sur le modèle de Lawrence (PN de physique en 1939), non seulement pour des études fondamentales en physique mais aussi pour des applications en biologie et en médecine. En 1943, à la suite de l’occupation du Danemark, il se réfugie avec sa famille en Suède puis il migre aux USA pour ne revenir dans son pays natal qu’en 1945. Avec son fils Aage (PN de physique en 1975), il soutient fermement le projet Manhattan. C’est à l’occasion d’un voyage aux USA en 1939 qu’il apporte la nouvelle qu’Otto Hahn (PN de chimie en 1944) et Lise Meitner ont probablement réussi, en Allemagne, la fission de l’uranium par des neutrons. Avec John Wheeler, Bohr publie, le 1er septembre 1939, un long article dans le Physical Review (n°56 pp. 426-450) « The mechanism of nuclear fission ». En 1994, le bruit courut, à tort, qu’il aurait (en 1945) donné aux soviétiques des informations confidentielles sur le projet nucléaire américain : on avait en effet découvert des écrits et schémas liés à des entretiens qu’il aurait eus avec Werner Heisenberg (voir les actes 2 et 4 de la pièce d’Amand Lucas). En 1947, Niels Bohr est décoré de l’ordre de l’Eléphant, honneur réservé principalement à des rois et autres membres de la noblesse, par le roi du Danemark. Il choisit le yin et le yan dans son blason avec la mention : « CONTRARIA SUNT COMPLEMENTA ». Pacifiste, Bohr fut aussi président de la commission danoise d’énergie atomique et prit une part active en 1955 à la première conférence de Genève sur l’Atome pour la Paix. Il est membre fondateur du CERN. S’intéressant qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 343 encore à la biologie, il ne put néanmoins mener à terme un projet d’ouverture d’un institut de génétique à Cologne. En 1965, l’Institut de physique théorique qu’il a fondé est rebaptisé Institut Niels Bohr. Werner HEISENBERG (Würzburg, 5 décembre 1901 – Munich, 2 février 1976). Second fils d’Auguste Heisenberg (docteur en philologie classique, professeur au Max Gymnasium puis, dès 1910, à l’Université de Munich), le jeune Werner vécut dès son enfance dans un milieu qui cultivait l’esprit d’entreprise et de compétition via diverses activités ludiques, ou encore en résolvant des problèmes de mathématique, sans oublier la musique qu’il pratiqua toute sa vie avec un réel talent. Brillant élève mais peu scolaire, il avait la fascination pour les nombres : entiers, premiers, critères de divisibilité, et même pour le théorème de Fermat. Il s’y intéressait en dehors des périodes scolaires et il disait volontiers : « En règle générale, on n’apprend que dans les activités où l’on travaille sur des problèmes. Il est essentiel que les étudiants tentent de les résoudre. Se borner à écouter des cours ne sert pas à grand-chose ». Werner Karl Heisenberg fait ses études universitaires à Munich. Dès 1920, il s’intéresse à la physique théorique et présente sa thèse en 1923 dans le groupe de A.Sommerfeld (1868-1951 – un oublié par les comités Nobel). À Munich, Wilhelm Wien (PN de physique en 1911) était son professeur de physique expérimentale et est membre de son jury de thèse. Comme épreuve associée à son travail théorique avec Sommerfeld, Wien voulut tester les connaissances générales d’Heisenberg en physique en lui demandant d’expliquer le pouvoir de résolution d’un interféromètre de Fabry-Perot et d’un télescope, puis le fonctionnement d’une batterie électrique. Wien jugeant le test insuffisant, n’accorde alors que la note minimum pour son doctorat. Une humiliation que digère très mal l’enfant prodige. Il obtient néanmoins un poste d’assistant à Göttingen chez Max Born. C’est là qu’il rédige, avec son maître et Pascual Jordan, le « Dreimännerarbeit » une nouvelle théorie quantique incluant l’existence d’états stationnaires, les sauts quantiques entre états, l’absorption et l’émission de lumière entre ces états. En 1926, il passe une année à Copenhague chez Niels Bohr qui est à ce moment en contact suivi 344 revue des questions scientifiques avec Erwin Schrödinger. Les trois théoriciens peaufinent les diverses interprétations de la nouvelle physique. Werner Heisenberg, adepte de la théorie de Niels Bohr, applique à celle-ci la théorie mathématique des matrices. Il explique l’ensemble des raies spectrales de la molécule d’hydrogène dont il définit les deux formes allotropiques liées aux (deux) orientations des spins des électrons (le spin est une grandeur attachée au mouvement de vrille des électrons sur eux-mêmes) qui fut introduite par Paul Dirac. À l’occasion de ce séjour au Danemark, Heisenberg fait la connaissance, lors d’une soirée musicale chez l’ambassadeur d’Allemagne, du fils de ce dernier : Carl von Weizsäcker qui fera son doctorat dans l’équipe d’Heisenberg et deviendra un de ses amis intimes. Avec lui Heisenberg s’intéressera plus tard à des questions d’astrophysique. En décrivant une molécule en mouvement à l’échelle microscopique à partir des idées de Louis de Broglie, il conclut, en 1927, qu’il était impossible de mesurer simultanément, avec une précision optimale, deux grandeurs (dites conjuguées) comme la quantité de mouvement mv x et la position x. Toute tentative d’effectuer une mesure d’une des deux grandeurs conduit à une perte de précision sur la mesure de la grandeur conjuguée. Le produit de l’inexactitude sur la mesure de l’une, par l’inexactitude sur la mesure de l’autre ne peut être inférieure à h/2p, avec h la constante déterminée par Max Planck (6.62 10-34 joule.seconde). Cette inégalité, D x Dpx ≥ h/2p porte le nom de principe d’incertitude de Heisenberg. C’est pour cette proposition qu’il reçoit le prix Nobel en 1932. Nommé professeur de physique théorique, en 1928, à Leipzig, il y enseigne de 1927 à 1941. De 1941 à 1945, il prend la direction du Max Planck Institüt et eut des charges d’enseignement aux Universités de Berlin et Munich. Dès 1932, suite à la découverte du neutron par James Chadwick, il propose un modèle du noyau atomique sous forme d’une association de protons et de neutrons et non de protons et d’électrons comme on l’envisageait à l’époque. Une conséquence du principe d’incertitude interdit aux électrons de rester enfermés dans un volume aussi étroit que celui d’un noyau atomique (dont le rayon est de l’ordre de quelques 10-15 m). qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 345 Fin 1936, dans le journal officiel du parti nazi, parait l’article « Physique allemande et physique juive » qui reprenait des arguments déjà formulés dans les années 20 par Philip Lenard et Johannes Stark physiciens (PN en 1905 et 1919 respectivement), deux militants nazis. Etaient condamnées, les théories d’Einstein, la mécanique ondulatoire de Schrödinger, la mécanique matricielle d’Heisenberg. Etiqueté comme « l’esprit d’Einstein dans la nouvelle Allemagne », défenseur de ces théories, Heisenberg est alors menacé d’être envoyé dans un camp de concentration. Il est soumis à des interrogatoires, exigés par Himmler, afin d’ouvrir une enquête sur sa fiabilité politique. Ce n’est qu’en 1938 qu’Himmler fait cesser les attaques contre Heisenberg « qui pouvait continuer à parler de relativité, mais sans prononcer le nom d’Einstein ». En avril 1938 Heisenberg écrivait à un ami « Vous savez qu’il me serait très douloureux de quitter l’Allemagne ; je ne veux partir qu’en cas d’absolue nécessité ». En 1937, il avait rencontré Elisabeth Schumacher lors d’une soirée musicale où il se montra brillant au piano. Il l’épousa trois mois plus tard. Du mariage naîtront trois garçons et trois filles. Fin septembre 1939 ; il est mobilisé par l’armée pour travailler sur le projet nucléaire allemand. C’est ainsi que, dès le début de la Seconde Guerre mondiale, il inspira une crainte énorme aux experts américains chargés de fabriquer la première bombe atomique : ceux-ci pensaient en effet que les allemands progressaient dans un programme similaire sous la direction de Heisenberg. Ce dernier se disait plus préoccupé à développer l’application de la fission pour l’industrie que pour la fabrication d’une bombe. Le 6 décembre 1939, il remet un rapport, tenu longtemps secret, sur les possibilités techniques de produire de l’énergie par la fission de l’uranium. On lira dans les actes 2 et 4 de la pièce d’Amand Lucas, les détails sur son implication dans le projet de bombe nucléaire allemande, sur ses échanges avec Niels Bohr en rapport à cette question et sur ses activités en qualité de directeur du projet. Heisenberg donna, en février 1943, une série très remarquée de cours au Trinity College de Dublin sur le thème : « Qu’est-ce que la vie ? ». Il posa, alors, les questions fondamentales que peut aborder un physicien dans ce domaine. Quelle est la structure physique des molécules qui se reproduisent lors de la division des chromosomes ? Par quel processus peut-on comprendre cette reproduction ? Comment les molécules gardent-elles leur individualité 346 revue des questions scientifiques de génération à génération ? Comment réussissent-elles à contrôler le métabolisme des cellules ? Comment créent-elles l’organisation observable dans la structure et le fonctionnement des organismes très développés ? En 1951, il présida la délégation allemande pour la création du CERN mais refusa l’offre de le diriger en raison du travail qui l’attendait en Allemagne. En 1953, il est élu président de la Fondation von Humboldt qui finance des bourses destinées à des jeunes scientifiques désireux de développer des recherches avec d’autres pays. Il participa aux Conseils de Physique Solvay de Bruxelles en 1927, 1930, 1933 et 1961. Il entretint longtemps de bonnes relations avec le Chancelier Konrad Adenauer, se plaignant néanmoins du manque de moyens financiers pour mener à bien ses projets liés au nucléaire non-militaire mais refusa de représenter l’Allemagne Fédérale à Genève (en 1955) lors de la première conférence internationale sur l’Utilisation Pacifique de l’Énergie Nucléaire. La rupture avec le chancelier fut consacrée le jour où ce dernier entérina les plans de l’OTAN pour équiper l’armée allemande d’armes nucléaires tactiques, plan soutenu par certains de ses anciens hôtes de Farm Hall comme Gerlach, Hahn et von Weizsacher. Le document fut mal reçu par l’opinion publique et la participation allemande au développement de l’armement nucléaire fut finalement abandonnée. Tout au plus, le déploiement d’armes tactiques américaines fut autorisé en Allemagne. Heisenberg est un des plus jeunes à avoir reçu le prix Nobel. Il n’avait pas encore 31 ans. Avant lui William Bragg, à 25 ans, en était aussi un co-lauréat (1915), associé à son père. Lise MEITNER (Vienne, 7 novembre 1878 – Cambridge, 27 octobre 1968) Lise Meitner est la troisième des huit enfants de Philipp Meitner (avocat) et Hedwige Skovran. Le couple, de confession juive, éduque ses enfants dans une atmosphère intellectuelle stimulante et libérale, et les encourage à poursuivre des études jusqu’au niveau supérieur. En 1901, Lise entre à l’Université de Vienne, pour suivre des cours de physique, chimie, mathématiques et bo- qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 347 tanique, mais opte rapidement pour la physique, enthousiasmée par l’enseignement de Ludwig Boltzmann. C’est l’époque où les nouvelles idées sur l’atome sont très largement débattues et Lise soutiendra les conceptions défendues par son professeur. Otto Frisch, le neveu de Lise dira plus tard ; « Boltzmann transmit irréversiblement à Lise une vision des sciences physiques comme celle d’un combat pour la vérité ultime ». En 1906, Lise Meitner décroche son doctorat (première femme dans ce cas à Vienne) avec une thèse sur la conduction de la chaleur dans les solides inhomogènes, mais elle s’intéresse aussi aux phénomènes de radioactivité : nouvelle discipline introduite à Vienne par son directeur de thèse. Elle demeure à Vienne, avec peu d’espoir, pour une femme, de poursuivre une carrière académique, mais poursuit sa recherche pour s’initier aux procédures expérimentales en radioactivité : absorption et détection des rayonnements alpha et bêta, diffusion des particules alpha comme l’expérimentait aussi Ernest Rutherford. En 1907, elle quitte définitivement Vienne pour Berlin afin de suivre les cours de Max Planck, avec « l’autorisation exceptionnelle » du professeur (car les filles n’y sont normalement pas admises). Elle y fait la connaissance du jeune chimiste Otto Hahn et débute ainsi une collaboration qui se poursuivit durant trente ans. Hermann Fischer (PN de chimie en 1902) et patron de Hahn avait toutefois interdit à Lise de pénétrer dans l’institut de chimie, lui permettant seulement de travailler dans les caves. En 1912, suite à la création de l’Institut Kaiser Wilhelm (KWI) de chimie, Otto Hahn est embauché pour diriger le département de radiochimie et Lise Meitner le rejoint, mais comme invitée, et donc sans salaire, pour en étudier les aspects physiques. Elle y obtient finalement son premier emploi rétribué en 1913, comme assistante de Max Planck, qui va la soutenir tout au long de sa carrière. Au début de la Première Guerre mondiale, Lise s’engage, pour deux ans, comme infirmière, manipulant des équipements de rayons X, avant de retourner à Berlin, où elle obtient, en 1917, un statut équivalent à celui de Hahn, à savoir, la direction d’un département : celui de physique. Leurs travaux communs conduisent notamment à la découverte du protactinium en 1918. En 1921, elle se rend à Copenhague et se lie d’amitié avec Niels Bohr. En 1923, 348 revue des questions scientifiques elle découvre la transition non-radiative (connue aujourd’hui sous le nom d’effet Auger) et commence à enseigner à l’université de Berlin, un enseignement qui dura dix ans. Impliquée aussi dans l’étude des réactions nucléaires, elle supervise la construction d’un accélérateur de particules. Elle participe au Congrès Solvay de 1933. Avec l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933, les Juifs occupant un emploi dans un service public sont renvoyés ou contraints de démissionner. Nombreux sont les scientifiques juifs qui quittent alors l’Allemagne, Otto Frisch en fait partie. Ce renvoi des Juifs bénéficie toutefois de quelques exceptions, mais uniquement pour les scientifiques les plus éminents. Lise Meitner reste ainsi à la tête du département de physique du KWI jusqu’en 1938. Dès 1934, suite à la découverte du neutron (par Chadwick en1932) et aux travaux d’Enrico Fermi et de Frédéric Joliot sur l’utilisation des neutrons pour irradier des matériaux, les chimistes Otto Hahn et Fritz Strasmann s’engagent dans le « projet Uranverein ». Lise Meitner y contribue dans son département de physique : un projet commun qui mènera, quatre ans plus tard, à la découverte de la fission nucléaire. En juin 1938, elle apprend qu’elle risque d’être renvoyée. Aidée par deux collègues néerlandais, Dirk Coster et Adriaan Fokker, elle passe la frontière des Pays-Bas en juillet, mais ce n’est qu’une étape avant de rejoindre la Suède, où elle continue son travail sur l’interaction des neutrons avec des noyaux lourds, dans le laboratoire de Manne Siegbahn (PN de physique en 1924), à Stockholm. Elle intensifie également sa collaboration avec Niels Bohr qui faisait régulièrement la navette entre Copenhague et Stockholm. Elle continue aussi de correspondre avec Otto Hahn et d’autres scientifiques allemands. Elle eut l’occasion de rencontrer clandestinement Hahn à Copenhague en novembre 1938 pour planifier de nouvelles expériences dans le but premier de produire de nouveaux isotopes. De retour à Berlin, Hahn entame, avec Strassmann, les expériences discutés avec Lise à Copenhague et ils mettent en évidence la présence de baryum parmi les éléments produits suite au bombardement de l’uranium avec des neutrons. Le manuscrit exposant ces observations est envoyé avec les seules signatures de Hahn et Strassmann à la revue Naturwissenschaften en décembre 1938. Lise Meitner ne figure pas comme co-auteur de la publication, très injustement puisqu’elle avait joué un rôle majeur dans la conception et le déroulement des recherches. qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 349 La première explication théorique de la fission est pourtant apportée par Lise Meitner et son neveu Otto Frisch. Ils s’étaient retrouvés, dans la neige, en Suisse à Noël 1938. Le but premier d’Otto Frisch était de briser la solitude que Lise laissait transparaitre dans leurs correspondances, mais ils en profitent pour discuter de leur passion commune : la physique. Après avoir discuté des informations fournies dans une lettre de Hahn, datée du 19 décembre 1938 et adressée expressément à Lise, ils ébauchent la solution et soumettent, le 16 janvier 1939, une courte publication à la revue Nature (parution dans le n° 143 du 11 février 1939 pp. 239-240) avec pour titre : « Désintégration de l’uranium par des neutrons : un nouveau type de réaction nucléaire » Pour leur interprétation, ils ont utilisé le modèle du noyau atomique en forme de goutte (modèle proposé notamment par Niels Bohr) pour décrire comment le noyau d’uranium se déforme avant de se scinder en deux parties : un baryum et un krypton. Sollicitée par les Américains quelques années plus tard en raison de ses compétences, elle refusera toutefois de contribuer au projet Manhattan. Lors de sa visite aux États-Unis en 1946, Lise Meitner fut reçue comme une célébrité par la presse américaine. En 1946 aussi, elle avoua ses regrets d’être restée en Allemagne après l’avènement du nazisme et se montra également critique vis-à-vis des scientifiques qui, bien que ne partageant pas l’idéologie nazie, avaient travaillé sous le régime hitlérien : et parmi eux, Heisenberg et Hahn. En 1947, elle quitte l’institut Manne Siegbahn pour l’Institut Royal de Technologie, à Stockholm toujours. Elle obtient la nationalité suédoise en 1949, prend part à la construction du premier réacteur nucléaire suédois (1953), puis s’installe définitivement en Angleterre en 1960. Lise Meitner ne reçut jamais le prix Nobel, bien qu’elle eût été pressentie plusieurs fois pour ce prix. Le fait de n’avoir pas été associée à Hahn est toujours considéré comme une des plus graves erreurs du comité Nobel. Elle reçut pourtant de nombreuses distinctions. Citons les plus prestigieuses : la médaille Max-Planck (1949), le prix Enrico Fermi (1966) et le titre de docteur honoris causa de l’université de Berlin en 1957. Le nom de Lise Meitner fut donné à plusieurs écoles, à un institut de recherche de Berlin (le Hahn-Meitner-Institut, en 2008). En 1997, l’élément de numéro atomique 109 fut baptisé meitnérium…mais aucun élément du tableau périodique ne fait référence au nom de Hahn. 350 revue des questions scientifiques Otto HAHN (Francfort-sur-le-Main, 8 mars 1879 – Göttingen, 28 juillet 1968) Fils d’un vitrier qui créa une entreprise florissante, Otto Hahn faisait, dès l’enfance, des expériences de chimie dans la buanderie de la maison familiale. En 1897 Hahn entreprend des études de chimie et minéralogie à l’université de Marburg, alors que ses parents espéraient qu’il opte pour le métier d’architecte. Il obtient le titre de docteur en chimie organique en 1901. Il part alors rejoindre l’équipe de Sir William Ramsay (qui avait découvert les gaz rares) à l’université de Londres. C’est là qu’il commence à s’intéresser à la radioactivité naturelle et entrevoit la possibilité de l’existence d’un élément encore inconnu, le radiothorium (reconnu plus tard commeTh228 : temps de demi-vie de 1910 ans) et en tant que chercheur chez Ernest Rutherford, à Montréal, le radioactinium (Th 227 : temps de demi-vie de 18 jours). Il revient en 1907, à l’Institut de chimie de l’université de Berlin où il rencontre, Lise Meitner, qui venait de l’Institut de physique de l’université de Vienne. Il y poursuit les recherches entamées chez Rutherford et découvre encore de nouveaux éléments qu’il nomme mésothorium (Ac228 : temps de demi-vie de 6 heures), ionium (Th230 : temps de demi-vie de 80 000 ans) et protactinium (Pa231 : temps de demi-vie de 1.3 jours). Il confiait volontiers qu’il s’était « transmuté » de chimiste organicien en radiochimiste. C’est à raison qu’il est considéré comme le « père de la chimie nucléaire ». Il s’intéressa également à la formation, dans la nature, des isotopes du strontium, qui est à la base de la méthode de datation connue aujourd’hui comme « méthode du rubidium-strontium ». Il est nommé professeur à Berlin en 1912. Avec Lise Meitner, puis avec son assistant Fritz Strassmann, il se lance, dès 1935, dans l’étude des éléments plus lourds que l’uranium : les transuraniens pour constater, en 1938, qu’il peut, en plus des transmutations qui conduisent à la créations de ces transuraniens, induire la fragmentation de l’uranium en deux noyaux plus légers, phénomène connu sous le nom de « fission nucléaire ». L’article portant les signatures de Hahn et Strassmann (mais sans mention du nom de Lise Meitner) fut envoyé à la revue Naturwissenschaften, le 22 décembre 1938 et publié dans le numéro du 6 janvier 1939. Otto Hahn fut élu, seul, lauréat du prix Nobel qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 351 de chimie de 1944 « pour la découverte de la fission des noyaux lourds». Il ne put aller le chercher qu’à la fin de l’année 1946. À l’arrivée des troupes alliées, en Allemagne, Otto Hahn, avec quelques collègues, fut conduit et interné pour 6 mois en Angleterre, à Farmhall. Le troisième acte de la pièce d’Amand Lucas est consacré à cette détention. Après sa libération, Hahn s’installe à Göttingen, où il contribue à la transformation de l’Institut Kaiser-Wilhelm en Société Max-Planck, dont il sera le premier président de 1946 à 1960. Après la guerre, il milite contre l’utilisation des armes nucléaires et fait notamment partie des signataires du manifeste des 18 de Göttingen qui dénonce l’usage de l’énergie atomique dans le domaine militaire. Otto Hahn fut membre et membre d’honneur de nombreuses Académies et Sociétés scientifiques, lauréat de multiples médailles et ordres dans le monde entier. Il était en particulier membre de l’Académie royale danoise des sciences et des lettres. Modeste, il disait de sa popularité : « Je crois que je suis célèbre, mais je ne suis qu’un chimiste ». Alpiniste, il faisait volontiers des ascensions sans guide. Musicien aussi, interprétant Beethoven, Brahms, Tchaïkovski, il aurait chanté, comme ténor, dans une chorale dirigée par Max Planck, avant la Première Guerre mondiale. Des propositions furent faites à plusieurs reprises pour donner le nom de Hahnium à des éléments chimiques, notamment aux éléments 105 et 108, sans succès. L’Union chimique internationale a décidé pourtant d’attribuer un nom à tous les éléments jusqu’au nombre atomique 112 : Rf104 (rutherfordium) ; Db105 (dubnium) ; Sg106 (seaborgium); Bh107 (bohrium); Hs108 (hassium) ; Mt109 (meitnerium); Ds110 (darmstadtium) ; Rg111 (roentgenium) ; Cn112 (copernicium). L’élément 108, le Hassium, a été synthétisé en 2007 au Centre de recherche sur les ions lourds (GSI) à Darmstadt, en Allemagne. L’appellation est dérivée du nom latin du Land de Hesse, où se trouve le laboratoire et ne fait donc pas référence à Hahn. Lise Meitner a par contre un élément qui porte son nom. 352 revue des questions scientifiques En revanche, l’Union astronomique internationale (UAI) a donné son nom a deux cratères, sur la Lune et sur Mars, ainsi qu’à des astéroïdes 2962 Otto, 3676 Hahn, et 19126 Ottohahn. Le premier navire marchand européen, NS Otto Hahn, porte son nom. Carl von WEIZSACHER (Kiel, Schleswig-Holstein, 28 juin 1912 – Söcking, Bavière, 28 avril 2007) Carl Friedrich von Weizsächer est né dans une famille de politiciens, de juristes et de théologiens. Il est le fils du diplomate allemand Ernst von Weizsäcker, le frère aîné de l’ancien président allemand Richard von Weizsäcker (1984-1994) et le père du physicien et chercheur en environnement Ernst Ulrich von Weizsäcker et beau-père de l’ancien Secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, Konrad Raiser. Entre 1929 et 1933, von Weizsäcker étudie la physique, les mathématiques et l’astronomie aux universités de Berlin, Göttingen et Leipzig, où il rencontre Werner Heisenberg et Niels Bohr. Ses premières activités de chercheur concernent l’établissement d’une formule permettant de déterminer l’énergie de liaison entre nucléons, formule d’une précision remarquable qui permet, à partir de 5 paramètres, de prévoir la masse de l’ensemble des noyaux. En collaboration avec Hans Bethe (PN de physique en 1967), il est aussi à la base du calcul des processus nucléaires qui interviennent au sein des étoiles pour synthétiser des éléments sur la base de la fusion d’atomes d’hydrogène (notamment le cycle du carbone dans un mécanisme produisant de l’hélium). Le processus de Bethe-Weizsäcker a été publié en 1937. von Weizsäcker s’est aussi intéressé à la compréhension de la durée des émissions de radiations IR, visibles et UV par la surface des étoiles. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il rejoint le projet d’armement nucléaire allemand. Il était présent à Berlin le 17 septembre 1939, en tant que protégé d’Heisenberg, à la réunion au cours de laquelle ce programme fut lancé. En juillet 1940, il fut un des co-signataires d’un rapport militaire sur les possibilités de production d’énergie à partir d’uranium enrichi et de plutonium. Installé peu après à Strasbourg, c’est à son domicile que furent saisis, en 1944, des documents qui confirment que la recherche pour la fabrication d’une bombe nucléaire en Allemagne existait mais n’était pas très avancée. qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 353 Dans son livre Brighter Than a Thousand Suns, publié en 1957, Robert Jungk declare que von Weizsäcker, Heisenberg et Wirtz avaient conclu un accord pour étudier en profondeur la possibilité d’utiliser la fission nucléaire afin de pouvoir « décider » par eux-mêmes de l’opportunité d’applications pratiques. « Il n’y a eu aucune conspiration, même dans notre petit cercle de trois hommes, dans l’idée de ne pas faire la bombe. Cependant, il n’y avait aucune passion pour faire la bombe ». La vérité sur ce sujet n’a pas été révélée avant 1993, lorsque les transcriptions des conversations entre physiciens allemands enregistrées secrètement à Farm Hall ont été publiées. Ces transcriptions ont révélé que von Weizsäcker était à l’origine d’un accord parmi les scientifiques, selon lequel après la guerre, ils nieraient tous d’avoir voulu développer l’arme atomique. Carl von Weizsäcker est rentré en Allemagne en 1946 pour prendre la direction du département de physique théorique de l’Institut Max Planck. De 1957 à 1969, il enseigna la philosophie à l’université de Hambourg. Il a fait partie du groupe des «18 de Göttingen» (tous physiciens allemands de premier plan) qui ont protesté en 1957 contre l’idée que la Bundeswehr devait être équipée de missiles nucléaires tactiques et, par la suite, que la RFA devait refuser définitivement tout équipement en armes nucléaires . De 1970 à 1980, il est à la tête de l’Institut Max Plank à Starnberg pour la recherche sur les conditions de vie dans le monde moderne. Il est l’auteur de publications sur le danger d’une guerre nucléaire, qu’il croyait possible entre les pays développés et le tiers monde. Dans les années 1970, avec le philosophe indien Gopi Krishna, il crée une fondation « pour les sciences occidentales et la sagesse orientale ». Écrivain fécond, il avait publié en 1946 « The World View of Physics », il continue avec « The Unity of Nature » (1971) and « The Politics of Peril » (1978). Ses articles : « The Consequences of War and the Avoidance of War » (1970) et « Dangerous Roads: a study of the economy, society and the avoidance of war » (1976) sont aussi abondamment cités. Après sa retraite en 1980, il se consacre à la définition conceptuelle de la physique quantique, et particulièrement à l’interprétation de Copenhague. On reparle de lui dans les médias en 2002 lorsqu’il fait allusion à des lettres 354 revue des questions scientifiques (qui n’ont jamais été envoyées) de Bohr concernant sa rencontre avec Heisenberg à Copenhague en septembre 1941. Walter BOTHE (Orianienburg, 8 juin 1891 – Heidelberg, 8 février 1957) Théoricien à ses débuts, c’est pour un travail expérimental que Walter Wilhelm Georg Bothe reçut le prix Nobel de physique en 1954. Il le partagea avec Max Born, un pur théoricien anglais, auteur de l’interprétation statistique des fonctions d’onde : un sujet sans rapport avec celui de Bothe. Bothe étudia à Berlin et y défendit sa thèse de doctorat en 1914. Il était alors l’élève de Max Planck. Prisonnier en Sibérie durant la Première Guerre mondiale, il revint à Berlin en 1920 où il commença à enseigner. Il entreprit alors la construction d’un système de coïncidence qui lui vaudra, 30 ans plus tard, le prix Nobel. Il participa au Conseil de Physique Solvay de Bruxelles en 1933. L’innovation, mise au point en 1924 par Bothe, consiste en la détection conditionnée d’un photon dans un détecteur : à savoir uniquement si un second détecteur enregistre l’arrivée d’une particule. La détection des deux événements est ainsi réalisée en coïncidence. La mise au point de ce dispositif avait été conçue en vue de décider si les lois de conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie dans l’interaction photon-électron étaient toujours vérifiées (comme le supposaient Albert Einstein et Arthur Compton) ou si ces lois n’étaient valides qu’en moyenne, soit de manière statistique comme le pensaient les partisans de Niels Bohr. Au Physikalische-Technische Reichsanstalt de Berlin et avec la collaboration de Geiger (qui avait mis au point un détecteur gazeux très performant et pourtant d’une grande simplicité), Bothe conclut que la conservation des deux grandeurs était satisfaite dans chacune des interactions. Cette technique de coïncidence a été très largement exploitée dans l’étude du rayonnement cosmique : pour vérifier si dans une chambre de Charles Wilson, ou dans une méthode photographique inventée par Cecil Powell, ou encore dans une cascade de détecteurs alignés à la manière des nombreuses lentilles d’un télescope, la particule primaire arrivait bien de la haute atmosphère. Cette méthode est également utilisée pour l’étude des réactions nucléaires induites sur diverses cibles par des projectiles produits dans qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 355 les accélérateurs, pour l’identification des propriétés des noyaux atomiques émettant des radiations en cascades et pour la certification de la synthèse de noyaux radioactifs nouveaux ou n’existant plus dans la nature. En 1930, il fut nommé professeur à Giessen et y étudia les particules émises lors du bombardement d’une cible de béryllium avec des particules a qu’émettait une source radioactive de polonium. Il crut que l’émission des radiations qui en sortaient était constituée de photons. Ce fut James Chadwick, en 1932, qui corrigea l’interprétation en identifiant le neutron. En qualité de directeur de l’Institut Max Planck d’Heidelberg, Bothe supervisa la construction du premier cyclotron allemand qui fut mis en service en 1943 et il fut chargé, à l’époque, de diriger la recherche allemande sur l’énergie atomique. Il enseigna à Heidelberg jusqu’à sa mort. À l’occasion de la leçon qu’il prépara pour la cérémonie de remise de son prix Nobel, Bothe rendit hommage à Hans Geiger (décédé en 1945) qui aurait sans doute partagé le prix avec lui. Déjà souffrant à l’époque, Bothe ne put participer à la cérémonie à Stockholm et donna délégation pour lire son texte. Il était connu pour travailler vite et bien. Musicien accompli, il avait pour compositeurs préférés Bach et Beethoven. Walther GERLACH (Biebrich am Rhein, 1er août 1889 – Munich, 10 août 1979 ) Walther Gerlach entre en 1908 comme étudiant en physique à l’Université de Tübingen et est reçu docteur en sciences physiques en 1912, avec pour sujet de thèse l’émission des radiations par un corps noir et l’effet photoélectrique. Il participe avec son maître Wilhelm Wien au développement de la télégraphie sans fil durant la Première Guerre mondiale. Après un bref séjour dans l’industrie, il soutient sa thèse d’habilitation en 1916. Engagé en 1917 comme privat-docent à l’Université de Göttingen, il décroche, en 1921, la chaire de physique de la toute nouvelle Université de Francfort. En 1922, il parvient, avec Otto Stern, à mettre en évidence l’effet du champ magnétique sur des atomes, démontrant ainsi la quantification d’un nouveau degré de liberté des atomes, le spin. L’expérience de Stern et Gerlach est, aujourd’hui encore, un chapitre essentiel dans les cours de physique moderne. 356 revue des questions scientifiques En janvier 1925, Gerlach suit son maître Friedrich Paschen à l’Université de Tübingen, puis en 1929, il se voit confier la chaire de physique expérimentale de l’Université Louis-et-Maximilien de Munich, poste qu’il conserva jusqu’en 1957. Durant le Troisième Reich il prend une position ferme contre les attaques de la « Science Juive » en référence aux conceptions relativistes d’ Albert Einstein. En 1943, il devient directeur du Département de Physique du Conseil de la Recherche du Reich et du groupe de travail des recherches nucléaires, d’abord comme ministre plénipotentiaire de Goering pour l’ «Uranverein », puis en 1944 comme directeur de la recherche nucléaire. Officiellement cette organisation pour les recherches sur l’uranium s’appelait « Arbeitsgemeinschaft für Kernphysik » mais « Uranverein » était l’appellation utilisée par les initiés. Qui sont ces scientifiques allemands impliqués dans le programme « Uranverein », entre 1940 et 1942 ? Leur nombre ne devait pas dépasser 70 à 80 répartis dans 9 centres et universités. Ce projet « Uranverein » bien qu’exécuté dans des laboratoires civils était sous le contrôle militaire d’Hermann Goering qui chargea les Présidents du Physikalisch-Technische Reichsanstalt Abraham Esau d’abord puis Walther Gerlach d’en prendre la direction scientifique générale. Les aspects fondamentaux (à savoir des mesures de grandeurs physiques), furent envisagés dans les groupes de Walther Bothe à Heidelberg et de Kurt Diebner à Gottow près de Berlin (dans un laboratoire dépendant de l’armée avec la perspective de développer l’arme nucléaire). Diebner prit aussi la direction Kaiser Wilhem Institute de Berlin en octobre 1939, en remplacement de Peter Debye, physicien néerlandais qui venait de refuser de prendre la nationalité allemande. Diebner était également chargé de surveiller certains responsables de recherche appliquée mais était scientifiquement très mal apprécié par Heisenberg. Les applications (préparation de l’uranium, séparation isotopique, production d’eau lourde et d’éléments transuraniens) étaient confiées aux groupes d’Otto Hahn à Berlin, de Werner Heisenberg à Leipzig et à Berlin, de Hans Kopfermann à Kiel puis à Göttingen, de Klaus Clusius à Munich, de Georg Stetter à Vienna, de Nikolaus Riehl à Oranienburg près de Berlin (Compagnie Auer) et de Paul Harteck à Hamburg. qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 357 Harteck avait en 1933 fait un stage dans le groupe de Rutherford à Cambridge et fut un des premiers à avertir le Reichskriegsministerium (qui faisait partie du ministère de la guerre) des possibilités d’appliquer la réaction nucléaire en chaîne à la fabrication de bombes. Il voyait là un moyen de faire subsidier ses recherches par les militaires puisqu’une subvention auprès des autorités civiles n’avait la moindre chance de succès. Avec Johannes Jensen, il suggéra la séparation des isotopes de l’uranium par ultracentrifugation, méthode qui fut pratiquée à Celle (à 120 km d’Hambourg).Après la guerre il enseigna au Rensselaer Polytechnic Institute (Troy, New York) jusqu’en 1968. La motivation de certains de ces leaders pour la fabrication d’une bombe n’était pas d’y participer très activement mais de soustraire des jeunes scientifiques allemands au service militaire. À l’approche de la fin de la Seconde Guerre mondiale, dix scientifiques allemands soupçonnés d’avoir travaillé sur le programme nazi de bombe atomique furent capturés entre le 1er mai et le 30 juin 1945 et internés à Farm Hall, une maison mise sur écoute à Godmanchester, près de Cambridge en Angleterre, du 3 juillet 1945 au 3 janvier 1946. Le but premier de cet internement était de déterminer l’avancée de l’Allemagne nazie dans la fabrication d’une bombe atomique, en écoutant leur conversation. Pour les détails, nous renvoyons à l’acte 3 de la pièce d’Amand Lucas. En plus des leaders des groupes de recherche : Diebner, Hahn, Heisenberg, Harteck et Gerlach, cités ci-dessus, cinq autres scientifiques furent aussi capturés : –Carl Friedrich von Weizsäcker (voir sa biographie) –Max von Laue (PN de physique en 1914, spécialiste des RX qui fit l’étude de leur diffraction par des cristaux) chargé d’améliorer les techniques de communication pour l’armée allemande durant la Première Guerre mondiale, très accueillant pour les scientifiques hollandais, danois et français qui étaient envoyés en Allemagne comme travailleurs ou prisonniers durant la Seconde Guerre mondiale, mais nullement impliqué dans le programme « Uranverein » au point qu’il déclarera en 1945 qu’il avait fait part de ses doutes sur la faisabilité d’une bombe nucléaire en peu de temps et donc avant la fin de la guerre. 358 revue des questions scientifiques –Erich Bagge (un étudiant d’Heisenberg, spécialiste dans la séparation isotopique des isotopes de l’uranium par diffusion à l’état gazeux). –Karl Wirtz, un physicien spécialisé dans le magnétisme des noyaux mais qui s’impliquera dans la séparation isotopique par diffusion thermique et qui enseigna, de 1957 à1979, la physique des réacteurs à l’Institut de technologie de Karlsruhe et fut directeur de l’Institute of Neutron Physics and Reactor Technology au centre de recherche nucléaire de Karlsruhe. –Horst Korsching qui venait de terminer ses études à Berlin et qui suivit Karl Wirtz dans la majorité de ses activités. Il s’est montré fort discret durant sa détention à Farm Hall. De retour dans la zone d’occupation américaine en Allemagne, Walther Gerlach fut de 1948 à 1951 recteur de l’Université Louis-et-Maximilien de Munich, puis de 1949 à 1951 premier président de la Fraunhofer-Gesellschaft. De 1951 à 1961, il fut vice-président de l’a FDG (Association de la Recherche Allemande) et président de la DPG (Union des Physiciens Allemands (Deutsche Physikalische Gesellschaft) de 1956 à 1957. Johannes JENSEN (Hambourg, Allemagne, 25 juin 1907 – Heidelberg, Allemagne, 11 février 1973) Johannes Hans Daniel Jensen étudia à Fribourg et Hambourg, sa ville natale, où il obtint son doctorat en 1932. Il y resta jusqu’en 1941, date à laquelle il rejoignit la Technische Hochschule de Hanovre. Durant la Seconde Guerre mondiale, il eut des contacts avec Walther Gerlach avec lequel il proposa une méthode de séparation des isotopes de l’uranium par ultracentrifugation Co-lauréat, en 1963, du prix Nobel de physique avec Maria GoeppertMayer, Johannes Jensen a développé avec ses collègues de Hambourg, Suess et Haxel, un modèle en couches du noyau atomique. Maria Goeppert était arrivée à Chicago en 1946 dans le groupe d’Edward Teller (récemment détaché du laboratoire de Los Alamos). Teller étudiait, à l’époque, la manière dont était distribuée, dans la nature, l’abondance des éléments chimiques et de leurs isotopes. Parmi eux, ceux qui contiennent qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 359 un nombre de protons ou de neutrons valant 2, 8, 20, 28 sont nettement plus abondants. Les nombres 50, 82 et 126, déterminés par la suite, fournissent la panoplie des « nombres magiques », une appellation quelque peu dérisoire, donnée à l’époque, et qui reflétait bien l’ignorance de la raison pour laquelle les noyaux, contenant ces nombres de protons ou de neutrons, avaient une stabilité particulière. Bénéficiant, à Chicago, d’une très large banque de données sur les noyaux atomiques et ayant accès à une autre banque à Argonne (un centre de recherche qu’elle avait fréquenté auparavant), elle construisit un modèle du noyau atomique, basé sur une transposition du modèle que Niels Bohr et Wolfgang Pauli avaient mis au point pour expliquer la structure électronique de l’atome. Ces nombres magiques, cités ci-dessus, sont ainsi les transpositions nucléaires des nombres atomiques particuliers des gaz rares, atomes eux aussi à configuration particulièrement stable. Le succès de ce modèle conditionne aujourd’hui les voies de recherche de fusion de nouveaux noyaux afin d’associer (sous une forme métastable) 126 protons, soit 43 de plus que dans le dernier noyau stable existant sur terre : le bismuth. Ces noyaux seraient certainement instables mais nettement plus stables que leurs voisins. Eugène Wigner obtint aussi le prix Nobel de physique la même année, non pas pour avoir participé aux découvertes de Goeppert et Jensen, mais pour ses travaux généraux en mécanique quantique. Goeppert et Jensen se rencontrèrent pour la première fois en 1950 et décidèrent de poursuivre leurs investigations ensemble pour produire leur célèbre traité sur la structure en couche du noyau atomique en 1955. Leur modèle ne fut que difficilement admis par leurs pairs mais Goeppert convainquit Enrico Fermi pendant que Jensen agissait de même auprès de Werner Heisenberg et la partie fut gagnée. Ce modèle est actuellement au programme de tous les cours de physique nucléaire enseignés dans le cycle universitaire. Il fut perfectionné par Aage Bohr, Ben Mottelson et Leo Rainwater qui recevront le prix Nobel de physique, douze années plus tard. Avant cette époque, la seule description du noyau atomique résidait dans le modèle de la goutte liquide. Plusieurs idées sont communes à ces deux modèles : la forme (sphérique) du noyau, la tendance à associer un nombre équivalent de protons et de neutrons pour assurer la symétrie (du moins tant que la répulsion coulombienne d’un trop grand nombre de protons ne conduise à la rupture), l’association des protons et neutrons par paires. 360 revue des questions scientifiques En 1949, Johannes Jensen fut nommé professeur à Heidelberg. Il fut aussi invité à enseigner, pour de courtes périodes, à Princeton, à l’Université de Californie, à l’Université d’Indiana, à l’Institut de Technologie de Californie et à l’Université La Jolla où enseignait aussi Maria Goeppert. Aage BOHR (Copenhague, 17 juin 1922 – 8 septembre 2009) Quatrième fils de Niels Bohr, Aage Niels est né quelques mois avant que son père reçoive le prix Nobel. Il vécut son enfance à Copenhague où son père dirigeait l’Institut de Physique Théorique et il fut, dès son plus jeune âge, en contact avec les grands physiciens de ce début du xxe siècle. En 1943, fuyant le régime nazi, il quitta son pays pour la Suède d’abord et les U.S.A ensuite. De retour au Danemark en 1945, il acheva sa formation de base avant d’être reçu comme membre de l’Institute for Advanced Studies à Princeton. Avec son père, il prit part, à Los Alamos, au projet Manhattan. Deux modèles du noyau atomique étaient connus en 1950. Le modèle de la goutte liquide établi vers 1936 expliquait le comportement global des protons et des neutrons dans le noyau de forme essentiellement sphérique. Il était susceptible d’osciller autour de cette forme moyenne. Ce modèle connut une période de gloire dans l’explication de la fission de l’atome d’uranium sous l’impact d’un neutron lent. Le modèle en couches, établi par Maria Goeppert-Mayer et Johannes Jensen en 1949, faisait intervenir le mouvement individuel de chaque proton ou neutron dans une structure supposée sphérique formée par l’ensemble des autres nucléons. En 1953, Aage Bohr et Ben Mottelson proposèrent une variante combinant les succès de ces deux modèles. En plus, ils expliquaient le comportement rotationel en incluant une déformation des noyaux en ellipsoïdes de révolution. Indépendamment, Leo Rainwater, à Columbia, étudiait les mêmes propriétés. Tous trois partagèrent le prix Nobel de 1975. Aage Niels Bohr est également lauréat de l’Atoms for Peace Award en 1969. Il succéda à son père, de 1962 à 1970, comme directeur du Niels Bohr Institute. qui est qui dans « bombe atomique et croix gammée » ? 361 En savoir un peu plus N. Bohr Jaume Navarro – Passeport quantique pour un autre état – Les grandes idées de la Science – AMP – Bruxelles 2014 B. Hoffman – L’ étrange histoire des quanta – Seuil 1967 G. Gamow – Trente années qui ébranlèrent la physique – Histoire de la théorie quantique – Gabay 2001 M. Frayn – Copenhague – Actes Sud 1999 W. Heisenberg Jesus Navarro Faus – Le monde existe-t-il lorsqu’on ne le regarde pas ? – Les grandes idées de la Science – AMP – Bruxelles 2014 Elisabeth Heisenberg – Heisenberg – Un savant : une époque – Belin 1990 W. Heisenberg – La nature dans la physique contemporaine – Gallimard 2000 M. Frayn – Copenhague – Actes Sud 1999 Lise Meitner Roger Corcho Orrit – Uranium divisé par deux égale énergie – Les grandes idées de la Science – AMP – Bruxelles 2014 Ruth Lewin Sime – Lise Meitner : A life in physics – University of California Press 1996 Patricia Rife – Lise Meitner and the dawn of the nuclear age – Springer 2007 Otto Hahn Klauss Hoffmann – Otto Hahn : Achievement and responsability – Springer 2001 Ruth Lewin Sime – The Politics of Memory:Otto Hahn and the Third Reich - Birkhäuser Verlag, Basel, 2006 Carl F. Weizsäcker Interview with Dr. Carl F. Weizsäcker by Karl Hufbauer at Starnberg, Germany April 18, 1978 – American Institute of Physics Carl von Weizsächer – Unity of nature – Farrar, Straus & Giroux – 1981 362 revue des questions scientifiques W. Bothe Walther Bothe – Biographical – Nobelprize.org – www.nobelprize.org/nobel_ prizes/.../bothe- bio.html Dieter Fick – “Walther Bothe’s contributions to the particle-wave dualism of light” – Philipps Universität, Fachbereich Physik, D 35032 Marburg, Germany Walter Gerlach J. Bernstein – Hitler’s Uranium Club: The Secret Recording’s at Farm Hall -Copernicus, 2001 Nazi Bell Uncovered - Google Sites https://sites.google.com/site/nazibelluncovered