Qui est qui dans
« Bombe atomique et croix gammée » ?
G D
Université de Namur
guy.demortier@unamur.be
Comme nous lannoncions dans le numéro thématique précédent « Alle-
magne-Belgique -:  ans dhistoire commune », voici les biogra-
phies des scientiques, directement ou indirectement impliqués dans les
recherches sur la bombe atomique, côté allemand.
Niels BOHR
(Copenhague, 7 octobre 1885 – 18 novembre 1962)
Fils de Christian Bohr, un professeur de physiologie qui deviendra rec-
teur de luniversité de Copenhague et de Ellen Adler qui t partie dune des
premières générations de jeunes danoises admises à luniversité, Niels Hen-
drik David Bohr eut une sœur, Jenny (lnée), qui suivit les traces de son père
en médecine et un jeune frère, Harald, un mathématicien, professeur à luni-
versité de Copenhague mais encore grand footballeur qui t partie de l’équipe
du Danemark aux jeux olympiques de Londres en .
Leur maison natale étant aussi un lieu de rencontres de philosophes et
autres sommis permit aux deux garçons de participer, dès leur plus jeune
âge, à des discussions informelles sur divers sujets, avec pour préoccupation
majeure de les inviter à poser des questions et à les commenter. Ils étaient
ainsi préparés à une future vie de scientique: mener les tâches à leur terme,
échanger le plus grand nombre de points de vue et ne rien laisser en suspens.
Revue des Questions Scientiques, ,  () : -

   
    «     »

En , Niels entre à luniversité de Copenhague pour étudier la phy-
sique, sans attirance apparente toutefois, pour cette discipline. Une de ses
préoccupations alors était de poursuivre le type de discussions analogues à
celles quorganisaient ses parents: cest ainsi quil crée, avec des amis, « Eklip-
tika », un club interdisciplinaire doù émergèrent des professeurs de philolo-
gie, de physiologie, des hauts dignitaires en économie, des directeurs de
musées et des diplomates.
Durant ses études de physique, Niels Bohr neut pas la chance de béné-
cier dun haut encadrement scientique comme on en trouvait déjà dans
dautres pays d’Europe, en France et en Allemagne par exemple. Lenseigne-
ment de la physique à Copenhague était assuré par un seul professeur et les
activités de recherche et de pratique scientique devaient être trouvées par les
étudiants eux-mêmes, dans des industries ou des laboratoires extérieurs. Bohr
réalisa cette partie de sa formation, chez lui. Son premier travail de science fut
consacré à létude de la tension supercielle de gouttelettes deau dans un jet
dair, modèle qu’il exploitera plus tard pour expliquer l’excitation des noyaux
atomiques () mais aussi le mécanisme de la ssion de l’uranium ().
En  il défend un doctorat à Copenhague avec une thèse sur le comporte-
ment des électrons dans les métaux.
En  encore, il perd son père et rencontre Margrethe Norlund, sœur
dun de ses confrères d’Ekliptika qui deviendra sa femme lannée suivante.
On lira avec intérêt les « interviews de Margrethe » que propose A. Lucas dans
les introductions des divers actes de sa pièce. Il obtient, en septembre de la
même année, une bourse de la fondation Carlsberg pour un post-doctorat,
quil se prépare à eectuer en Angleterre.
Ce post-doc débute à Cambridge où il avait fait un bref séjour, chez J.J.
omson (celui qui identia l’électron en  et qui reçut le prix Nobel de
physique en  pour ses travaux sur la conduction électrique dans les gaz).
omson était alors directeur du laboratoire Cavendish de luniversité de
Cambridge. Le jeune Niels y fut spécialement marqué par une déclaration de
omson: « La recherche en sciences appliquées mène à des réformes, la recherche
en sciences pures conduit à des révolutions ». Néanmoins, lentente avec om-
son nétait pas des meilleures depuis que Bohr avait fait une critique du mo-
dèle de l’atome proposé par omson: modèle qui préconisait un mélange de
protons et délectrons dans le noyau de latome.Il déménage alors à Manches-

   
ter pour travailler avec Ernest Rutherford (PN de chimie en ). Il avait
rencontré ce dernier lors du repas de Noël organisé durant son stage précédent
à Cambridge. Rutherford lui avait à ce moment parlé des bases dun nouveau
modèle de l’atome qui rencontrait les objections que Bohr faisait au modèle de
omson.
C’est en  que Niels Bohr fournit les prémices de ce qui deviendra la
nouvelle physique : celle qui apportera une explication du comportement
quantique qui régit le monde microscopique. Reprenant la proposition de
Max Planck (PN de physique en ) qui démontrait comment les atomes
absorbent et émettent de l’énergie par quanta de radiation et y associant le
modèle de l’atome que Rutherford décrivait sous forme d’un noyau (rassem-
blant la majeure partie de la masse dans un volume très réduit et chargé posi-
tivement) entouré d’électrons (portant ensemble une charge négative
équivalente), Bohr établit le modèle de latome le plus simple: celui de lhy-
drogène. Il postule en particulier que le seul électron de cet atome ne peut
subsister que dans une série détats quantiques bien dénis. Le passage vers
un état dénergie plus grande (petite) s’opère par absorption (émission) dun
quantum de radiation. Tant que l’électron demeure dans cet état, il ne « ra-
die » aucune énergie, une proposition en contradiction agrante avec lélec-
tromagnétisme classique de Maxwell. Ce nest quavec Louis de Broglie (PN
de physique en ) et Erwin Schrödinger (PN de physique en ) que
cette diculté sera dénitivement résolue. Bohr put prouver expérimentale-
ment lexactitude de sa proposition pour le seul atome dhydrogène mais il
indiqua clairement que lensemble des atomes devait avoir un comportement
similaire et que ce sont les électrons les moins liés à la structure qui condi-
tionnent les réactions chimiques. Avec Gerhard Herzberg (PN de chimie en
) et Wolfgang Pauli (PN de physique en ), on en aura une explication
dénitive.
À Manchester, Bohr rencontre George de Hevesy (PN de chimie en
) avec lequel il discute de radioactivité et Charles G. Darwin (neveu du
grand Charles Darwin, fondateur de la théorie de l’évolution) qui venait, lui
aussi, de quitter Cambridge pour étudier, avec Rutherford, l’interaction des
particules alpha avec la matière.
En , Bohr est nommé professeur à Copenhague. Il demeurera dèle
à son université et à son institut jusque , malgré les nombreuses sollicita-
    «     »

tions des universités de Berkeley, Manchester, Gôttingen et Munich. En 
il propose son modèle de correspondance qui arme que « Toute descrip-
tion des processus naturels doit être fondée sur des concepts formés pré-
alablement en physique classique ».
En  est inauguré l’Institut de physique théorique de Copenhague
que Bohr a imaginé après la Première Guerre mondiale. Protant de la neu-
tralité du Danemark durant le conit, Bohr le transforme rapidement en un
centre international, sans hiérarchie, où les scientiques de tous bords peuvent
se réunir, sans heurter leurs sentiments patriotiques. Grâce au nancement
des fondations Carlsberg et Rockefeller il peut y inviter les meilleurs cher-
cheurs, pour quelques mois voire quelques années. Laccueil des scientiques
allemands permit à ces derniers de poursuivre leurs activités en dehors de leur
pays qui était privé des revues scientiques puisque les abonnements avaient
été supprimés par le régime. Dès le début du fonctionnement de l’Institut, le
bâtiment devient aussi la résidence de la famille. Niels et Margrethe y vivent
avec leurs ls Christian, Hans, Erik, Aage, Ernest et Herald nés respective-
ment en , , , ,  et .
Bohr reçoit le prix Nobel de physique en , au cours de la séance
académique où est remis aussi le prix Nobel de  à Einstein. Nous ren-
voyons à la bibliographie dAlbert Einstein (parue dans le numéro précédent
de cette Revue) pour les discussions épiques quil entretint avec Bohr sur la
mécanique quantique, durant les Conseils de Physique Solvay de Bruxelles de
 et . Bohr participa aussi aux Conseils de ,  et .
En , il débute sa collaboration avec Werner Heisenberg (PN de phy-
sique en ) qui publie lannée suivante son premier article dans lequel il
formule la nouvelle mécanique quantique. En , parait l’article de Erwin
Schrödinger (PN de physique en ) sur la mécanique ondulatoire, une
autre manière daborder les mêmes phénomènes. En , Bohr expose le
principe de complémentarité quil a conçu avec Arnold Sommerfeld, un prin-
cipe qui ane le lien entre physique classique et physique quantique. C’est
aussi lannée durant laquelle il énonce une des interprétations de la physique
quantique appelée l’interprétation de Copenhague. Cette proposition remet
en question des idées comme le déterminisme causal, la trajectoire dune par-
ticule ou le concept de particule dans lespace-temps, sujet de discorde avec
Einstein.
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