N° D’ORDRE : XXXX THÈSE DE DOCTORAT SPECIALITE : PHYSIQUE Ecole Doctorale « Sciences et Technologies de l’Information des Télécommunications et des Systèmes » Présentée par : Loïc MEIGNIEN Sujet : Système de mesure THz à ondes guidées, basé sur une détection électro-optique Soutenue le 09 décembre 2008 devant les membres du jury : M Lionel DUVILLARET (Examinateur) M Gaël MOURET (Rapporteur) M Patrick MOUNAIX (Rapporteur) M André SCAVENNEC (Examinateur) M Paul CROZAT (Directeur de thèse) M Juliette MANGENEY (Co-directrice de thèse) 1 Remerciements 2 3 « Personnellement, je n’avais jamais entendu parler du THz en arrivant au laboratoire de l’Institut d’Electronique Fondamentale. Depuis, je me pose bien des questions. Certaines ont trouvés des réponses et d’autres restent en suspend. Tout cela rend ce travail passionnant. Si je devais définir le THz à un novice, je crois que je laisserais la parole à des collègues de la communauté THz qui par une nuit bien arrosée en collaborations scientifiques lors des journées THz ont tentés d’expliquer à de jeunes étudiants du STAPS ce que peut bien être ce fameux THz [1]. Je crois que ce jour là on a tous regardé le fond cosmique et la lune en se demandant finalement à quoi cela peut il bien servir ! Trois ans plus tard et une belle manipulation réalisée, je vais vous présenter l’intérêt d’un système de mesure THz à ondes guidées adapté d’une part à la caractérisation des circuits électroniques rapides utilisés dans les systèmes de télécommunication à haut-débit et d’autre part à la micro-spectroscopie intégrée. » [1] Plus sérieusement, vous trouverez de nombreuses informations dans le domaine Térahertz sur le site communautaire : www.thznetwork.org/ THZ Science and Technologie Network 4 Table des matières Introduction ………………………………………………………………… 10 Chapitre I Systèmes de mesure THz I Introduction II Les systèmes de mesures THz 1 Les systèmes dans le domaine temporel 1.1 Le Principe 1.2 Les sources optoélectroniques 1.3 Les détecteurs optoélectronique 2 Les systèmes THz dans le domaine fréquentiel 2.1 Le principe 2.2 Sources continues 2.3 Détecteurs incohérents 2.4 Analyseur de réseaux vectoriel 2.5 Les techniques interférométriques 3 Propagation des signaux THz 3.1 Guidage des ondes THz 3.2 Comparaison des systèmes en espace libre et en guide d’onde III Contexte de l’étude IV Conclusion du chapitre Chapitre II Développement d’un système électro-optique fibré I Présentation globale du système de mesure EO à échantillonnage II Les impulsions optiques courtes 1 Source laser femtoseconde 5 2 Propagation dans les fibres optiques 2.1 Effets linéaires 2.1.1 Atténuation 2.1.2Dispersion chromatique 2.1.3Dispersion d’ordre supérieur 2.1.4Biréfringence 2.2 Effets non linéaires 3 Gestion de la durée des impulsions optiques 4 Caractérisation temporelle d’impulsions femtosecondes 5 Réalisation technologique d’un système de compression fibré III Echantillonnage d’impulsions THz ultrabrèves 1 Principe de l’échantillonnage en temps équivalent 2 La ligne à retard optique 3 Signal échantillonné IV Photocommutateur ultra-rapide en In0,53Ga0,47As irradié 1 Irradiation ionique d’une couche d’In0,53Ga0,47As 2 Réalisation d’un photocommutateur ultra-rapide V Détection électro-optique 1 L’effet électro-optique 2 La dépendance en fréquence des coefficients électro-optique 3 Choix de la méthode de mesure 3.1 Modulation d’état de polarisation 3.2 Modulation d’amplitude par interférométrie de Fabry-Pérot 3.3 Modulation de phase, interférométrie à deux ondes : VI Réalisation de la sonde électro-optique miniature 1 Découpe des cristaux 2 Fabrication de la sonde électro-optique miniature 2.1 Le collage des prismes avec le cristal électro-optique 2.2 Collage par adhésion moléculaire 3 Le dispositif réversible d’injection et collection de la lumière 4 Le système de positionnement 3 axes micrométriques 5 Chaine de détection lente 5.1 Détection à doubles photodiodes : le système Nirvana. 6 5.2 L’amplification à détection synchrone Chapitre III Résultats expérimentaux I Caractérisation du système de mesure électro-optique 1 Linéarité et dynamique 2 Résolution spatiale 3 Estimation de la résolution temporelle 4 Détermination précise de la résolution temporelle II Mise en oeuvre du système de mesure THz à ondes guidées complet 1 Mesures sub-picoseconde par échantillonnage électro-optique à 1,55 µm 1.1 Mesures sub-picosecondes de photoconducteur irradiées 1.2 Photodiode ALCATEL 1.3 Mesure de ligne coplanaire sur InP 2 Mesure de désadaptations d’impédances sur une ligne coplanaire Chapitre IV Prospective I Génération externe II Détection et émission par photomélange 1 Emission par battement de deux lasers continus 2 Mesures préliminaires Conclusion générale et perspectives ……………………………………… 139 Bibliographie …………………………………………….……………….... 142 Annexes Annexes A : effets non-linéaires Annexes B : mesure d’impulsions ultra-brèves 7 Introduction Le domaine de fréquence térahertz (THz) est usuellement défini par la bande de fréquences de 0,1 à 10 THz, soit des longueurs d’onde de 3 mm à 30 µm. Il est resté longtemps inexploré car les techniques de génération et de détection habituellement employées dans les bandes de fréquences voisines, pourtant très bien maîtrisées, ne s’étendent pas dans cette région spectrale. Il a fallu attendre les vingt dernières années pour que les systèmes THz connaissent un essor considérable, grâce à l’avancée de la recherche qui a permis de réaliser des sources et des détecteurs cohérents. Aujourd’hui, le domaine THz vit une fantastique accélération dans le développement d’outils expérimentaux. Une motivation essentielle de cette évolution est d’explorer de nombreux processus physiques encore mal connus dont les fréquences caractéristiques tombent dans ce domaine. Par exemple, dans les espèces chimiques [Del03] et les objets biologiques [Mar00], les résonances situées dans le domaine THz sont liées aux fréquences fondamentales de rotation et de vibration des arrangements moléculaires ou des molécules [Wal00]. Ces résonances constituent des signatures de ces molécules. Dans les matériaux, il est indispensable de connaître à ces fréquences, la conductivité complexe, les mécanismes de transport, les processus de relaxation des porteurs de charge et de spins. Ces connaissances permettent d’accompagner la montée en fréquence des composants électroniques, optoélectroniques et magnétiques. Les ondes THz montrent aussi leur intérêt dans le domaine médical par une pénétration plus grande dans le corps humain comparée à l’optique visible. Elles permettent ainsi une aide au diagnostic préopératoire d’extension des mélanomes et pourraient même être utilisées à plus large échelle en cosmétologie. Les outils de métrologie THz modernes utilisent classiquement des signaux optiques, un élément de conversion optique-électrique pour l’émission et un élément de conversion électrique-optique pour la détection. Les systèmes qui mettent en jeu des impulsions THz larges bandes utilisent comme signaux optiques des impulsions optiques femtosecondes. Les systèmes qui mettent en jeu des ondes THz continues spectralement étroites utilisent des signaux optiques continus. Il existe de nombreux éléments qui assurent la fonctionnalité de conversion électrique-optique, tels que les dispositifs photoconducteurs ou les cristaux électro-optiques. Ces éléments sont également au cœur de la fonctionnalité symétrique de conversion électrique-optique. 8 Les systèmes de mesure THz se déclinent suivant deux approches : les systèmes basés sur la génération et la détection d’ondes THz se propageant en espace libre et les systèmes basés sur la génération et la détection d’ondes THz se propageant dans un guide. Ces deux outils sont complémentaires avec chacun leurs avantages. Brièvement, les systèmes en espace libre présente l’avantage d’une très grande bande passante. En revanche, les systèmes à ondes guidées possèdent une résolution spatiale nettement inférieure à la diffraction, limitée uniquement par les contraintes de lithographies rencontrées pendant la fabrication des guides d’onde. De plus, dans les systèmes guidés, la longueur d’interaction est plus élevée ce qui augmente la sensibilité du système de mesure. Dans tous les systèmes THz modernes, les manques d’émetteur et de détecteur efficaces, de faible coût, et fonctionnant à la température ambiante constituent les limitations majeures. La longueur d’onde des signaux optiques utilisés dans les systèmes de mesure THz classiques se situe autour de 870 nm. Celle-ci est en effet imposée par la plage spectrale de la sensibilité des éléments photoconducteurs en GaAs épitaxié à basse température placés en émission et en détection. Cette longueur d’onde optique d’excitation impose l’utilisation, dans le régime impulsionnel, de lasers solides encombrants et très coûteux. Une avancée majeure pour augmenter l’attractivité des outils métrologiques THz serait qu’ils puissent être pilotés par des sources optiques compactes et peu onéreuses. Considérant que les facteurs cruciaux dans la réussite de l’implémentation des systèmes d’instrumentation THz incluent leur coût et leur facilité d’utilisation, un challenge est alors de réaliser un outil de mesure utilisant des signaux optiques à la longueur d’onde des télécommunications où un large choix de sources lasers compactes et de faibles coûts sont disponibles. En effet, l’essor des systèmes de télécommunication a entraîné l’émergence de lasers à fibres compacts délivrant des impulsions femtosecondes à 1550 nm, d’amplificateurs optiques à fibres et de diodes lasers continues de très grande pureté spectrale à 1550 nm. Le couplage par fibre optique du laser de commande avec les émetteurs et les détecteurs, particulièrement adapté à la longueur d’onde télécom, facilite les réglages, limite l’encombrement et permet d’exciter facilement des réseaux de composants à deux dimensions. De plus, toute une gamme de composants photoniques fibrés est déjà disponible. Les systèmes THz modernes en espace libre présentent des bandes passantes pouvant atteindre 20 THz avec des dynamiques supérieures à 60 dB. En revanche, les systèmes de métrologies intégrées présentent à l’état de l’art des bandes passantes de 2 THz et des dynamiques de 50 dB. L’objectif de ce travail de thèse est de 9 concevoir et développer un système de métrologie THz à ondes guidées avec une bande passante uniquement limitée par la durée des impulsions optiques femtosecondes. Les systèmes de mesure intégrés sont restés confinés dans peu de laboratoires de recherche du fait d’un handicap majeur par rapport aux techniques THz en espace libre: une réelle difficulté de mise en œuvre liée à la nécessité de véhiculer un faisceau optique jusque dans le détecteur, un cristal électro-optique dans notre cas. Nous avons donc développé une sonde locale totalement fibrée ne nécessitant que très peu d’alignement optique. Une forte intégration permet à ce système de mesure THz d’être utilisé dans un cadre industriel par un opérateur non expérimenté. Le système que nous présentons utilise un photoconducteur ultra rapide sensible à 1550 nm pour la génération d'ondes THz guidées, et une sonde électrooptique externe originale, optimisée pour atteindre une bande passante du système de mesure complet essentiellement limitée par la durée des impulsions optiques. Ainsi notre système se situe à la pointe de la performance fréquentielle (> 450 GHz) et offre une fonctionnalité unique : la détermination de la direction de propagation des impulsions THz se propageant sur un guide d'onde. Ainsi ce nouvel outil permet une avancée significative dans l'identification des échos parasites dans les circuits électroniques et optoélectroniques fonctionnant à très hautes fréquences et dans la caractérisation par spectroscopie THz dans le domaine temporel de milieux stratifiés complexes. Le premier chapitre de ce mémoire dresse un état de l’art des différents outils de métrologie dans le domaine THz. Nous discuterons des avantages et inconvénients de ces divers systèmes de mesure. La seconde partie de ce manuscrit est consacrée à l’étude et à la réalisation de notre système de mesure THz. Elle traite du caractère totalement fibré du système et des propriétés des cristaux électro-optiques utilisés dans notre expérience. Nous présentons une approche technologique qui permet de maîtriser la propagation dans une fibre optique d’impulsions femtosecondes de forte puissance crête. Nous compensons la dispersion chromatique à l’aide de fibres à dispersion négative. Nous décrirons les diverses étapes technologiques de réalisation de la sonde électro-optique fibrée externe. Celle-ci présente l'avantage d'être déplaçable librement. Elle présente une géométrie qui conduit à une interaction collinaire entre les impulsions optiques et les impulsions THz. Cette sonde originale permet d’atteindre une bande passante très élevée tout en offrant la possibilité unique de déterminer le sens de propagation d’une impulsion électrique guidée. 10 Dans le chapitre trois, nous présentons les résultats expérimentaux obtenus. Nous comparons les mesures pour les deux sens de propagation avec un modèle de simulation déterminant l’interaction électro-optique complète au sein du cristal électro-optique. Ce modèle permet d’étudier la réponse temporelle de la sonde électro-optique que ce soit pour une propagation co-propagative entre l’onde THz à mesurer et le faisceau optique de sonde ou bien contra-propagative. Ce chapitre se termine par les résultats obtenus sur divers composants tels les photocommutateurs développés pour le système de mesure, des photodiodes ainsi qu’une ligne de guidage coplanaire. Le quatrième chapitre de ce travail de thèse est consacré à de la prospective technologique. Nous avons fait un certain nombre d’études préliminaires. Nous proposons une solution élégante de générateur externe d’impulsion électrique THz. L’idée proposée est de reporter directement le matériau actif générant l’onde THz en extrémité d’une fibre optique. Nous montrerons qu’il est possible de coupler l’onde générée dans une ligne de transmission. Un tel système le champ d’investigation du système de mesure THz que nous avons développé à un grand choix d’échantillons. Enfin, nous proposerons une évolution de notre système d’échantillonnage électro-optique en remplaçant la source femtoseconde par un dispositif de photomélange. Au lieu de mettre en jeu une impulsion THz possédant un spectre large, le système de mesure impliquera une onde continue THz ayant un spectre très étroit et accordable en fréquence. Cette approche permet l’utilisation de sources continues à très haute brillance spectrale. Néanmoins, la stabilité en fréquence de ces sources est primordiale afin d’être compatible avec la détection cohérente. Il existe aujourd’hui des systèmes de stabilisation et de métrologie qui conduise à des précisions de l’ordre la dizaine de Hertz en résolution spectrale [Mou08]. 11 12 Chapitre I I Introduction La première exploration quantitative du domaine THz (fig. I-1) a été menée par Rubens [Rub94] lors de l’étude du rayonnement du corps noir. La loi de Planck indique que le rayonnement thermique possède un spectre continu d’étendue infinie. Malheureusement, si tout corps chaud rayonne dans le domaine THz, les puissances rayonnées sont très faibles. Ainsi, tout cm2 de corps chauffé à une température réaliste (typiquement moins de 3000K, température maximum du filament en tungstène des lampes à incandescence) rayonne de l’ordre du picowatt à 0,1 THz (λ=3 mm) et du microwatt à 10 THz (λ=30 mm) dans une largeur spectrale ∆λ=1µm. Les sources à corps noirs sont donc peu puissantes dans la gamme de fréquence THz. Cet exemple est une illustration du problème rencontré par les scientifiques et les ingénieurs menant des études dans ce domaine spectral : aujourd’hui, il n’existe pas de sources et de détecteurs qui soient à la fois performants et compacts. Alors que le domaine spectral THz marque la frontière entre deux domaines de fréquence, les microondes et l’infrarouge, il profite difficilement des techniques aujourd’hui très bien maîtrisées dans ces deux domaines spectraux de développement des sources et de détecteurs. Par exemple, les sources de rayonnement voient leur efficacité chuter fortement quand les fréquences se rapprochent et atteignent le domaine THz. Du côté micro-onde du spectre, il est difficile de concevoir des sources électroniques qui puissent opérer au-delà de 1 THz. Du côté optique du spectre, le concept des diodes lasers inter-bandes, dont le rayonnement est généré par la recombinaison radiative des électrons de la bande de conduction avec les trous de la bande de valence à travers la bande interdite du matériau, ne peut pas être étendu à l’infrarouge moyen car les écarts entre les bandes sont inférieurs à l’élargissement thermique à température ambiante (25 meV). Un photon à 1 THz correspond à un écart en énergie entre les bandes de 4 meV. Pour palier à cette limitation, plusieurs équipes de recherche ont conçu des lasers à cascades quantiques qui profitent des transitions intra-bandes ou des transitions inter-minibandes et ont ainsi pu atteindre le spectre du moyen infrarouge [Col01]. De nombreux travaux de recherche sont à l’origine de grandes avancées au cours des vingt dernières années sur la réalisation de sources et de détecteurs de plus en plus efficaces dans la gamme de fréquence THz. Ces avancées ont conduit à l’émergence des systèmes de 13 métrologie de plus en plus performants ce qui a ouvert de vastes champs d’applications, comme la spectroscopie et l’imagerie. Figure I-1 : Définition du domaine THz dans le spectre électromagnétique Ces outils de métrologie traitent des signaux THz, de type impulsionnel ou monochromatique, qui se propagent en espace libre ou dans un guide d’onde. Nous présentons par la suite les principaux outils de métrologie qui mettent en jeu des signaux THz se propageant en espace libre ou dans un guide d’onde. L’essentiel des systèmes de mesure THz peuvent être classés en deux catégories: 1/ les systèmes de mesure dans le domaine temporel 2/ les systèmes de mesure dans le domaine des fréquences. II Les systèmes de mesures THz 1 Les systèmes dans le domaine temporel 1.1 Le principe La génération d’ondes électromagnétiques THz, leur propagation et leur analyse temporelle sont les trois fonctions essentielles assurées par les systèmes de mesure dans le domaine temporel. Les signaux peuvent être des impulsions électromagnétiques ultra-brèves, ayant un contenu spectral important, soit des signaux continus, quasi-monochromatiques. Les signaux THz présentent des temps caractéristiques d'évolution de l'ordre de la picoseconde. La détection des signaux THz requiert donc une résolution temporelle de l’ordre de la picoseconde. Afin de mesurer de tels signaux, il faut pouvoir les échantillonner tout en respectant le théorème de Nyquist-Shannon qui garantit la conservation de l'information contenue dans le signal. On en déduit facilement que, pour échantillonner en temps réel une impulsion THz, il faut disposer d'un appareil électronique présentant une bande passante de plusieurs THz ou, autrement dit, capable de prendre un nombre conséquent d'échantillons de 14 mesure en moins d'une picoseconde. Or, à ce jour, il n'existe pas de système de détection présentant un pouvoir de résolution aussi élevé. Par ailleurs, dans la plupart des cas, les signaux à mesurer sont très faibles, et ce système de détection devrait donc simultanément présenter une très grande sensibilité associée à une très grande bande passante. Il semble donc actuellement utopique d’envisager d’échantillonner de manière classique, c'est à dire en temps réel, des signaux THz; on a donc recours à des techniques d'échantillonnage différentes, mieux adaptées aux signaux à mesurer. Dans le cas où le signal que l'on cherche à mesurer est périodique, on peut utiliser une technique dite d'échantillonnage en temps équivalent : cette technique rend possible l'utilisation de systèmes d'acquisition lents pour la mesure de signaux rapides, la contrepartie étant la quasi-impossibilité de mesurer des signaux monocoups et plus généralement non répétitifs. Il est entendu par systèmes d'acquisition lents des systèmes d'acquisition possédant une bande passante bien inférieure à celle des signaux mesurés. Le principe de la méthode est le suivant : le signal à mesurer (impulsion THz par exemple) étant périodique, les différents échantillons qui vont servir à le reconstituer ne seront pas pris sur une seule et même période du signal mais sur des périodes différentes et successives. L'utilisation d'une telle technique nécessite d’une part de pouvoir retarder précisément la prise de la mesure du signal à échantillonner. Ainsi, la mesure d'un signal THz peut être réalisée sur une durée suffisamment longue (sur plusieurs milliers de périodes du signal par exemple) ce qui permet l'utilisation d'un système plus lent que le signal pour effectuer l'acquisition. Dans ce cas, l'échelle réelle des temps est directement déduite de la méthode utilisée pour séparer temporellement deux échantillons pris successivement. En outre, et pour les signaux très faibles, cette technique permet de moyenner la mesure sur un grand nombre de périodes afin d'augmenter le rapport signal sur bruit. D’autre part, il est impératif que le système de mesure et les signaux à mesurer soient synchrones. C’est pourquoi, l’essentiel des systèmes THz de mesure dans le domaine temporel utilise le même faisceau pour assurer le synchronisme de détection et d'émission des signaux THz. Les émetteurs et les détecteurs sont alors optoélectroniques. Le synchronisme est obtenu en déclenchant les deux systèmes émetteur et récepteur à l'aide du même signal optique (la même impulsion optique par exemple). Le banc de mesure intègre alors un séparateur de faisceau qui divise le faisceau laser initial en deux faisceaux qui vont respectivement déclencher l'émission du signal THz au niveau du dispositif émetteur et la prise de la mesure au niveau du dispositif détecteur. Par ailleurs, la longueur des chemins optiques de ces deux faisceaux est facilement modifiée grâce à une ligne à retard optique placée sur l’un des chemins optiques, permettant ainsi de prendre plusieurs échantillons différents de l'impulsion THz à mesurer afin de la reconstruire comme décrit 15 précédemment. Les figures I-2 et I-3 représentent les schémas expérimentaux classiques des systèmes de mesure THz dans le domaine temporel dans le cas d’une propagation des ondes THz en espace libre et en guide d’onde respectivement. Dans ce type d’expérience, une impulsion optique interagit avec un matériau semiconducteur pour générer par photoconduction un signal électrique transitoire très rapide qui se propage ensuite sur une ligne de transmission; une autre impulsion optique, issue de la même source laser et retardée par rapport à la première, interagit à son tour avec le signal électrique à mesurer de manière à faire varier une grandeur facilement mesurable (courant électrique, intensité lumineuse...). Figure I-2 : Système de mesure THz en espace libre Figure I-3 : Système de mesure THz en propagation guidée. Les sources optoélectroniques disponibles pour être intégrées dans ces outils de mesure sont vastes. Elles délivrent des impulsions THz. Nous détaillerons par la suite les principales sources. 1.2 Les sources optoélectroniques 16 Toute source optoélectronique impulsionnelle de rayonnement THz est un composant non linéaire qui redresse l'impulsion optique (c'est à dire qui fait disparaître sa porteuse optique) et dont le temps de réponse est sub-picoseconde. Ces sources convertissent des impulsions optiques ultra-brèves (quelques dizaines de fs) en impulsions électromagnétiques dont la durée est de l'ordre de la picoseconde. La conversation peut être assurée par le redressement optique de l’impulsion laser dans un cristal non-linéaire [Bas62], [Yan71]. L’impulsion électrique THz émise est l’enveloppe de l’impulsion optique ultra-rapide qui excite le cristal aux propriétés électrooptiques. Il s’agit d’un processus non-linéaire d’ordre 2 qui se produit donc dans les matériaux non-centrosymétriques. Le mécanisme physique mis en jeu est la génération d’un signal par différence de fréquences entre les composantes fréquentielles qui constituent l’impulsion optique elle-même. La largeur spectrale de l’impulsion THz générée est limitée par la durée de l’impulsion laser utilisée ainsi que par l’accord de phase entre le signal THz et le signal optique dans le cristal. En effet, pour atteindre une émission large bande par la technique de redressement optique, l’accord de phase entre le signal THz et le signal optique dans le cristal doit être respecté. Cette étape est critique et il est donc essentiel de diminuer l’épaisseur du cristal (~ 10 à 20 µm) au détriment de l’efficacité d’émission. Une solution proposée a été l’utilisation de matériaux retournés périodiquement comme le PPLN (Periodically Poled Lithium Niobate) qui a permis de générer un rayonnement THz accordable entre 0,8 et 2,5 THz avec une résolution de 0,02 THz [Lee01]. Les résultats à l’état de l’art de cette approche en terme de bande passante démontrent une génération jusqu’à plusieurs dizaines de THz. Néanmoins, cette technique nécessite des puissances crêtes optique élevées et des réglages optiques fins pour assurer l’accord de phase entre le signal optique et le signal THz. La génération de surface d’un matériau semiconducteur conduit également à l’émission d’un rayonnement THz impulsionnel en espace libre. La génération de champ électromagnétique aux fréquences THz à partir de la surface d’un semi-conducteur repose essentiellement sur deux phénomènes, l’accélération par le champ de surface et l’effet Dember dont les contributions respectives au rayonnement sont difficilement dissociables. Il est néanmoins reconnu que suivant que le semi-conducteur possède une bande interdite importante ou au contraire faible, l’un ou l’autre des phénomènes prédomine. Dans le cas de semi-conducteurs à large bande interdite, les photo-porteurs créés par l’absorption d’une impulsion laser sont accélérés par le champ électrique à la surface du semi-conducteur. 17 [Zha92(2)]. Dans le cas des semi-conducteurs à faible bande interdite, le champ électrique de surface n’est pas suffisamment important. Il est néanmoins possible d’obtenir un rayonnement THz par l’effet Dember [Dek96]. Cet effet repose sur le fait que les électrons et les trous générés par les impulsions lasers diffusent avec des coefficients de diffusion différents induisant un déséquilibre dans la répartition des charges et la formation rapide d’un dipôle. Cette variation rapide de polarisation est responsable de l’émission d’un rayonnement électromagnétique. La simplicité de mise en œuvre et l’efficacité de cette technique ont motivé de nombreux travaux qui ont porté sur une grande variété de semi-conducteurs comme par exemple InP, GaAs, CdTe, CdSe, InSb, Ge, GaSb, Si, GaSe [Zha92(2)], InAs [Kon99]. Une limitation de cette approche est que le lobe d’émission du rayonnement se trouve dans le plan de la surface du semi-conducteur ce qui limite l’efficacité avec laquelle on peut recueillir le rayonnement. Pour remédier à cette limitation, des travaux ont démontré que, lorsqu’on applique un champ magnétique, la puissance du rayonnement THz était augmentée de plusieurs ordres de grandeurs pour atteindre 650 µW à partir d’InAs massif sous 1,7 T et 1,5 W d’excitation optique [Zha93], [Sar98]. Ce comportement est expliqué par la modification de la direction d’accélération des porteurs induite par la force de Lorentz en présence d’un champ magnétique [Joh02]. Il s’ensuit que le lobe d’émission ne se trouve plus dans le plan de la surface du semi-conducteur, mais dans une direction dont l’angle dépend de l’intensité du champ magnétique appliqué. Cette méthode alourdit néanmoins l’utilisation de la technique de génération de surface. Les sources optoélectroniques THz les plus répandues sont les dispositifs à photoconduction [Dra04]. Il s’agit de dispositifs à semi-conducteurs capables de délivrer des signaux dont l'étendue spectrale peut atteindre 30 THz [She03] et même 60 THz [Kon02], et la puissance moyenne plusieurs dizaines de µW [Zha02]. Dans un photocommutateur, deux contacts métalliques sont déposés à la surface d'un matériau photoconducteur afin d'appliquer un champ électrique de polarisation. Le mécanisme qui engendre l'émission d'un signal THz par le photocommutateur commence par l'illumination de l'espace inter-électrode du dispositif avec une impulsion laser ultracourte dont l'énergie des photons est supérieure à l'énergie de la bande interdite. Il y a alors création de paires électron-trou dans le matériau photoconducteur. Les porteurs libres sont accélérés dans le champ électrique statique appliqué pour former un transitoire de courant. Lorsque le photoconducteur est couplé à un guide d’onde (fig. I-4), une impulsion THz est générée et se propage dans un guide d’onde. D'après les équations de Maxwell, la variation de courant rapide entraîne également le rayonnement d'ondes 18 électromagnétiques dans le milieu ambiant. Le photoconducteur couplé à une antenne rayonne ainsi une impulsion THz, on parle d’antenne photoconductrice. Le rayonnement THz se trouve être, en champ lointain, la dérivée temporelle du transitoire de courant. La plupart des antennes utilisées sont des antennes planaires sur substrat comme des antennes de type dipôle ou bow-tie, antennes résonantes dont la fréquence de résonance dépend de ses dimensions. Figure I-4 : Photocommutateur ultra-rapide typique connecté à une ligne de guidage coplanaire 1.3 Les détecteurs optoélectroniques Les détecteurs optoélectroniques se divisent en trois familles: 1) Ceux dans lesquels un faisceau optique génère des porteurs électriques qui sont accélérés par le champ électrique du signal THz, donnant naissance à un courant électrique, 2) Les détecteurs électro-optiques constitués d'un cristal dont l'ellipsoïde des indices est modifié par le champ THz ambiant, cette perturbation conduisant à une modification de l’état de polarisation d'un faisceau lumineux de lecture traversant le cristal, modification mesurée à l'aide d'éléments optiques polarisants, 3) L’effet Franz-Keldish qui est un effet d’électro-absorption ultra-rapide. Pour ces trois familles de détecteurs, la valeur du courant, la modification d’état de polarisation ou changement d’absorption est directement proportionnelle à l'amplitude du champ électrique de l'onde THz, et non pas à son intensité. Ces détecteurs sont donc sensibles au champ électrique et permettent donc d’accéder à la phase du signal lorsque la détection est réalisée de façon synchrone avec l'émission. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la même source optique déclenche à la fois l'émetteur d'onde THz et le détecteur. Le faisceau optique de lecture est une partie prélevée sur le faisceau optique d'émission, partie qui est retardée à l'aide d'une ligne à retard optique. Ces trois familles de détecteurs sont compatibles 19 avec la détection de signaux THz se propageant en espace libre comme la détection de signaux THz se propageant dans un guide d’onde. Dans la première famille de détecteurs, les dispositifs photoconducteurs sont les plus conventionnels. Leur conception est identique à celle pour la génération à part qu’aucun champ électrique statique n’est appliqué au matériau semi-conducteur: c’est le champ THz incident lui-même qui joue le rôle de champ électrique d’accélération des porteurs. Ces détecteurs sont éclairés par des signaux optiques qui génèrent des paires électrons – trous, successivement accélérés par le champ THz incident. Ces détecteurs photoconducteurs délivrent alors un photo-courant proportionnel au champ électrique incident. Les transducteurs électro-optiques de la deuxième famille sont basés sur l’effet Pockels. C’est en 1906 que Pockels découvrit que l’application d’un champ électrique à certains cristaux changeait leurs propriétés de biréfringence optique et donc modifiait la polarisation de la lumière qui les traverse [Poc1906]. En plaçant le cristal entre deux polariseurs croisés, l’intensité de la lumière transmise par le système est modulée par le champ électrique appliqué au cristal. Cet effet fut par la suite baptisé effet électro-optique ou effet Pockels. L’effet électro-optique résulte d’une force microscopique induite par l’application d’un champ électrique suivant une direction particulière du cristal. Cette force conduit à une déformation de la structure cristalline du solide suivant une direction particulière. Cette déformation structurale entraine un changement dans les propriétés électrooptiques du matériau. L’utilisation de l’effet électro-optique pour analyser un champ électrique sera présentée plus en détails dans le chapitre suivant. La troisième famille de détecteurs est basée sur l’effet Franz-Keldysh. En 1958, Franz [Fra58] et Keldysh [Kel58] ont développé la théorie des transitions optiques “interbande” dans les semi-conducteurs en présence d’un champ électrique quasi-statique. Cette théorie prédit qu’un électron peut effectuer une transition de la bande de valence vers la bande de conduction même si son énergie est inférieure au gap du semi-conducteur avec une probabilité dépendante de la valeur du champ électrique à mesurer. Il en résulte qu’il devient possible de connaître la valeur d’un champ électrique en mesurant l’absorption optique d’un semi-conducteur présentant les conditions adéquates. Cet effet se retrouve dans les semiconducteurs classiquement utilisés en micro-électronique III-V (GaAs et InP). Une façon simple d’expliquer l’effet Franz-Keldysh est de dire que pour une énergie donnée, inférieure à celle de la bande interdite, la probabilité de l’effet tunnel est augmentée quand un champ électrique est appliqué. En présence d’un champ électrique (qui incline le profil des bandes du 20 semi-conducteur), la probabilité de trouver un électron dans le gap est décrite par une fonction d’onde de l’électron ue ikx , où k est le vecteur d’onde (imaginaire) de la fonction d’onde associée à l’électron. La probabilité de trouver un électron dans le gap décroît donc exponentiellement depuis la bande de valence. L’électron de valence doit alors traverser la barrière par effet tunnel pour apparaître dans la bande de conduction. La hauteur de cette barrière correspond au gap du semiconducteur Eg et sa largeur à la valeur : d = E g qE avec q la charge de l’électron. Lorsque le champ électrique augmente, la longueur d’absorption par effet tunnel diminue et le recouvrement des fonctions d’onde, décrivant la probabilité de l’effet tunnel, est augmenté. Comme décrit sur la figure, l’assistance d’un photon d’énergie hν inférieure à Eg est équivalente à réduire la largeur de la barrière à une valeur : d ' = ( E g − hv) qE (fig. I-5). Alors, le recouvrement des fonctions d’onde est augmenté, rendant la transition par effet tunnel plus probable et donc augmentant l’absorption des photons. Figure I-5 : Effet tunel d’un électron sans changement d’énergie (a) et avec absorption d’un photon (b) Cet effet peut ainsi être utilisé pour déterminer un champ électrique en mesurant la lumière transmise à travers un matériau photo-absorbant soumis à ce champ. Les détecteurs basés sur cet effet présentent des bandes passantes très élevées car le temps de relaxation de ce phénomène est extrêmement bref [Yac68]. Une étude plus détaillée est présentée dans le manuscrit de thèse de L. Desplanque [Lam01] [Des03]. D’un point de vue pratique, pour que cet effet soit fort et linéaire, il est nécessaire que le champ électrique soit supérieur à quelques dizaines de kV/cm. Les impulsions THz n’étant généralement pas assez intenses, il est indispensable d'appliquer une source de tension continue additionnelle au matériau électroabsorbant. 2 Les systèmes THz dans le domaine fréquentiel 21 L'avantage prépondérant des techniques fréquentielles par rapport à celles temporelles est la très grande résolution spectrale. Celle-ci est pratiquement limitée à quelques GHz dans le domaine temporel (100 ps correspond à 10 GHz), alors qu’avec les techniques fréquentielles, la résolution spectrale est facilement réduite à quelques dizaines de MHz. 2.1 Le principe Avec une source THz quasi-monochromatique, les techniques classiques de l'optique sont alors extrapolées dans le domaine THz. Le système de mesure le plus élémentaire est constitué d’une source monochromatique accordable et d’un détecteur d’énergie (détecteur incohérent). Les signaux détectés étant généralement faibles, on augmentera le rapport signal sur bruit en employant des amplificateurs à détections synchrones qui nécessitent de moduler le faisceau THz sur le banc expérimental. Comme nous allons le voir dans la partie suivante qui détaillera de façon non exhaustive les sources quasi-monochromatiques disponibles, le passage à d'autres fréquences THz oblige à modifier la source (changement du milieu amplificateur dans les lasers, ajout d'un élément multiplicateur de fréquence dans les chaînes de type sources électroniques...). Une autre difficulté des expériences "continues" est d'éliminer la contribution du rayonnement thermique ambiant, puisqu'à température ambiante 20°C, un m2 reçoit environ 400 W de rayonnement thermique. Ainsi, un élément parfaitement absorbant (corps noir) de 1 cm2 absorbe environ 15 µW intégré dans la bande spectrale 1-2 THz. La plupart des détecteurs sont refroidis et le rayonnement qui les éclaire est filtré pour éliminer les fréquences non désirées du spectre thermique. A titre d’exemple, la fig. I-6) illustre un banc de mesure « continue » dont la source est constituée d’un dispositif photoconducteur éclairé par des faisceaux optiques continus de longueurs d’ondes légèrement différentes, la propagation des faisceaux est contrôlée par des miroirs paraboliques et la détection est assurée par un bolomètre refroidi à l’hélium liquide [Mou04]. 22 Figure I-6 : Expérience typique de spectroscopie continue par photomélange 2.2 Sources continues Parmi les sources très puissantes, on peut citer les carcinotrons (ou Back Wave Oscillator BWO) qui émettent en continu un rayonnement accordable sur une centaine de GHz, typiquement entre 0,1 et 1,5 THz avec des puissances de l’ordre de 10 mW aux fréquences basses à environ 1 mW aux plus hautes fréquences [Grü98]. Des électrons sont arrachés par chauffage d’une cathode. Ils sont accélérés vers l’anode par un fort champ électrique. L’accordabilité de la source est obtenue par la modification de la valeur de cette différence de potentiel. Le faisceau d’électrons collimaté par un champ magnétique passe à proximité d’un ralentisseur constitué d’un peigne d’électrodes périodiques. Le ralentissement des électrons engendre un rayonnement électromagnétique. Il s’agit néanmoins d’une source avec un coût élevé et une durée de vie limitée. On peut citer les composants électroniques qui, bien que limités par le temps de transit des porteurs et par des éléments capacitifs parasites, ont fait l’objet de nombreuses études ces dernières années. Les diodes Gunn utilisées en fonctionnement en second harmonique ont permis de générer plus de 1 mW de puissance autour de 315 GHz [Eis98]. Les diodes à tunnel résonnant présentées par Brown et al. [Bro91] ont fourni des oscillations jusqu’à 712 GHz avec une puissance d’environ 0,3 µW. Les diodes HBV (Heterostructure Barrier Varactor) permettent en procédant à une multiplication de fréquence d’atteindre quelques centaines de GHz. Des développements de sources basées sur des transistors ont également été entrepris. 23 Les oscillateurs à base de transistors HEMT ou à base de transistors HBT ont fonctionné respectivement à 213 GHz [Ros95] et à 146 GHz [Ushida01]. Au-delà de ces sources, des méthodes optiques ont en outre été développées. Inventé dans les années 50, le laser moléculaire [Dod99] est la première source de rayonnement cohérent basé sur l’inversion de population. A l’heure actuelle, les lasers oscillant dans le domaine submillimétrique sont pour l’essentiel des dispositifs optiquement pompé par des lasers CO2 de forte puissance. De nombreux milieux actifs sont utilisables parmi lesquels on trouve le méthanol (CH3OH) et l’acide formique (HCOOH). Au total, plus d’une centaine de raies d’émission de puissance significative (centaines de mW) sont connues entre 500 GHz et 2500 GHz avec une largeur spectrale inférieure à 100 KHz. En utilisant le laser submillimétrique optiquement pompé comme dispositif de base, de nombreux groupes [Sie02] ont développé des sources accordables en exploitant la technique de bandes latérales. Cette technique nécessite la génération d’harmonique à l’aide d’un élément non-linéaire (diode Schottky). Les lasers à cascades quantiques émettent un rayonnement continu dont la longueur d’onde d’émission est fixée par leur conception technologique. Ce sont des dispositifs très compacts qui fournissent une puissance relativement élevée de plusieurs milliwatts mais ils nécessitent un fonctionnement à très basse température, typiquement quelques dizaines de degrés Kelvin. Les diodes lasers émettant dans la gamme de fréquence THz en sont encore au stade de la recherche. Le laser à cascade quantique est un dispositif unipolaire où les transitions ne se font plus entre la bande de conduction et la bande de valence comme dans le cas des diodes lasers conventionnelles mais entre les sous-bandes dans une suite de puits quantiques couplés. Une fois la structure polarisée, les électrons se propagent dans une succession de zones d’injections et de zones actives. Les électrons émettent des photons en effectuant des transitions inter-sousbandes dans la zone active avant d’entrer dans la zone active suivante. Pour une certaine valeur du champ électrique appliqué, le couplage tunnel entre les différentes sous-bandes permet d’obtenir une inversion de population associée à un gain pour un effet laser. Le développement de lasers à cascade quantique à des fréquences en dessous de 10 THz [Köh02] est beaucoup plus complexe, à cause d’une part de la difficulté d’obtenir une inversion de population avec une transition optique aussi faible en énergie. Les niveaux d’énergie mis en jeu à ces fréquences de fonctionnement sont inférieurs à l’énergie des phonons optiques dans le GaAs. Les transitions non-radiatives ne sont alors plus dominées par l’émission de phonons optiques. C’est pourquoi la conception de structures 24 fonctionnant dans la gamme de fréquence THz a nécessité une bonne compréhension des intéractions électrons – électrons qui ne sont alors plus négligeables. D’autre part, aux fréquences THz il est nécessaire de développer des structures de propagation avec des pertes minimisées car les pertes par les porteurs libres augmentent avec le carré de la longueur d’onde. Sirtori et al. [Sir98] ont proposé un guide de propagation basé sur les plasmons de surface présents entre un milieu métallique et un semiconducteur. Parmi les réalisations, on peut citer les travaux de Köhler et al. [Köh02] qui ont conçu un laser à cascade quantique opérant en régime impulsionnel à 4,4 THz et fonctionnant jusqu’à la température de 50 K. La puissance crête atteinte est de 2 mW à 8 K pour un rapport cyclique de 10 %. Scalari et al. [Scalari03] ont montré la génération d’un rayonnement à 3,5 THz jusqu’à 90 K. Une puissance crête de 20 mW à 20 K est atteinte avec un rapport cyclique de 1 %. Les avancées dans ce domaine sont rapides et les travaux portent actuellement sur la conception de lasers à cascade quantique opérant à plus haute température. La complexité de la réalisation technologique et leur fonctionnement à très basse température sont les inconvénients majeurs des lasers à cascade quantique. La technique utilisant l’optique paramétrique permet de générer un rayonnement THz quasi-continu. Cet effet découle de la diffusion paramétrique de lumière dans des cristaux non linéaire. L’onde de pompe à la fréquence optiqueω, génère deux ondes : une onde dite « signal » et une autre que l’on appellera « idler » (complémentaire). Elles ont pour fréquences respectives Ω et ω idler . Ainsi, la fréquence THz générée peut être réglée en changeant l’angle d’incidence du faisceau optique de pompe sur le cristal. Cette technique permet une accordabilité de (0,7-3 THz) avec une puissance crête de l’ordre de la centaine de mW. [Kaw05]. Les dispositifs photoconducteurs, éclairés par battement de deux faisceaux optiques continus dont la différence de fréquence est ajustée pour se situer dans la gamme des fréquences THz, émettent des ondes THz continues. Le champ électrique statique est appliqué au dispositif donnant naissance à un photo-courant modulé à la différence de fréquence de deux signaux optiques. L’émission en espace libre est assurée par le couplage du dispositif photoconducteur à une antenne planaire métallique large bande c'est-à-dire que ses caractéristiques de rayonnement sont indépendantes de la fréquence sur une large plage. L’ensemble constitue un photo-mélangeur. Un champ électromagnétique continu de fréquence égale à la différence de fréquence est ainsi rayonné. 25 Les photodiodes à transport unipolaire sont des sources THz continues extrêmement puissantes. L'idée de base de cette structure est que le comportement dynamique de la photodiode ne soit plus limité par les porteurs les plus lents (les trous), mais par les électrons. La photodiode à transport unipolaire est essentiellement basée sur une double hétérojonction de semi-conducteurs. Le transport des électrons se fait d'abord par diffusion dans la zone absorbante puis par dérive dans le collecteur. On peut donc obtenir des fréquences de coupures très élevées. Des expériences de battements de lasers ont été faites: des puissances de plus de 20 mW ont été obtenues à 100 GHz [Ito03]. A 300 GHz, une puissance de 300 µW a été obtenue en intégrant la photodiode avec une antenne large bande log-périodique, la même structure a généré 2,6 µW à 1 THz. L'intégration d'une photodiode avec des dipôles résonnants (antenne à bande étroite) a permis de générer 10,9 µW à 1 THz ce qui constitue actuellement le record de puissance générée à 1 THz par battement de lasers. Les dispositifs photoconducteurs ainsi que les photodiodes à transport unipolaire sont compatibles avec une détection cohérente qui fournit une mesure vectorielle du signal THz. 2.3 Détecteurs incohérents Pour les techniques de mesure « continues », les détecteurs sont le plus souvent des détecteurs d'énergie (ou de puissance) qui sont par essence relativement lents, qui intègrent donc le signal incident et qui possède une très grande sensibilité. Dans le domaine THz, on trouve deux types de détecteurs incohérents, c'est à dire qui mesurent l'énergie du rayonnement et ne donnent pas directement accès à sa phase. Pour le premier type, les photons incidents génèrent un changement du nombre de porteurs du semi-conducteur ; ce sont les photo-conducteurs extrinsèques et intrinsèques. En absorbant l'énergie des photons THz, les porteurs passent respectivement de la bande de valence ou de la bande d'impuretés vers la bande de conduction. Dans les semi-conducteurs extrinsèques, on introduit des impuretés dans la maille cristalline. Elles ont pour effet de créer une bande entre la bande de valence et la bande de conduction. L'écart d'énergie entre cette bande d'impuretés et la bande de conduction est alors assez faible pour permettre un effet photo-conducteur dans le domaine infrarouge lointain. Le germanium dopé gallium refroidi à l’hélium est un détecteur de ce type [Hos06]. Un deuxième type de détecteurs est constitué par les bolomètres pour lesquels la résistivité du matériau dépend de la température. Le bolomètre est constitué de 3 éléments : 26 1) un élément sensible, généralement formé d'un cristal semi-conducteur, qui s'échauffe en absorbant le rayonnement incident. 2) un thermomètre, généralement une thermorésistance ou un circuit supra-conducteur, pour mesurer l'élévation de température du cristal. 3) un pont thermique reliant le cristal à un radiateur permettant le refroidissement du cristal. Le NEP (puissance équivalente du bruit) d'un bolomètre refroidi à l’hélium est de l'ordre de 10-11 W/Hz1/2. Le temps de réponse du bolomètre est égal au rapport de la capacité calorifique du radiateur par la conductivité thermique du pont, de l’ordre de 1 µs à 10 ms. Un troisième type de détecteurs est constitué par les cellules de Golay, dans lesquelles l'élévation de température d'un gaz dilate une cellule, dilatation généralement mesurée par voie optique. La réponse et la sensibilité d'une cellule de Golay sont de l'ordre de 10-4-10-5 V/W et 10-10 W/Hz1/2, son NEP étant inférieur à 100 pW/Hz1/2. Son principal avantage est de travailler à température ambiante, et son principal défaut est un temps de réponse limité par les effets thermiques à quelques dixièmes de seconde. 2.4 L’analyseur de réseau vectoriel L’appareil de mesure le plus commun dans le domaine des micro-ondes est l’analyseur de réseaux, qui s’étend de nos jours jusqu’à des fréquences de 325 GHz. Les analyseurs de réseaux vectoriels assurent la génération d’une onde continue, son analyse en amplitude et en phase après sa propagation dans un guide d’onde ou en espace libre. L’analyseur de réseaux est constitué d’un générateur qui délivre un signal sinusoïdal hyperfréquence très pur et très stable (oscillateur à cristal YIG asservi sur un quartz). L’analyseur dispose de deux ports munis de coupleurs directifs permettant d’exploiter séparément les signaux transmis et réfléchis. Ces signaux à haute fréquence sont ensuite convertis à plus basse fréquence à l’aide de mélangeurs. L’augmentation de la bande passante de ces outils de mesure au-delà de 325 GHz est difficile. En effet, à haute fréquence, les coupleurs directifs n’ont pas une capacité totale à séparer l’onde incidente de l’onde réfléchie. Il est possible de corriger ce défaut par calibration de l’appareil pour chaque fréquence de mesures. Il est également difficile de concevoir une source très pure et très stable sur une grande plage de fréquence. Il faut alors changer plusieurs fois de mélangeur et de guide d’onde. Ces guides sont de très petites dimensions (l’ordre du mm avec une tolérance inférieure à 25 µm). A haute fréquence, la technique de détection est assurée par mélange non linéaire dans des diodes. Il est néanmoins 27 difficile de guider des signaux à de telles fréquences. La moindre désadaptation d’impédance cause des réflexions parasites très intenses et souvent les lignes de guidage ont une dispersion telle que la bande passante est très réduite sur l’étage d’entrée de l’appareil de mesure. 2.5 Les techniques interférométriques L'emploi de sources à large spectre, souvent incohérentes comme les corps noirs, demande en plus, par rapport aux sources monochromatiques, de sélectionner et/ou mesurer la fréquence du rayonnement qui sera utilisée dans l'expérience. Soit on installe un monochromateur entre source et détecteur, soit on utilise la technique de la spectroscopie à transformée de Fourier, qui est certainement la plus communément usitée dans le domaine de l'infrarouge lointain, et dont le principe interférentiel est finalement très proche de celui des techniques temporelles décrites précédemment. Le spectromètre à transformée de Fourier repose sur le phénomène d’interférences à deux ondes. Sa pratique la plus répandue fait usage de l’interféromètre de Michelson (fig. I7). La source étant étendue, le signal du détecteur devient la somme des signaux de chacune des composantes monochromatiques constituant la source. Cette somme I(∆) est ∞ l’interférogramme : I (∆ ) = ∫ B(ν )(1 + cos(2πν∆)dν où B(n) est la densité spectrale d’énergie 0 caractérisant la source, et n le nombre d’ondes (inverse de la longueur d’onde). L’équation I(∆) se compose d’un terme constant et d’un terme pair modulé : ∞ I ' (∆) = ∫ B(ν ) cos(2πν )dν qui est la transformée de Fourier en cosinus du spectre B(υ ) . La 0 ∞ transformation: B(ν ) = ∫ I ' (∆) cos(2πν )dν restitue le spectre. Le spectromètre à transformée −∞ de Fourier procède donc en deux temps. L’interférogramme est d’abord enregistré en fonction de ∆, puis sa transformation de Fourier restitue le spectre, fonction de n. 28 Figure I-7 : Spectroscopie par transformée de Fourier En pratique, l’émission de corps noir d’une céramique chauffée à forte température (640°) est utilisée comme source de lumière THz. Un interféromètre de Michelson permet d’obtenir la fonction d’autocorrélation de la source. L’interférogramme est enregistré grâce à un détecteur bolométrique. L’intensité spectral de la source est calculée en prenant la transformé de Fourier numérique de l’interférogramme. Cette technique permet d’obtenir des spectrogrammes quasiment en temps réel. Ces spectromètres commerciaux ne sont pas résolus à moins de quelques GHz. 3 Propagation des signaux 3.1 Guidage des ondes THz Nous avons vu précédemment différentes techniques pour générer et détecter des ondes électromagnétiques dans le domaine THz. Les techniques de guidage de ces ondes THz sont très variées. En espace libre, les miroirs paraboliques et les lentilles THz sont le plus couramment employés. Les miroirs métalliques paraboliques présentent de très bonnes performances : très bons coefficients de réflexion et les défauts de rugosité sont inférieurs à λ 100 . Comparé aux miroirs, les lentilles de faible épaisseur en Téflon, Silicium ou Tsuripica présentent des pertes plus fortes à cause des pertes diélectriques du matériau. Cependant ces dispositifs sont plus compacts. Ces dispositifs permettent de focaliser le rayonnement THz sur un diamètre typique de l’ordre de 100 µm. Cela limite fortement l’investigation de matériaux de faibles dimensions. De plus, si l’on veut éviter l’absorption par les gaz présents dans l’air (essentiellement la vapeur d’eau), il est nécessaire de travailler en atmosphère inerte soit sous vide. Dans les systèmes intégrés, le guidage des ondes THz s’effectue essentiellement grâce à des guides d’onde métalliques planaires. Dans ce mode de guidage ce sont les courants haute- 29 fréquence qui sont guidés par des conducteurs métalliques. Il est nécessaire de disposer au moins d'un conducteur qui assure le retour du courant. Le comportement de ces guides est similaire à celui du câble coaxial où le conducteur central assure le transport du signal et le conducteur externe le retour de celui-ci. Pour éviter la propagation des modes guidés ou le rayonnement de la structure, il faut réduire toutes les dimensions latérales lorsque la fréquence augmente. Cette réduction s'accompagne d'une forte augmentation des pertes. Les principaux guides planaires utilisables sont les guides micro-rubans et les guides coplanaires à deux et trois rubans. 3.2 Comparaison des systèmes en espace libre et en guide d’onde Les systèmes THz espace libre, c'est-à-dire pour lesquels les signaux se propagent en espace libre, sont les systèmes les plus utilisés. Les progrès récents réalisés notamment sur le guidage des ondes aux fréquences THz, ont conduits au développement des systèmes THz dits «à ondes guidés» car les signaux THz se propagent dans des guides d’onde. Ces deux techniques sont complémentaires et ont chacune leur propre avantage. Par exemple, il est clair que la résolution spatiale des systèmes en espace libre est limitée par la diffraction. Ainsi, seuls les objets dont les dimensions sont supérieures à quelques centaines de microns seront résolus. Par pallier à cette limitation, des techniques de type champ proches ont récemment proposées. Grâce à ces techniques la résolution spatiale a été nettement réduite, cependant, ces techniques nécessitent des sources THz puissances pour compenser les pertes d’intensités liées à la diffusion. Les systèmes THz à ondes guidées étant basés sur l’interaction du champ évanescent qui s’étend au dessus de guide d’onde avec l’élément à caractériser, il est possible d’atteindre une résolution spatiale nettement inférieure à la diffraction. Elle est en fait limitée uniquement par les contraintes de lithographies [Nag02]. Cette caractéristique est très prometteuse pour les applications en imagerie. De nombreuses applications nécessitent l’analyse de faibles quantités de substances. Or, une grande quantité de substance est nécessaire pour l’analyse avec les systèmes en espace libre à cause de la dépendance de la longueur d’interaction avec l’épaisseur de l’élément à caractériser. L’intégration en guide d’onde permet d’augmenter significativement la longueur d’interaction du signal THz avec l’échantillon et donc même une faible quantité de matériau peut être sondée. On utilise des structures résonantes en espace libre ou en géométrie guidée pour accroitre les longueurs d’interaction et ainsi augmenter la sensibilité du système de mesure (fig. I-9) 30 Figure I-9 : Système de spectroscopie intégrée pour la mesure de milieu biologique proposé par Nagel et al. En revanche, pour les mesures à très haute fréquence, les approches en espace libre sont préférables car la dispersion et les pertes du substrat utilisé pour le guide limitent la bande passante accessible. Le rayonnement THz est plus facilement émis, transmis et détecté à des températures cryogéniques en configuration guidée, ce qui augmente l’interaction avec le système étudié. III Contexte de l’étude Toutes ces techniques de mesure sont complémentaires. Elles ont leurs propres avantages. C’est l’application visée qui détermine la technique à retenir. L’application la plus ancienne et toujours d’actualité concerne la caractérisation par spectroscopie des matériaux solide, liquide ou gazeux. Les matériaux gazeux présentent les plus fortes contraintes. Ils nécessitent à la fois une forte puissance THz et une haute résolution spectrale. L’imagerie dans le domaine THz est intéressante en particulier dans le domaine de la sécurité (détection de produits illicites ou dangereux), du contrôle qualité ainsi qu’en imagerie médicale (visualisation de tumeurs cancéreuses). Pour ces applications, le temps d’acquisition des images reste le facteur le plus limitant. Les systèmes guidés sont également intéressants pour la détection de molécule biologique (ADN). Les fréquences des télécommunications augmentent régulièrement à la recherche de bande de fréquence libre. Les mesures des ces circuits nécessitent des bandes passantes de plus en plus élevées qui se rapproche du domaine THz. Une autre application potentielle (fig. 31 I-10) concerne les liaisons courtes distances (in-door) avec des bandes passantes pouvant dépasser 40 GHz sur une porteuse THz [Mar08]. Figure I-10 : Modulation à 12 GHz autour d’une porteuse de 1,25 THz d’une antenne photoconductrice Un des objectifs de ce travail de thèse était de développer un outil métrologique adapté à la caractérisation des circuits optoélectroniques et électroniques fonctionnant à haute fréquence. Dans ce contexte, nous nous sommes orientés vers une technique de mesure à ondes guidées. L’enjeu de ce travail de thèse a été de répondre aux critères suivants : 1) La longueur d’onde des impulsions optiques femtosecondes fixées à 1550 nm. Ce choix de la longueur télécom était motivé par la réduction du coût, le gain en flexibilité et en compacité offerts par les lasers à fibre dopé à l’Erbium. Cette longueur d’onde de travail nous a contraints à développer un générateur d’impulsion THz sensible à 1550 nm. Pour cela, nous avons conçu un photocommutateur en InGaAs irradié par des ions. 2) Un système de mesure entièrement fibré. Travailler avec un environnement totalement fibré offre la possibilité de faire des mesures résolues spatialement sans avoir à effectuer de réglages optiques. Cela simplifie extrêmement l’utilisation de l’outil métrologique par des personnes non initiées. L’utilisation de plusieurs mètres de fibre optique requiert impérativement de gérer la dispersion et les effets non-linéaires des impulsions optiques femtosecondes après leur propagation dans la fibre optique. Nous avons donc introduit des tronçons de fibre à dispersion négative. 3) Une bande passante élevée. Nous avons conçu une tête électro-optique originale ou les impulsions optiques de sonde se propagent de manière colinéaire avec les signaux THz à analyser. Il s’agit d’une tête de mesure totalement fibrée à deux ports. L’outil de métrologie à ondes guidées réalisé dans le cadre de ce travail de thèse permet une mesure vectorielle des champs électromagnétiques THz et présente des 32 performances à l’état de l’art en termes de bande passante. La bande passante proche de 500 GHz est nettement supérieure aux solutions commerciales existantes comme l’oscilloscope à échantillonnage et les analyseurs de réseaux limités respectivement à 110 GHz et 325 GHz. Cet outil de métrologie possède également une fonctionnalité unique qui est la détermination de la direction de propagation des signaux THz se propageant dans un guide d’onde. Cette caractéristique présente des retombées importantes pour la caractérisation des circuits électroniques à haute fréquence car elle permet d’améliorer le diagnostic des rebonds parasites résultant des désadaptations d’impédances présents à haute fréquence. Au-delà de la caractérisation des circuits rapides, cette fonctionnalité ouvre également la voie à une étude spectroscopique fine des milieux complexes stratifiés dans la gamme THz. 33 IV Conclusion du chapitre Nous avons vu dans ce chapitre un état de l’art des techniques de métrologie dans le domaine THz. Ce domaine du spectre électromagnétique suscitent aujourd’hui un engouement sans précédent dû aux applications entrevues, dans des domaines aussi variés que l’environnement, la sécurité, l’imagerie, les télécommunications … Jusqu’aux années 1990, les études dans le domaine THz sont restées confinées dans des laboratoires spécialistes de l’infrarouge très lointain, à cause de l’absence de sources puissantes et détecteurs sensibles. Une révolution technologique a eu lieu à cette époque avec l’avènement des lasers femtosecondes, qui ont facilité la génération et la détection des signaux THz. Ce domaine fait l’objet de nombreux travaux dans la communauté scientifique, de nouvelles perspectives sont proposées régulièrement comme l’atteste le nombre croissant de publications dans ce domaine (fig. I-11). La science THz est en train de migrer des laboratoires vers les entreprises pour à terme viser des applications grand public. Une des vocations de ce travail de thèse a été d’accompagner ce transfert des technologies THz de la recherche académique vers la recherche et le développement industriel. Figure I-11 : Evolution du nombre de publication dans le domaine THz ces vingt dernières années 34 Partie II Développement d’un système électro-optique fibré I Présentation globale du système de mesure EO à échantillonnage Les années 1990 ont connu le développement de nouveaux systèmes de mesure dans le domaine temporel mettant en jeu des signaux THz ultra-brefs et permettant de sonder divers éléments (matériaux, composants et circuits électroniques, ….) dans le domaine spectral THz. Ces nouvelles techniques tirent partie des avancées impressionnantes réalisées sur les lasers impulsionnels femtosecondes ainsi que sur les dispositifs de conversion d’impulsions optiques en impulsions électromagnétiques dont la durée est inférieure à la picoseconde. Nous présentons dans ce chapitre un système de mesure THz à ondes guidées basé sur l’effet électro-optique et possédant un système d’acquisition lent grâce à un échantillonnage. Un tel outil donne accès à l’amplitude et la phase du signal THz directement avec une résolution sub-picoseconde. Nous verrons comment analyser ces signaux dans le domaine fréquentiel par la transformée de Fourrier. Depuis les travaux d’Auston en 1975 [Aus75] et de Valdmanis en 1982 [Val82], différents phénomènes physiques et arrangements expérimentaux ont été utilisés pour générer et analyser des signaux électromagnétiques brefs en utilisant des impulsions optiques femtosecondes à 800 nm. La spécificité de notre approche est que la longueur d’onde des faisceaux optiques femtosecondes est de 1550 nm. A cette longueur d’onde de travail, il existe des lasers impulsionels à fibre dopée Erbium qui sont peu couteux, très compacts et simples d’utilisation. De plus, grâce à cette longueur d’onde, nous avons développé un système totalement fibré en bénéficiant des nombreux composants optiques fibrés développés pour les systèmes de télécommunication à haut débit. Le système de mesure que nous avons développé est schématisé dans la figure II-1. Le banc expérimental comprend un laser femtoseconde fibré suivi d’un coupleur qui sépare l’impulsion laser en deux voies : - une voie pour la génération: l’impulsion optique est convertie en un signal électromagnétique THz grâce à un photoconducteur ultra-rapide. - une voie pour l’analyse : l’impulsion optique est envoyée dans la tête de mesure. 35 Dans la première voie, l’impulsion optique, dite de déclenchement, est transportée le long d’une fibre optique dont l’extrémité munie d’une lentille, focalise le faisceau lumineux sur le photoconducteur. La dispersion introduite par la fibre optique est gérée par précompensation de la dispersion chromatique. La conversion de l’impulsion laser en une impulsion électromagnétique ultra-courte repose sur le mécanisme de photoconduction dans un matériau semi-conducteur, dont la conductivité électrique varie sous illumination. La génération d’une impulsion électromagnétique courte requiert que le photoconducteur soit rapide. De plus, afin que le photoconducteur s’intègre dans un système expérimental utilisant des impulsions optiques femtosecondes à 1550 nm, il doit être sensible à cette longueur d’onde. Nous avons développé un photoconducteur ultra-rapide utilisant un matériau In0.53Ga0.47As épitaxié sur un substrat d’InP et irradié par des ions. Ainsi, à partir d’impulsions optiques dont la longueur d’onde est de 1550 nm, des impulsions électromagnétiques de durée sub-picoseconde ont été générées. Dans la deuxième voie, l’impulsion optique, dite de sonde, est dirigée via des fibres optiques jusqu’à la tête de mesure. L’effet physique utilisé dans notre cas est l’effet électrooptique appelé effet Pockels [Poc1906] et l’analyse du signal THz est effectuée grâce à un cristal électro-optique. C’est un effet d’optique non linéaire qui résulte de l’interaction d’une onde optique avec un champ électrique à la fréquence THz au sein d’un cristal. L’interaction de ces deux champs électriques conduit à une déformation de la structure cristalline du solide suivant une direction particulière. Cette déformation structurelle conduit à une modification de la biréfringence du cristal. Un faisceau optique de sonde traversant le cristal voit alors sa polarisation modifiée proportionnellement au champ THz dans lequel est baigné le cristal. Avec un arrangement optique de type polariseur croisé, il est possible de transcrire une ultra faible variation de polarisation (≈ 10−6 rad) en une variation d’intensité du faisceau optique transmis. La sonde électro-optique à deux ports fibrée que nous avons réalisée consiste en une tête prismatique comprenant le cristal électro-optique placé entre deux prismes. L’assemblage des prismes peut se faire par une méthode telle qu’un collage par adhésion moléculaire ou à l’aide d’une colle optique (fig. II-2). Le cristal électro-optique a sensiblement la forme d’un parallélépipède rectangle. Les prismes dirigent les impulsions optiques de sonde dans la tête électro-optique. Des éléments optiques (polariseurs, photodiodes) sont insérés pour mesurer la polarisation des impulsions optiques de sonde après leur traversée dans le cristal. Une platine de translation à trois axes permet de déplacer de façon solidaire la tête électro-optique et les fibres optiques placées en amont. La tête électro-optique est amovible afin de la placer 36 librement à proximité du guide d’onde dans lequel se propage le signal électromagnétique THz à analyser. La variation d’intensité des impulsions optiques de sonde est enregistrée par un système d’acquisition lent. La mesure se fait en temps équivalent. On peut aussi parler de stroboscopie. Une ligne à retard optique placée sur l’une des deux voies permet de faire varier la différence de chemin optique entre les deux impulsions optiques et donc le retard temporel entre les impulsions optiques de sonde et l’impulsion électromagnétique THz. Figure II-1 : Schéma du système d’échantillonnage électro-optique La tête de mesure électro-optique permet aux impulsions optiques de sonde d’emprunter deux directions opposées dans le cristal électro-optique. Cette fonctionnalité unique constitue un point clé car elle permet de déterminer le sens de propagation du signal électromagnétique à analyser. En effet, le temps d’interaction des impulsions optiques de sonde avec le signal électromagnétique THz dépend notamment de l’angle entre leur direction de propagation respective. Un changement de direction de propagation de l’impulsion optique de sonde dans le milieu électro-optique va alors modifier le temps d’interaction de l’impulsion optique de sonde avec le signal THz. La comparaison entre une mesure effectuée avec une impulsion optique de sonde se dirigeant dans une direction donnée avec celle effectuée avec une impulsion optique de sonde se dirigeant dans la direction opposée permet de déterminer la direction de propagation du signal électromagnétique THz. Cette caractéristique unique est particulièrement intéressante pour la caractérisation d’échos parasites et/ou de rebonds du 37 signal THz, ainsi que pour l’analyse par spectroscopie de milieux stratifiés complexes. En outre, ce système de mesure présente les spécificités d’être d’une part totalement compatible avec la caractérisation des circuits électroniques et optoélectroniques rapides déjà utilisés dans les systèmes de télécommunications à haut débit et d’autre part d’être totalement fibré ce qui ouvre son champ d’exploitation à des utilisateurs non initiés. Figure II-2 : Sonde locale miniature à deux ports développée dans ce travail de thèse II Les impulsions optiques courtes Le signal THz généré dans l’expérience à ondes guidées que nous avons réalisée résulte d’une variation de courant sur une échelle de temps inférieure à la picoseconde. Ce transitoire de courant est induit par l’absorption d’une impulsion optique courte par un photoconducteur ultra-rapide. Le signal THz possède alors un spectre très étendu, de quelques centaines de GHz à quelques THz. De même, l’analyse du signal THz grâce à une détection électro-optique présente une bande passante limitée notamment par la durée des impulsions optiques de sonde. Une bande passante de plusieurs THz requiert des impulsions optiques femtosecondes. Pour cela, les lasers à impulsion ultra-brève sont de formidables outils pour la génération et détection de rayonnement THz. Depuis 1990, il existe toute une gamme de lasers femtosecondes commerciaux ayant des caractéristiques très particulières. Le laser à saphir dopé titane (Ti :Sa), dont la bande d’émission se situe entre 700 nm et 1100 nm, est le laser le plus couramment employé car les dispositifs photoconducteurs conventionnels utilisent le matériau GaAs qui présente une forte absorption aux longueurs d’onde situées autour de 800 nm. C’est une chaine laser complète qui reste couteuse et assez complexe 38 d’utilisation même si d’énormes progrès ont été réalisés. En revanche, les lasers à fibre sont des lasers très compacts, de faible coût et très simples d’emploi puisque qu’il ne nécessite aucun alignement optique particulier. De plus, ces lasers sont issus de l’industrie des télécommunications et sont donc compatibles avec de nombreux composants photoniques fibrés utilisant la longueur d’onde 1550 nm. 1 Source laser femtoseconde La source laser utilisée pour ces expérimentations est un laser à fibre dopée Erbium à blocage de modes passifs déclenchés par un absorbant saturable de marque Calmar Optcom. La figure II-3 est une photographie de la source qui en montre la compacité. 25 cm 40 cm Figure II-3 : Source laser Calmar Optcom femtoseconde utilisé dans ce travail de thèse (dimensions en cm) 39 Le principe de fonctionnement est décrit sur la figure II-4 : Miroir Fibre dopée Erbium Laser de pompe Coupleur optique réseau Semi-conducteur à absorbant saturable Sortie amplifiée EDFA Sortie directe Figure II-4 : Schéma de principe de la source laser utilisée dans ce travail de thèse. Le milieu à gain de ce laser est une fibre dopée Erbium qui est pompée par une diode laser à 980 nm contrôlée par une source de courant. L’absorbant saturable présente deux régimes de fonctionnement, associés à deux temps caractéristiques de rétablissement de l’absorption, lent et rapide. La composante lente, déterminée par la durée de vie des porteurs libres, est utilisée pour le blocage de modes. L’absorbant saturable reçoit en permanence la lumière issue du milieu amplificateur constituée de très nombreuses fréquences ou modes. Parmi tous ces modes, seuls ceux qui vibrent en phase (c’est-à-dire dont l’intensité est maximale au même instant) ont une intensité suffisante pour saturer l’absorbant saturable et le traverser. Les autres modes s’opposent partiellement entre eux et peuvent même parfois se détruire. Leur intensité résultante est trop faible pour saturer l’absorbant saturable et ces modes sont absorbés. Les modes en phase engendrent une impulsion lumineuse femtoseconde après un très grand nombre de tours dans la cavité. La composante rapide de l’absorbant saturable, résultant de la distribution de porteurs froids hors équilibre [Kno85], fournit le mécanisme de mise en forme du régime d’impulsion courte. L’absorbant saturable joue le rôle de fenêtre optique rapide qui ne laisse passer la lumière que pendant un temps très bref et affine l’impulsion dans la cavité laser jusqu’à ce que des impulsions courtes soient formées dans la cavité. La stabilité de l’état de polarisation de l’émission laser dans la cavité est obtenue par l’utilisation d’une fibre à maintien de polarisation. La longueur d’onde centrale des impulsions optiques est ajustable grâce à un réseau de diffraction fermant la cavité. Ce réseau réfléchit une longueur d’onde sélectionnée par l’angle du réseau. Cet angle est contrôlé 40 par une butée micrométrique. La longueur d’onde centrale émise par le laser est ainsi accordable entre 1535 et 1570 nm. Une partie du faisceau laser issu de la cavité passe par un EDFA (amplificateur à fibre ou Erbium Doped Fiber Amplifier), permettant d’obtenir une puissance de quelques milliwatts. Au début de ce travail de thèse, la source délivrait des impulsions en limite de Fourier de 200 fs avec une largeur spectrale de ∼14 nm pour une puissance moyenne maximum de 6 mW. Après modification par Calmar Optcom, la source délivre des impulsions ultra-brèves de 70 fs avec une largeur spectrale de ∼60 nm avec une puissance maximum de 12 mW. Le taux de répétition est 14,36 MHz. Il existe une relation par transformée de Fourrier entre le profil temporel de l’impulsion et son spectre. Cette relation mène directement à une condition sur le produit durée ( ∆t ) par la largeur spectrale ( ∆ν ) de l’impulsion (Time Product Bandwith): ∆t∆ν ≥ K avec K dépendant du profil temporel de l’impulsion : K=0,441 pour une gaussienne, K=0,315 pour une sécante hyperbolique. Nous noterons que cette condition est une égalité dans le meilleur des cas : c'est-à-dire, si nous considérons des profils de phase plats sur les impulsions, ou de manière équivalente, des impulsions ne présentant pas de dérive de fréquence. Nous remarquerons que la source modifiée est proche de la limite de Fourier puisque les impulsions ne vérifient plus la relation ∆t∆ν ≥ 0,315, dans notre cas, K = 0,52 pour la source modifiée en mode simple impulsion et K = 0,48 pour le mode double impulsion. Avant modification de la source, nous trouvions K = 0,34 . En pratique, nous arrivons rarement à faire plus proche de la limite de Fourier expérimentalement. 2 Propagation dans les fibres optiques Nous avons vu précédemment que la durée des impulsions optiques femtosecondes au niveau du générateur et du détecteur limite la bande passante du système de mesure complet. Ainsi, pour atteindre une bande passante supérieure à 400 GHz, la durée des impulsions optiques doit être subpicoseconde au niveau du photoconducteur et du cristal électro-optique. Il est donc impératif qu’après leur propagation dans les deux lignes fibrées, qui assurent la liaison entre la source optique et le photoconducteur d’une part et entre la source optique et le cristal électro-optique d’autre part, les impulsions optiques possèdent une durée inférieure à la picoseconde. Dans ce chapitre, nous décrivons la propagation des champs optiques dans les fibres monomodes, tout d’abord selon une approche linéaire, concernant donc les phénomènes qui ne dépendent pas de la puissance optique. Ceux-ci comprennent le guidage, l’atténuation, la dispersion chromatique, et la biréfringence [Joi96]. Nous présentons ensuite les propriétés 41 non linéaires des fibres optiques [Agr01], d’abord en présentant certaines caractéristiques générales propres aux milieux non linéaires d’ordre trois, puis en nous penchant plus particulièrement sur le cas des fibres optiques monomodes. Puis, nous étudions l’élargissement temporel des impulsions optiques après leur propagation dans les deux lignes fibrées du banc de mesure électro-optique. Nous proposons enfin une réalisation technologique permettant de compresser les impulsions optiques afin de compenser la dispersion chromatique résultant de leur propagation dans les deux lignes fibrées. Les fibres optiques sont des guides d’onde où la propagation des signaux lumineux se décrit au moyen de modes de propagation, chaque mode étant une solution spécifique de l’équation d’onde. La fibre est essentiellement constituée d’un cœur entouré d’une gaine, l’indice de réfraction du cœur étant légèrement supérieur à celui de la gaine. Si le rayon du cœur est suffisamment petit, la fibre accepte seulement le mode fondamental de propagation, ce qui est le cas des fibres monomodes. Actuellement, les fibres monomodes à saut d’indice présentent la bande passante la plus large, le coût le plus réduit et le niveau de pertes le plus bas. Les fibres optiques monomodes sont donc les plus courantes. Dans cette étude, nous ne parlons que de ce type de fibre. La figure II-5 illustre les dimensions typiques ainsi que le profil d’indice de réfraction d’une fibre optique monomode à saut d’indice. Figure II-5 : Dimension typique d’une fibre monode en silice SMF28 2.1 Effets linéaires 2.1.1 Atténuation Comme dans tout milieu matériel passif, les champs optiques se propageant dans les fibres subissent une atténuation lors de leur propagation. Ce phénomène a plusieurs causes : outre l’absorption intrinsèque de la silice, qui constitue une limite physique, les impuretés, les pertes par diffusion et par courbure y contribuent. En effet, dans les fibres récentes, 42 l’atténuation des impuretés –notamment des ions métalliques et les liaisons O–H – est réduite à un niveau minimal. A cause de l’effet Rayleigh et de l’absorption multiphonon, la limite théorique fondamentale à une longueur d’onde de 1,55 µm pour la silice est de 0,14 dB/km. −4 Comme l’effet Rayleigh croît proportionnellement à λ , il a été envisagé d’employer des verres dont la bande d’absorption multiphonon est plus élevée que la silice, afin d’obtenir des transparences record ; cependant, les matériaux considérés, tels que les chalcogénures, posent des difficultés techniques importantes. Les pertes par courbure sont dues au fait qu’aucun procédé de fabrication ne permet de réaliser une fibre idéale, c’est-à-dire parfaitement rectiligne et homogène. D’autre part, les fibres sont toujours sujettes à des perturbations liées à l’environnement (fluctuations de température, contraintes) qui modifient la géométrie du guide et causent des pertes par rayonnement. Ces pertes sont néanmoins réduites au maximum par les techniques de fabrication actuelles. La figure II-6 représente le profil d’absorption d’une fibre typique. On peut noter qu’au point d’absorption minimale, celle-ci est inférieure à 0,21 dB/km, ce qui est proche de la limite fondamentale. Dans la pratique, l’atténuation est modélisée par une décroissance exponentielle I(z) = I(0)exp(−αz) Le coefficient d’absorption α≥0 s’exprime en m-1, s’obtient à partir de la valeur en dB/km par : α dB = 4,343α Figure II-6 : Courbe d’atténuation typique des fibres-optiques à base de silice Les pertes par absorption seront considérées comme étant négligeable dans notre expérimentation étant donné que les deux lignes fibrées sont inférieures à la dizaine de 43 mètres. Nous verrons que les pertes au niveau des connecteurs ou insertion de composants photoniques est d’un ordre de grandeur supérieur. 2.1.2 Dispersion chromatique Dispersion chromatique due au matériau Nous avons vu que les matériaux optiques présentent une atténuation qui est fonction de la longueur d’onde ; ceci revient à écrire que l’indice de réfraction comporte une partie imaginaire qui est elle-même fonction de la longueur d’onde. D’après les formules de Kramers-Kronig, la partie réelle de l’indice de réfraction n’est donc pas constante avec la longueur d’onde. Or, comme cet indice intervient dans la norme du vecteur d’onde β = n(ω ) ω c , on en déduit que les différentes composantes spectrales ne se propagent pas avec la même vitesse de phase et subissent donc un déphasage relatif proportionnel à la distance. De même, ceci affecte en général la vitesse de groupe puisque v g = ∂ω . Pour ∂β modéliser ce phénomène, il faut développer le vecteur d’onde selon Taylor : β (ω ) = β 0 + β1(ω − ω 0 ) + β2 2 (ω − ω 0 ) 2 + β3 6 (ω − ω 0 ) 3 + ... où βi est la dérivée d’ordre i de β. Cette expression affecte la propagation d’impulsions courtes de plusieurs façons. La plus évidente se manifeste par la déformation des impulsions lors de leur propagation. En effet, une impulsion étant par définition limitée dans le temps, sa transformée de Fourier ne peut être infiniment fine ; une impulsion courte est donc représentée dans le domaine de Fourier par un ensemble de composantes spectrales distinctes. Lorsque le milieu est dispersif, ces composantes se propagent avec des vitesses de phases différentes, ce qui modifie le profil temporel de l’impulsion initiale. Dans notre expérimentation, nous verrons comment compenser la dispersion chromatique des lignes fibrées par ajout de fibres optiques à dispersion négative. Influence de la géométrie du guide Les guides optiques sont basés sur des conditions de propagation bien particulières. Pour se propager dans la fibre, un champ optique doit en effet vérifier une condition de 44 résonance : lors d’un aller et retour dans la section transverse du guide, le champ doit être en phase à l’origine, sans quoi un phénomène d’interférence destructive abouti à la disparition du champ. Dans le cas des guides monomodes, c’est-à-dire dont les dimensions sont calculées de façon à ce qu’un seul mode ait la possibilité de se propager dans le guide, la condition de résonance dépend de la dimension du guide et de la longueur d’onde : les différentes composantes spectrales du champ ne la vérifient donc pas de la même façon. Ceci se traduit par un parcours géométrique légèrement différent suivant la longueur d’onde. En toute rigueur, la dispersion globale devrait être évaluée en tenant compte de la dispersion du matériau lors de la résolution de la condition de résonance; en pratique cependant, nous considérons souvent que ces phénomènes sont indépendants et nous évaluons la dispersion totale comme étant la somme d’un terme dû au matériau et d’une contribution liée au guide. Pour distinguer dispersion du matériau et dispersion totale, nous notons généralement les vecteurs d’ondes des composantes guidées par β, et nous développons de la même façon en β1, β2… La dispersion totale est alors donnée par : β 2 = β 2Mat + β 2Guide La dispersion est en général caractérisée par la grandeur : D =∂ β1 /∂ λ qui est reliée à β 2 par D = −2πcβ 2 / λ2 . Nous exprimons généralement D en ps.nm-1.km-1 et β 2 en ps².km-1. Selon le signe de D , nous parlons de dispersion normale (D < 0 ou β 2 > 0) ou anormale (D > 0 ou β 2 < 0) par référence au signe de la dispersion de la plupart des matériaux dans le visible. Une dispersion normale correspond à un retard relatif des longueurs d’ondes courtes (« bleues ») par rapport aux longueurs d’ondes plus longues (« rouges »), alors que l’inverse se produit en régime anormal. Le terme de dispersion du guide permet une certaine souplesse puisqu’en choisissant soigneusement les paramètres du guide, c’est-à-dire pour les fibres la façon dont l’indice varie dans le plan transverse, il est possible de s’écarter de la fonction de dispersion de la silice pure. Courbes de dispersion typiques La figure II-7 représente la courbe de dispersion de plusieurs types de fibres courantes. La fibre dite standard (SMF pour Single Mode Fiber) est celle qui présente le plus fort coefficient positif aux longueurs d’ondes proches de 1550 nm avec +17 ps.nm-1.km-1. Pour transmettre des impulsions ultra-brèves, il est donc nécessaire de maintenir stable l’enveloppe de l’impulsion. Pour cela, il est possible de disposer après la ligne fibrée à dispersion positive 45 d’une fibre à très forte dispersion négative qui contrebalance cet effet. C’est précisément le rôle dévolu à la fibre dite compensatrice de dispersion (DCF). Notons qu’il existe des fibres dont la dispersion est nulle (DSF) ou faible (NZ-DSF) vers 1550 nm et également des fibres à gaines multiples (DFF) dont la dispersion reste proche de zéro sur une large plage de longueurs d’ondes. Ces fibres sont très intéressantes mais il existe peu de composants photoniques équipés de telles fibres, c’est pourquoi nous n’avons pas eu recours à de telles fibres. D’autres techniques de compensation de la dispersion chromatique existent, par exemple en employant des réseaux de Bragg inscrits sur la fibre optique. Ces dispositifs sont obtenus en modulant de façon périodique l’indice effectif de la fibre, ce qui en fait un dispositif réfléchissant sélectif. Si nous varions le pas de modulation le long de la fibre, les longueurs d’onde en accord avec le pas du réseau ne sont plus réfléchies de manière uniforme : nous obtenons un effet dispersif. Cependant, cette technique en plein essor connaît encore des difficultés techniques : il est notamment délicat d’obtenir de forts contrastes d’indices avec de fortes résolutions. Figure II-7 : Courbes de dispersion de différents types de fibres : SMF standard, DSF : fibre à dispersion décalée, DFF : fibre à dispersion plate. 2.1.3 Dispersion d’ordre supérieur Dans le développement de β, nous nous sommes arrêtés au second ordre, ce qui correspond à un développement au premier ordre de la vitesse de groupe. Cette approximation est valide pour une large plage de durée d’impulsion et de longueur d’onde. Cependant, au 46 voisinage du zéro de dispersion de la fibre – la longueur d’onde où β2 s’annule – ou si la largeur spectrale considérée devient trop importante (ce qui est le cas pour des impulsions ultra-brèves), il peut être nécessaire de poursuivre le développement au troisième, quatrième ordre ou au-delà. Le nombre de termes de dispersion à prendre en compte est bien entendu fonction du système étudié et de la précision recherchée. Si nous considèrons seulement le terme du troisième ordre en β, nous obtenons la pente de la dispersion. Cette grandeur est, elle aussi, généralement ramenée à une dérivée de D par rapport à λ : Ds = dD 4 π 2c 2 ≈ β3 dλ λ4 2.1.4 Biréfringence La silice est un matériau amorphe ; elle ne présente donc pas naturellement de biréfringence. Cependant, ce n’est généralement pas le cas des fibres réelles : des contraintes viennent rompre cette symétrie et induire une différence de traitement entre les deux composantes de polarisation. Lorsqu’elle n’est pas introduite volontairement, cette biréfringence est a priori aléatoire et varie le long de la fibre ; elle est donc évaluée par des méthodes statistiques. Elle se manifeste principalement par un phénomène de dispersion de polarisation : les deux composantes ne se propageant pas à la même vitesse, la composante lente acquiert un retard en se propageant. Ce retard est évalué comme la variance du temps de groupe ; dans les fibres modernes, dont le procédé de fabrication est bien maîtrisé, il est de l’ordre de 0,2 ps / km . Cet effet de dispersion de polarisation pouvant être très gênant, il est important de pouvoir y remédier. Une solution consiste à induire volontairement une biréfringence importante mais contrôlée, ce qui rend les fluctuations aléatoires dues aux perturbations négligeables. En pratique, ceci est réalisé en appliquant des contraintes sur le cœur de la fibre, ce qui crée une biréfringence par effet photoélastique. Ainsi, alors que le niveau de biréfringence dans les fibres classiques est de l’ordre de ∆n /n = 10−6 , il est voisin de 10-4 dans les fibres à forte biréfringence [Ulr80]. Lors de sa propagation dans de telles fibres, dites à maintien de polarisation, la lumière polarisée subit une rotation de polarisation périodique, aisément compensable, ce qui permet de retrouver l’état de polarisation initial. Dans notre expérimentation, nous utilisons majoritairement des composants photoniques fibrés constitués de fibres à maintien de polarisation. 2.2 Effet non-linéaire 47 La forte puissance crête des impulsions optiques délivrées par le laser à fibre dopée Erbium que nous utilisons associée à une propagation dans une fibre standard monomode engendre des effets non-linéaires. Leur appréhension expérimentale est complexe vu qu’il est difficile de mesurer ces effets avec des techniques classiques (autocorrélation). Nous présentons dans l’annexe A, une introduction aux effets non-linéaires les plus couramment rencontrés dans les fibres optiques. Ces effets non-linéaires deviennent non négligeables pour des puissances crêtes supérieures au kW. Ces effets consistent principalement en une modulation de phase, soit d’un champ par lui-même (automodulation) soit par un autre (intermodulation). Les propriétés tensorielles du coefficient non-linéaire donnent lieu au phénomène de biréfringence non-linéaire, par lequel un champ intense induit une modulation de l’indice de réfraction différente selon l’axe de polarisation. Lors de la propagation d’une impulsion optique courte dans un milieu non-linéaire, l’auto-modulation de phase produit une forte modification du spectre optique dépendant de la longueur d’interaction et de l’intensité incidente. Dans le cas d’impulsions courtes, la dispersion de vitesse de groupe étale temporellement l’impulsion incidente au cours de sa propagation. L’intensité crête des impulsions diminue donc avec la distance, limitant ainsi l’élargissement spectral en limitant la longueur d’interaction effective. 3 Gestion de la durée des impulsions optiques Dans notre cas, tous ces effets non-linéaires sont indésirables car ils ont tendance à déformer et élargir le profil temporel des impulsions optiques. Une solution est de réduire la puissance crête en abaissant la puissance moyenne ou allongeant la durée des impulsions. Cela est contradictoire avec les impératifs de notre manipulation qui sont l’obtention d’un rapport signal-sur-bruit élevé avec des impulsions optiques les plus courtes. Une autre option est d’augmenter le taux de répétition de la source laser afin d’avoir une énergie par impulsion plus faible. Pour le développement du banc électro-optique THz, le cahier des charges est simple : une durée des impulsions optiques au niveau du générateur et du détecteur, c'est-àdire dans le dispositif photoconducteur et dans le cristal électro-optique respectivement, qui soit sensiblement égale à celle en sortie de la source laser. Entre ces points, les impulsions optiques se propagent sur plusieurs mètres dans de la fibre optique monomode à maintien de polarisation et dans divers composants optiques fibrés tels que le coupleur optique et la ligne à retard. Cet ensemble induit un élargissement des impulsions optiques femtosecondes à cause principalement de la dispersion chromatique normale qui est typiquement de l’ordre de 48 +17ps.nm-1.km-1 dans la fibre utilisée. Une impulsion optique de durée 130 fs et de largeur spectrale 29 nm s’élargit temporellement pour atteindre plus de 3 ps après environ 6 mètres de fibres optiques SMF 28. Une telle durée d’impulsion conduit à une bande passante du système de mesure aussi faible que 146 GHz. Pour atteindre une bande passante dans le domaine THz, il est donc nécessaire de trouver une solution technologique permettant de compenser l’élargissement temporel des impulsions en se rapprochant le plus possible de la limite de Fourier. Pour cette étude, nous avons utilisé un autocorrélateur en intensité, un analyseur de spectre optique à réseau blazé et un puissance-mètre fibré. Pour cette étude, seules des fibres optiques monomodes en silice ont été utilisées. 4 Caractérisation temporelle d’impulsion femtoseconde Pour caractériser les impulsions délivrées par la source fibrée, nous utilisons un analyseur de spectre optique ainsi qu’un autocorrélateur. Ces appareils commerciaux nous donnent respectivement l’intensité spectrale I(ω ) et la fonction d’autocorrélation temporelle. Ces données sont insuffisantes pour avoir une information complète sur l’impulsion femtoseconde à caractériser. Une présentation détaillée des diverses techniques de mesures d’impulsions courtes est donnée dans l’annexe B. L’autocorrélateur que nous utilisons possède une résolution temporelle d’environ 5 fs. Cet outil de mesure est très sensible à la polarisation d’entrée et ne propose pas une analyse complète des impulsions optiques. Il est alors très difficile de savoir si l’on est en présence d’effets non-linéaires, de rebonds optiques ou de dispersion chromatique simple. De plus, il est nécessaire que la puissance crête des impulsions optiques soit relativement importante pour générer la seconde harmonique. Le seuil en puissance de cet appareil est donc souvent insuffisant pour obtenir des mesures convenables après le passage dans les différents éléments optiques fibrés dont les pertes sont importantes. Le but de ces mesures est d’estimer l’élargissement temporel des impulsions le long des différentes lignes fibrées afin de pouvoir les compresser. Le laser à fibre utilisé pour les expériences possède des différences de fonctionnement sensibles selon les courants de diodes lasers de pompe. En effet, selon le courant des diodes lasers, la source fonctionne en simple impulsion avec un taux de répétition de 14,36 MHz, ce qui donne un espacement temporel de 69,6 ns entre deux impulsions : (fig. II-8). 49 Figure II-8 : Train d’impulsions en sortie du laser en mode simple impulsion. Mais à fort courant de pompe, le fonctionnement est à double impulsions. Dans ce cas, la puissance moyenne est supérieure mais l’énergie par impulsion est moins grande. En régime de simple impulsion, la largeur à mi-hauteur des impulsions optiques est de 70 fs pour 7 mW de puissance moyenne soit une puissance crête de 7 kW. En revanche, le fonctionnement en double impulsions délivre des impulsions de largeur à mi-hauteur de 130 fs et 12 mW de puissance moyenne soit une puissance crête de 3,2 kW. Il en résulte des effets non linéaires plus importants en simple impulsion en raison d’une plus forte puissance crête. Voici la figure d’autocorrélation d’une impulsion mesurée à l’aide de l’autocorrélateur et d’un cordon d’un mètre de fibre à maintien de polarisation pour les deux régimes de fonctionnement du laser (fig. II-9 et II-11) avec leurs spectres optiques associés (fig. II-10 et II-12). Figure II-9 : Fonctionnement en simple impulsion, Pmoy = 7 mW 50 Figure II-10 : Spectre associé en mode simple impulsion, la largueur spectrale à mi-hauteur est ≈60 nm Figure II-11 : Fonctionnement en double impulsion, Pmoy = 12,4 mW Figure II-12 : Spectre associé en mode double impulsions, la largueur spectrale à mi-hauteur est ≈29 nm 51 Nous avons mesuré à l’autocorrélateur l’élargissement temporel d’une impulsion femtoseconde issue du laser après le passage dans divers tronçons de fibres monomodes à maintien de polarisation. Nous observons sur la figure II-13 une évolution linéaire au-delà d’environ 80 cm de fibre. L’évolution plus lente de l’élargissement temporel des impulsions optiques pour des distances inférieures à 80 cm peut s’expliquer par la forte puissance crête (plusieurs kW) des impulsions optiques à la sortie du laser. Des effets non-linéaires sont alors présents qui préservent la forme de l’impulsion optique par effet soliton. Les pertes induites par les connecteurs font que ce régime est perdu très rapidement. Nous avons comparé nos résultats à la valeur théorique de dispersion des fibres à maintien de polarisation que nous utilisons qui est de +17 ps.nm-1.km-1. Notre mesure donne +17.77 ps.nm-1.km-1. Nous avons utilisé cette dernière valeur pour le reste des calculs. Figure II-13 : Elargissement temporel d’une impulsion femtoseconde se propageant dans une fibre optique à maintien de polarisation. Nous avons simulé à l’aide d’un programme Matlab qui résoud l’équation de Schrödinger non-linéaire, l’élargissement attendu d’une impulsion optique femtoseconde se propageant dans une ligne fibrée constituée de 4 mètres de fibre standard monomode de type SMF 28 avec une dispersion de +17ps.nm-1.km-1 et de 6 m d’une fibre à dispersion chromatique négative Dλ=-123 ps.nm-1.km-1, avec des coefficients non linéaires standards. 52 Figure II-14 : Simulation de la propagation d’une impulsion de 200 W crête dans 4 m de fibre SMF28 suivi d’une fibre à dispersion négative de 6 m. Figure II-15 : Simulation de la propagation d’une impulsion d’un kW crête dans 4 m de fibre SMF28 La figure II-14 représente en abscisse le temps (en picosecondes), en ordonnée la distance en mètres de fibre et la puissance en code couleur. Deux simulations ont été 53 effectuées : une première avec une puissance crête de 200 W et la seconde avec 1 kW. Dans le premier cas, nous observons un élargissement régulier de l’impulsion. La largeur temporelle de l’impulsion passe de 100 fs à 2 ps après le passage dans 4 mètres de fibre. Cela est conforme à nos mesures. Nous constatons ensuite une recompression quasi complète grâce à l’ajout de fibre à dispersion négative. Il est alors possible de compresser une impulsion optique par un calcul simple si la puissance crête est suffisamment faible pour qu’il n’y ait pas d’effets non linéaires dans la fibre optique. La seconde simulation montre que la largeur de l’impulsion se conserve à forte puissance crête (fig. II-15). Il y a un effet de propagation soliton : c’est à dire que l’impulsion se maintient d’elle même à une durée constante le long de la ligne fibrée. L’ajout d’une fibre à dispersion négative détruit la propagation soliton. Il y apparait alors un très fort élargissement de l’impulsion. Ces résultats de simulation indiquent que les puissances crêtes présentes dans l’expérience sont à la frontière entre deux régimes: un régime de dispersion chromatique normale et un régime de propagation soliton en présence d’effets non-linéaires. Les mesures à l’autocorrélateur confirment cette tendance. Il est alors difficile de compresser proprement les impulsions car les deux effets sont concurrents et vont énormément dépendre des pertes des connecteurs et de l’insertion des composants photoniques dont les pertes sont non négligeables le long de la ligne fibrée. L’interversion de deux composants photoniques fibrés suffit à donner des résultats différents. 5 Réalisation technologique d’un système de compression fibré Connaissant la valeur de dispersion chromatique totale induite par la propagation dans les fibres, il a fallu trouver un dispositif technologique pour corriger l’élargissement temporel des impulsions optiques après leur propagation dans les lignes fibrées. Nous avons utilisé une fibre à dispersion négative utilisée dans les liaisons transocéaniques des systèmes de télécommunications (marque OFS) présentant une dispersion négative de -123 ps.nm-1.km-1. Cette valeur de dispersion négative est intéressante car elle limite l’ajout de tronçon à une longueur d’environ 10 cm pour une ligne fibrée de l’ordre de 6 m. Nous obtenons une figure d’autocorrélation mesurée à l’entrée de la sonde électro-optique donnant une largeur à mihauteur de 130 fs (fig.II-16) et un spectre associé de 33 nm (fig.II-17). Nous pouvons remarquer une forme triangulaire du profil d’intensité et des trous dans le spectre optique qui sont typique de l’automodulation de phase. La recompression est quasi-complète. 54 Figure II-16 : Figure d’autocorrélation en sortie de la ligne fibrée avant la sonde électro-optique. La durée utile des impulsions est de 130 fs Figure II-17 : Spectre associé en mode simple impulsion, la largueur spectrale à mi-hauteur est ≈33 nm Nous nous sommes heurtés à la difficulté d’assurer un bon couplage entre la fibre monomode standard SMF 28 et la fibre à dispersion négative. En effet, la fibre à dispersion négative possède un cœur d’environ 4 µm qui est très inférieur au cœur de 9 µm des fibres standards monomodes. Il a fallu trouver un procédé de “taper” afin d’adapter la différence de diamètre des cœurs. Un taper est un amincissement en pointe du cœur afin de faire une transition douce entre le cœur de 4 µm vers celui de 9 µm : (Fig. II-18). Nous avons eu recours à la société IDIL à Lannion pour effectuer ces transitions en limitant les pertes au niveau de la transition à des valeurs inférieures à 3 dB. 55 Figure II-18 : Structure du taper réalisé par la société IDIL pour souder des fibres dont les cœurs sont de diamètres différents. Nous nous sommes aussi engagés dans une autre direction qui s’est avérée infructueuse: la fibre à cristal photonique. Elle est obtenue en réalisant une structure périodique microscopique dans le plan transverse, et continue selon l’axe de propagation. Ce mode de réalisation est illustré sur la figure II-19. Ce système confère à l’ensemble des propriétés inédites car les caractéristiques de la propagation dans le guide (taille du mode, dispersion) sont déterminées par la géométrie du réseau, c’est-à-dire la taille et la répartition des trous. Nos espoirs ont porté sur l’obtention d’une fibre présentant à la fois un caractère de maintien de la polarisation et une dispersion chromatique négative. En effet, le gros désavantage de la fibre à dispersion négative retenue est qu’elle n’est pas à maintien de polarisation. Cela nous pose des difficultés de gestion de la polarisation au sein du cristal afin d’optimiser l’effet Pockels. Malheureusement une fibre à cristal photonique ayant de telles caractéristiques n’est pas produite industriellement et existe uniquement dans les laboratoires de la recherche. Figure II-19 : Cœur d’une fibre à cristal photonique typique. III Echantillonnage d’impulsions THz ultrabrèves 1 Principe de l’échantillonnage en temps équivalent 56 Afin de mesurer des signaux THz en temps réel, il est nécessaire de résoudre des formes d’onde avec une résolution temporelle inférieure à la picoseconde (10-12 s). En effet, il faut pouvoir échantillonner de tels signaux tout en respectant le théorème de Shannon qui garantit la conservation de l’information contenue dans le signal. Ce théorème précise que si l’on veut échantillonner, sans perte d’information, un signal dont le spectre présente pour fréquence maximale f max , alors la fréquence d’échantillonnage f e doit être au moins égale à 2 fois f max , soit : f e ≥ 2 f max Afin d’échantillonner une impulsion THz en mono-coup, il faut alors disposer d’un système de détection d’une très grande bande passante ou, autrement dit, capable de prendre un nombre conséquent d’échantillons en moins d’une picoseconde. Cependant, il n’existe pas de détecteur présentant une bande passante supérieure à plusieurs centaines de GHz. Les oscilloscopes mono-coup plafonnent à environ 20 GHz actuellement. De plus, les émetteurs THz étant peu puissants, un tel système de détection devrait être extrement rapide et sensible, ce qui est très difficile à obtenir. En outre, il faudrait pouvoir véhiculer ces signaux très rapides sans perte ni dispersion ou atténuation sur plusieurs cm au moins, du dispositif détecteur jusqu’à l’appareil de mesure. C’est pourquoi nous avons eu recours à une technique alternative, dite d’échantillonnage en temps équivalent (fig. II-20). Cette technique requiert que le signal à mesurer soit parfaitement périodique. Il est alors possible d’utiliser un système de détection lent utilisant de l’électronique classique. La bande passante de détection n’est alors pas plus rapide que quelques dizaines de kHz dans notre manipulation. Le revers est qu’il est impossible de mesurer des signaux non périodiques. Le principe de mesure est le suivant : le signal haute fréquence à mesurer étant périodique, les différents échantillons qui vont servir à le reconstituer ne seront pas pris sur une seule période mais sur des périodes différentes et successives. Par exemple dans notre expérimentation, la mesure est effectuée sur des millions de périodes. 57 Figure II-20 : Echantillonnage en temps équialent d’un signal périodique Les clefs d’une telle technique sont : - Signaux périodiques uniquement - Système de mesure et signaux à mesurer synchrones (sans gigue temporelle) - Possibilité de retarder précisément la prise de mesure du signal à échantillonner Ainsi, il est possible de mesurer un signal THz sur des temps suffisamment longs pour avoir une bonne sensibilité grâce à une acquisition lente. En effet, le « moyennage » dans le temps permet d’obtenir un très bon rapport signal-sur-bruit. La reconstruction de l’échelle des temps est directement déduite de la méthode utilisée pour séparer deux échantillons successifs. Le temps d’acquisition d’une telle mesure est de l’ordre de quelques minutes. Il est fixé par le temps minimum entre deux mesures successives ainsi que par la constante de temps d’intégration du détecteur. 2 La ligne à retard optique Le système de mesure THz à ondes guidées que nous avons réalisé nécessite donc l’utilisation d’une ligne à retard afin de réaliser l’échantillonnage en temps équivalent. Ainsi, nous avons inséré dans la ligne fibrée dans laquelle se propagent les impulsions optiques de sonde une ligne à retard fibrée programmable par liaison RS232. Ce dispositif est constitué en interne d’un chemin optique en espace libre avec un coin cube motorisé et deux coupleurs pour les fibres optiques d’entrée et sortie de la ligne. Le délai total est de 600 ps ce qui représente une distance de 18 cm en espace libre. Les pertes d’insertions sont relativement 58 faibles mais ne sont pas constantes sur toute la longueur de la ligne. Cela peut être gênant lors d’expériences effectuées sur une fenêtre temporelle importante. La résolution est de 4 fs et la précision de plus ou mois 20 fs. La répétabilité est de 20 fs également. La vitesse de scan est de 0,01 ps/sec à 250 ps/sec. Ces spécifications ne limitent pas la bande passante de l’expérience. Nous veillerons toutefois dans le choix du pas de respecter le critère d’échantillonnage. La plage fréquentielle maximale observable est de l’ordre de 125 THz. Ainsi, la ligne à retard ne limitera pas la bande passante de l’expérience. Nous avons étudié le bruit engendré par la ligne à retard. Pour cela, nous avons mesuré le bruit résiduel de notre expérience sur l’amplificateur à détection synchrone avec la ligne à retard sous tension et hors tension. Nous n’avons constaté aucune différence. Le moteur pas à pas qui reste sous tension en permanence ne semble pas faire vibrer les miroirs. Figure II-21 : Pertes d’insertions de la ligne à retard en fonction du délai optique 3 Signal échantillonné Il est important de préciser que le signal mesuré n’est pas directement le signal réel mais le résultat d’une convolution entre le signal réel et la réponse du détecteur électrooptique. La réponse du détecteur E.O. est elle aussi une convolution entre la réponse impulsionnelle du détecteur E.O. et le profil temporel de l’impulsion optique de sonde utilisée pour la mesure : Rdet ecteur (t) = Plaser (t) ⊗ Rδdet ecteur (t) 59 où Plaser(t) représente l’évolution temporelle de la puissance de l’impulsion optique de sonde, et Rdetecteur la réponse impulsionnelle du détecteur E.O. Ainsi, pour une position donnée de la ligne à retard ∆t , correspondant à un retard donné entre impulsion optique de sonde et le signal THz, le signal délivré par le détecteur s’exprime alors comme la convolution du signal THz réel par la réponse du détecteur E.O. : STHz det ecteur (t,∆t) = ETHz (t,∆t) ⊗ Rdet ecteur (t) Le système d’acquisition à la suite du détecteur E.O. étant un système lent devant les impulsions optiques de sonde et le signal THz, il en découle que le signal THz enregistré est l’intégrale temporelle du signal fourni par le détecteur E.O. et il dépend uniquement de ∆t . Nous pouvons l’exprimer de la façon suivante : STHzmesure (∆t) = +∞ ∫S THz det ecteur (t,∆t)dt −∞ Finalement le signal THz échantillonné en temps équivalent est proportionnel à : STHzmesure (∆t) = +∞ +∞ +∞ ∫ ∫ ∫E THz (t,∆t)Plaser (t − t')Rδdet ecteur (t − t'−t'')dtdt' dt'' −∞ −∞ −∞ Si l’impulsion optique de sonde et le temps de réponse du détecteur E.O. sont très courts (assimilables à des fonctions de Dirac), le signal mesuré est directement proportionnel au champ THz. En pratique, l’impulsion optique de sonde peut être bien plus courte que le signal THz, mais ce n’est pas le cas du temps de réponse du détecteur E.O. Nous verrons ces aspects plus en détails lors de l’étude sur la résolution temporelle. IV Photocommutateur ultra-rapide en In0,53Ga0,47As irradié La génération du signal THz requiert un composant qui convertit une impulsion optique en un signal THz tel qu’un photocommutateur. Afin que la bande passante du système de mesure THz à ondes guidées que nous réalisons se situe dans le domaine THz, le transitoire électromagnétique généré par le photocommutateur doit être d’une durée inférieure à la picoseconde. Les temps de réponse du photocommutateur doivent alors être rapides. Le principe d'un photocommutateur est relativement simple : il suffit de disposer d'un semiconducteur de bande interdite adaptée à la longueur d'onde du laser impulsionnel utilisé, dans 60 notre cas 1550 nm, et de réaliser sur celui-ci deux électrodes pour appliquer une polarisation. En éclairant l'espace inter-électrodes, nous rendons le matériau conducteur et nous fermons ainsi le circuit électrique. Le mécanisme d’absorption des photons étant quasi-instantanné, le temps caractéristique pour fermer le circuit est très court. Une fois les paires électrons-trous créées en grand nombre dans le semi-conducteur par une impulsion optique, le matériau revient dans son état initial (isolant) avec un temps caractéristique défini par la durée de vie des paires électrons-trous. Ainsi pour que les temps de réponse du photocommutateur soient sub-picosecondes, le temps de vie des paires électrons-trous doit être également subpicoseconde. Ainsi, un matériau semi-conducteur optimisé pour la photo-commutation picoseconde doit présenter une haute résistivité hors éclairement (pour obtenir des signaux contrastés), des porteurs au temps de vie très court (pour obtenir des impulsions de courant très brèves) et à très grande mobilité (pour obtenir des signaux intenses), et enfin une grande tension de claquage (afin de pouvoir appliquer de grandes tensions de polarisation en vue d'augmenter l'amplitude des signaux électriques). Cependant, le temps de vie des porteurs dans un matériau semiconducteur intrinsèque est supérieur à la nanoseconde. Pour réduire le temps de vie des porteurs à des valeurs picosecondes, une approche est d’introduire de défauts dans le cristal semi-conducteur. Ces défauts agissent comme des centres de capture et de recombinaisons pour les porteurs libres, réduisant ainsi leur durée de vie. 1 Irradiation ionique d’une couche d’In0,53Ga0,47As Il existe différentes méthodes pour introduire des défauts dans un matériau. Nous avons choisi l’irradiation ionique car cette technique a l’avantage de pouvoir s’appliquer à n’importe quel matériau [Lug98] et parce qu’elle est réalisée au cours des dernières étapes de la réalisation d’un composant. La technique d’irradiation consiste à bombarder le matériau par des ions. Les ions pénétrant dans le matériau entrent en collision avec les atomes du réseau cristallin. Les ions percutent un grand nombre d’atomes au cours de leur parcours et peuvent ainsi les déplacer. Ces déplacements atomiques entraînent une rupture de la périodicité dans le réseau cristallin et donc la formation de défauts. Deux types d’interaction ion-matière sont responsables du ralentissement de l’ion : les collisions nucléaires et l’ionisation ou l’excitation électronique. Au cours de sa traversée dans la cible, l’ion est ralenti par les impacts nucléaires (processus élastiques) et par l’interaction Coulombienne avec les électrons des couches externes des atomes qui la constituent 61 (processus inélastiques). Les autres mécanismes tels que les réactions nucléaires ou la génération de photons n’ont pas lieu dans notre cas. Les quatre paramètres essentiels qui interviennent dans ces deux mécanismes et qui caractérisent donc les conditions d’irradiation sont la masse de l’ion incident, son énergie initiale, la structure cristalline du matériau cible et l’angle du faisceau d’ions. Ces discussions nous amènent alors à traiter des déplacements atomiques eux-mêmes, qui sont des défauts dans le matériau cible. En effet, si un atome déplacé va se placer en position interstitielle en laissant à sa place normale un site vacant, lacune, nous avons un couple lacune-interstitiel appelé paire de Frenkel, qui correspond au défaut le plus simple induit par le bombardement. Il s’agit d’un défaut ponctuel et la figure II22 schématise cette situation. Interstitiel Lacune Figure II-22 : Schéma d’un couple lacune-interstitiel en remplacement de l’atome en position substitutionnelle. Ce couple est appelé paire de Frenkel Dans le cas où le premier atome déplacé possède une énergie importante, il peut ensuite déplacer d’autres atomes de la matrice. Nous avons alors des cascades de déplacements secondaires qui provoquent des zones fortement perturbées constituées de lacunes et d’interstitiels. Toutes ces paires de Frenkel sont confinées dans un petit espace très localisé ; nous parlerons alors de condensation de défauts ponctuels (fig. II-23). 62 Figure II-23 : Image TEM des condensats de défauts ponctuels. Il est important de préciser que dans le cadre de ce travail, nous nous intéressons à l’irradiation et non à l’implantation de la couche active dont l’épaisseur est 1 µm. Dans le cas de l’irradiation, l’ion utilisé pour le bombardement traverse entièrement la couche active d’ In0,53Ga0,47As et se trouve finalement arrêté plus profondément dans le substrat d’InP. Contrairement à l’implantation, aucune impureté n’est présente dans la couche active après le bombardement. De plus, la technique d’irradiation avec des ions ayant une énergie initiale élevée crée une distribution de défauts homogènes en une étape unique. Dans le cas de l’implantation, il est souvent nécessaire d’effectuer plusieurs bombardements pour obtenir un profil homogène de la distribution des ions implantés dans la couche active. Il a été démontré que l’irradiation par des ions lourds n’introduit pas uniquement des déplacements primaires [Jou04], mais également des cascades de déplacements secondaires donnant naissance à des agglomérats de défauts élémentaires. Ces défauts sont plus stables thermiquement, du fait de leur répartition sous forme d’agrégats. Cela leur confère également une énergie d’activation plus grande qui se traduit par un niveau d’énergie profond dans la bande interdite. Ces agglomérats de défauts sont des structures complexes, dont les deux états de charges coexistent. Nous avons irradié des couches d’In0,53Ga0,47As avec des ions Br+ à 11,2 MeV avec différentes doses d’irradiation allant de 1.109 à 4.1012 ions / cm2. L’irradiation avec des ions Br+ a été réalisée à l’accélérateur Aramis au Centre de Spectroscopie Nucléaire et de Spectroscopie de Masse (CSNSM) d’Orsay avec la collaboration de Claire Boukari, Sylvain Henry et Harry Bernas. 63 Des mesures de photo-transmittance résolues en temps et des mesures électriques par effet Hall et de Van Der Pauw ont été effectuées dans le cadre de la thèse de N. Chimot pour extraire le temps de vie des porteurs, la mobilité quasi-statique des électrons et la résistivité d’obscurité de l’In0,53Ga0,47As irradié. La figure II-24 suivante présente le temps de vie des électrons déduit des mesures de photo-transmittance résolues en temps en fonction de la dose d’irradiation. Figure II-24 : Temps de vie des électrons en fonction de la dose d’irradiation Il est important de souligner que, par la méthode d’irradiation ionique, le temps de relaxation varie depuis quelques nanosecondes pour l’échantillon non-irradié jusqu’à des valeurs sub-picosecondes pour les échantillons les plus irradiés. Nous mesurons typiquement 410 fs et 240 fs pour les échantillons irradiés à 4.1011 et 2.1012 ions / cm2 respectivement. Ceci montre que le temps de réponse est un paramètre facilement ajustable à travers la dose d’irradiation, ce qui permet de l’adapter à l’application recherchée. Le trait en pointillé représente une évolution du temps de vie des électrons inversement proportionnel à la dose d’irradiation. Les deux points représentant les doses les plus fortes s’écartent légèrement de cette loi théorique puisque nous sommes dans la limite de résolution du banc expérimental essentiellement à cause de la durée de l’impulsion optique qui est de 200 fs. La figure II-25 présente les variations de la résistivité d’obscurité avec la dose d’irradiation. Elle augmente car la densité d’électrons résiduels et la mobilité diminuent. Elle évolue de 0.037 Ω.cm pour l’échantillon non-irradié à 4.8 Ω.cm pour l’échantillon irradié à 1.1012 ions / cm2. La technique d’irradiation ionique conduit donc à une réduction du temps de vie des porteurs libres dans l’In0,53Ga0,47As de plus de trois ordres de grandeurs sans dégrader la résistivité d’obscurité de la couche. 64 Figure II-25 : Résistivité d’obscurité de l’In0,53Ga0,47As en fonction de la dose d’irradiation 3 Réalisation d’un photocommutateur ultra-rapide Nous avons vu précédemment que l’irradiation ionique permet d’obtenir des couches semiconductrices avec des temps de vie ajustables des porteurs libres inférieur à la picoseconde. L’In0,53Ga0,47As irradié présente donc des caractéristiques compatible à son insertion dans les composants optoélectroniques rapides. Nous avons ainsi réalisé un photocommutateur ultra-rapide avec une couche active en In0,53Ga0,47As couplé à une ligne coplanaire pour assurer la génération d’impulsions électriques THz. La photoconduction traduit une variation de la conductivité d’un matériau sous illumination. Les matériaux photoconducteurs sont en effet capables de passer d’un état naturel semi-isolant, dans lequel ils possèdent très peu d’électrons libres en bande de conduction, à un état fortement conducteur lorsqu’ils sont illuminés. Le photocommutateur développé possède une structure compatible notamment avec la technologie sur substrat InP, très utilisée dans les circuits électroniques rapides des systèmes de télécommunications. Ce photocommutateur est de type interdigité. Comparé aux photocommutateurs dits à gap simple, le photocommutateur est plus sensible car surface éclairée étant plus importante. La couche active en In0,53Ga0,47As de ce photocommutateur a été irradié afin de réduire le temps de vie des porteurs libres par des ions lourds Br+ avec une énergie initiale de 11 MeV et une dose de 4x1011 ion cm-2. Nous avons réalisé un masque de lithographie comprenant la géométrie du photocommutateur et son couplage à la ligne de guidage. Cinq électrodes interdigitées en or de 0,2 µm de largeur avec 1,8 µm de gap ont été déposées sur la couche active. Les doigts 65 interdigités font 6 µm de long. La surface du photocommutateur est de 8 µm2 et la surface du mésa d’In0,53Ga0,47As de 10x14 µm. De plus, une couche de nitrure silicon a été déposée. Cette couche agit comme une couche anti-reflet et une couche de passivation. Le photocommutateur est relié à une ligne de transmission coplanaire de 6,2 mm à l’aide d’un taper. C’est à dire que la ligne s’élargit progressivement afin de permettre de coupler le photocommutateur ultra-rapide à une ligne coplanaire qui doit être suffisamment large pour permettre d’une part de faciliter les mesures avec la sonde électro-optique locale d’autre part de poser des sondes hyperfréquences pour polariser en tension le photocommutateur. Sur la figure II-26, nous pouvons voir le design masque utilisé pour l’étape de lithographie du photocommutateur. Une photographie de la réalisation technologique est donnée en figure II27. Figure II-26 : Masque GDS du photocommutateur ultra-rapide sur une ligne coplanaire 66 Figure II-27 : Vue au microscope optique du photocommutateur ultra-rapide relié à une ligne coplanaire V Détection électro-optique Le système de mesure THz à ondes guidées que nous avons réalisé se décompose en deux voies principales : une voie dédiée à la génération du signal THz et une voie dédiée à la mesure du signal THz. Nous avons vu comment générer une impulsion THz ultra-brève le long d’une ligne coplanaire à l’aide d’un photocommutateur en In0.53Ga0.47As irradié par des ions. Nous allons maintenant décrire la partie “mesure” du banc expérimental basé sur l’effet électro-optique. Nous allons tout d’abord introduire les notions fondamentales de l’effet électro-optique, les différentes configurations de détection électro-optique possibles et en particulier celle retenue pour notre banc de mesure. Puis, nous présenterons la mise au point de la sonde électro-optique miniature fibrée à deux ports que nous avons réalisée. 1 L’effet électro-optique Le banc de mesure THz à ondes guidées que nous avons développé, utilise, pour la détection, l’échantillonnage électro-optique. L'effet électro-optique présente a priori l'avantage d'une réponse pratiquement instantanée du matériau. Le principe de la mesure est basé sur une modification des propriétés diélectriques d’un cristal électro-optique par le champ électrique du signal THz. Le plus souvent, nous choisissons une configuration géométrique telle que cette modification des propriétés diélectriques qui résulte en une biréfringence additionnelle, induise une modification de l’état de polarisation d'un faisceau optique de sonde traversant le cristal. La mesure de cette modification de polarisation permet de connaître la valeur du champ THz. 67 L’effet électro-optique que l’on appelle aussi effet Pockels est un effet non-linéaire qui traduit l'influence d'un champ électrique de faible fréquence sur les propriétés diélectriques d'un cristal. Cet effet non-linéaire se produit seulement dans les cristaux dits noncentrosymétriques. C'est un effet qui décrit la réponse optique linéaire du matériau au champ électrique excitateur. Dans l’approche classique, nous négligeons la fréquence du champ électrique devant la fréquence optique. Nous parlons alors d’un effet non linéaire à la fréquence ω = ω optique + 0 champ externe . La présence d’un champ électrique THz dans un cristal électro-optique entraîne une modification de son ellipsoïde des indices. L’ellipsoïde des indices d’un cristal électro-optique baigné dans un champ électrique THz présente alors un nouveau repère propre. Plus précisément, à partir des notions d’optique linéaire classique, r nous pouvons écrire une relation linéaire entre le déplacement électrique D et le champ r électrique E dans un matériau : r r r r D( E ) = ε0 E + P r r r avec ε0 la permittivité de vide et P le vecteur polarisation électrique du milieu. P est lié à E r tr t par la relation tensorielle P = ε0 χE avec χ le tenseur susceptibilité du milieu. Soit: r t t r t r D = ε0 (1 + χ ) E = ε0εr E t t t avec εr = 1 + χ le tenseur permittivité du milieu considéré. Nous écrivons finalement la relation constitutive électrique sous la forme : D ε ε ε E r x 11 12 13 x D = Dy = ε21 ε22 ε23 E y Dz ε31 ε32 ε33 E z Il est possible de définir un repère diélectrique propre tel que le tenseur permittivité soit diagonal. D ε r X X D = DY = 0 DZ 0 0 εY 0 0 E X 0 E Y εZ E Z Ce repère (0,X,Y,Z) est calculé en respect aux axes cristallographiques du cristal. L’ellipsoïde des indices donne alors accès à l’orientation des axes propres d’un cristal électro-optique en 68 absence de champ électrique THz. Pour quantifier l’effet induit par la présence d’un champ électrique THz, il est nécessaire d’introduire la susceptibilité non-linéaire d’ordre 2, qui intervient dans le développement du tenseur susceptibilité en série de Taylor : t r t t t r t r χ = χ ( E ) = χ (1) + χ (2) E + χ (3) E 2 + .... t Le premier terme χ (1) correspond à la susceptibilité employée en optique linéaire. Le vecteur polarisation s’écrit : r t r t rr t rrr P = ε10 χ2(1)3E + ε10 χ4(2)4EE4 +4 ε20 χ4(3)4EE4E 4+3... r Plinéaire r Pnon−linéaire t r r Le terme d’ordre deux ε0 χ (2) E THz E Optique permet de rendre compte des interactions à deux t ondes. Le terme χ (2) traduit une déformation de type déplacement et distorsion du nuage électronique du cristal sous l’action d’un champ électrique extérieur. Dans un cristal anisotrope (cas le plus général), l’ellipsoïde des indices en absence de champ appliqué s’écrit: x2 y 2 z 2 + + =1 n X2 nY2 nZ2 En présence d’un champ de faible fréquence (fig. II-28), l’ellipsoïde s’écrit sous la forme : 1 1 2 1 1 2 1 1 2 1 1 1 2 + ∆ 2 x + 2 ∆ 2 y + 2 + ∆ 2 z + 2∆ 2 yz + 2∆ 2 xz + 2∆ 2 xy = 1 n 1 n 3 n 4 n 5 n 6 nx nz n y n 2 La variation linéaire des coefficients à cause de l’effet Pockels est représentée par le tenseur électro-optique associé au cristal. Pour un champ électrique THz arbitraire, les coefficients sont modifiés suivant la relation : 1 ∆ 2 = ∑ rij E j avec j=x,y,z et i=1,…,6 n i j 69 Figure II-28 : Représentation de l’ellipsoïde des indices d’un matériau électro-optique sous champ appliqué dans son repère diélectrique Cette expression a été réduite en raison des symétries du tenseur électro-optique : ij ⇒ i rijk = rjik ⇒ rijk = rij . Cela traduit le fait que pour l’effet électro-optique, les deux photons à ω sont interchangeables. Nous trouvons alors sous forme matricielle : ∆ (1 n 2 ) 1 r11 2 ∆ (1 n )2 r21 ∆ 1 n 2 )3 = r31 ( ∆ (1 n 2 ) r41 4 2 r 51 ∆ (1 n )5 ∆ (1 n 2 ) r61 r12 r22 r32 r42 r52 r62 r13 r23 E r33 x Ey r43 E r53 z r63 6 Le tenseur électro-optique est représenté par une matrice 6*3. Pour choisir une configuration géométrique telle que la modification de l’ellipsoïde des indices induise modification de l’état de polarisation d'un faisceau optique de sonde traversant le cristal, il est nécessaire de connaître les axes principaux du nouvel ellipsoïde des indices (fig. II-29). Il faut alors trouver un repère (O,X,Y,Z) dans lequel l’équation est sous la forme diagonale : X2 Y 2 Z2 + + =1 n X2 nY2 n Z2 70 Figure II-29 : Représentation de l’ellipsoïde des indices Trouver les axes de l’ellipsoïde des indices perturbés revient à diagonaliser la matrice et ainsi à déterminer les valeurs propres et les vecteurs propres associés. Comme la matrice est symétrique, les vecteurs propres sont orthogonaux entre eux. (x y 3 1 2 + ∑ r1 j E j n1 j=1 3 z ) ∑ r6 j E j j=1 3 ∑ r5 j E j j=1 3 ∑ r6 j E j j=1 3 1 + ∑ r2 j E j n 22 j=1 3 ∑r 4j j=1 Ej x j=1 3 r E ∑ 4 j j y j=1 z 3 1 + ∑ r31 j E j n 22 j=1 3 ∑ r5 j E j Les vecteurs propres donnent les directions des axes principaux de l’ellipsoïde des indices, les valeurs propres donnent les indices selon ces axes. Dans la plupart des cas, des simplifications s’opèrent lorsque le champ électrique THz est appliqué suivant des axes propres du cristal. Il existe dans la littérature de nombreux exemples de résolution suivant les axes les plus courants. La simplification la plus courante consiste à considérer l’équation de l’ellipse d’intersection du plan de polarisation du faisceau optique de sonde avec l’ellipsoïde des indices. De ce fait, l’ellipse obtenue est plus simple à diagonaliser. Ce résultat donne de manière analytique les indices ordinaires et extraordinaires effectifs rencontrés par le faisceau optique de sonde. Nous avons développé un programme permettant de calculer l’interaction d’un champ électrique de n’importe quelle direction de l’espace avec un cristal électro-optique quelconque. Ce programme effectue la diagonalisation de la matrice et donne accès aux axes propres de l’ellipsoïde des indices perturbés. 71 Dans le cadre de ce travail, nous avons utilisé deux types de cristaux : Le LiTaO3 et le _ ZnTe. Le premier est de classe de symétrie 3m (Trigonal) et le seconde de classe 4 3m (Cubic). Le LiTaO3 est optiquement uniaxe et anisotrope. Le ZnTe est isotrope. Dans le cas du LiTaO3 qui est de classe 3m, le tenseur électro-optique s’écrit : 0 −1 7,5 0 1 7,5 0 0 33 rij = en pm /V 0 20 0 20 0 0 0 −1 0 Ce cristal est biréfringent et ses indices sont : n 0 = 2,176 et n e = 2,180 à 1,55 µm. Pour un champ extérieur arbitraire ( E x , E y , E z ), l’ellipsoïde des indices s’écrit: ( 1 1 − r22 E y + r13 E z )x 2 + ( 2 + r22 E y + r13 E z )y 2 + 2 nO n0 ( 1 + r33 E z )z 2 + 2r42 E y yz + 2r42 E x xz − 2r22 E x xy = 1 n E2 Ceci est l’équation de l’ellipsoïde des indices d’un matériau électro-optique de classe 3m baignant dans un champ électrique. Les axes ont subi des dilatations et rotations par rapport aux axes diélectriques propres. Nous trouvons alors un maximum d’efficacité en alignant l’axe C du cristal avec le champ électrique THz à mesurer. Pour obtenir une modification importante de la polarisation du faisceau optique de sonde, la polarisation du faisceau optique doit être dans un plan perpendiculaire à l’axe C Dans cette configuration, l’efficacité électro-optique est indépendante de la direction de polarisation du faisceau de sonde dans ce plan. Le cristal de LiTaO3 est donc simple d’emploi. C’est particulièrement pratique dans notre cas vu que nous ne connaissons pas précisément la polarisation du faisceau optique de sonde après son passage dans la fibre à compensation de dispersion. De plus, dans cette configuration la sonde de LiTaO3 est très sélective : elle est très peu sensible aux autres composantes du champ électrique THz. Dans ce travail, nous cherchons à réaliser une sonde sans intégration temporelle afin de développer un système de mesure THz ayant une bande passante très élevée. Nous verrons que dans le cristal LiTaO3, la différence de vitesse de phase des impulsions optiques avec celle des ondes THz est rédhibitoire pour 72 atteindre l’objectif d’une bande passante élevée. En revanche, le cristal de ZnTe présente une différence de vitesse de phase des ondes optiques avec celle des ondes THz très faibles ce qui est favorable pour réaliser un système de mesure performant en bande passante. C’est pourquoi nous avons également utilisé un cristal de ZnTe. Nous allons présenter la configuration optimale dans le cas du cristal ZnTe pour induire une forte rotation de la polarisation du faisceau optique de sonde. Pour une orientation quelconque du champ électrique THz, nous pourrions utiliser le programme de simulation que nous avons développé. Néanmoins, pour une orientation du cristal 110 et un champ THz transversal (composante horizontale du champ THz guidé sur la ligne coplanaire), il est possible de faire le calcul analytiquement [Nam61]. Le cristal est isotrope et dans notre cas, r E x = − E y = E 2 E z = 0 ce qui revient à dire que ETHz // 110 . En absence de champ THz nous avons pour le cristal isotrope : 1 2 1 2 1 2 2 x + 2 y + 2 z =1 n n n Le ZnTe possède le tenseur électro-optique suivant : 0 0 0 rij = 4 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 en pm /V 0 0 4 Compte tenu de l’orientation du champ électrique THz, deux termes croisés apparaissent et le cristal devient alors uniaxe avec un ellipsoïde des indices qui est passé d’une sphère à un ellipsoïde. ∆ (1 n 2 ) 0 0 1 0 −E 2 ∆ (1 n )2 0 0 0 2 ∆ (1 n 2 ) 0 0 0 E 3 = ∆ (1 n 2 ) r41 0 0 2 4 2 0 0 r 0 ∆ 1 n 41 )5 ( ∆ (1 n 2 ) 0 0 r41 6 73 L’ellipsoïde des indices s’écrit finalement : x 2 + y 2 + z2 + 2r41 E(xy − yz) = 1 n 02 On remarque alors que cela revient à faire deux rotations [Nam61] de 45° (autour de z et de x) afin de trouver le nouveau repère propre (fig. II-29) : Figure II-30 : Repère propre pour une orientation horizontale du champ THz dans un cristal de ZnTe Les deux axes majeurs ont ainsi pour indice : nX ' = 0 1 3 nY ' = n 0 − n o r41 E 2 1 3 n Z ' = n 0 + n o r41 E 2 Le déphasage total maximal subi par le faisceau de sonde avec une polarisation rectiligne orientée entre les deux axes majeurs (suivant 110 ) s’exprime comme : Γmax = 2π L λ 3 n o r41 E avec L la longueur du cristal électro-optique. Cette condition est respectée si la polarisation du faisceau optique de sonde est parfaitement linéaire. Par symétrie, orienter le champ électrique THz suivant une direction horizontale va conduire aux mêmes résultats avec une rotation globale de 45°. Cela revient à dire que si le faisceau optique de sonde est polarisé 74 linéairement suivant la direction 001 ou −110 , nous pourrons alors être sensible aux deux composantes du champ simultanément. 2 La dépendance en fréquence des coefficients électro-optiques Dans une géométrie à ondes guidées, le champ électrique de polarisation quasistatique appliqué à la ligne coplanaire est accessible et la mesure de sa valeur permet une calibration des champs électriques THz que nous souhaitons mesurer. Le champ électrique quasi-statique de polarisation est modulé à quelques kHz pour assurer une détection à l’aide d’un amplificateur synchrone. Nous cherchons donc un cristal électro-optique qui possède de forts coefficients électro-optiques constants sur une grande plage de fréquence allant du kHz au THz. Au dessus de quelques MHz, l’effet électro-optique est dû à la déformation non linéaire des nuages électroniques des molécules du cristal, ainsi qu’au déplacement non linéaire des ions (phonons), sous l’effet du champ électrique appliqué. Au delà d’une dizaine de THz, la contribution des effets ioniques ne peut plus être prise en compte dans l’effet électro-optique. A de telles fréquences, les ions ne sont plus capables de vibrer suffisamment rapidement. En dessous du MHz, les effets piezo-électriques et photoélastiques combinés se superposent à l’effet Pockels. Nous noterons que ces deux effets sont concurrents et concernent les cristaux de même classe de symétrie d’orientation. Tout cristal électro-optique est aussi piézoélectrique. La piézoélectricité (du grec piézein presser, appuyer) est la propriété que possèdent certains cristaux de se polariser électriquement sous l’action d’une contrainte mécanique et réciproquement de se déformer lorsqu’il baigne dans un champ électrique. Les deux effets sont indissociables. Le premier est appelé effet piézoélectrique direct; le second effet piézoélectrique inverse. L’effet photoélastique engendre également une modification de l’indice de réfraction lorsque nous appliquons une contrainte mécanique sur le cristal. L’ellipsoïde des indices est relié à la contrainte mécanique par le tenseur photoélastique du 4ème ordre : 1 ∆ 2 = ∑ Pijkl Skl n ij k,l où Pijkl sont les coefficients de contrainte optique et Skl la contrainte mécanique. Nous remarquons que le tenseur électro-optique quadratique possède la même forme que le tenseur photo-élastique. Un champ électrique appliqué sur un tel cristal produit des contraintes 75 mécaniques en raison de l’effet piezo-électrique. En raison de l’effet photo-élastique, ces contraintes peuvent changer l’indice de réfraction en même temps que l’effet électro-optique : 1 ∆ 2 = ∑ Rijk (ω )E k + ∑ Pijkl Skl n ij k,l k,l Les tenseurs électro-optiques en fonction de la fréquence du LiTaO3 et du ZnTe ne sont pas rapportés dans la littérature. G. Gaborit et al. [Gab05] ont réalisé une expérience qui donne accès à ces données. L’expérience consiste à détecter la modulation du faisceau optique traversant un cristal E.O. posé sur une ligne de transmission hyperfréquence (fig. II-31). La ligne comporte une adaptation d’impédance pour compenser la perturbation du cristal. Figure II-31 : Schéma du banc d’extraction des coefficients E.O. d’après G. Gaborit Remarque Dans cette partie, nous avons négligé la fréquence du champ THz devant celle de l’onde optique de sonde. En toute rigueur, les interactions sont du type ω = ωoptique + ωchampexterne . Nous proposerons une approche plus complète dans le chapitre avec une description de l’effet électro-optique comme la génération cohérente de raies latérales autour du spectre optique. Nous pouvons parler alors de génération de somme et différence de fréquence par effet-non linéaire. La détection électro-optique est alors basée sur la mesure de la modulation de phase induite sur le faisceau de sonde par le champ électrique. 3 Choix de la méthode de mesure 76 Nous avons vu qu’en présence d’un champ électrique THz, les propriétés diélectriques d’un cristal électro-optique sont modifiées ce qui donne lieu à une biréfringence additionnelle induite dans le cristal. Nous avons vu comment pour accéder au champ THz, nous choisissons alors une configuration géométrique telle que cette biréfringence additionnelle induise une modification de polarisation du faisceau optique de sonde qui traverse le cristal. La mesure de cette modification permet de déduire la valeur du champ THz. Nous verrons dans cette partie qu’au-delà de la modification de l’état de polarisation du faisceau optique de sonde, la modulation d’amplitude par interférométrie de Fabry-Pérot ainsi que la modulation de phase mesurée par interférométrie à deux ondes permettent d’accéder à la valeur du champ électrique THz. Selon la méthode retenue, les performances en termes de bande passante ou sensibilité sont différentes. Le choix de la méthode se fait donc selon l’objectif visé. 3.1 Modulation d’état de polarisation La traversée d’un matériau électro-optique sous champ électrique THz par un faisceau optique induit une modification de l’état de polarisation de ce faisceau. Les deux composantes de polarisation du faisceau selon les axes propres du matériau se propagent en rencontrant un indice différent, dépendant du champ électrique THz. Le déphasage du faisceau de sonde induit par un champ électrique THz est proportionnel à l’épaisseur du cristal et aux variations des indices suivant les deux axes de polarisation du faisceau de sonde. φ cristal = = 2πL λ n + (0) − n− (0)} + { biréfringence naturelle 2πL λ 2πL {n + − n− } = φ 0 + φ E {(n (E ) − n (0)) − (n (E ) − n (0))} + + Ω Ω − − λ biréfringence induite par le champ électrique à mesurer Le montage le plus simple consiste à faire traverser un faisceau optique polarisé linéairement à travers le cristal et à transcrire la variation d’état de polarisation à l’aide d’un analyseur croisé ou colinéaire. Classiquement, nous plaçons le matériau électro-optique entre deux polariseurs croisés à 45° des axes principaux du matériau, ce qui a pour effet de transcrire la modification de polarisation induite par le champ électrique THz en une variation d’intensité transmise. Les valeurs typiques des champs électriques véhiculés sur les lignes de transmission sont de l’ordre du kV/cm. Les faibles coefficients électro-optiques (quelques dizaines de pm/V) induisent des variations d’indices extrêmement faibles. La biréfringence naturelle de certaines classes de cristaux peut être plusieurs ordres de grandeur au-dessus. On 77 considérera pour la suite ∆φ << π . En pratique, nous pouvons estimer la variation de phase de l’ordre de 10-6 radians. Nous verrons qu’il faut des techniques particulières de réduction du bruit pour être capable de mesurer de si petites variations de polarisation. La tache est rendue encore plus difficile dans un système fibré dont les variations thermomécaniques perturbent la polarisation du faisceau optique lors de sa propagation dans les fibres. L’intensité détectée après l’analyseur s’écrit: ∆φ − j ∆φ j 2 E 1 1 E e − e 2 0 0 = 0 ∆φ j e 2 2 E 0 2 0 ∆φ E x 1 1 1 −1e− j 2 = E y 0 2 1 1 0 avec : ∆φ = 2π L λ (n (E) − n (E)) y z I(∆φ ) = E x + E y = E x E y* = E 02 sin2 ( 2 2 ∆φ ) 2 L’évolution du signal transmis n’est pas linéaire avec le déphasage. De plus, la réponse est quasi nulle au voisinage d’un déphasage inter-composantes nul du faisceau de sonde : I(∆φ ) ≈ E 0∆φ 2 Afin d’optimiser l’efficacité de la détection, le déphasage inter4 composante du faisceau optique de sonde doit être proche de ∆φ = 90° Une solution classique consiste à ajouter une lame quart d’onde sur le trajet du faisceau optique. Finalement, un arrangement optique optimal comprend d’une part un état de polarisation du faisceau optique de sonde qui soit correctement orientée par rapport au cristal et d’autre part un déphasage inter-composante du faisceau optique de sonde proche de 90° au niveau de l’analyseur. Dans le cadre de ce travail, nous avons utilisé un cristal de LiTaO3 et de ZnTe. Le cristal de LiTaO3 est anisotrope alors que le cristal de ZnTe est isotrope. Il en résulte une biréfringence statique pour le cristal de LiTaO3 que n’a pas le ZnTe. Le cristal de LiTaO3 que nous avons utilisé possède une épaisseur de 100 µm et introduit par sa biréfringence naturelle un déphasage d’environ 92,5 ° pour un passage du faisceau optique de sonde polarisé linéairement à 45° des axes propres du cristal. Cela correspond quasiment au déphasage apporté par une lame de phase quart d’onde. En revanche, en absence de champ électrique THz, le cristal de ZnTe ne modifie pas la polarisation du faisceau optique de sonde. L’ajout d’une lame quart d’onde pour introduire un déphasage de 90° entre les composantes du faisceau optiques de sonde s’écrit selon le formalisme de Jones : 78 ∆φ E x 1 0 1 1 −1e− j 2 = E 0 0 1 1 2 0 y ∆φ − j ∆φ j 2 2 1 E 1 E e − ie 0 0 = 0 ∆φ j e 2 2 iE 0 2 0 I(∆φ ) = E x + E y = E x E x* = E 02 sin 2 ( 2 2 ∆φ + π 2 ) = E 2 (1 + sin(∆φ ) ) 0 2 2 E 02 E 02 I(∆φ ) ≅ + ∆φ 2 2 La lame quart d’onde rend donc la réponse de la détection électro-optique linéaire. L’intensité du faisceau optique de sonde I0 est très grande devant le déphasage électro-optique ∆φ . Le bruit du faisceau optique de sonde risque donc de masquer l’effet électro-optique. Si nous introduisons un terme de bruit B à l’intensité moyenne du faisceau optique de sonde : I0 = I0 + B I(∆φ ) ≅ I0 I 0 I B I B + ∆φ = 0 + + 0 ∆φ + ∆φ 2 2 2 2 2 2 sec ond ordre nous en déduisons le rapport signal-sur-bruit: I0 ∆φ I S /B = 2 = 0 ∆φ B B 2 Avec une technique différentielle, il est donc possible de s’affranchir d’une partie du bruit en intensité du faisceau optique de sonde. Pour cela, nous remplaçons le polariseur par un séparateur de polarisation avant le détecteur, comme par exemple un prisme de Wollaston séparant le faisceau optique incident en deux faisceaux aux polarisations rectilignes orthogonales. En l’absence de champ électrique THz, le signal mesuré sur ces deux voies est identique et le signal différence est donc nul. Lorsque qu’un champ THz est appliqué au cristal, une variation d’ellipticité du faisceau optique est induite en sortie de cristal qui va ellemême introduire une variation de l’orientation de la polarisation rectiligne en sortie de la lame quart d’onde. Celle ci va déséquilibrer les puissances optiques reçues sur les deux voies de détection en sortie du prisme de Wollaston. Nous utilisons deux détecteurs séparés associés à 79 une électronique qui donne la somme et la différence de ces deux signaux. Le signal différence permet de s’affranchir des fluctuations d’intensité du faisceau optique de sonde. E x 1 1 −1e = E 1 1 2 0 y ∆φ −j 2 0 ∆φ j e 2 ∆φ − j ∆φ j 2 E 0e − ie 2 1 E0 1 = ∆φ ∆φ −j j 2 iE 0 2 E 0 e 2 + ie 2 Soit un signal électronique de différence des deux signaux : I(∆φ ) = E x − E y = E x E x* − E y E y* = E 02 sin2 ( 2 2 = E 02 (cos(∆φ + π 2 ∆φ + 2 π 2 ) − E 2 cos 2 ( ∆φ + 0 2 π 2) )) = E 02 sin 2 (∆φ )≈E 02∆φ = ∆φ (I0 + B) Le rapport signal sur bruit s’écrit : S /B = I0∆φ I0 = B∆φ B Ce système permet de limiter l’influence du bruit du laser et des perturbations thermomécaniques des deux bras de la ligne fibrée. La mesure d’une variation de polarisation de l’ordre de 10-6 radians avec une expérience totalement fibrée reste un défi technologique peu facile à maitriser. L’idée de mesurer une variation de polarisation aussi faible en utilisant des fibres optiques, élément qui introduit beaucoup de bruit en polarisation, est ambitieuse. Dans notre expérience, il n’est pas possible d’insérer une lame d’onde λ / 4 pour obtenir une polarisation circulaire au niveau de l’analyseur car il est très difficile de savoir quel est l’état de polarisation de faisceau optique de sonde après avoir traversé la fibre à dispersion négative et la sonde électro-optique fibrée. Bien que certaines équipes aient travaillé sur la réalisation de guide d’onde à maintien de polarisation circulaire, l’offre disponible est très faible ou très contraignante. La solution la plus simple consiste à utiliser un contrôleur de polarisation fibré qui permettra d’optimiser le signal sans pour autant connaître véritablement l’état de la polarisation. 3.2 Modulation d’amplitude par interférométrie de Fabry-Pérot 80 En réalisant une cavité optique autour d’un cristal électro-optique, nous pouvons réaliser un interféromètre dit de Fabry-Pérot dont le coefficient de transmission présente des maximas pour les longueurs d’ondes telle que : λm = 2 nL m où L est la longueur de la cavité, n est son indice de réfraction et m un entier. Sous l’action d’un champ électrique THz, l’indice de réfraction du cristal est modifié par effet Pockels. Le coefficient de transmission de la cavité est alors modifié par le champ électrique THz. Il est alors possible de trouver un point de fonctionnement de la cavité telle que la modulation soit relativement linéaire et très efficace. La mesure électro-optique par effet Fabry-Pérot présente comme avantage d’avoir un niveau de signal important grâce à des multiples passages du faisceau optique de sonde dans la cavité, la variation de phase introduite étant proportionnelle à l’épaisseur de cristal traversé par le faisceau optique de sonde (fig. II-32). Figure II-32 : Effet Fabry-Pérot rencontré dans une sonde électro-optique. Pour exalter cet effet, la solution consiste à déposer un traitement diélectrique réfléchissant sur les faces d’entrée et de sortie du cristal électro-optique et augmenter ainsi le facteur de qualité de la cavité. Pour mesurer le champ électrique THz, la détection doit présenter une réponse linéaire en fonction du déphasage φ E induit par le champ électrique, avec une dynamique élevée. L’expression de φ E s’écrit: φE = 2πL λ {n ±( E Ω ) 81 − n ±(0)} Lors de l’utilisation brute d’un cristal électro-optique, cet effet de Fabry-Perot est faible mais présent. En effet, sans un traitement anti-reflet, les coefficients de réflexion aux interfaces du cristal ne sont pas nuls. L’effet électro-optique engendre donc une modification de l’état de polarisation du faisceau optique de sonde ainsi qu’une modification de son amplitude. Cependant, la détection basée sur la modulation d’amplitude par interférométrie de Fabry-Pérot, possède une réponse temporelle plus lente que la détection basée sur une modification de l’état de polarisation. En effet, les allers et retours du faisceau optique de sonde à l’intérieur de la cavité formé par le cristal électro-optique conduisent à une forte intégration du champ électrique THz que nous souhaitons mesurer. 3.3 Modulation de phase, interférométrie à deux ondes : La phase d’un faisceau optique traversant un cristal électro-optique baignant dans un champ électrique THz sera modifiée par rapport à un faisceau de référence ne traversant pas le cristal. Nous parlerons de faisceau optique de sonde et de faisceau optique de référence. Si le cristal électro-optique est soumis à un champ électrique THz, alors la phase du faisceau sonde sera modulée proportionnellement par effet Pokels. La mesure de ce déphasage s’obtient avec un interféromètre de type Mach-Zehnder comme présenté sur la figure II-33. Figure II-33 : Détection électro-optique par interférométrie. Contrairement à la technique de mesure de la modification de l’état de polarisation du faisceau optique de sonde, où il est nécessaire de déterminer une configuration géométrique 82 telle que la biréfringence induite par le champ électrique THz entraîne une rotation de la polarisation d'un faisceau optique qui traverse le cristal, la technique par interférométrie est directement sensible à la variation de phase induite sur le faisceau optique de sonde grâce au faisceau optique de référence. Il n’est plus nécessaire d’induire un changement d’état de polarisation du faisceau optique de sonde. Il est alors possible de moduler directement la phase d’un faisceau de sonde polarisé linéairement et arrivant sur un axe propre du repère diélectrique. Le champ THz induit alors un changement d’indice δn sur cet axe propre. Cela revient à retarder plus ou moins en phase le signal optique de sonde par rapport au signal optique de référence. Il suffit alors de faire interférer les deux faisceaux pour en déduire le signal électro-optique. On peut écrire le déphasage induit par le champ électrique THz pour un faisceau optique de sonde aligné suivant l’une ou l’autre direction propre du cristal comme : ∆Φ = 2π (n ± −1)L λ − Φ0 En pratique, cette méthode ne donne pas plus de signal électro-optique que la méthode par modulation de l’état de polarisation. La bande passante est la même que pour la modulation de l’état de polarisation. Elle est néanmoins plus difficile à mettre en œuvre. VI Réalisation de la sonde électro-optique miniature Dans le cadre de la réalisation du système de mesure THz à ondes guidées, nous avons conçu une sonde électro-optique capable d’effectuer une mesure locale et positionnable librement. Le caractère local a nécessité de réaliser une tête électro-optique de petites dimensions. Rappelons que la tête électro-optique est constituée de deux primes encadrant le cristal électro-optique. Nous nous sommes procuré dans le commerce des primes miniatures de 1 mm de côté. Nous avons découpé des cristaux électro-optiques de 1 mm de côté. 1 Découpe des cristaux Les travaux effectués par Laurent Joulaud ont montré que la découpe au laser impulsionnel est difficilement applicable notamment car la contrainte thermique et mécanique ne permet pas d’obtenir une bonne qualité de découpe aux bords du cristal et car il apparaît lors de la découpe des fissures aléatoires qui donnent un taux de rebut de plus de 75 %. Nous nous sommes donc porté sur une découpe mécanique à l’aide d’une scie diamantée DISCO 83 DAD 641 disponible dans la Centrale Technologique Universitaire de notre laboratoire (fig. II-34). Cette scie est destinée plus spécifiquement à la découpe de wafer de silicium d’une taille maximale de 8 pouces. Elle peut néanmoins découper suivant deux axes perpendiculaires, une multitude d’objets avec une maitrise de la profondeur de coupe submicronique et une largeur de coupe qui dépend directement de la lame utilisée. Figure II-34 : Photographie de la scie de découpe des cristaux Nous avons utilisé une lame de 30 µm de largeur pour la découpe droite et de 200 µm pour les coupes à 45°. Ces scies permettent des découpes quasiment parfaites sans abimer les bords du cristal. Il a été difficile d’obtenir un procédé de découpe fiable et répétable. En effet, les cristaux ainsi découpés font 1 mm2, il est très facile de les perdre dans la machine ! La dureté du cristal est un paramètre important lors des étapes de découpe des cristaux. Le LiTaO3 est très dur comparé au ZnTe qui peut avoir tendance à s’effriter. 2 Fabrication de la sonde électro-optique miniature 2.1 Le collage des prismes avec le cristal électro-optique Les cristaux découpés présentent un faible encombrement, ce qui ouvre la perspective d’une mesure locale du champ électrique THz qui se propage sur un guide d’onde. Nous allons maintenant présenter la méthode d’intégration de ces cristaux entre les deux prismes. Cet empilement représente la tête électro-optique et constitue la base de la sonde électrooptique que nous avons réalisée (fig. II-35 et II-36).. Les cristaux découpés doivent être orientés précisément. Pour cela, un repérage minutieux est difficile car à cette dimension, les cristaux se retournent très facilement lors de la manipulation. Un examen de la surface sous binoculaire laisse entrevoir un polissage optique régulier du cristal suivant une direction unique. Il suffira de prendre ce repère lors de la découpe. Afin de solidariser le sandwich 84 prisme-cristal-prisme, nous utiliserons une colle optique qui a la spécificité de polymériser en présence d’une source de rayonnement ultraviolet. A l’aide de seringues et de petites pinces, nous avons déposé une goute de colle sur le premier prisme et ensuite encollé une première face du cristal en respectant l’orientation cristallographique. De petites calles spécialement réalisées pour ce procédé ont aidé à l’ajustement parfait du cristal sur le flanc du prisme. Un premier séchage par ultraviolet est alors appliqué. Le report du deuxième prisme se fait de la même manière. Une fois la méthode bien établie, il est alors possible d’obtenir un taux de réussite de plus de 80 %. La difficulté est de ne pas mettre de colle sur les surfaces optiques des prismes. Figure II-35 : Observation au microscope de la sonde ZnTe vue par le dessus. Figure II-36 : Observation au microscope de la sonde ZnTe vue par la tranche Cette tête électro-optique, aux dimensions typiques du millimètre, est difficilement manipulable et le couplage avec le faisceau optique de sonde est critique. Il est crucial pour la 85 mesure que le cristal soit maintenu et positionnable facilement. La solution retenue a été de coller la tête électro-optique réalisée à une pointe micrométrique qui elle-même est solidaire d’un support fixé à la platine de translation 3 axes prévue pour le déplacement de la sonde électro-optique complète. Figure II-37 : Report de différente sonde ZnTe et LiTaO3 sur des supports micrométriques. Nous avons réalisé diverses têtes électro-optiques en ZnTe et LiTaO3 interchangeables afin de pouvoir mesurer indifféremment le champ électrique THz horizontal ou vertical avec différentes sensibilités et résolutions temporelles (fig. II-37). 2.2 Collage par adhésion moléculaire Préalablement au collage à l’aide d’une colle optique, nous avons fait des essais de collage par adhésion moléculaire pour s’affranchir de la colle optique. Le collage moléculaire consiste à établir une liaison entre deux matériaux sans l’apport de matière extérieur (comme de la colle ou une matière adhésive) Il existe différents types, applicable à différents matériaux et classés, en général, en fonction des forces utilisées pour rapprocher les deux objets à sceller. La difficulté réside dans le fait que les surfaces à coller soient très proches l’une de l’autre. Il sera donc nécessaire de les préparer chimiquement et physiquement pour que leur surface soit suffisamment plane, propre et adapté chimiquement au collage. 86 Figure II-38 : Différent défaut de surface empêchant un collage par adhésion moléculaire. Pour réussi à rapprocher suffisamment les deux cristaux, il faut que les surfaces répondent à plusieurs critères. D’abord, au niveau des substrats, la flèche (ou le bombé), qui caractérise la déformation du cristal à l’échelle du cristal, ne doit pas être trop importante (fig. II-38). En effet, lors du collage, il faudra fournir une certaine énergie élastique pour déformer les deux plaquettes et réussir à établir un contact sur toute leur surface. Or si l’énergie nécessaire à la déformation élastique des cristaux est supérieure à l’énergie fournie par les forces de collage, les deux objets à coller ne pourront pas rester collés. Pour les mêmes raisons, la planéité des surfaces ne doit pas présenter d’ondulations trop importantes et enfin la microrugosité joue aussi un rôle très important dans le collage à température ambiante. Il faut aussi que les surfaces soient parfaitement propres. La contamination de surface, qu’elle soit particulaire ou organique, est un paramètre crucial pour obtenir un collage de bonne qualité et reproductible [Gos99]. Figure II-39 : Formation d’un défaut de collage de 2,5 mm de diamètre à cause d’une particule de 0,5 µm Il est en fait possible de distinguer deux modes de collage selon la nature des liaisons présentes à la surface : le collage hydrophile et le collage hydrophobe. Le premier est base sur la mise en contact de deux surfaces structurées en terminaisons –OH, alors que le second fait intervenir des atomes de silicium passives par de l’hydrogène. Une fois que les surfaces suffisamment planes, lisses et propres, la mise en contact de deux surfaces donne lieu à un phénomène de capillarité. En un point particulier de l’interface, d’autres forces vont alors entrer en action, comme les forces de Van Der Waals pour les collages hydrophobes ou les liaisons hydrogène pour les collages hydrophiles. [Roc91]. A température ambiante, il est possible d’obtenir suivant les types de liaisons crées, des énergies de collage de l’ordre de 10 à 30 mJ/m2. Pour plus de détails sur le collage par adhésion moléculaire, on pourra consulter les travaux de Stengl et al. [Ste89], de Weldon et al. [Wel96], de Rayssac [Ray1999] ou de Gösele et Tong [Gos1999]. 87 Dans le cadre de cette thèse, nous avons effectué de nombreux essais de collage par adhésion moléculaire. Ce principe est élégant car il évite l’ajout d’un adhésif dont l’on ne connait pas précisément les propriétés optiques et électriques. Nous avons essayé plusieurs procédés en salle blanche sans jamais arriver à avoir des surfaces suffisamment propres et lisses pour obtenir un collage permanent. On peut voir un essai de collage par adhésion moléculaire (fig. II-40-41). Figure II-40 : Sonde locale réalisé par adhésion moléculaire d’un cristal de LiTaO3 avec des lames de silices. Figure II-41 : Sonde locale réalisé par collage à l’époxy d’un cristal de LiTaO3 avec des lames de silices. On remarque une couche de colle d’environ 20 µm. 2.3 Le traitement antireflet La modification de l’ellipsoïde des indices du cristal résultant de la présence du champ électrique THz entraîne une modification de l’amplitude du faisceau optique de sonde par effet Fabry Perot (fig. II-42). Nous souhaitons nous affranchir de cet effet qui conduit à une réduction de la bande passante du système de mesure. Nous avons donc déposé une couche antireflet à l’aide de la PECVD (Plasma-Enhanced Chemical Vapor Deposition) de la Centrale Technologique Universitaire de l’IEF. Dans un procédé PECVD typique, le substrat 88 est exposé à un ou plusieurs précurseurs en phase gazeuse, qui réagissent et/ou se décomposent à la surface du substrat pour générer le dépôt désiré. Figure II-42 : Mesure à l’analyseur de spectre optique de l’effet de cavité dans la sonde E.O.. On peut estimer l’intervalle spectral libre par : ∆λ = λ2 2nL , dans notre cas on suppose l’indice du cristal comme étant égal à n cristal = 2,9 et on sait que la largueur du cristal est de 100 µm. Le calcul nous donne un ∆λ = 4,2 µm . Cela correspond aux franges mesurées sur la mesure à l’analyseur optique. Nous avons bien une cavité de Fabry-Perrot à l’interface cristal-prisme à cause de la différence d’indice entre le BK7 ( n BK 7 = 1.5 ) et le ZnTe ( n ZnTe = 2.9 ) (fig. II-42). Le traitement antireflet a permis de réduire l’amplitude des oscillations Fabry-Perot de 90 %. 2.4 L’état de polarisation dans la tête électro-optique Nous avons vu que l’état de polarisation du faisceau optique de sonde dans le cristal est un paramètre déterminant pour que la présence du champ électrique THz induise, par effet électro-optique, une biréfringence additionnelle optimale. De même, le déphasage entre les composantes du faisceau optique de sonde doit être de 90° au niveau de l’analyseur pour assurer une transcription efficace de la biréfringence additionnelle en variation d’intensité. Il s’avère donc important de considérer les déphasages introduits par les réflexions totales internes du faisceau optique de sonde sur les deux primes. Lors de la réflexion totale à 45° sur les prismes, le faisceau optique de sonde subit des réfractions de Fresnel. Les différentes composantes du champ optique ne sont pas réfléchies de la même manière. Cet effet est utilisé pour créer des lames de phase appelées « Rhomboédre de Fresnel » [Roc97]. Le faisceau optique de sonde subit donc deux déphasages statiques dû aux deux réflexions totales internes 89 dans les deux prismes, plus une modulation de l’état de polarisation par l’effet électrooptique. Le déphasage induit par les prismes se calcule à l’aide de l’indice du BK7 à la longueur d’onde λ=1550 nm qui vaut 1,5 et des équations de Fresnel. La réfraction de Fresnel donne un retard de phase de : cosθ (sin 2 θ − (1 n) 2 )1 2 Γ(θ ) = 2tan−1 sin 2 θ On trouve un déphasage inter-composante pour une réflexion totale de ∆Φ = 45° et donc pour deux réflexions avec l’effet électro-optique : ∆Φtotal = 2∆ΦFresnel + ∆Φcristal = 2∆Φ Fresnel + 2πL λ {n + − n− } La variation de phase dépend très peu de la longueur d’onde. Le retard est stable à 0,1 ° près sur une étendue spectrale allant de 1130 nm à 1560 nm. Ces déphasages introduits par les réflexions internes devront être pris en compte lors de la mise en œuvre de l’arrangement optique pour optimiser la modulation de l’état de polarisation du faisceau optique de sonde induite ainsi que sa transcription en modulation d’intensité par l’effet électro-optique. 3 Le dispositif réversible d’injection et collection de la lumière Les systèmes de mesure THz à ondes guidées rapportés dans la littérature sont limités en bande passante notamment car l’interaction entre le champ électrique THz et le faisceau optique de sonde n’est pas purement colinéaire. En effet, les directions de propagation de deux ondes, optiques et THz sont soit perpendiculaires [Jou04] ou soit colinéaires sur une partie de leur chemin d’interaction et perpendiculaire sur autre partie (sonde électro-optique de forme tronconique [Ria00] Nous avons conçu une sonde électro-optique originale qui assure interaction totalement colinéaire entre les ondes optiques et THz. Cette spécificité impose le design du dispositif d’injection et de collection du faisceau optique de sonde. Nous avons également lors de la conception de la sonde électro-optique veillé amener la fibre optique au plus prêt de la tête électro-optique. Contrairement à un montage en espace libre, la sonde électro-optique fibrée permet de s’affranchir des réglages optiques lors d’un 90 déplacement de la tête électro-optique. On parle alors de sonde électro-optique positionnable librement. L’approche technologique que nous avons retenue, utilise deux fibres lentillées identiques de grande distance focale: une pour l’injection du faisceau optique de sonde et une autre pour la collection. Le dispositif est symétrique, il s’agit d’une sonde électro-optique à deux ports. Nous verrons plus loin que cette conception originale permet la détermination du sens de propagation d’une impulsion guidée [Mei08]. Grâce à l’utilisation d’une fibre optique, il est facile de déporter le système d’analyse de l’effet électro-optique de la sonde. Le trajet parcouru par le faisceau optique de sonde à travers la tête électro-optique est de 1 mm dans chaque prisme et de 100 µm dans le cristal, soit une longueur totale de 2,1 mm. Il conviendra alors d’utiliser des fibres de 1 à 1,5 mm de focale afin de focaliser le faisceau optique à l’intérieur du cristal. On notera que la résolution spatiale dépend directement du diamètre du faisceau optique dans le cristal. De telles fibres optiques avec une distance focale de plus 1 mm et une taille de spot inférieure à 50 µm ne sont pas courantes. La technologie standard pour lentiller une fibre optique par recuit d’une fibre optique clivée ne permet pas d’atteindre des tailles de spot et des longueurs focales voulues. En effet, la taille de cœurs des fibres monomodes standards est de l’ordre de 9 µm. En effectuant un recuit du bout de la fibre clivée, une lentille de type demi-boule va se former en extrémité de la fibre mais aucun paramètre n’est ajustable car l’ouverture numérique de la fibre est fixe et la distance focale de la lentille aussi. Nous avons demandé à la société IDIL de fabriquer une fibre lentillée spéciale. Elle combine le collage d’un morceau de silice avec un tronçon de fibre à gradient d’indice (GRIN). L’ajout d’un tronçon de silice permet d’ajuster la distance entre le bout de la fibre monomode et la lentille, qui dans ce cas est une fibre à gradient d’indice. Pour estimer le diamètre du spot optique focalisé à l’intérieur du cristal électro-optique, nous avons monté un dispositif expérimental permettant de couper le faisceau optique en sortie de fibre à l’aide d’une lame de rasoir et de le détecter avec une photodiode standard. Le déplacement de cette lame est piloté par un contrôleur 3 axes précis au micron près. Il suffit alors de mesurer le flux optique sortant de la fibre en le coupant à l’aide de la lame de rasoir pour différentes distances. On obtient des courbes en S typiques d’un faisceau Gaussien (fig. II-43). En dérivant ces courbes, il est alors possible d’obtenir le diamètre du spot à 1 e (fig. II-44). 91 Figure II-43 : Mesures du diamètre du spot optique en sortie de la fibre optique lentillée en fonction de la distance relative à partir de la sortie de la fibre Éloignement de la fibre Diamètre du spot 0 µm 68 µm 500 µm 62 µm 1 mm 58 µm 1,5 mm 58 µm 4 mm 106 µm Figure II-44 : Diamètre optimum en sortie de fibre optique lentille atteint pour une distance focale entre 1 mm et 1,5 mm. Le diamètre à 1 e est de 58 µm. 92 Figure II-45 : Schéma du dispositif d’injection et collection de la lumière symétrique Nous avons conçu une pièce mécanique pour maintenir les fibres optiques par conception assistée par ordinateur (CAO) (fig. II-45). Nous avons réalisé ces pièces mécaniques par nous mêmes dans l’atelier mécanique de l’IEF. Cela est très pratique de pouvoir le faire sur place car de nombreux ajustements sont nécessaires. Un morceau de silicium a été utilisé afin d’y 93 réaliser des v-groove permettant de faire reposer les deux fibres optiques côte à côte. Les deux v-groove sont espacés de 150 µm, le diamètre de la gaine des fibres est de seulement 125 µm (fig. II-46). Un banc de collage et d’alignement a été spécialement développé. Il nous est alors possible de réaliser un collage avec un alignement dynamique de la polarisation en sortie des fibres. Un faisceau laser continu polarisé linéaire est envoyé dans la fibre optique à maintien de polarisation et passe ensuite à travers un analyseur. Il est alors facile d’obtenir l’alignement souhaité. Nous avons choisi d’aligner les fibres verticalement par rapport au plan formé par la plaquette de silicium. La première fibre est collée à l’aide d’une colle époxy à séchage par ultraviolet. L’opération est ensuite répétée pour la seconde fibre. Le collage est effectué sous binoculaire et garanti une précision de l’ordre du micron. Figure II-46 : Montage des fibres optiques dans leur v-groove 4 Le système de positionnement 3 axes micrométriques Une fois le porte-fibre réalisé et la tête électro-optique reportée sur son support, nous avons eu recours à un dispositif capable de déplacer la sonde électro-optique complète (tête électro-optique+système d’injection et de collection du faisceau optique de onde) afin de pouvoir sonder localement le champ électrique THz et ce, à divers endroits. Ce dispositif offre également les réglages nécessaires à l’alignement optiquement du porte-fibre avec la tête électro-optique. Pour cela, il a fallu déterminer tous les degrés de libertés utiles à l’alignement optique. 94 Figure II-47 : Dispositif complet de translation de la sonde et de son système d’injection et collection de la lumière Le porte-fibre possède un réglage fin constitué de 3 axes de translation ainsi que de 3 axes de rotation. Le cristal possède 3 rotations possibles, qui permettent de placer facilement le cristal dans un plan parallèle à celui de la ligne de propagation des signaux THz (fig. II-47). Les pertes par insertion ont été mesurées pour divers cristaux. Selon la qualité du collage de la tête électro-optique et de l’alignement réalisé, les pertes sont comprises entre 4 et 10 dB. Cela reste raisonnable compte tenu de la puissance de notre laser. Le contrôleur 3 axes permet un déplacement de l’ensemble complet de la sonde électro-optique avec une résolution de 1 µm. Le dispositif offre ainsi la possibilité de réaliser une cartographie à trois dimensions du champ électrique THz évanescent. 95 5 Chaine de détection lente 5.1 Détection à doubles photodiodes : le système Nirvana Nous utilisons comme système d’acquisition lent, un détecteur de type Nirvana, constitué de deux photodiodes, produit par la société New-Focus. Le détecteur à une fréquence de coupure à -3dB qui est de 125 KHz. Ce détecteur Nirvana possède deux modes de fonctionnement distincts. Un premier qui revient à utiliser une photodiode classique et le second mode basé sur un système différentiel afin de réduire le bruit. Il existe deux modes différentiels: un mode “balance” simple et un mode “auto-balance” (fig. II-48). Dans le premier cas, la sortie du détecteur est proportionnelle à la différence de puissance des signaux optiques arrivant sur les deux photodiodes. Une adaptation trans-impédance est réalisée afin de convertir le courant fourni par les deux photodiodes en une tension. En mode “autobalance”, il y a en plus une intégration du signal de différence non-amplifié. Cela permet d’ajuster le courant de la voie de référence pour annuler le signal moyen intégré. De cette manière, le signal de sortie est beaucoup moins sensible aux variations de puissances de la source pouvant se produire au cours du temps. Figure II-48 : Schéma électrique de la détection Nirvana à deux photodiodes Nous avons essayé les deux techniques qui en pratique donnent des résultats similaires. En effet, un laser à fibre ne possède pas le bruit en 1 des lasers solides de type Ti:Sa. De plus, f nous ne possédons pas de banc fibré ayant un séparateur de polarisation et une lame de phase 96 λ 4 . Nous avons donc réalisé un dispositif expérimental en espace libre. Cet arrangement engendre des pertes optiques et finalement ne conduit pas à un meilleur rapport signal-surbruit qu’un système à simple photodiode. Photodiode PIN InGaAs Bande passante à -3dB 125 KHz Taux de rejection en mode commun 50 dB Taux de conversion AC 5,2 105 V/W Transimpédance 106 V/A Réponse 1 A/W Puissance de bruit équivalent <3 pW/ Hz Puissance de saturation CW 0,5 mW Puissance crête max 10 mW Figure II-49 : Caractéristique de la photodiode Nirvana de New-Focus Le bruit de manipulation est relativement faible ; nous obtenons en absence de signal THz une variation RMS comprise en 1 et 3 µV pour un temps d’intégration de 1 seconde sur la détection synchrone. 5.2 L’amplification à détection synchrone Notre expérience utilise un système de détection lente couplé à un amplificateur à détection synchrone. Cette technique permet une démodulation du signal de sonde détecté par la photodiode à la fréquence correspondant au signal de référence. Nous avons choisi de moduler directement la tension de polarisation quasi-statique de la ligne de transmission. Nous utilisons un signal carré entre –Vpolarisation et +Vpolarisation. Cela permet de doubler le signal électro-optique comparé à une modulation carré variant entre 0 V et +Vpolarisation. La détection synchrone possède une boucle à verrouillage de phase sur l’entrée de la référence. Cette détection synchrone permet d’une part d’éliminer les effets parasites de la mesure mais aussi d’atténuer le bruit du laser à basse fréquence. Nos expériences nous montrent qu’au dessus d’une fréquence de modulation de 5 kHz, le bruit est sensiblement constant. Travailler en dessous du kHz est impossible à cause du bruit. L’utilisation d’un 97 chopper mécanique sur le faisceau optique de pompe est donc à proscrire. Une alternative est d’utiliser un modulateur optique de type Mach-Zender. Nos tests n’ont pas été concluants à cause d’une trop faible profondeur de modulation et des pertes par insertion importantes de ce composant. Cette technique de détection synchrone est indispensable pour mesurer des variations d’intensité ultra-faibles. En raison de la faible puissance du faisceau optique de sonde incident dans le cristal électro-optique, 300µW, les signaux de modulation électrooptique obtenus varient entre 5 µV et 100 µV sur l’amplificateur à détection synchrone. 98 Chapitre III Résultats expérimentaux I Caractérisation du système de mesure électro-optique Nous avons présenté la sonde électro-optique qui induit une modification de l’état de polarisation d’un faisceau optique de sonde en présence d’un champ électrique THz. Avec un arrangement optique adapté, cette variation de l’état de polarisation du faisceau optique de sonde est transcrite en variation d’intensité. Nous avons utilisées des photodiodes pour mesurer la variation en puissance du faisceau optique de sonde résultant de la présence du champ électrique THz. 1 Linéarité et dynamique Nous avons caractérisé la linéarité et la dynamique du système de mesure THz à ondes guidées que nous avons réalisé. Pour cette caractérisation, nous avons utilisé une sonde électro-optique constituée d’un cristal de LiTaO3. La ligne de transmission est constituée d’une ligne à fente de 5 mm de long avec un ruban central de 70 µm et une distance entre la ligne et les plans de masse de 50 µm. La ligne de transmission en or est déposée sur un substrat en alumine. La ligne de transmission est polarisée par une tension modulée à une fréquence 40 kHz. Cette expérience permet de déterminer la dynamique et la linéarité de l’expérience complète en prenant en compte l’efficacité électro-optique de la sonde externe ainsi que les différents bruits de l’expérience. 99 Figure III-1 : Linéarité de la mesure en champ électrique statique de notre sonde électro-optique. On observe sur la figure III-1 une parfaite linéarité de la réponse de la sonde électro-optique au champ électrique évanescent basse fréquence. Cette sonde réalise ainsi une mesure linéaire du champ électrique basse fréquence. La tension la plus faible mesurée est de 10 mV ce qui correspond à une valeur de champ électrique typique de 2 V/cm. Nous avons essayé la même expérience avec une sonde électro-optique constituée d’un cristal en ZnTe. Nous ne sommes pas parvenus à obtenir un signal électro-optique. Nous interprétons cette absence de signal électro-optique par la dépendance spectrale des coefficients non-linéaires du ZnTe. A des fréquences inférieures au MHz, la réponse électro-optique du ZnTe n’est pas connue. L’expérience que nous avons réalisée semble indiquer que ces coefficients sont très faibles dans la plage de fréquence du kHz. Il n’existe pas à notre connaissance dans la littérature de données des coefficients électro-optiques sur une plage de fréquences allant du kHz au THz. On pourra se reporter aux travaux de G. Gaborit [Gab05], qui présente une technique d’extraction des coefficients électro-optiques en fonction de la fréquence. 2 Résolution spatiale La résolution spatiale du banc de mesure basé sur l’échantillonnage électro-optique a été déterminée dans les mêmes conditions expérimentales que présentées précédemment. La sonde électro-optique est placée à proximité de la ligne coplanaire et déplacée selon la direction perpendiculaire à la direction de propagation. La cartographie en champ électrique de la ligne coplanaire est représentée sur la figure III-2. 100 Figure III-2 : Cartographie latérale du champ électrique statique le long d’une ligne coplanaire. Le champ électrique est nul au centre du ruban central, négatif d’un côté du ruban et positif de l’autre. Le maximum du champ est obtenu au milieu de l’espace entre le signal et la masse. La résolution spatiale dans les directions perpendiculaires à la direction de propagation du signal THz est limitée par le diamètre du faisceau optique égal à 58 µm. Le champ électrique présente un profil spatial dissymétrique. Ce phénomène est connu et peut s’expliquer notamment par une faible sensibilité de la sonde électro-optique à la composante verticale du champ électrique évanescent au dessus de la ligne de transmission. On remarque que le diamètre de 58 µm du faisceau optique de sonde dans le cristal électro-optique ne permet pas de mettre en évidence les effets de bords qui restent très fin. On notera qu’il est possible via une technique à 3 faisceaux d’effectuer une cartographie du champ électrique en deux ou trois dimensions [Kuo99] [Duv02]. Nous avons également déplacé la sonde électro-optique perpendiculairement au plan de la ligne de transmission (fig. III-3). L’expérience consiste à se placer à un maximum de signal électro-optique, c’est à dire au milieu de l’espace entre le ruban signal et masse. Puis, nous éloignons progressivement la sonde électro-optique suivant un axe vertical. Nous constatons une décroissance du champ très forte lorsque l’on s’éloigne de la ligne de transmission. La mesure reste possible jusqu’à 1 mm environ. La décroissance de l’amplitude du champ électrique dépend évidemment de la géométrie de la ligne de propagation. Le maximum de signal électro-optique étant obtenu à proximité de la ligne de transmission, il est 101 crucial de disposer d’une sonde électro-optique qui perturbe peu l’environnement électromagnétique, c'est-à-dire présentant une permittivité la plus faible possible aux fréquences utiles de la mesure. Figure III-3 : Amplitude du signal électro-optique en fonction de l’éloignement entre la sonde électrooptique et la ligne coplanaire 3 Estimation de la résolution temporelle Nous avons réalisé un système de mesure à ondes guidées dont un des objectifs est de mesurer le profil temporel du champ électrique avec une résolution temporelle subpicoseconde. Dans les systèmes de mesure à ondes guidées classiques, qu’ils soient basés sur une détection électro-optique, photoconductrice ou par effet Franz-Keldysh, le faisceau optique de sonde et le signal THz ont des vecteurs d’onde orthogonaux. La résolution 2 2 2 temporelle totale de l’expérience est alors définie par τ res = τ optique + τ electrique + τ laser ou τoptique est le temps de transit optique, τelectrique temps de transit électrique et τlaser la durée des impulsions. Dans l’expérience que nous avons réalisée, le faisceau optique de sonde et le signal THz se propagent de manière colinéaire. Le calcul de la résolution temporelle est alors plus complexe car les propagations du faisceau optique de sonde et du signal THz ne peuvent être considérées indépendamment. Nous indiquerons ici seulement une valeur maximale du temps de transit optique qui suppose que la vitesse de propagation du champ THz est négligeable devant la vitesse de propagation du faisceau optique de sonde. L’intégration se 102 fait alors sur tout le trajet du faisceau optique de sonde dans le cristal. Le temps de transit optique est défini comme : τ transit optique = nL c où n est l’indice de réfraction du cristal, L le chemin parcouru par le faisceau optique de sonde dans le cristal et c la vitesse de la lumière dans le vide. Le temps de transit optique de la sonde électro-optique constituée d’un cristal de LaTiO3 de 100 µm d’épaisseur vaut 0,75 ps et le temps de transit optique de la sonde électro-optique constituée d’un cristal de ZnTe de 200 µm d’épaisseur est égal à 1,86 ps. Comme nous le verrons dans la suite, il s’agit d’une valeur du temps de transit optique surestimée par rapport à notre expérience car la vitesse des ondes THz n’est en réalité pas négligeable devant celle des ondes optiques. Ce temps de transit correspond à une fréquence de coupure qui est calculée simplement en effectuant la transformée de Fourier d’une porte de durée τ transit optique , qui revient à un sinus cardinal dans le domaine fréquentiel. On obtient : sin(πf −3dB τ transit optique ) πf−3dB τ transit optique = 1 0,4429 c ⇒ f −3dB = = 0,4429 τ transit optique nL 2 Soit une fréquence de coupure de 600 GHz et 240 GHz pour la sonde électro-optique avec le cristal de LiTaO3 et ZnTe respectivement. L’autre limitation temporelle provient de la durée des impulsions optiques, dont la valeur est inférieure à 150 fs. Ce calcul très simplifié de la résolution temporelle indique que la bande passante de la sonde électro-optique constituée d’un cristal de LiTaO3 est plus élevée que celle constituée d’un cristal de ZnTe. Nous verrons que le calcul plus précis montre que la sonde en ZnTe présente en fait une limite temporelle plus faible que celle en LiTaO3 car les ondes optiques et THz possèdent une vitesse de phase plus proche dans le cristal de ZnTe que dans le cristal de LiTaO3. 4 Détermination précise de la résolution temporelle Nous présentons dans cette section une description complète dans le domaine des fréquences de l’effet électro-optique afin de rendre compte de manière précise des effets d’intégration temporel. Nous montrons que la réponse de la sonde électro-optique se modélise comme le produit de 3 filtres spectraux dans le domaine fréquentiel agissant sur l’amplitude complexe du spectre du signal THz passant à travers le cristal électro-optique. En faisant, quelques hypothèses expérimentales, nous donnons la réponse temporelle de la sonde électro- 103 optique. En toute rigueur, les interactions impliquées dans l’effet électro-optique sont du type ω = ωoptique + ωTHz . L’effet électro-optique se traduit par une génération de somme et différence de fréquence. La détection électro-optique est alors basée sur la mesure de la modulation de phase induite sur le faisceau de sonde par le champ électrique THz. Pour étudier la résolution temporelle de la sonde électro-optique, il faut exprimer la modulation de phase induite sur le faisceau de sonde par le champ électrique THz. Ce développement théorique des interactions de l’impulsion optique de sonde avec une impulsion THz a été effectué en s’appuyant sur le modèle développé par G. Gallot et D. Grishkowsky [Gal99(2)]. Nous utilisons la notation introduite par [Shen] et nous définissons le champ THz par : ΕTHz (z',ωTHz ) = E THz (z',ωTHz )û j ETHz ( z',ωTHz ) = ATHz (z ',ωTHz )exp[ikTHz (ωTHz )z ']exp(−iωTHz t ) E THz (z',t) = +∞ ∫E THz (z',ωTHz )dωTHz −∞ et le champ optique par : ΕOpt (z',ωOpt ) = E Opt (z',ωOpt )ûk E Opt (z',ωOpt ) = AOpt (z',ωOpt − ω 0 )exp[ikOpt (ωOpt )z']exp[−i(ωOpt − ω 0 )t] E Opt (z',t) = +∞ ∫E Opt (z',ωOpt − ω 0 )dωOpt −∞ On définit alors le champ optique à la fréquence somme : Ε somme (z',ω somme ) = E somme (z',ω somme )ûi E somme (z',ω somme ) = Asomme (z',ω somme − ω 0 )exp[iksomme (ω somme )z']exp[−i(ω somme − ω 0 )t] E somme (z',t) = +∞ ∫E somme (z',ω somme − ω 0 )dω somme −∞ De même pour le champ optique à la fréquence différence : Ε différence (z',ω différence ) = E différence (z',ω différence )ûi E différence (z',ω différence ) = Adifférence (z',ω différence − ω 0 )exp[ikdifférence (ω différence )z']exp[−i(ω différence − ω 0 )t] E différence (z',t) = +∞ ∫E différence (z',ω différence − ω 0 )dω différence −∞ 104 La somme de fréquence est représentée par : ω somme = ωOpt + ωTHz La différence de fréquence est représentée par : ω différence = ωOpt − ωTHz i,j,k sont les axes cristallographiques principaux, ω 0 est la fréquence de la porteuse optique, L’absorption du cristal est décrite par k = k'+iβ où β est le coefficient d’atténuation. La polarisation électro-optique somme de fréquence est donnée par la susceptibilité non-linéaire du cristal électro-optique et générée par ω somme à la position z par l’amplitude des champs E THz (ωTHz ) et E Opt (ωOpt ). P+(2) (ω somme ) = p(2) + exp[i(kTHz + k opt )z'−iω somme t ]û+ où P+(2) représente l’amplitude la polarisation. χ (2) ijk (ω somme )E THz (ω THz )E Opt (ω Opt )û+ De manière similaire, on définit la polarisation électro-optique différence de fréquence : P−(2) (ω différence ) = p−(2) exp[i(−kTHz + kopt )z'−iω différence t ]û− * χ (2) ijk (ω différence )E THz (ω THz )E Opt (ω Opt )û− û+ et û− sont des vecteurs unitaires. En utilisant l’approximation des enveloppes lentement variables pour les champs impulsionnels Asomme et Adifférence , on obtient les équations de propagation suivantes: ∂ ∂z' + β somme (ω somme )Asomme (z',ω somme − ω 0 ) = i 2 2πω somme ' p(2) + exp{i∆k + z'−[βOpt (ω Opt ) + β THz (ω THz )]z'} ' c 2 ksomme (ω somme ) ∂ ∂z' + β différence (ω différence )Adifférence (z',ω différence − ω 0 ) = i 2 2πω différence ' c 2 kdifférence (ω différence ) p−(2) exp{i∆k−' z'−[βOpt (ωOpt ) + βTHz (ωTHz )]z'} Les conditions d’accord de phase de la partie réelle de k s’écrivent: 105 ' ' ' ∆k +' = −k somme (ωOpt + ωTHz ) + kTHz (ωTHz ) + kOpt (ωOpt ) ' ' ' ∆k−' = −k différence (ωOpt − ωTHz ) − kTHz (ωTHz ) + kOpt (ωOpt ) On trouve la solution de l’équation pour un cristal de longueur l : Asomme (l,ω somme − ω 0 ) = i 2 exp{i∆k +' l − [βOpt (ωOpt ) + βTHz (ωTHz )]l}− exp[−β somme (ω somme )l] 2πω somme (2) p + ' c 2 ksomme (ω somme ) i∆k+' − [βOpt (ωOpt ) + βTHz (ωTHz ) − β somme (ω somme )] En utilisant le vecteur d’onde incluant l’absorption : Asomme (l,ω somme − ω 0 ) = i 2 2πω somme [exp(i∆k+ l) −1] χ (2) ijk (ω somme ) 2 ' c ksomme (ω somme ) i∆k + ×exp[−β somme (ω somme )l]ATHz (ωTHz )AOpt (ωOpt − ω 0 ) de même pour la différence de fréquence : Adifférence (l,ω différence − ω 0 ) = i 2 2πω différence ' c 2 kdifférence (ω différence ) (2) − p exp{i∆k−' l − [βOpt (ωOpt ) + βTHz (ωTHz )]l}− exp[−β différence (ω différence )l] i∆k−' − [βOpt (ωOpt ) + βTHz (ωTHz ) − β différence (ω différence )] Adifférence (l,ω différence − ω 0 ) = i 2 2πω différence 2 ' différence c k (ω différence ) χ (2) ijk (ω différence ) [exp(i∆k− l) −1] i∆k− * ×exp[−β somme (ω somme )l]ATHz (ωTHz )AOpt (ωOpt − ω 0 ) Avec les désaccords de phases complexes contenant le terme d’absorption : ∆k + = −k somme (ωOpt + ωTHz ) + kTHz (ωTHz ) + kOpt (ωOpt ) ∆k− = −k différence (ωOpt − ωTHz ) − kTHz (ωTHz ) + kOpt (ωOpt ) Il y a de fait trois champs optiques à la même fréquence ω : E Opt (ω ) venant du champ optique non perturbé, E somme (ω ) résultant de la génération non-linéaire de somme de fréquence et 106 E différence (ω ) résultant de la génération non-linéaire de différence de fréquence. Pour E somme (ω ) et E différence (ω ), les champs émis à la fréquence ω sont obtenu par : ωTHz = Ω et ωOpt = ω − Ω (somme de fréquence) ωTHz = Ω et ωOpt = ω + Ω (différence de fréquence) ksomme (ω ) = k différence (ω ) Nous obtenons les champs E somme et E différence émis à la fréquence ω et générés par somme et différence de fréquence. Ces champs sont obtenus par intégration sur l’étendue spectrale du champ THz. +∞ E somme (l,ω ) = i ∫−∞ × 2 2πω somme χ (2) ijk (ω;Ω,ω − Ω) 2 ' c k somme (ω somme ) [exp(i∆k+ l) −1] exp ik (ω )l A (Ω) [ somme ] THz i∆k + ×exp[−iΩ(t + τ )]AOpt (ω − Ω − ω 0 ) ×exp[−i(ω − Ω − ω 0 )t ]dΩ E différence ( l,ω ) = i ∫ × 2 2πω différence +∞ −∞ 2 ' différence c k [exp(i∆k− l) −1] exp ik i∆k− [ différence (ω différence ) χ (2) ijk (ω ;Ω,ω + Ω) * (ω )l]ATHz (Ω) ×exp[+ iΩ(t + τ )]AOpt (ω + Ω − ω 0 ) ×exp[−i(ω + Ω − ω 0 ) t ]dΩ ou τ est le retard relatif entre l’onde optique de sonde et l’impulsion THz mesurées par échantillonnage. 2 +∞ 2πω somme χ (2) ∫−∞ 2 ' ijk (ω ;Ω,ω − Ω) c k somme (ω somme ) [exp(i∆k + l) −1] E somme (l,ω ) = i× i∆k + ×ATHz (Ω)AOpt (ω − Ω − ω 0 )exp(−iΩτ )dΩ ×exp[−iksomme (ω )l − i(ω − ω 0 )t ] 107 2 +∞ 2πω différence χ (2) ∫−∞ 2 ' ijk (ω;Ω,ω + Ω) c kdifférence (ω différence ) [exp(i∆k l) −1] − E différence (l,ω ) = i× i∆k− ×A* (Ω)A (ω + Ω − ω )exp(+iΩτ )dΩ Opt 0 THz ×exp[−ikdifférence (ω )l − i(ω − ω 0 )t ] par superposition, nous obtenons le champ total à la fréquence ω : E3 + E4 = i∫ +∞ −∞ 2πω 2 exp[iksomme (ω )l] ' c 2 ksomme (ω ) [exp[i∆k+ (Ω,ω )l −1]] A (Ω)A (ω − Ω − ω ) χ (2) ijk (ω ;Ω,ω − Ω) × THz opt 0 i∆k− (Ω,ω ) [exp[i∆k− (Ω,ω )l −1]] ×exp(−iΩτ ) + χ (2) (ω;Ω,ω + Ω) × ijk i∆k− (Ω,ω ) * ×ATHz (Ω)AOpt (ω + Ω − ω 0 )exp(+iΩτ ) ×exp[−i(ω − ω 0 )t ]dΩ En effectuant le changement de variable : Ω = −Ω et en utilisant la relation : ∆k− (−Ω,ω ) = ∆k + (−Ω,ω ) * ATHz (−Ω) = ATHz (−Ω) (2)* χ (2) ijk (ω; −Ω,ω + Ω) = χ ijk (ω;Ω,ω + Ω) +∞ E différence + E somme = i ∫−∞ ×[Re χ (2) ijk (ω;Ω,ω − Ω)] 2πω 2 exp[ik somme (ω ) l] ' c 2 k somme (ω ) × ATHz (Ω) AOpt (ω − Ω − ω 0 ) × exp[−iΩτ − i(ω − ω 0 ) t ]dΩ Si l’on considère que le faisceau optique de sonde n’est pas perturbé, alors le champ optique E (ω ) est la somme des trois composantes suivante : 108 E(ω ) = E Opt (ω ) + E somme (ω ) + E différence (ω ) En tenant compte de la géométrie et de l’orientation du cristal, on peut introduire un nouveau système de coordonnées : êx , êy et ê z . Nous définirons les tenseurs non-linéaires effectifs x y et χ eff . Selon le type de cristal employé et de ses suivant les directions êx et ê y par : χ eff x symétries, χ eff peut être proportionnel à une seule composante du tenseur χ xyz . E 3x + E 4 x et E 3y + E 4 y sont respectivement les champs émis dans les directions de polarisation êx et êy . Finalement, E x et E y sont les composantes de E relativement aux axes êx et ê y . E Opt (ω ) = E Opt x ê x + E Opt x ê x = AOpt x exp[ik x (ω )l − i(ω − ω 0 )t ]ê x + AOpt y exp[ik y (ω )l − i(ω − ω 0 )t ]êy E x (ω ) = E Opt x (ω ) + E somme x (ω ) + E différence y (ω ) E y (ω ) = E Opt y (ω ) + E somme y (ω ) + E différence y (ω ) avec 2πω 2 x exp[ikx (ω )l]χ eff (ω;Ω,ω − Ω) 2 ' c k (ω ) exp[i∆k + (Ω,ω )l] −1 × i∆k− (Ω,ω ) ×ATHz (Ω)AOpt (ω + Ω − ω 0 ) +∞ E 3x + E 4 x = i ∫−∞ ×exp[−iΩτ − i(ω − ω 0 )t ]dΩ et 2πω 2 y exp[iky (ω )l]χ eff (ω;Ω,ω − Ω) c 2 k ' (ω ) exp[i∆k + (Ω,ω )l] −1 × i∆k + (Ω,ω ) ×ATHz (Ω)AOpt (ω − Ω − ω 0 ) +∞ E 3y + E 4 y = i ∫−∞ ×exp[−iΩτ − i(ω − ω 0 )t ]dΩ Maintenant, il est possible de relier la somme et différence cohérente de fréquence à la modulation de phase du faisceau optique de sonde : E x (ω ) ≡ EOpt x (ω )[1+ iϕ x (ω, τ )] E y (ω ) ≡ EOpt y (ω )[1+ iϕ y (ω, τ )] 109 La modulation de phase est donnée par : ϕ x (ω, τ ) = ϕ y (ω, τ ) = E somme x (l,ω ) + E différence x (l,ω ) iE Opt x (ω ) E somme y (l,ω ) + E différence y (l,ω ) iE Opt y (ω ) En faisant l’approximation de très petite variation de phase, on obtient : E x (ω ) = EOpt x (ω )[iϕ x (ω, τ )] E y (ω ) ≡ EOpt y (ω )[iϕ y (ω, τ )] Cette écriture permet de comprendre l’effet d’un champ électrique THz sur la modulation de phase du champ optique de sonde. Si l’on considère un système de détection par ellipsométrie classique tel que vu dans la partie 3.1 (lame de phase λ 4 , prisme de Wollaston couplé à un système de photodétection différentielle), le signal détecté peut s’exprimer par : +∞ S = Ia + Ib = ε0c Re ∫ a0 (ω ) ϕ (ω )dω 2 0 avec Ia et Ib les intensités détecté par les deux photodétecteurs. Nous nous intéressons maintenant à la détection électro-optique de deux ondes se propageant à des vitesses légèrement différente dans le cristal électro-optique. Nous considérons ici un cristal isotrope (ZnTe). Dans un tel cristal, les propriétés linéaires et nonlinéaires sont indépendantes de la polarisation et de la direction de propagation des ondes. Pour de petits déphasages on peut écrire : a0 (ω ) = AOpt x (ω )exp[ik (ω ) l] = AOpt y (ω )exp[ik (ω )l] ≡ AOpt (ω )exp[ik (ω )l] ≡ ATHz (Ω) ≡ ATHz (Ω) Dans notre cas : 110 ϕ = ϕy − ϕx = +∞ 2πω 2 (2) ∫ 2 ' χ eff (ω;Ω,ω − Ω) −∞ c k (ω ) exp[i∆k + (Ω,ω )l] −1 × i∆k + (Ω,ω ) A (Ω)AOpt (ω − Ω − ω 0 ) × THz exp(−iΩτ )dΩ AOpt (ω − ω 0 ) Avec les tenseurs de susceptibilité non-linéaire : y x χ (2) eff = χ eff − χ eff En utilisant l’expression du signal détecté et la valeur absolue k ' (ω ) : ε0 S(τ ) = 2 +∞ +∞ Re ∫ ∫c −∞ −∞ 2πω 2 exp[−2β (ω )l] 2 ' k (ω ) exp[i∆k + (Ω,ω )l] −1 ×χ (2) ( ω ;Ω, ω − Ω) eff i∆k + (Ω,ω ) * ×ATHz (Ω)AOpt (ω − ω 0 )AOpt (ω − Ω − ω 0 ) ×exp(−iΩτ )dΩ Le facteur 1 2 vient du changement de borne de l’intégrale. Il est alors possible de réécrire plus simplement l’équation : S(τ ) = πε0 c +∞ Re ∫A THz (Ω) f (Ω)exp(−iΩτ )dΩ −∞ avec f (Ω) = ∫ +∞ −∞ ω2 exp[−2β (ω )l] χ (2) eff (ω ;Ω,ω − Ω) ' k (ω ) exp[i∆k+ (Ω,ω )l] −1 × i∆k + (Ω,ω ) * ×AOpt (ω − ω 0 )AOpt (ω − Ω − ω 0 )dω f (Ω) est Hermitien ( f (−Ω) = f * (Ω) ) et il est alors possible de ne conserver que la partie réelle. Le signal électro-optique final s’exprime sous la forme : 111 S(τ ) = πε0 +∞ c ∫A THz (Ω) f (Ω)exp(−iΩτ )dΩ −∞ f (Ω) représente les diverses distorsions sur l’effet électro-optique comme la forte absorption du cristal E.O., la réponse spectrale du terme χ (2), la longueur de cohérence dépendante de la fréquence, etc … En utilisant l’approximation de l’enveloppe lentement variable et le fait que la largeur spectrale de l’impulsion de sonde est faible comparée à la longueur d’onde, on peut écrire dans le domaine temporel le signal électro-optique. Pour cela nous allons introduire la vitesse de groupe de l’impulsion optique v g . Si la dispersion est faible alors on peut faire la simplification suivante : dK k (ω 0 + ∆ω ) ≈ k (ω 0 ) + ∆ω dω ω 0 dK 1 n avec = ≡ g dω v g c En suivant les simplifications proposées par Nahata et al [Nah96(2)] et Wu et Zhang [Wu97], il est possible d’écrire le vecteur de propagation sous la forme : ∆k + = −k (ω 0 + Ω) + k (Ω) + k (ω 0 ) dK ≈ −k (ω 0 ) − Ω + k (Ω) + k (ω 0 ) dω ω 0 ≈ k (Ω) − k g (Ω) avec la définition de du vecteur d’onde kg (Ω) de l’enveloppe du champ optique. dK ω Ω kg (Ω) ≡ Ω = = n g dω ω 0 v g c On peut alors écrire le signal électro-optique dans le domaine fréquentiel : 112 S(τ ) ∝ l +∞ 0 −∞ ∫ dz ∫ Copt ×exp[−ikg (Ω)z]χ (2) eff (ω 0 ;Ω,ω 0 − Ω)ATHz (Ω) ×exp[ik(Ω)z]exp(−iΩτ )dΩ Il est alors possible d’intégrer cette équation pour trouver le signal électro-optique dans le domaine temporel : S(τ ) ∝ ∫ PEO (z,t) ∝ +∞ −∞ l +∞ 0 −∞ ∫ dz ∫ I opt (z,t − τ )PEO (z,t) χ (2) eff (ω ;Ω;ω − Ω)ATHz (Ω)exp(ikz)exp(−iΩt)dΩ avec PEO l’impulsion électro-optique se propageant à travers le cristal de manière similaire à l’onde THz. La forme de cette impulsion est différente de l’impulsion THz si les fréquences de l’impulsion THz sont proches des résonances du tenseur susceptibilité χ (2) eff . Iopt est le profil d’intensité dans le domaine temporel de la fonction d’autocorrélation Copt (Ω) du champ optique de sonde. Iopt (t) = Aopt (t) 2 Iopt (z,t) = exp(−2β 0 z)Iopt (z = 0,t − z v g ) Cette expression indique que l’impulsion optique de sonde Iopt , se propage avec une vitesse de groupe v g et est atténuée par l’absorption optique β 2 . Cette expression est valable pour n’importe quel profil d’impulsion optique courte. On peut alors exprimer le signal électro-optique comme la corrélation croisée entre le faisceau optique de sonde et l’impulsion électro-optique créée par génération non-linéaire sur la longueur du cristal. Nous prendrons pour l’impulsion optique sa vitesse de groupe v g alors que nous considérons pour l’impulsion électro-optique sa vitesse de phase (il n’y a pas d’enveloppe). La durée de l’impulsion optique de sonde Iopt doit être inférieure à la durée de PEO . Cela revient à dire que la largeur spectrale ∆ω de l’impulsion optique doit être plus large que la largeur spectrale de l’impulsion THz. Expérimentalement, cela est vérifié pour des impulsions optiques dont la largueur spectrale est faible devant la longueur d’onde centrale. Expérimentalement, on peut considérer le χ (2) eff comme indépendant de la fréquence 113 [Gal99] (fig. III-4). Ainsi, il n’y a pas de distorsion entre l’impulsion électro-optique et l’impulsion THz. Cela est vrai pour nos fréquences de travail qui sont inférieures à la fréquence de résonance phonon du ZnTe à 5,3 THz [Wu96]. Figure III-4 : Variation de la susceptibilité non-linéaire du ZnTe pour divers épaisseurs de cristal Avec ce modèle, il est alors possible de simuler l’interaction électro-optique collinaire entre l’onde optique de sonde et le champ THz à mesurer. Nous avons réalisé un programme MatLab de simulation. Nous allons présenter les paramètres de simulations associés. Nous définissons le faisceau optique de sonde au sein du cristal comme une sécante hyperbolique de durée 130 fs, durée mesurée par autocorrélation. Iopt (z = 0,t) = I0 sech 2 (1.76t /∆t) Nous définissons l’impulsion THz issue du photocommutateur comme la convolution de la réponse de photocommutateur avec l’onde optique femtoseconde incidente. Son expression est identique que celle utilisée pour décrire le faisceau optique de sonde. ATHz (z = 0,t) ∝ (A1 exp(−t / τ1) + A2 exp(−t / τ 2 )) ∗ Iopt (z = 0,t) La réponse du photocommutateur se modélise comme un temps d’établissement instantané (Dirac) suivit de deux temps de retour lié au temps de vie des électrons et au temps de vie des trous dans la couche active. Le rapport A1 A2 est donné par le rapport entre la mobilité des électrons et des trous [Eus05]. L’impulsion électro-optique générée dans le cristal s’écrit: PEO (z,t) ∝ ∫ +∞ −∞ χ (2) eff (ω ;Ω;ω − Ω)ATHz (Ω)exp(−α THz z)exp(ikz)exp(−iΩt)dΩ 114 Dans un configuration ou le faisceau optique de sonde se propage dans la même direction que l’impulsion THz, c'est-à-dire en configuration co-propagative, le signal électro-optique est décrit par: Sco− propagatif (τ ) ∝ ∫ l 0 +∞ dz ∫−∞ Iopt (z = 0,t − τ − z /v opt )exp(−α opt z)PEO (z,t)dt En configuration où le faisceau optique de sonde se propage dans la direction opposée à celle de l’impulsion THz, c'est-à-dire en configuration contra-propagative, le signal électro-optique s’obtient en inversant le sens de propagation du faisceau optique de sonde: Scontra− propagatif (τ ) ∝ ∫ l 0 +∞ dz ∫−∞ Iopt (z = 0,t − τ + z /v opt )exp(−α opt (l − z))PEO (z,t)dt Dans la configuration co-propagative, la différence entre la vitesse de groupe du signal optique de sonde et la vitesse de phase de l’onde THz passant à travers le cristal est très faible. La résolution temporelle est alors quasiment limitée par la durée des impulsions optiques. En revanche, dans la configuration contra-propagative, l’accord entre la vitesse de groupe du signal optique de sonde et la vitesse de phase de l’onde THz est médiocre. Ce désaccord engendre une réduction d’amplitude du signal électro-optique et un élargissement temporel significatif comme en atteste la figure III-5. Cette distorsion du signal est due à la réduction de la longueur d’interaction effective entre les deux ondes dans le cristal. Pour la modélisation, nous avons choisi une absorption du cristal électro-optique α = 3cm−1 [Nah67], pour le ZnTe, la valeur de la vitesse de groupe n g = n opt + ω (∂n /∂ω )ω est ∼2.8 à 1,55 µm [Hat07]. La vitesse de phase de l’onde THz est définie par vTHz = c nTHz et nous avons choisi une valeur constante nTHz = 3.18 [Gal99]. Les seuls paramètres ajustables de notre modèle sont le rapport des amplitudes A1/A2 ainsi que le temps de vie des électrons et des trous. En configuration propagative, nous avons trouvé un bon accord entre les mesures expérimentales et la simulation pour les valeurs suivantes : A1 A2 =9, τ1 =900 fs qui est une valeur très proche de celle déduite des mesures de transmission différentielle résolue en temps, et τ 2 =2 ps. Une fois ces paramètres fixés, le seul paramètre modifié lors de la simulation en configuration contra-propagative est l’amplitude du signal électro-optique. En effet, l’amplitude calculée est réduite de 3,5 entre les deux configurations alors que l’expérience donne une réduction de seulement 1,5. La figure III-5 montre le très bon accord entre l’expérience et la simulation confirmant que la sonde électro-optique que nous avons réalisé permet d’identifier le sens de 115 propagation des impulsions THz qui se propagent dans un guide d’onde planaire. Le changement manuel des fibres optiques entre les deux mesures entraîne des incertitudes importantes sur les valeurs relatives des amplitudes. Cet aspect pourra être résolu en utilisant des circulateurs optiques afin d’effectuer les deux mesures sont modifier les réglages optiques comme illustré sur la figure III-6. Figure III-5 : Comparaison entre la simulation (courbes en pointillés) et les données expérimentales d’une impulsion électrique mesurée en configuration propagative et contra-propagative. 116 Impulsions optiques Fibres optiques Source laser Photodiode Fibres optiques A A Photodiode Ligne à retard Signal électrique à caractériser Photoconducteur Tête électrooptique Translation 3 axes Figure III-6 : Schéma expérimental permettant la mesure simultanée en configuration co-propagative et contra-propagative d’une impulsion THz qui se propage sur un guide d’onde. Nous avons simulé la limite de discrimination de la distorsion temporelle induite par une propagation contra-propagative en fonction de la durée de l’impulsion THz à mesurer pour une épaisseur de cristal de 200 µm en ZnTe (fig. III-7). Pour cela, nous simulons en propagatif et contra-propagatif des impulsions THz dont le temps FWHM varie de 200 fs à 12 ps. Nous avons reporté en ordonné le rapport de la durée mesurée à mi hauteur du signal électro-optique obtenu en configuration co-propagative versus contra-propagative. Nous pouvons définir une limite de discrimination pour des durées d’impulsions d’environ 4 ps. Le système de discrimination du sens de propagation que nous avons développé est d’autant plus performant que l’impulsion électrique à mesurer est courte. D’autres simulations ont montré que l’on peut augmenter cette limite de discrimination en augmentant la largueur du cristal électro-optique. Il est ainsi possible d’ajuster la sensibilité et le taux de discrimination selon le domaine fréquentiel étudié. 117 Figure III-7 : Comparaison entre la simulation et les données expérimentales d’une impulsion électrique mesurée en propagatif et contra-propagatif 5 Amélioration et perspective Le système de mesure THz à ondes guidées présente de bonnes caractéristiques qui ouvrent notamment la perspective d’effectuer des mesures sur des composants et circuits électroniques fonctionnant à très haute fréquence et en particulier ceux utilisés dans les systèmes de télécommunication. Cependant, certains points restent perfectibles comme notamment la sensibilité et la résolution spatiale. L’augmentation de la sensibilité du banc de mesure est envisageable par l’utilisation de lasers à fibre délivrant des impulsions femtosecondes dont la puissance moyenne atteint plusieurs dizaines de mW. Cependant, à ces fortes puissances, il sera nécessaire de porter une attention particulière aux effets nonlinéaires très importants dans les fibres optiques, tels que l’automodulation de phase. Une solution consiste à utiliser une source femtoseconde de forte puissance mais dont le taux de répétition est élevé afin d’abaisser la puissance crête au profit de la puissance moyenne. En effet, la détection lente est uniquement sensible à l’intensité moyenne. La sensibilité peut être également améliorée en utilisant une sonde électro-optique plus performante en termes de pertes optiques, de coefficients électro-optiques et de l’arrangement optique pour la détection. La réduction des pertes optiques repose d’une part sur l’utilisation des composants 118 photoniques fibrés présentant des pertes d’insertion plus faibles et d’autre part sur la fabrication d’une sonde électro-optique de plus faibles pertes. D’autre part, une amélioration de la sensibilité peut être obtenue en utilisant d’autres types de cristaux électro-optiques présentant des coefficients électro-optiques élevés, comme le DAST (4-dimethylamino-Nmethyl-4-stilbazolium tosylate) qui présente des coefficients électro-optiques de 530 pm/V. On trouve ce cristal sous forme de film monocristal. L’ajout d’un banc fibré à deux ports pour la détection afin de séparer la composante de polarisation verticale et horizontale permettrait d’effectuer une détection différentielle avec le système d’acquisition lent “Nirvana”. Une amélioration substantielle du rapport signal/bruit est attendue avec cet arrangement optique de détection. II Mise en œuvre du système de mesure THz à ondes guidées complet 1 Mesures sub-picoseconde par échantillonnage électro-optique à 1,55 µm Nous avons étudié les caractéristiques du système de mesure THz complet c'est-à-dire qui comprend le photocommutateur ultra-rapide en In0,53Ga0,47As irradié par des ions pour la génération de l’impulsion THz et la sonde électro-optique fibrée à deux ports pour la détection de l’impulsion THz. La source optique utilisée est un laser à fibre dopée Erbium délivrant des impulsions de longueur d’onde centrale 1550 nm. A la sortie de la source, les impulsions optiques présentent une largeur à mi-hauteur de 70 fs à un taux de répétition de 14,36 MHz. La dispersion chromatique induite par la propagation des impulsions optiques dans les fibres optiques est compensée à l’aide d’une fibre à dispersion négative de longueur 18,5 cm. La largeur à mi-hauteur des impulsions optiques incidentes sur le photocommutateur et dans la tête électro-optique est alors de 130 fs. 1.1 Mesures sub-picosecondes de photoconducteur irradiées La puissance optique moyenne incidente sur le photocommutateur est de 0,3 mW et la puissance incidente sur la sonde électro-optique est également de 0,3 mW. Il s’agit d’une très faible valeur, limitée par la puissance de la source optique ainsi que par les pertes le long des lignes fibrées. Le photocommutateur ultra-rapide est constitué d’une couche active en In0,53Ga0,47As irradié par des ions lourd Br+ avec une énergie initiale de 11 MeV à la dose de 119 4x1011 ion cm-2. Le temps de vie des électrons dans la couche active, mesuré à l’aide d’une expérience pompe-sonde tout-optique, est de 0,89 ps. Le photocommutateur est intégré à un guide d’onde coplanaire. Le guide d’onde coplanaire s’élargit progressivement en s’éloignant de photocommutateur afin d’offrir les dimensions minimales nécessaires au dépôt de sondes hyperfréquences à ses extrémités (fig. III-8). Figure III-8 : Système à onde guidée complet : mesure d’un photocommutateur irradié en In0.53Ga0.47As La sonde électro-optique fibrée est constituée d’un cristal de 200 µm d’épaisseur en ZnTe. Rappelons que le champ THz à mesurer est échantillonné en faisant varier le chemin optique entre l’impulsion optique illuminant le photocommutateur et l’impulsion optique de sonde traversant le cristal électro-optique. La tension de polarisation quasi-statique du photocommutateur est modulée à 40 kHz. La modulation de l’état de polarisation du faisceau de sonde induite par son interaction non linéaire avec le signal THz présent dans le cristal EO, est mesurée à l’aide d’un polariseur, d’une photodiode et d’un système de détection synchrone standard. La figure montre l’impulsion électrique générée par le photocommutateur en In0,53Ga0,47As irradié par des ions et mesurée par la sonde électro-optique placée à une distance de 350 µm du photocommutateur. La direction de l’impulsion optique est copropagative avec le signal THz lors de leur interaction dans le cristal de ZnTe. Le signal électro-optique mesuré est asymétrique avec un temps de descente bien plus long que le temps de montée. Le temps de montée 90-10% est de 420 fs tandis que le temps de descente à 1/e est de 0,9 ps (fig. III-9). Le temps de montée est principalement limité par la durée de l’impulsion 120 optique et par la dispersion de la ligne coplanaire sur les 350 premiers microns de propagation. Le temps de descente est déterminé par le temps de vie des porteurs photoexcités. Figure III-9 : Amplitude du champ électrique généré par un photocommutateur irradié en In0.53Ga0.47As et excité par une impulsion optique femtoseconde à 1,55 µm Le spectre en amplitude de l’impulsion THz obtenu par transformée de Fourier rapide est donné par la figure : 121 Figure III-10 : Spectre en amplitude de la forme d’onde présenté fig III-9 et obtenu par transformée de Fourier La bande passante à -3 dB atteint 0,5 THz et le spectre de l’impulsion a des composantes qui s’étendent jusqu’à 2 THz (fig. III-10). La vitesse de groupe de l’impulsion optique est en quasi-accord avec la vitesse de phase de l’impulsion THz dans le cristal de ZnTe. Cela permet une interaction efficace sur toute l’épaisseur du cristal électro-optique. Ainsi, on obtient une dynamique supérieure à 40 dB malgré les très faibles puissances optiques. Un gain de plus de 20 dB pourrait être obtenu en utilisant une source optique de puissance moyenne de 100 mW et des composants photoniques fibrés à faibles pertes. Le système de mesure complet que nous avons réalisé présente donc une dynamique à l’état de l’art des systèmes à ondes guidées et une bande passante supérieure à 500 GHz. Nous avons réalisé une mesure contra-propagative de l’impulsion électrique THz générée par le photocommutateur. La distorsion du signal électro-optique obtenu est conforme avec les résultats de simulations. L’amplitude est réduite et le profil temporel fortement élargi (fig. III-11). 122 Figure III-11 : Mesure propagative et contra-propagative de l’impulsion électrique générée par le photocommutateur irradié 4x1011cm-2 en In0.53Ga0.47As et excité par une impulsion optique femtoseconde à 1,55 µm Dans un deuxième temps, nous avons mesuré la réponse d’un photocommutateur dont la couche active en In0,53Ga0,47As a été irradiée avec une dose d’ions Br+ de 2x1011cm-2. Sur la figure III-12, on observe clairement une augmentation du temps de descente lorsque la dose d’irradiation diminue. 123 Figure III-12 : Mesure propagative de l’impulsion électrique générée par les photocommutateurs irradiés en In0.53Ga0.47As 2x1011cm-2 et 4x1011cm-2 et excité par une impulsion optique femtoseconde à 1,55 µm Le temps de descente à 1/e est de 1,7 ps pour le photocommutateur irradié à une dose de 2x1011cm-2. La courbe en pointillée représente un ajustement théorique de la réponse pour le photocommutateur irradié à une dose de 2x1011cm-2. Le rapport A1/A2 est inchangé, le temps de vie des électrons est de 1,7 ps, valeur très proche de celle extraite des mesures de transmission différentielle résolue en temps et égale à 1,89 ps. Les temps de descente des impulsions électriques délivrées par les photocommutateurs rapides sont donc essentiellement déterminés par la durée de vie des électrons dans la couche d’In0,53Ga0,47As. Le temps de vie des trous dans la couche d’In0,53Ga0,47As irradiée à 2x1011cm-2 , déduit de l’ajustement théorique, est de 4 ps. Le temps de vie des trous est donc d’autant plus court que la dose d’irradiation est élevée. Nous avons également démontré que la sonde électro-optique que nous avons réalisée permet de déterminer le sens de propagation d’une impulsion THz de durée de 1,4 ps comme en atteste la figure III-13. On observe en effet un fort élargissement temporel de l’impulsion THz en configuration contra-propagative comparée à la configuration propagative. 124 Figure III-13 : Mesure propagative et contra-propagative normalisée de l’impulsion électrique générée par le photocommutateur irradié 2x1011cm-2 en In0.53Ga0.47As et excité par une impulsion optique femtoseconde à 1,55 µm 1.2 Photodiode ALCATEL Le système de mesure THz que nous avons développé présente la spécificité d’utiliser des impulsions optiques femtosecondes à 1550 nm. Cette longueur d’onde rend le système de mesure très bien adapté à la caractérisation des composants optoélectroniques fonctionnant à haut débit, composants au cœur des systèmes de télécommunication à grande distance. Dans le cadre d’une collaboration avec le groupe animé par A. Scavennec (Alcatel III-V Lab), collaboration soutenue par une participation commune au pôle de compétitivité SYTEM@TIC, nous avons mesuré à l’aide du système de mesure électro-optique, une photodiode à un seul type porteur et conçu pour les liaisons futures à 40 Gbit/s [Ach04]. La tension de polarisation de la structure est de 1 V modulé à 40 kHz. La puissance optique incidente est de 10 µW. 125 Amplitude normalisˇe (u.a.) 1 τ 90-10 : 4.03 ps 0,5 0 τFWHM : 13.45 ps -0,5 -1 0 50 100 150 200 Temps (ps) Figure III-14 : Amplitude du champ électrique généré par une diode UTC Alcatel 40 Gbit/s et exitée par des impulsions optiques femtosecondes à 1,55 µm Spectre en puissance 1 F = 37.5 GHz Amplitude normalisˇe (u.a.) -3dB 0.1 0.01 0.001 0 20 40 60 80 100 120 140 Frˇquence (GHz) Figure III-15 : Spectre en amplitude de la forme d’onde présentée fig III-12 et obtenu par transformée de Fourier 126 1.3 Mesure d’un guide d’onde métallique coplanaire sur substrat d’InP Au-delà des composants actifs des systèmes de télécommunication, les paramètres essentiels limitant la montée en fréquence des circuits intégrés monolithiques sont en particuliers la qualité des interconnexions des composants, déterminées par les performances des guides d’onde coplanaires. L’essentiel des lignes de transmission coplanaires utilisées dans les systèmes de télécommunication à haut débit sont déposées sur un substrat d’InP. La caractérisation à haute fréquence d’un guide d’onde coplanaire sur InP est donc cruciale pour la conception des composants et circuits télécoms du futur. Figure III-16 : Dispersion de la ligne coplanaire. 127 Figure III-17 : Impulsions électriques mesurées après différentes distance de propagation le long d’un guide d’onde coplanaire sur substrat d’InP La topologie de l’échantillon est décrite dans le chapitre II-3. Il est constitué d’un photocommutateur ultra-rapide irradié et couplé symétriquement à deux lignes CPW s’élargissant progressivement. Le substrat est en InP et les dimensions de la ligne ont été calculées pour donner une impédance de 50 ohms. Les mesures sur le guide d’onde coplanaire ont été réalisées avec une sonde électro-optique en ZnTe de 200 µm d’épaisseur. La tension de polarisation du photocommutateur est de 2 V avec un signal carré modulé à 40 kHz. Nous avons déplacé la sonde électro-optique latéralement le long du guide d’onde. La figure III-17 présente les impulsions électriques mesurées après différentes distances de propagation. Les résultats obtenus montrent un fort élargissement temporel des impulsions lors de leur propagation à travers la ligne coplanaire. L’amplitude des impulsions électriques mesurées varie d’une part à cause des pertes du guide d’onde (pertes métalliques et radiatives) mais également à cause de l’élargissement progressif de la fente. Pour dissocier ces deux effets, il est nécessaire de modéliser le système. Nous avons normalisé les impulsions électriques à 1 pour la clarté de la figure. L’élargissement temporel dû à la dispersion du guide d’onde entraîne une augmentation du front de montée 90-10% de l’impulsion électrique de 500 fs à 3 ps après 2,5 mm de propagation sur la ligne (fig. III-16). Cela traduit par une perte significative des composantes hautes fréquences après 2,5 mm de propagation. 2 Mesure de désadaptations d’impédances sur une ligne coplanaire 128 Dans les circuits électroniques rapides, les désadaptations d’impédance entraînent l’apparition d’échos parasites transmis et réfléchis en différents points du circuit. Pour analyser le comportement des circuits, il est nécessaire de pouvoir séparer le signal électrique principal des échos réfléchis et transmis. Ces problèmes de désadaptation sont d’autant plus présents que les fréquences mises en jeu sont élevées. La réflectométrie temporelle consiste à utiliser un générateur d’échelon et de mesurer les signaux transmis et réfléchis avec des têtes d’échantillonnages électriques. Cette technique peut être aussi obtenue à partir de mesures fréquentielles en utilisant un analyseur de réseau vectoriel et une transformation de Fourier. La solution classique utilise des lignes idéales pour séparer temporellement le signal électrique principal des échos réfléchis et transmis. Elle se heurte à trois difficultés : 1) la réalisation de lignes idéales (sans désadaptation) est très difficile à mettre en œuvre 2) elle impose une plage temporelle de mesure très importante 3) elle ne permet qu’une analyse globale de l’ensemble du circuit Le système de mesure THz que nous avons réalisé permet de séparer le signal électrique principal des échos réfléchis et transmis avec une plage temporelle de mesure plus réduite, une bande passante proche de 500 GHz, c’est à dire très supérieure à la solution classique. Cette mesure permet d’accéder à tous points à l’intérieur du circuit et par conséquent d’analyser des discontinuités d’impédances à l’intérieur de circuits complexes. Nous présentons sur la figure III-18, un exemple d’analyse de discontinuité d’impédance. La mesure à été effectué sur une ligne coplanaire possédant un photocommutateur ultra-rapide. Nous pouvons remarquer les échos dus aux sondes hyperfréquences servant à la polarisation du dispositif. 129 Figure III-18 : Séparation des ondes incidentes et réfléchies à l’intérieur d’un circuit. 130 Chapitre IV Prospective Ce chapitre présente des perspectives du travail présenté précédemment; nous proposons des solutions technologiques originales pour augmenter l’attractivité du système de mesure THz à ondes guidées que nous avons développé. Un aspect clé pour élargir le champ d’application du système de mesure est de permettre une génération de l’impulsion électrique THz grâce à un dispositif externe, indépendant de l’élément étudié. Nous avons démontré les premières solutions technologiques qui permettent de répondre à cette problématique. Nous nous sommes également orientés vers une variante en régime continu par photomélange de l’excitation optique intervenant dans le système de mesure électro-optique dans le domaine temporel. Cette approche devrait aboutir à une résolution spectrale très fine et permettra l’emploi de source et amplificateurs continus largement développés dans le cadre des systèmes de télécommunications. I Génération externe La génération externe de l’impulsion électrique THz est nécessaire pour ouvrir le champ d’étude à toutes sortes de guide d’ondes coplanaires, composants ou circuits complexes. Par exemple, dans le cadre de la caractérisation de circuits électroniques rapides, le système actuel nécessite de réaliser un photocommutateur ultra-rapide soit connecté au circuit soit directement intégré à ce circuit lors de l’étape de fabrication. Connecter le photocommutateur au circuit électronique par une liaison de type « bonding » présente de nombreux inconvénients. Les « bondings », qui sont des fils d’or micrométriques, présentent de fortes pertes par rayonnement aux fréquences THz. De plus, les désadaptations d’impédance engendrées par ce type de connexions induisent des nombreux échos parasites de l’impulsion THz. Cependant, cette technique est simple à réaliser avec les moyens standards d’une salle blanche et reste convenable à une analyse de circuits électroniques jusqu’à des fréquences de 80 GHz [Jou04] (fig. IV-1). 131 Figure IV-1 : Images des connections entre la ligne du photoconducteur de déclenchement, l’amplificateur distribué et la ligne placé après pour permettre la mesure du signal amplifié. L’intégration du photocommutateur directement sur le circuit électronique est difficile à réaliser technologiquement et limite le type de circuits ou autre dispositif à étudier à ceux déposés sur substrat d’InP. La filière InP est prometteuse dans le domaine des télécoms, mais n’est pas compatible avec beaucoup de filières utilisées en micro-électronique. Le dispositif sur InP étudié est alors modifié spécialement pour la mesure, et la génération de l’impulsion électrique THz est localisée un endroit précis et fixe du dispositif étudié. Nous proposons une approche nouvelle pour pallier à ces contraintes et qui ouvre notamment la perspective d’une génération de l’impulsion THz en n’importe quel point accessible du dispositif étudié. La technique que nous proposons consiste à mettre en contact un matériau actif externe à un guide d’onde coplanaire afin de polariser le matériau actif et de coupler le transitoire de courant produit par le matériau actif au guide d’onde coplanaire (fig. IV-2). La solution technologique que nous avons retenue est de collé directement à l’extrémité d’une fibre optique, une couche d’In0,53Ga0,47As irradié par des ions. Figure IV-2 : Fibre optique munie de son matériau actif en In0,53Ga0,47As générant par rayonnement une impulsion THz dans un guide d’onde coplanaire. 132 La réalisation technologique est particulièrement délicate car le diamètre de la fibre optique est de 125 µm. L’idée consiste à coller en bout de fibre optique à l’aide d’une colle optique polymérisant par rayonnement UV une fine couche d’In0,53Ga0,47As préalablement irradié. Les conditions d’irradiation sont les mêmes que celles présentées dans le chapitre IV1 de la partie II. Ainsi, le temps de vie des porteurs dans le matériau d’In0,53Ga0,47As est réduit à des valeurs picosecondes. La couche d’In0,53Ga0,47As a une épaisseur de 1 µm. Nous avons utilisé des échantillon constitué d’une membrane suspendue d’In0,53Ga0,47As au centre, obtenue par gravure chimique. La fibre optique dont l’extrémité a été engluée de colle vient alors poinçonner la membrane d’In0,53Ga0,47As. Nous utilisons une caméra qui nous permet un contrôle du déplacement de la fibre optique au micron près assuré par une platine de translation 3 axes. Il reste à appliquer un faisceau d’UV pendant environ 5 minutes pour que la polymérisation s’effectue. Cette opération est particulièrement délicate car la membrane se brise facilement autour de la fibre optique en laissant des morceaux. Il s’agit alors de les découper à la lame de rasoir. Avec cette méthode, il est possible d’obtenir une couche parfaitement bien collée en bout de fibre optique sans morceaux qui dépassent. Nous avons alors reporté la fibre optique dans son support, monté sur un contrôleur 3 axes de précision. Nous distinguerons deux modes possibles de fonctionnement. Le transitoire de courant généré résulte du courant de déplacement uniquement ou du courant de conduction et du courant de déplacement. Dans le premier cas, la couche active est placée à proximité du guide d’onde mais sans contact. L’impulsion électrique picoseconde générée est donc le résultat du courant de déplacement. Dans le second cas, la couche d’In0,53Ga0,47As est mise en contact des métallisations du guide d’onde. L’impulsion électrique picoseconde résulte donc du courant de déplacement et du courant de conduction. Ces deux méthodes ont été testées. Evidemment, la génération avec contact procure plus de signal électrique. Par contre, des courants de fuite importants existent à forte tension de polarisation du guide d’onde ce qui entraîne la destruction du dispositif de génération. Au contraire, lorsque la membrane n’est pas en contact, des tensions de polarisation bien plus forte sur le guide d’onde sont autorisées. Une étude intéressante serait de mesurer l’amplitude de l’impulsion électrique générée avant claquage dans les deux méthodes. Nous avons seulement réussi à mesurer à l’impulsion électrique générée par une couche d’In0,53Ga0,47As mise en contact d’une ligne de transmission en guide d’onde coplanaire, à l’aide d’un oscilloscope numérique 67 GHz en temps équivalent. Nous avons placé la fibre au plus proche des métallisations. Nous avons connecté l’oscilloscope aux extrémités de la ligne à l’aide de sonde hyperfréquence 67 GHz. 133 La figure IV-3 montre l’impulsion générée par la membrane d’In0,53Ga0,47As éclairée par des impulsions optiques femtosecondes, et mesurée par l’oscilloscope. Cette mesure est convoluée par la bande passante de l’appareil de mesure. On trouve un front de monté 90-10 % de l’ordre de 7 ps. Le signal détecté est de l’ordre de la dizaine de mV. En comparaison, une même puissance optique envoyée sur le photocommutateur de la ligne donne un signal d’environ 100 mV, soit dix fois plus. Ce signal est trop faible pour être mesuré directement par la sonde électro-optique que nous avons développée, notamment à cause de la faible puissance optique disponible. Figure IV-3 : Mesure à l’oscilloscope 67 GHz d’une impulsion générée par le report d’une couche d’ In0,53Ga0,47As sur la fibre optique de pompe et guidée sur une ligne coplanaire Nous avons essayé de générer par cette technique une impulsion électrique picoseconde sur des guides d’onde coplanaires de topologie différente. Les guides d’onde disponibles au moment de l’expérience présentaient un écartement entre le ruban central et le plan de masse minimal de 30 µm. Une valeur inférieure permettrait de générer une impulsion électrique plus intense. De plus, la puissance du laser incidente sur la membrane d’In0,53Ga0,47As est seulement d’environ 300 µW. A terme, il souhaitable d’utiliser une fibre optique dont l’extrémité est lentillée afin d’augmenter la densité de puissance incidente sur la membrane d’In0,53Ga0,47As. Ces mesures préliminaires montrent que cette méthode est prometteuse et ouvrira le champ d’application du système de mesure THz à ondes guidées à l’étude de dispositifs variés. Notamment, nous avons montré dans le chapitre III un 134 élargissement temporel important des impulsions électriques THz se propageant sur un guide d’onde déposé sur un substrat d’InP, dû à la dispersion et aux pertes radiatives. Nous envisageons d’étudier avec cette technique la propagation d’impulsions électriques THz sur des lignes de transmission originales de type ligne de Goubeau sur des substrats de Quartz, Saphir, BCB qui présentent moins de pertes et une plus faible dispersion aux fréquences THz. II Détection et émission par photomélange Les techniques de mesure dans le domaine temporel mettant en jeu des ondes THz continues est d’un fort intérêt car elles offrent une résolution spectrale de l’ordre du MHz. En effet, il est usuel d’avoir une résolution de 50 MHz avec des sources classiques, 1 MHz avec des sources asservies en longueurs d’onde [Ans08] (fig. IV-4). et plus récemment la dizaine de Hz avec une métrologie de peigne de fréquence [Mou08] (fig. IV-5). Une résolution spectrale plus faible, une importante accordabilité ainsi que la possibilité d’utiliser des sources optiques continues en font une alternative très intéressante par rapport aux expériences mettant en jeu des impulsions THz. Cette méthode a été utilisée dans des systèmes de mesures en espace depuis quelques années. Nous proposons d’appliquer cette méthode à un système de mesure à ondes guidées. 1 Emission par battement de deux lasers continus En général, toute conversion de fréquence, que se soit par la génération d’harmonique multiplication de fréquences, par le mélange de fréquence ou par l’amplification paramétrique nécessite un phénomène non linéaire. Dans ce cas, l’aspect non linéaire prend naissance dans la caractéristique non linéaire du photocommutateur. Nous proposons d’utiliser le principe de photo-mélange pour la génération et la détection de rayonnement THz continu. Le principe de base du photomélange consiste à convertir un battement aux fréquences optiques vers le THz en exploitant la non linéarité de photodétection d'un photodétecteur ultra-rapide. Le battement de fréquence apparaît lorsque deux ondes électromagnétiques et sont superposées spatialement. Elles sont respectivement de fréquence υ1 (ω1=2π υ1) et υ2 (ω2=2π υ2) tel que : ρ ρ ρ ρ E1 (t ) = E1 cos(ω1t ) et E2(t)=E2cos(ω2t) Les phases sont supposées nulles. Ainsi, la puissance optique incidente sur le semiconducteur, qui est sensible au carré du champ, est donnée par l’expression : 135 P(t ) = ρ ρ 2 E1 (t ) + E 2 (t ) Z0 Avec Z0 l’impédance du vide égale à ~377 Ω. En développant cette expression, on aboutit à : P(t ) = E12 1 cos(2ω1t ) E 22 1 cos(2ω 2 t ) E1 E 2 [cos((ω1 + ω 2 )t ) + cos((ω1 − ω 2 )t )] + + + + Z0 2 2 2 Z0 Z0 2 Il apparaît un terme en ω1-ω2 qui est le terme utilisé pour le battement de fréquence. Cette expression se simplifie sachant que les termes dépendant de 2 ω1, 2 ω2 et ω1 + ω2 sont moyennés. En effet, les temps associés à ces fréquences sont 100 fois plus courts que le temps de vie des porteurs dans le semi-conducteur. Il ne peut donc pas répondre à des variations aussi rapides et se comporte comme un filtre passe-bas. Finalement, la puissance optique instantanée reçue par le photo-conducteur est donnée par : P(t ) = P02 + 2 P1 P2 m cos(ωt ) Où ω = ω1 – ω2 est la différence de fréquence. Avec P1 et P2 les puissances moyennes émises par les deux lasers telles que : Pi = Ei2 et P0 = P1 + P2 2Z 0 m est un paramètre qui varie entre 0 et 1 et qui traduit l’efficacité de mélange des deux faisceaux. Il dépend de la polarisation des deux faisceaux sur le photocommutateur. La fréquence de battement ∆f est calculée selon l’expression : 1 1 ∆f = c − λ1 λ 2 Ainsi cette technique permet un accord très fin de la fréquence THz souhaitée en désaccordant légèrement une source par rapport à l’autre. Il est usuel d’utiliser des sources continues fibrées associés à un coupleur optique pour réaliser le mélange. Il est alors possible d’utiliser des amplificateurs continus de forte puissance moyenne. Dans les systèmes de mesure THz en espace libre, le photomélange est utilisé en émission et en détection à l’aide 136 d’antennes photoconductrices. Le remplacement du dispositif photoconducteur en détection par un cristal électro-optique préserve la détection cohérente [Nah99]. Figure IV-4 : Système de spectroscopie THz par photomélange Toptica utilisant des sources CW asservie par des interféromètres. La résolution est de l’ordre du MHz. Figure IV-5 : Système de spectroscopie THz par photomélange utilisant des sources continues asservies par des interféromètres et une métrologie par peignes de fréquences. La résolution est de l’ordre du Hz. 2 Mesures préliminaires Nous avons éclairé le photocommutateur ultra-rapide en In0,53Ga0,47As irradié par ions par deux faisceaux optiques continus de longueur d’onde légèrement décalée. Cette manipulation a été effectuée très simplement puisqu’il suffit de déconnecter la fibre en 137 provenance du laser impulsionnel et de la connecter à la sortie du système de battement des faisceaux optiques. Ce dernier comprend un amplificateur optique continu, deux diodes lasers continues ainsi qu’un coupleur fibré à deux ports. Le faisceau optique est focalisé grâce à une fibre lentillée sur le mésa d’In0,53Ga0,47As. Cela permet d’assurer une bonne superposition spatiale des deux faisceaux. Le photocommutateur est relié à un guide d’onde coplanaire, connecté à son extrémité à un analyseur de spectre 50 GHz à l’aide de sondes à pointes hyperfréquences. Il est alors possible de détecter un signal proportionnel à la différence de battement des deux lasers. Notre détection est limitée à 50 GHz. Nous obtenons une raie dont la largeur à mi hauteur est de 50 MHz. Le signal est très faible avec un niveau non calibré d’environ -80 dBm. Nous sommes donc en limite de sensibilité pour utiliser en détection la sonde électro-optique que nous avons fabriquée. Les essais de mesures avec la sonde électrooptique n’ont pas permis de « sortir » le signal du bruit malgré un très fort moyennage. Nous avons cherché un composant capable de générer une onde THz de plus forte amplitude. J.F. Lampin de l’IEMN, nous a prêté une diode UTC (Uni Traveling Carrier). Il s’agit d’une structure de type p-i-n où l’absorption optique et l’expulsion des photoporteurs se font dans deux zones distinctes. Afin que le comportement dynamique d’une telle photodiode ne soit plus limité par les porteurs les plus lents (les trous), l’idée est de générer les paires électrontrou dans une zone où les trous sont déjà les porteurs majoritaires, typiquement une zone dopée assez fortement p. Les électrons photogénérés dans la zone dopée p, ou zone absorbante, diffusent vers le collecteur, le champ électrique étant quasi-nul dans cette zone. Ces dispositifs génèrent des ondes THz dont la puissance atteint quelques microwatt. Ainsi, avec ce type de photodiode, nous obtenons un gain de plus de 30 dB par rapport au photocommutateur. Les mesures effectuées avec un analyseur de spectre électrique indiquent un signal de -50 dBm (fig. IV-6). On observe une gigue en fréquence importante et estimée à plus de 50 MHz. La mauvaise stabilité des sources laser non asservies en fréquence l’une par rapport à l’autre est à l’origine cette gigue en fréquence. 138 alimentation Source laser continue λ fixée Fibre à maintien de polarisation Câble hyperfréquence Analyseur de spectre Coupleur 50/50 Source laser continue λ variable échantillon Fibre lentillée Té de polarisation Pointe hyperfréquence Polariseur fibré Figure IV-6 : Montage expérimental pour la mesure de la bande passante optique. Nous avons essayé dans un deuxième temps de visualiser le signal généré par la photodiode dans le domaine temporel à l’aide d’un oscilloscope rapide 67 GHz en temps équivalent. L’entrée trigger de l’oscilloscope a été prélevée à l’aide d’un coupleur fibré placé après l’amplificateur optique. Ce signal optique portant le mélange des deux longueurs d’onde est envoyé dans une photodiode rapide 40 GHz branché sur l’entrée électrique du trigger de l’oscilloscope. La photodiode va réaliser la différence de fréquence de la même manière que la photodiode UTC. Le signal électrique à la différence de fréquence généré par la photodiode UTC est très instable en phase et en fréquence. Il y a une forte gigue entre le trigger et le signal, malgré le traitement numérique du trigger. Sans moyennage (16 fois minimum), il est quasiment impossible de visualiser l’onde électrique générée. Ces variations sont un handicap pour une mesure électro-optique. La gigue entre le trigger et le signal n’est pas forcément gênante car notre expérience électro-optique est basée sur un système à deux bras de même longueur. S’il y a des variations de phase dans le signal de photomélange arrivant des deux lasers désaccordés, alors elle sera la même dans le bras de déclenchement et de mesure. Par contre, une variation de fréquence entraîne un moyennage du signal au niveau de la détection. Nous avons réussi à mesurer des signaux d’une dizaine de GHz avec une amplitude relative d’environ 100 mV. Ce type de signal doit être suffisant pour être mesuré par échantillonnage électro-optique. Des mesures dans cette direction et utilisant des sources optiques asservies en fréquence seront effectuées ultérieurement. 139 Conclusion générale et perspectives Le domaine THz vit une fantastique accélération, motivée par l’exploration de nombreux processus physique dont les fréquences tombent dans ce domaine. L’objectif de ce travail de thèse est la conception, la réalisation et la validation d’un outil de métrologie THz à ondes guidées basé sur une détection électro-optique. Ce système de mesure THz à ondes guidées, initialement destiné à caractériser des circuits électroniques rapides des système de télécommunications, ouvre des portes à des applications nouvelles dans des domaines aussi varié que l’imagerie THz champ proche et la spectroscopie de milieux stratifiés complexes ou de molécules biologiques. Lors de la conception et de la réalisation du système de mesure THz, il a fallu aborder de nombreux sujets très différents tels que la propagation d’impulsions optiques ultra-brèves dans les fibres optiques, l’irradiation ionique de matériau semiconducteur, la photoconduction ultra-rapide, l’effet électro-optique, la métrologie hyperfréquence. Les performances extrêmes visées ont déterminé les orientations retenues concernant la génération de l’impulsion électrique THz et sa détection. Nous avons opté pour un système totalement fibré et fixé la longueur d’onde centrale des impulsions optiques femtosecondes à 1,55 µm. Les sources optiques délivrant de telles impulsions sont aujourd’hui performantes, compactes, simples d’utilisations et de faibles coûts. Nous avons dans un premier temps proposé un système de gestion de la durée des impulsions optiques femtosecondes après leur propagation dans les fibres optiques. La dispersion chromatique introduite lors de la propagation dans les fibres optiques a été compensée en utilisant un tronçon de fibre optique à dispersion négative. Nous obtenons grâce à ce système des impulsions optiques incidentes au niveau du générateur et du détecteur de durée inférieure à 150 fs. L’impulsion électrique THz est délivrée par un photocommutateur ultra-rapide sensible à 1,55 µm. Ce photocommutateur est constitué d’une couche en InGaAs irradié par des ions lourds, l’irradiation ionique étant à l’origine de la rapidité du photocommutateur. Cette approche permet un ajustement précis de la rapidité du composant en modifiant la dose d’irradiation. Le photocommutateur est relié à une ligne de transmission défini par un guide d’onde coplanaire. Des impulsions électriques de durée subpicosecondes ont ainsi été délivrées par le photocommutateur illuminé par des impulsions optiques femtosecondes à 1,55µm. 140 Pour la détection, nous avons réalisé une sonde électro-optique miniature à interaction colinéaire entre les impulsions optiques de sonde et l’impulsion électrique THz qui se propage sur le guide d’onde. C’est une sonde originale, totalement fibrée, à deux ports qui est capable d’effectuer des mesures vectorielles avec une bande passante proche de 500 GHz et essentiellement limitée par la durée des impulsions optiques de sonde. La sonde électrooptique miniature est déplacée librement dans l’espace avec une résolution de l’ordre du micron sans avoir à effectuer de réglage optique. Ainsi, des mesures du champ électrique THz à divers endroits sont possibles. De plus, la sonde électro-optique à pour particularité d’être symétrique ce qui offre la possibilité d’effectuer une mesure des signaux THz dans une configuration où les impulsions optiques de sonde et les signaux THz sont soit co-propagatifs soit contra-propagatifs. Nous avons modélisé cette fonctionnalité unique en proposant une approche de calcul de la résolution temporelle d’une sonde électro-optique en configuration colinéaire basée sur le formalisme relatif à la génération cohérente non-linéaire de somme et différence de fréquence. La simulation donne de très bons résultats en comparaison avec les résultats expérimentaux. La mesure d’une impulsion électrique THz effectuée en configuration contra-propagative entraîne une forte réduction en amplitude et un élargissement temporel important par rapport à une mesure effectuée en configuration propagative. Ainsi, le sens de propagation des impulsions électriques est identifié après comparaison entre les mesures co-propagative et contra-propagative. Cette fonctionnalité nouvelle permettra notamment une analyse plus précise des désadaptations d’impédances présentes dans des circuits électroniques rapides de topologies complexes. Une fois le système de mesure électro-optique complet réalisé, nous avons caractérisé ses performances. Nous avons démontré une très bonne linéarité de la mesure du champ électrique ainsi qu’une sensibilité de l’ordre de 2 V/cm. La résolution spatiale, limité par le diamètre du faisceau optique de sonde dans le cristal électro-optique, est d’environ 30 µm. La caractéristique la plus intéressante reste la résolution temporelle extrême qui est de 400 fs. Cela correspond à une bande passante de presque 500 GHz et un spectre dont les composantes s’étendent jusqu'à plus de 2 THz quelque soit la direction de propagation de l’impulsion électrique THz qui se propage. Nous avons exploité cet outil de métrologie THz pour étudier la propagation d’impulsions électriques sub-picosecondes sur une ligne de transmission en guide d’onde coplanaire déposée sur substrat d’InP. La réponse aux fréquences THz de composants tels que des photocommutateurs ultra-rapides et des photodiodes télécoms à 1,55 µm ont également été mesurées. 141 Les très bonnes caractéristiques du système de mesure laissent envisager son utilisation pour la caractérisation de différents éléments tels que les circuits électroniques complexes passifs et actifs fonctionnant à haute fréquence, épitaxiés sur substrat InP. Cependant, les performances du système de mesure pourraient encore être améliorées. Pour cela plusieurs orientations nous semblent être prometteuses. Un tel système est directement tributaire de la durée des impulsions optiques ultra-brèves. Obtenir des impulsions optiques de qualité pour la génération de l’impulsion électrique THz et pour sa mesure dans le cristal électro-optique dans un système intégralement fibré est critique. Les progrès technologiques constants réalisés dans les sources lasers femtosecondes, ainsi que dans les fibres optiques laissent entrevoir la possibilité d’obtenir des impulsions optiques à 1550 nm de durée de 70 fs avec une puissance moyenne supérieure. La résolution temporelle pourrait gagner un facteur deux et la dynamique 10 dB. Une autre possibilité est l’insertion d’un cristal électro-optique de type polymère, présentant des coefficients électro-optiques plus élevés et une permittivité plus faible, afin de réaliser une sonde électro-optique plus sensible et moins invasive. Nous avons également démontré de manière préliminaire un générateur d’impulsion électrique THz externe. Nous avons proposé une approche avec le report d’un matériau actif d’InGaAs directement à l’extrémité d’une fibre optique. L’avantage majeur qui découle de cette nouvelle approche est l’étude de dispositifs épitaxiés ou déposés sur n’importe quels substrats. On peut citer notamment l’étude de lignes de transmission adaptées aux fréquences THz déposées sur des substrats à faible permittivité tel que le BCB, Saphir, Quartz … Ce système de mesure à ondes guidées est prometteur pour les applications de microspectroscopie THz. En effet, avec la conception de ligne de transmission particulière, il sera possible d’étudier divers matériaux ou molécules de très petites dimensions par spectroscopie. Comparée à une expérience classique de spectroscopie THz en temps en espace libre, l’approche intégrée permet une longueur d’interaction un ordre de grandeur supérieur et un confinement de l’onde THz bien supérieur. 142 Bibliographie [Agr01] G.P. 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Caractéristiques générales des milieux d’ordre trois Considérons l’équation de propagation telle que dérivée des équations de Maxwell : ∆E − 1 ∂2E ∂ 2P − µ =0 0 c 2 ∂t 2 ∂t 2 L’influence des non-linéarités se traduit par un développement de la polarisation P : P = ε10 χ2 3E + ε10 χ4 4EE4 +4 ε20 χ4 4EEE 4 4+3... 1 2 3 PLinéaire où χ i PNon linéaire est un tenseur de rang i+1. Par soucis de clarté, nous négligerons le caractère tensoriel de χ , ce qui revient à négliger la biréfringence du matériau. De plus, dans les milieux 1 centrosymétriques – et a fortiori amorphes, comme la silice – les tenseurs d’ordre pair sont nuls. Le degré d’approximation est le cinquième ordre, qui est parfaitement négligeable. Nous pouvons donc écrire : P = ε0εr E + ε0 χ 3 EEE et remplacer P par son expression dans (x). Nous obtenons alors : n2 ∂2E ∂ 2 PNL ∆E − 2 2 − µ0 =0 c ∂t ∂t 2 avec PNL = ε0 χ 3 152 ⊗ EEE où ⊗ désigne l’opérateur de contraction des tenseurs. Dans le cas le plus général, ce tenseur comporte 34 soit 81 composantes; cependant dans les fibres nous considérerons uniquement les composantes transverses du champ. Tout coefficient où l’axe z apparaît n’est donc pas pertinent. Le tenseur se simplifie alors pour ne plus comporter que 24 = 16 coefficients. La condition de centrosymétrie PNL (−E) = −PNL (E) entraîne une simplification supplémentaire à quatre composantes reliées entre elles par la relation 3 3 3 3 χ xxxx = χ xxyy + χ xyxy + χ xyyx Si, de plus, les fréquences en jeux sont éloignées de toute résonance, ce qui est le cas pour la silice aux longueurs d’onde considérées, nous pouvons appliquer la conjecture de Kleinman et 3 écrire l’égalité des trois composantes du second membre. Le terme χ xxxx est responsable notamment des phénomènes d’automodulation de phase et de mélange quatre ondes (dans le cas où tous les champs sont de même polarisation), et que les trois termes mixtes sont à l’origine des effets d’intermodulation de phase et de mélange à quatre ondes croisée. Par analogie avec la génération de seconde harmonique, nous parlerons d’effet de type I lorsque tous les champs sont de même polarisation, et de type II dans le cas contraire. Il est intéressant de constater que la non-linéarité d’ordre trois garde son caractère tensoriel même dans un milieu amorphe. Une observation importante peut aussi être formulée, à partir de la propriété de centrosymétrie : la polarisation non-linéaire ne sera non nulle que si chaque axe x ou y apparaît un nombre pair de fois (i.e. deux ou quatre). Concrètement, cela signifie qu’il est impossible de générer de façon non-linéaire un champ polarisé selon x ou y si cet axe n’est pas déjà présent au moins une fois parmi les champs incidents. Cet argument vaut bien évidemment dans le cas d’une fibre parfaitement non-biréfringente, ce qui n’est pas le cas dans nos fibres à maintien de polarisation (PM). Application aux fibres optiques : confinement de l’énergie Les effets non-linéaires étant par définition dépendants de l’intensité optique, ils se manifestent d’autant plus nettement que celle-ci est grande. Pour obtenir de fortes intensités, nous pouvons concentrer l’énergie optique dans le temps en employant des impulsions courtes et dans l’espace, en focalisant le faisceau au maximum. Or, la diffraction limite cette possibilité dans les milieux massifs. En revanche, les fibres optiques sont des guides d’onde et ne sont donc pas soumis à cette limitation : le champ optique reste confiné dans le cœur sur 153 une distance virtuellement infinie, limitée uniquement par l’atténuation. De plus, les fibres monomodes ont un diamètre de cœur très petit, de l’ordre de 5 à 9 µm : toute la puissance se trouve concentrée sur une surface de 50 à 65 µm², ce qui favorise d’autant l’apparition de non-linéarités. Certaines fibres particulières, de conception nouvelle, vont même encore plus loin et possèdent un diamètre de cœur de l’ordre du micromètre, ce qui représente un renforcement supplémentaire des non-linéarités de presque deux ordres de grandeurs. Ces fibres dites photoniques, à cristal photonique, ou encore microstructurées, sont obtenues en produisant une structure air-silice microscopique et régulière, mais possédant un défaut qui rompt localement la symétrie du cristal photonique ainsi formé. Ce mode de conception confère des propriétés particulières à ces fibres, notamment vis-à-vis du guidage et de la dispersion. Atténuation, longueur d’interaction Nous avons vu que les fibres optiques modernes présentent une atténuation très faible. Afin de prendre en compte l’influence de l’atténuation sur les non-linéarités, nous définissons une longueur efficace d’interaction : Leff = L ∫ exp(−αz)dz = 1− exp(−αL) α z= 0 Si l’on fait tendre L vers l’infini, nous remarquons que : lim Leff = L →∞ 1 α Pratiquement, la longueur efficace correspond à la longueur de fibre sans perte qui produirait le même effet non-linéaire que la fibre réelle et la longueur limite permet de fixer une borne supérieure à l’ampleur du phénomène. Pour une fibre classique présentant des pertes de l’ordre de 0,2 dB/km, cette longueur limite est d’environ 22 km. Dans notre cas, les effets non linéaires n’existent plus bien avant d’atteindre cette distance à cause des pertes par connectorisation ou par insertion de composants photoniques. En effet, l’insertion d’un composant photonique suffit à baisser la puissance crête suffisamment pour revenir dans un régime linéaire. Nous avons constaté expérimentalement que l’insertion d’un connecteur peut engendrer des pertes allant de 0,5 dB à 2 dB selon la propreté du connecteur et d’un vissage adéquat du connecteur. 154 L’effet Kerr optique Revenons à l’expression de la polarisation non-linéaire dans le cas simple où E est constitué par un champ quasi-monochromatique unique, de polarisation rectiligne selon l’axe x. Dans ce cas, la seule composante du tenseur en jeu est χ xxxx , et l’on montre que la polarisation non3 linéaire se traduit par un indice de réfraction dépendant de la puissance : n = n L + n NL = n L + n 2 E 2 avec n2 = { } 3 3 ℜ χ xxxx 8n En remplaçant n par son expression dans l’équation de propagation, on obtient une expression du type : i ∂A 2 +γ A A=0 ∂z γ≡ n 2ω Aeff c où Aeff est l’aire effective du mode, définie par rapport à la distribution transverse du champ F(x,y) : (∫∫ F (x, y)dxdy ) = 2 2 Aeff ∫∫ F 4 (x, y)dxdy Après résolution de l’équation de propagation on obtient : [ A(z,t) = A(0,t)exp −iγ A(0,t) z 2 ] ou encore A(z,t) = A(0,t)exp[−iϕ NL (z,t)] avec ϕ NL (z,t) ≡ γ A(0,t) z = 2 155 n 2ω 2 A(0,t) z Aeff c Nous observons donc que le champ acquiert en se propageant un déphasage non-linéaire, proportionnel à la puissance instantanée et à la distance, d’où le terme d’automodulation de phase que l’on emploie pour décrire ce phénomène. Si nous prenons en compte l’atténuation de la fibre, l’équation de propagation est toujours intégrable, et nous obtenons : ϕ NL (z,t) ≡ γ A(0,t) Leff (z) = ϕ NL [Leff (z),t ] 2 Du point de vue de l’automodulation de phase, l’influence de l’atténuation peut donc être prise en compte simplement en substituant à z la longueur efficace. Si nous considérons un champ variable dans le temps, nous constatons que la variation d’amplitude se traduit par une phase non-linéaire, elle aussi dépendante du temps (Fig. A-I). Ceci entraîne un décalage de la fréquence instantanée (« chirp ») : [ d A(0,t) dϕ ∆f (z,t) ≡ f (z,t) − f 0 = NL = γLeff (z) dt dt 2 ] Il en résulte un accroissement de la largeur spectrale de l’impulsion incidente, croissant avec la distance, et d’autant plus important que l’impulsion est intense et varie rapidement. Figure A-1 : Effet de l’automodulation de phase sur une impulsion femtoseconde. Notion de longueur non-linéaire Considérons un champ impulsionnel de puissance crête Pmax = A(0,0) . Le déphasage non2 linéaire maximal subi par ce champ est alors : max ϕ NL (z) = γLeff (z)Pmax 156 En définissant la longueur non-linéaire LNL = 1 γP , ce déphasage s’écrit max ϕ NL (z) = Leff (z) LNL Cette longueur non-linéaire correspond à la distance qu’un champ de puissance donnée doit parcourir dans la fibre avant de connaître un déphasage non-linéaire d’un radian. De façon plus générale, le rapport Leff LNL permet de quantifier tous les effets non-linéaires d’ordre trois que nous rencontrons dans les fibres. Modulation de phase croisée Supposons maintenant que le champ E incident possède deux composantes de polarisation Ex et Ey. Nous démontrons alors que la polarisation non-linéaire affecte de façon dissymétrique les deux composantes du champ, en raison de la différence de valeur existant 3 3 entre χ xxxx et χ xxyy . Ceci se traduit par un indice non-linéaire de la forme 2 2 2 ∆n x ≡ n x − n 0 = n 2 E x + E y 3 2 2 2 ∆n y ≡ n y − n 0 = n 2 E y + E x 3 Nous observons donc que le tenseur χ 3 entraîne un couplage non-linéaire des composantes de polarisation transverse, qui se manifeste par une biréfringence non-linéaire, dite parfois auto-induite. Ceci se traduit par une modulation de phase induite par une composante de polarisation sur l’autre et réciproquement : ce type d’interaction est appelé modulation de phase croisée. Nous pouvons aussi remarquer que deux types de polarisation - rectiligne et circulaire - ne subissent pas cet effet de biréfringence : les champs polarisés de cette façon maintiennent donc leur état de polarisation le long de la fibre, mais subissent néanmoins les effets de l’automodulation de phase. La sortie de notre laser est rectiligne et nos fibres à maintien de polarisation. Nous ne devrions pas subir cet effet. Néanmoins, lors de la précompensation en sortie du laser, nous utilisons une fibre à dispersion négative reliée par un taper à la ligne fibrée classique. Après cette fibre, la polarisation est aléatoire. Il est alors possible que des effets de biréfringence non-linéaires existent. 157 Enfin, la propriété de confinement spatial en optique massive peut être transposée dans le domaine temporel : l’effet Kerr est alors utilisé pour compenser la dispersion au lieu de la diffraction. Cet effet donne lieu à la propagation de solitons temporels, qui ont la propriété de se propager dans la fibre sur des distances virtuellement infinies sans distorsion. Cette particularité les rend d’un grand intérêt pour les télécommunications optiques, car dispersion et non-linéarité tendent normalement à limiter les performances : les faire se compenser est donc une solution particulièrement élégante pour augmenter les débits. De plus, les puissances de seuil donnant lieu à l’apparition de tels solitons peuvent être arbitrairement faibles, en fonction de la durée des impulsions employées. Ces constatations ont donné lieu à la mise au point de systèmes de télécommunications basés sur la propagation de solitons, adaptés aux lignes réelles présentant une succession d’atténuations et d’amplifications, dont les performances ont permis la transmission de plusieurs terabits par seconde sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres. Dans notre application, la puissance crête est trop modifiée par les différents composants photonique et donc la propagation soliton ne peut avoir lieu que sur les premiers tronçons de notre ligne fibrée. Cet effet bien qu’idéal ne peut être utilisé complètement dans le cadre de notre étude. L’équation de Schrödinger non-linéaire Modélisation des effets dispersifs et non-linéaires Dans la plupart des cas réalistes, plusieurs phénomènes physiques doivent être pris en compte simultanément. L’exemple le plus simple consiste à modéliser la dispersion de temps de groupe et l’automodulation de phase par l’équation dite de Schrödinger non-linéaire (ESNL). L’établissement rigoureux de cette équation dans les fibres dépasse le cadre de cette étude, nous nous contenterons donc de la formuler comme [Zak72] : ∂A i ∂ 2 A 2 + β 2 2 − iγ A A = 0 ∂z 2 ∂t avec les définitions de γ et β2 posées précédemment. Cette expression est valable dans le cadre de l’approximation de l’enveloppe lentement variable, et dans le cas scalaire. Empiriquement, nous pouvons considérer que le second terme prend en compte l’effet de dispersion de vitesse 158 de groupe et le troisième l’automodulation de phase. Nous rencontrons aussi dans la littérature une forme normalisée de l’équation de Schrödinger non-linéaire pour des impulsions ultrabrève ( T0 ≤ 1ps ) incluant les effets non-linéaires d’ordre supérieur : ∂U ∂U sgn(β 2 ) ∂ 2U sgn(β 3 ) ∂ 3U e −α z 2 ∂ 2 2 2 U U + is (U U) − τ RU +i + N U U = + i 2 ' 3 ∂τ ∂Z 2LD ∂τ 6LD ∂τ LNL ∂τ 2 avec : sgn(β ) = ±1 selon le signe de la dispersion de vitesse de groupe. A( z, t ) = P0 exp(−αz /2)U ( z, τ ) U= A z T t − z v g 2 LD T02 1 ;Z = ;τ = = ;N = ; LD = ; LNL = T0 LNL β2 γP0 LD T0 Pmax où T0 est la largeur temporelle de l’impulsion et LD la longueur de dispersion. Zakharov et Shabat ont démontré par la méthode de diffusion inverse [Sha72] que cette équation possède des solutions analytiques. Lorsque β 2 (dispersion anormale), ce sont les solitons optiques « brillants », qui correspondent à des impulsions de forme, durée et puissance particulières. En régime de dispersion normale, ce sont les solitons optiques « sombres », qui se manifestent sous la forme de creux d’intensité dans un champ optique continu. Ces deux types d’impulsions ont la propriété de se propager sans déformation dans la fibre, ce qui les rend particulièrement intéressants. L’équation reste cependant valide dans un nombre de cas limités ; par exemple, elle suppose le milieu sans pertes, ce qui est une hypothèse inacceptable lorsque la longueur de fibre considérée dépasse quelques kilomètres. De plus, il est parfois nécessaire de tenir compte de termes de dispersion d’ordre supérieur ou de termes non-linéaires supplémentaires (e.g. la diffusion Raman stimulée). Enfin, lorsque nous avons affaire à des impulsions ultracourtes (<1 ps), l’hypothèse de l’enveloppe lentement variable devient caduque. Nous définissons alors une équation généralisée incluant tous les termes voulus [Agr01]. Nous pourrons donc nous contenter d’une équation plus réduite : ∂A i i ∂3A 2 i + αA + β 3 3 + γ A A = 0 ∂z 2 6 ∂z Lorsque le milieu de propagation est biréfringent, ou si un effet de biréfringence non- linéaire 159 doit être considéré, il est nécessaire de prendre en compte le caractère vectoriel du champ. Pratiquement, ceci est réalisé en écrivant deux équations non-linéaires couplées – une pour chaque polarisation – où les termes mixtes modélisent la modulation de phase croisée. Un tel système devient vite complexe. Nos fibres à maintien de polarisation présentent une bieréfringe induite volontairement pour conserver la polarisation. Ces effets sont trop compliqués à modéliser simplement. Nous utiliserons le logiciel de simulation « Fiberdesk » qui est capable de résoudre l’ENSL pour avoir une idée des effets non-linéaires présents dans notre ligne fibrée. Il existe d’autres effets non-linéaires plus complexes comme le mélange à quatre ondes qui se présente comme un produit d’intermodulation par lequel des champs de fréquences différentes interagissent entre eux. Ceci se manifeste par l’apparition de nouvelles fréquences ou par un transfert de puissance entre plusieurs champs existants. Cet effet peut être particulièrement nuisible lorsqu’il a lieu entre deux canaux d’un système de télécommunication multiplexé en longueur d’onde, car il entraîne une interférence entre canaux (diaphonie). En revanche, de nombreuses applications exploitant le mélange quatre ondes dans une fibre ou un amplificateur à semiconducteur ont vu le jour, comme la conversion de fréquence, le démultiplexage, la commutation, l’amplification paramétrique et la conjugaison de phase. Un cas particulier de mélange quatre ondes se produit lorsqu’un champ intense interagit avec le bruit ; sous certaines conditions, une petite perturbation est alors amplifiée progressivement. Le champ optique est donc instable, d’où le terme d’instabilité de modulation employé pour désigner ce phénomène. Selon le régime considéré, on parlera d’instabilité de modulation en amplitude ou en polarisation il convient de prêter une attention particulière à la terminologie employée lorsqu’il est question de mélange quatre ondes. En effet, dans son acceptation la plus stricte, tout effet d’ordre trois est une interaction de quatre ondes. Nous pouvons distinguer trois effets non-linéaires différents : l’automodulation de phase (SPM), l’intermodulation de phase (XPM) et le mélange quatre ondes (FWM), qui ont la même origine physique et sont donc a priori indissociables. Les deux premiers se manifestent par une modulation de phase non-linéaire d’un champ par lui-même (SPM) et par les autres champs (XPM). Le terme « modulation de phase croisée » est associé à la modulation d’une composante de polarisation d’un champ par l’autre composante, tandis que le terme « intermodulation de phase » fera référence à la modulation exercée par un champ sur un autre à une longueur d’onde différente ce qui peut être le cas avec le spectre large des 160 impulsions ultra-brèves. Nous ne nous sommes jusqu’à présent intéressé qu’aux non-linéarités élastiques, c’est-à- dire que nous avons négligé tout échange d’énergie entre le champ optique et le milieu. Il existe cependant un autre type d’effet non-linéaire qui découle du phénomène de diffusion inélastique stimulée, par lequel l’énergie des photons d’un champ intense est couplée à un champ optique faible à une fréquence inférieure, la conservation de l’énergie étant satisfaite par création d’un phonon approprié. Selon la nature du phonon en jeu, nous distinguons deux effets similaires dans leur principe mais très différents dans leurs manifestations : la diffusion Brillouin stimulée (SBS) et la diffusion Raman stimulée (SRS). En effet, la physique du solide prédit l’existence de deux types de vibrations de la matière, représentées par les phonons acoustiques et optiques, les premiers étant responsables de l’effet Brillouin, et les seconds de l’effet Raman. Diffusion Brillouin stimulée Cette interaction met en jeu des phonons acoustiques, dont la vitesse de phase est au premier ordre proportionnelle à la fréquence. Ces phonons sont donc caractérisés par une dispersion importante, ce qui affecte le phénomène de diffusion car la condition d’accord de phase est alors difficilement vérifiée. Cet effet a donc une bande passante étroite, de l’ordre de 10 MHz dans la silice, autour d’une fréquence située à environ 10 GHz de la pompe. De plus, les phonons acoustiques ont une vitesse de phase très faible par rapport à celle des photons, la condition d’accord de phase est donc impossible à satisfaire en régime copropagatif. Cependant, la diffusion Brillouin stimulée ne se manifeste de façon significative qu’au-delà d’un certain seuil, correspondant à la puissance de pompe pour laquelle le gain Brillouin compense l’atténuation de la fibre, qui est de l’ordre de 10 mW dans les fibres actuelles, mais qui peut être augmenté considérablement si la pompe est spectralement étendue. Pratiquement, seules les sources continues intenses sont affectées, la diffusion se traduisant principalement par une atténuation non-linéaire. Diffusion Raman stimulée A l’inverse de la diffusion Brillouin, la diffusion Raman implique des photons optiques, dont la constante de propagation est proche de celle des photons et quasiment constante par rapport à la fréquence. Cet effet existe donc en régime copropagatif et a une bande beaucoup 161 plus large : jusqu’à 30 THz pour la silice, avec un maximum vers 13 THz. Il existe un seuil pour cet effet de l’ordre du watt, ce qui nécessite des impulsions de forte puissance. Cependant, dans le cas d’impulsions femtosecondes intenses, cet effet peut devenir très significatif. Il est notamment responsable de l’autodécalage en fréquence, un phénomène par lequel une impulsion large bande interagit avec elle-même, se décalant progressivement vers le rouge. La diffusion Raman stimulée est aussi employée dans des amplificateurs en raison de sa bande de conversion importante. Nous verrons que nous constatons cet effet en simulation. Nous n’arrivons pas à le visualiser simplement sur l’analyseur de spectre optique lors de nos expérimentations. 162 Annexes B : Mesures d’impulsions ultra-brèves Le développement des sources femtosecondes a necessité la mise en place de moyens de détection et de caractérisation des impulsions lumineuse ultra-brèves. A ces échelles de temps, il n’existe pas de détecteur électronique suffisament rapide pour résoudre le champ électrique émis par le laser. Il est possible d’utiliser une photodiode rapide pour avoir une idée de la récurence des impulsions, mais la mesure directe de l’intensité d’une impulsion restera limitée par la bande passante du détecteur électronique et de l’oscilloscope rapide par échantillonage utilisé. Cet outil pourra servir de visualisation, mais il sera incapable de faire une mesure précise. Pour caractériser nos impulsions venant de notre source fibrée, nous utilisons un analyseur de spectre optique ainsi qu’un autocorrélateur. Ces appareils commerciaux nous donnent respectivement l’intensité spectrale I(ω ) et la fonction d’autocorrélation temporelle. Ces données sont insuffisantes pour avoir une information complète sur l’impulsion femtoseconde à caractériser. En effet, ces méthodes ne donnent pas accès directement à la phase spectrale. Nous peuvons néanmoins considérer un cas particulier où il est possible de déduire la forme exacte de l’impulsion sous certaines conditions: c’est le cas d’une impulsion dite en limite de Fourier. Si l’impulsion est limitée par sa transformée de Fourier, alors nous pouvons calculer à l’aide du spectre de l’impulsion la grandeur ∆tϕ = 0 correspondant à la durée de l’impulsion dans le cas d’une phase spectrale nulle. Si cette duré est égale à ∆τ / 2 , cela signifie que la variance du retard de groupe est nulle. En d’autres termes, si la variance est non nulle, alors nous aurons une phase spectrale variant de façon non linéaire avec la fréquence ce qui implique que les différentes composantes spectrales n’arrivent pas simultanément, ce qui provoque naturellement un allongement de l’impulsion. Dans notre cas, nous pouvons considérer qu’en sortie du laser l’impulsion est limitée par transformée de Fourier. Si l’autocorrélation mesurée est en bon accord avec celle calculée à partir du spectre expérimental, alors nous pouvons en déduire une détermination complète du champ électrique associé à l’impulsion. 163 Lorsque l’impulsion n’est pas limitée par transformée de Fourier, il est nécessaire d’utiliser une méthode complète comme l’autocorrélation résolue spectralement ou l’interférométrie à décalage spectral. Position du problème et définitions Un champ optique quelconque peut être décrit par un signal analytique : E(t) = ℜ{ I(t) exp[−iω 0 t + iϕ (t)]} où I( t ) est l’intensité et ϕ (t) la phase instantanée. Cette dernière permet de définir une fréquence instantanée : ω (t) = ω 0 − dϕ dt Ainsi, un champ dont la phase instantanée est constante oscille à la fréquence de la porteuse, mais si cette phase varie de façon linéaire dans le temps, le champ subit un décalage de fréquence constant. De même, une phase quadratique se traduit par une fréquence instantanée linéaire : nous parlons alors de chirp linéaire. De même, le cas échéant, nous définirons un chirp quadratique, cubique, etc. Un champ peut être décrit tout aussi complètement dans le domaine de Fourier ; on définit alors : E˜ (ω ) = +∞ ∫ E(t)exp(iωt)dt −∞ E(t) = 1 2π +∞ ∫ E˜ (ω )exp(−iωt)dω −∞ Nous obtenons : E˜ (ω ) = I˜ (ω − ω 0) exp[iϕ˜ (ω − ω 0 )] le terme iϕ˜ (ω − ω 0 ) , qui est appelé phase spectrale, permet de définir le temps de groupe spectral : dϕ˜ t˜(ω ) = dω 164 Afin de simplifier les notations, il est possible de définir les enveloppes complexes : A(t) = I(t) exp[iϕ (t)] A˜ (t) = I˜ (t) exp[iϕ˜ (t)] Ω = ω − ω0 La détermination du profil d’intensité et de phase dans l’un ou l’autre domaine donne une connaissance parfaite des propriétés de l’impulsion ; en revanche, la mesure du profil d’intensité seul est insuffisante. Or, les détecteurs optiques sont tous quadratiques, et ne mesurent donc que la puissance : toute mesure directe de la phase (spectrale ou temporelle) est donc impossible. De plus, la technologie actuelle limite la bande passante des détecteurs à une centaine de gigahertz ; il est donc impossible d’observer directement tout phénomène plus court que leur réponse impulsionnelle, qui est de l’ordre de 10 ps. La caractérisation complète d’impulsions courtes implique donc de mesurer le profil d’intensité et de phase. L’autocorrélation en intensité L’autocorrélation en intensité est de toutes les techniques de caractérisation d’impulsions courtes la plus ancienne. Le schéma de principe est représenté sur la (fig. A-2). Le champ impulsionnel à caractériser est séparé en deux, et un retard relatif entre les deux fractions est introduit par une ligne à retard. Les deux champs retardés sont ensuite focalisés dans un milieu non-linéaire, puis les composantes ayant subi l’interaction sont isolées et détectées. Toute une variété d’effets non-linéaires peut être utilisée, l’interaction la plus courante étant la génération de second harmonique en raison de sa plus grande sensibilité, et de sa relative simplicité d’emploi. Nous montrons alors que dans les conditions expérimentales adéquates, l’intensité du second harmonique est proportionnelle à la fonction d’autocorrélation : Iharm ∝ ∫ I(t)I(t − τ )dt Par rapport à l’autocorrélation en amplitude, qui ne fournit pas plus d’information sur le champ que le spectre de puissance, l’autocorrélation en intensité permet d’obtenir une estimation indirecte de la durée des impulsions incidentes. En effet, à un profil d’intensité donné correspond un rapport entre la largeur de la fonction d’autocorrélation et la durée de l’impulsion. La connaissance de la première permet donc en principe de remonter à la 165 seconde. Cependant, aucune mesure sur la phase n’est réalisée, la présence d’une modulation de phase doit donc être estimée en comparant la largeur spectrale théorique de l’impulsion estimée avec celle mesurée expérimentalement. L’autocorrélation résolue spectralement Une façon d’obtenir plus d’informations d’un autocorrélateur consiste à remplacer le détecteur par un spectromètre qui mesure le spectre en puissance du champ E(t)E(t − τ ) soit: S(ω, τ ) = ∫ E(t)E(t − τ )exp(iωt)dt 2 Il a été montré qu’à l’aide d’un algorithme itératif, qu’il était possible d’extraire la phase spectrale de cette grandeur. Cette méthode, intitulée Frequency-Resolved Optical Gating, ou FROG, présente une certaine analogie avec la méthode de Shack-Hartmann : nous observons ici le spectre d’une tranche temporelle du champ à caractériser, tandis que dans la méthode de Shack-Hartmann nous observons l’image au foyer d’une lentille (donc dans l’espace de Fourier) d’une petite portion du faisceau incident. Cependant, dans le domaine temporel, nous ne disposons pas de porte temporelle suffisament rapide, et il faut utiliser l’impulsion ellemême E(t − τ ) pour échantillonner le champ E(t). La porte temporelle n’étant pas connue, il est nécessaire d’avoir recours à un algorithme itératif. A partir d’une estimation du champ à reconstruire, cet algorithme cherche à chaque itération à rapprocher le spectrogramme du champ test de celui mesuré expérimentalement. La qualité de la reconstruction est évaluée en mesurant la différence entre ces deux spectrogrammes ; cette différence diminue en principe après chaque itération, et l’algorithme converge. Lorsque cette grandeur est suffisamment basse, nous décrètons la reconstruction achevée [Del94]. Interférométrie à décalage spectral La transposition au domaine spectro-temporel de l’interférométrie à décalage est une méthode intitulée SPIDER pour Spectral Phase Interferometry for Direct Electric-Field Reconstruction. Elle consiste à décaler le spectre d’une impulsion par sommation de fréquence avec une impulsion étirée, de sorte que le recouvrement temporel entre l’impulsion courte et étirée sélectionne une fréquence pure ω1 dans le spectre de l’impulsion étirée. Le champ produit par le processus de somme de fréquence s’écrit donc simplement E(ω − ω1) , 166 soit le champ E(ω ) décalé d’une quantité ω1 vers les hautes fréquences. Une seconde réplique de l’impulsion courte décalée temporellement sélectionne une fréquence pure ω 2 de l’impulsion étirée, ce qui produit le champ E(ω − ω 2 ) . L’interférence spectrale entre ces deux impulsions permet alors d’en déduire ϕ (ω − ω 2 ) − ϕ (ω − ω1 ) = (ω1 − ω 2 )dϕ / dω , d’où nous peuvons reconstruire la phase spectrale par une simple intégration. Comparaison des deux méthodes Le principal inconvénient du SPIDER par rapport au FROG est la faible grandeur du signal produit, qui rend son implémentation délicate dans le cas de sources non amplifiées. En effet, le signal produit par somme de fréquence (SPIDER) est notablement plus faible qu’un simple doublage de fréquence (FROG) en raison de l’intensité crête bien moindre de l’impulsion étirée intervenant dans le processus non-linéaire. Comme étudié précédemment, le développement de sources femtosecondes a nécessité la mise en place de moyens de détection et de caractérisation des impulsions lumineuses ultrabrèves. Dans le cadre de notre étude nous utiliserons un autocorrélateur commercial FEMTOCHROME RESEARCH FR-103 XL qui nous donne le profil temporel en intensité de l’autoconvolution d’une impulsion optique. Cet autocorrélateur utilise la génération de seconde harmonique ainsi qu’un dispositif de miroir tournant. La mesure expérimentale de la fonction d’autocorrélation en intensité est réalisée à l’aide du dispositif présenté sur la (fig. A-2) : Figure A-2 : Principe d’autocorrallation de l’autocoréllateur FEMTOCHROME 167 Le train d’impulsion est séparé en deux parties d’intensité égale par une lame séparatrice sensible à la polarisation d’entrée. Notre autocorrélateur est réglé pour être sensible à la polarisation verticale. Il est possible de changer cette orientation mais cela reste peut recommandé car la réflectivité de la séparatrice est bien inférieure pour la polarisation P que la polarisation S. De plus, la génération de seconde harmonique par le cristal non linéaire est plus de dix fois moins sensible à la polarisation horizontale. Nous retiendrons que notre autocorélateur est extrêmement sensible à la polarisation d’entrée. Il sera alors très difficile de mesurer des rebonds optiques polarisés suivant un axe différent. Nous appliquons ensuite un retard τ à l’un des deux trains d’impulsions à l’aide de miroirs tournants [Rif98]. Cela permet de moduler en basse fréquence de facon continue la distance parcourue par un des faisceaux et donc d’induire un retard τ sur une des voies optiques [Yas81]. Les deux faisceaux sont ensuite focalisés dans un cristal doubleur. Notre autocorrélateur utilise un cristal de LiIO3 pour les longueurs d’ondes allant de 700 à 1800 nm. Le cristal fait 1 mm d’épaisseur. Les deux faisceaux se croisent avec un angle non nul. Nous obtenons par génération de seconde harmonique, un doublement de fréquence suivant la bisectrice de l’angle formé par le croisement des deux faisceaux initiaux. Ce signal de fréquence double est proportionnel au produit des intensités lumineuses I1 et I2 qui se croisent en coincidence temporelle dans le cristal : I(t) ∝ I1 (t).I2 (t − τ ) Le signal est ensuite filtré par un filtre infrarouge afin de ne laisser passer que la seconde harmonique vers le photomultiplieur qui donne l’énergie totale générée : S(τ ) ∝ ∫ I(t)I(t − τ ) La durée de l’impulsion n’est donc pas mesurée directement, il est nécessaire de faire une hypothèse sur la forme I(t) pour déterminer le rapport α entre les durées à mi-hauteur de l’autocorrélation et de l’intensité. Du fait du fonctionnement en régime quasi-soliton des oscillateurs femtosecondes, nous pouvons considérer que la forme temporelle de leur impulsion est proche d’un profil de type sécante hyperbolique au carré. Les impulsions brèves étant synonymes de larges bandes spectrales, elles vont donc être sensibles à la dispersion chromatique des matériaux et notamment à celle la fibre optique 168 constituant la cavité laser. Or, pour générer des impulsions femtosecondes, en général, le régime utilisé est un régime soliton qui correspond à la solution d’équilibre stable dans la cavité entre l’automodulation de phase et la dispersion. Ce soliton est solution de l’équation non-linéaire de Schödinger d’écrivant l’enveloppe du champ électrique de l’impulsion: i ∂a β 2 ∂ 2 a 2 − +γa a=0 2 ∂z 2 ∂t où le premier terme représente la propagation, le second la dispersion et le troisième l’effet Kerr (l’automodulation de phase). La solution soliton d’ordre 1 s’écrit sous la forme : P(t) = P0 sec h 2 (1,76 t ∆TFWHM ) avec P0 la puissance crête (intracavité) de l’impulsion et ∆t la durée de l’impulsion (mesurée à mi-hauteur). Le paramètre T0 est relié à la largueur à mi-hauteur du profil d’intensité par TFWHM = 2ln(1+ 2)T0 ce qui donne T0 ≈ ∆t FWHM 1,763 . Une telle mesure ne donne aucune information sur la phase de l’impulsion et ne permet pas d’avoir d’indications sur l’éventuelle présence de “chirp”. C’est à dire un glissement de fréquences dans les champs électriques contenus sous l’enveloppe de l’impulsion femtoseconde. Cela se représente dans le domaine temporel par le fait que les différentes « couleurs » du spectre de l’impulsion arrivent à des instants différents. Cet outil est donc incomplet pour avoir une représentation exacte des effets non-linéaires dans les fibres optiques. 169 170 171