Colloque Urbanisme et environnement climatique

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Colloque organisé par l’ADEME, Direction Régionale des Pays de la Loire,
et animée par Jean-Pierre Troche, Groupe Re-Sources
6 février 2007, Nantes
SYNTHESE DES DEBATS
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Introduction
Florence Albert, ADEME
Le colloque « Urbanisme et environnement climatique » a été organisé pour approfondir la thématique de
l’environnement climatique dans les Approches Environnementales de l’Urbanisme (AEU).
Les AEU sont des démarches accompagnées par l’ADEME dont l’objectif est de prendre en compte les grandes
thématiques environnementales dans les opérations d’aménagement (déplacements, énergie, économie de
l’espace, eau, paysage …), parmi lesquelles l’environnement climatique (ou micro-climat local).
Il a été organisé à Nantes parce que certaines compétences nationales y sont localisées (le CERMA, le CSTB),
mais aussi parce que le nombre d’AEU dans la Région des Pays de la Loire progresse rapidement grâce à la
volonté affirmée des collectivités locales et à l’existence de compétences spécialisées au sein des bureaux
d’études. A l’échelle nationale, plus de 250 AEU ont été contractualisées entre l’ADEME et des collectivités
locales dont plus d’une vingtaine en Pays de la Loire.
Quelques repères de terminologie climatique
Yannick Le Corre, Atelier Espace Temps
Climat
Le climat est un ensemble de circonstances atmosphériques, météorologiques propres à une région du globe. Le
mot climat vient du grec « klima » qui veut dire l’inclinaison. Au sens figuré, le climat peut désigner les
conditions qui ramènent aux ambiances de nos lieux de vie. Le climat se définit à l’échelle macro (quelques
milliers de kms). Les variations climatiques sont générées par les grandes caractéristiques de la terre, telles que
l’importance de zones d’océans par exemple.
Méso-climat
Lorsque l’on se situe à l’échelle régionale (quelques centaines de kms) ou à celle d’un pays (quelques dizaines
de km), on parle de méso-climat. Les variables sont les vents, les dorsales pluviométriques, les effets thermiques.
L’échelle du méso-climat est celle utilisée dans les AEU.
Micro-climat
Le micro-climat se définit comme l’interaction du milieu construit avec les phénomènes climatiques locaux qui
entraîne des modifications microclimatiques des espaces publics extérieurs. L’échelle micro-climatique est
l’échelle de l’organisation urbaine (quelques dizaines à quelques centaines de mètres). A cette échelle, la
construction des ensembles bâtis influe favorablement ou défavorablement sur le microclimat. Le micro-climat
n’est pas facile à appréhender puisque les données climatiques de Météo France sont à l’échelle du méso-climat
et basées sur des mesures réalisées à l’extérieur des villes. De plus, la notion de micro-climat relève du langage
usuel, Météo France ne la reconnaît pas en tant que telle.
Confort micro-climatique
Le confort micro-climatique est difficile à définir car la notion de confort relève à la fois de données objectives
et de données subjectives. Aucune théorie n’a fait l’unanimité à ce sujet. Fänger, en 1970, définit la notion à
travers des expérimentations sur le confort thermique de l’homme. Ces expérimentations étaient faites à régime
stationnaire, en intérieur. Or, le confort perçu à l’extérieur est très différent de celui perçu à l’intérieur, puisque
excessivement instable. Une seconde définition a été proposée par Hoppe, en 2002, selon laquelle l’indice de
confort dépend de 3 éléments : le bilan thermique du corps humain (les flux de chaleur internes et externes du
corps), l’approche physiologique, qui évalue le niveau de confort à partir du taux d’excitation nerveuse,
l’approche psychologique, qui se base sur les conditions mentales de satisfaction ressenties au contact de
l’environnement extérieur. On pourrait également rajouter la dimension culturelle (des conditions mentales de
satisfaction) : entre quelqu’un du nord et du sud de la France, les perceptions sont différentes !
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Ambiances
Les ambiances associent les perceptions décrites précédemment avec le milieu. Pour le Robert, l’ambiance est
une atmosphère matérielle et morale qui environne une personne, pour le Larousse, c’est la réaction d’ensemble
d’une assemblée. Dans une acception plus technique, c’est l’ensemble constitué par le milieu air et enceinte
(paroi, corps rayonnants). Pour les ambiances architecturales et urbaines, la définition de Jean-Pierre Peneau est
la suivante : les ambiances architecturales et urbaines sont à la croisée entre un phénomène physique repéré
(instruments de métrologie), une expérience usagère à dominante sensible et une dimension esthétique. On peut
ajouter la précision suivante : c’est, pour un individu, à un moment donné, la synthèse des perceptions multiples
que lui suggère le lieu qui l’entoure.
Le schéma ci-dessus propose une interprétation de l’ambiance architecturale et urbaine en 3 pôles :
- la dimension physique et climatique
Indépendamment des effets de l’ensoleillement, du vent, de l’humidité de l’air et de la température, des
éléments physiques d’ordre sonore et lumineux contribuent à la création de l’ambiance.
- la dimension spatiale
-ensoleillement
-vent
-humidité
-température
Sonore
lumineux
La dimension physique
et climatique
ambiances
urbaines
-pratique spatiale
-comportements
-usage de l’espace
-conduites physiques
vestimentaire
La dimension humaine
-centralité
- morphologie
-composition urbaine
-fonctionnalité
- matériaux et textures
La dimension spatiale
Les phénomènes physiques interagissent fortement avec des éléments de morphologie urbaine, de
matériaux, de textures.
- la dimension humaine, celle des usages.
On pourrait également ajouter la dimension culturelle, celle des comportements, des pratiques spatiales, des
conduites physiques, vestimentaires. Ces diverses dimensions attestent la complexité de la notion d’ambiance
micro-climatique.
LES ENJEUX ET L’ETAT DES CONNAISSANCES
Urbanisme et micro-climat : les enjeux
Jean-Pierre Troche, Groupe Re-Sources
Pour intégrer des données climatiques dans l’urbanisme, il est nécessaire de mettre des outils à la disposition de
tous les professionnels et des élus qui sont confrontés à des décisions dans ce domaine et, plus particulièrement,
des personnes qui travaillent en réseau sur l’AEU.
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Actuellement, la majorité des AEU concernent des opérations d’aménagement, surtout des ZAC, mais on en
trouve également dans des opérations de lotissements et dans quelques projets de rénovation urbaine. Certaines
AEU sont également réalisées en accompagnement de documents d’urbanisme, essentiellement des PLU et de
quelques SCOT.
A noter : il existe un film sur les AEU réalisé par l’ADEME.
I. Rappel sur les Approches Environnementales de l’Urbanisme, des démarches d’accompagnement
Objectifs
Les AEU ont essentiellement pour rôle de faire émerger des solutions vertueuses sur le plan de l’environnement,
qui n’auraient pas émergé autrement. Elles visent, dans un premier temps, à repérer et pondérer les enjeux
environnementaux puis à identifier les possibilités offertes pour tenir compte de ces enjeux..
Effets
Les AEU ont des effets sur les grands choix des projets. Une AEU peut, par exemple, remettre en cause un
ancien POS en conduisant à choisir, parmi les anciennes zones NA, celles qui ont les meilleures qualités
environnementales. Parmi les critères de choix possibles, on peut notamment retenir ceux relatifs au climat.
Mais, force est de constater qu’aujourd’hui il existe peu de précisions au sujet du climat, mais plutôt de bonnes
intentions telles que : « Attention au soleil, attention au vent » !
II . Niveaux d’intégration possibles des prescriptions climatiques
Dans les documents d’urbanisme
On peut trouver des prescriptions sur le climat dans différents documents du PLU
* Dans le rapport de présentation, dans lequel la loi oblige à faire un état initial de l’environnement et une
évaluation des incidences de la mise en œuvre du document d’urbanisme.
* Dans le PADD1 dont l’écriture permet non seulement de fixer des objectifs, mais aussi de recouper les enjeux
climatiques avec d’autres enjeux et d’autres objectifs, tels que des objectifs de qualité, de confort, d’économie
d’énergie, …
* Dans les orientations d’aménagement qui sont des documents intermédiaires placés, sur le plan juridique, entre
le PADD et le règlement2.
* Dans les documents réglementaires proprement dits. En effet, la combinaison des articles 5, 6, 7, 8 et 10
revient à définir une morphologie urbaine et à traiter des questions de l’ensoleillement et de la protection de
l’ensoleillement d’un bâtiment par rapport à un autre. Finalement, la question qui est posée n’est pas de savoir si
on peut ajouter des règles qui permettraient de préserver l’ensoleillement des bâtiments les uns par rapport aux
autres, mais plutôt de savoir comment utiliser l’arsenal existant en fonction des questions climatiques. Certaines
règles, comme celles concernant les espaces libres et les plantations, peuvent également interagir avec le climat.
Dans les opérations d’aménagement
Il s’agit de définir les enjeux, les contraintes et les potentialités, en termes climatiques, par rapport à un site
particulier. La démarche consiste ensuite à repérer les interactions entre projets urbains et micro-climat.
La première interaction entre la question climatique et l’urbanisme concerne la localisation du projet : doit-on
construire sur un plateau très venté alors que l’on pourrait construire sur le coteau protégé à proximité ?
La deuxième interaction porte sur la qualité de l’espace extérieur que ce soit l’espace public ou les espaces
privatifs (jardins, terrasses, balcons…). La question concerne plus particulièrement :
- les voies de déplacement doux (il faut s’assurer des conditions de confort et de sécurité qui font que les
déplacements à pied ou à vélo seront attractifs).
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PADD : Projet d’Aménagement et de Développement Durable
Les orientations d’aménagement ont une portée réglementaire souple. Elles s’imposent aux pétitionnaires de
permis de construire uniquement dans un rapport de compatibilité
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-
certains lieux très limités à fort enjeux, comme les espaces de jeux pour enfants ou les abris bus. Est-ce
qu’un abri bus est d’abord un support de publicité orienté pour être vu des voitures ou un lieu protégé
des vents dominants ?
La troisième interaction concerne la question de l’énergie. L’énergie la moins chère est l’énergie économisée. On
touche ici aux questions de morphologie urbaine (formes compactes notamment), de valorisation des apports
solaires. On sait que des constructions qui n’ont pourtant pas été conçues en tant que maisons solaires, mais dont
la façade principale est ensoleillée, obtiennent une amélioration de la performance énergétique de l’ordre de 15
% par rapport à des maisons du même type moins bien orientées.
La quatrième interaction est relative aux enjeux paysagers, aux enjeux d’intégration au site et à la végétation.
L’habitat traditionnel des bords de mer, par exemple, a été modelé par les données climatiques. Aussi, créer une
architecture contemporaine qui reprend les mêmes lignes de force contribue à garder son caractère au paysage.
Dès lors, l’intégration au site est aussi une approche culturelle. La question de la végétation en ville est
également importante : la végétation est –elle alibi ? ou a-t-elle une forte valeur d’usage?
Quels sont les outils disponibles en fonction des enjeux ? Au rang des premiers outils, il faut rappeler les règles
de bon sens qui peuvent être appliquées par n’importe quel concepteur avant d’envisager la mise en œuvre
d’outils sophistiqués. Les réponses aux enjeux doivent être graduées : le savoir-faire professionnel, puis des
outils d’évaluation un peu spécifiques, enfin des outils plus sophistiqués.
Les enjeux de la prise en compte du micro-climat : étude d’un site
Christian Charignon, bureau d’études Tekhné
En introduction, il faut souligner que les AEU doivent conserver leur caractère transversal, sinon il y a un risque
de dériver vers des solutions « technologisantes », peu efficaces au regard des finalités du projet.
Lorsqu’on parle de climat, on ne parle pas uniquement d’ensoleillement et de vent. Il faut aussi inclure les
précipitations, c’est à dire la thématique eau et le biotope, même s’il est urbain ; ceci inclut les questions de
biodiversité, de « paysagement », de minéralisation et de végétalisation…
La démarche est donc multi-critère et synthétique. Elle doit in fine se traduire par une forme urbaine qui sera
dépendante d’un certain nombre de considérants et qui aura nécessité des compromis. En Région PACA, par
exemple, la thématique vent et la thématique eau sont fondamentales, elles dictent les formes.
Enfin, il ne faut pas oublier que cette réflexion s’inscrit dans une dynamique globale, celle du réchauffement
climatique. Lorsqu’on réfléchit à l’urbanisme à l’horizon 30 ans, 50 ans ou 100 ans, il faut absolument tenir
compte de cette donnée. Aujourd’hui, certaines espèces ne doivent plus être plantées car les changements sont
déjà tangibles ! Dans la Région lyonnaise, par exemple, il faut désormais choisir des essences méditerranéennes.
A chaque degré de réchauffement climatique correspond une remontée d’environ 300 kms des biotopes ! Il faut
donc faire attention au peuplement végétal, notamment les strates montagnardes qui seront très touchées très vite
ou les peupliers, par exemple. Ainsi, la problématique Climat ne se résume pas à quelques phénomènes de
venturi ou à quelques considérations d’azimuts solaires, d’où la nécessité de cette approche transversale.
La question des enjeux est traitée ci-dessous à travers un exemple : l’AEU de la Tour de Salvagny. Il s’agit d’un
petit bourg de 3.500 habitants situé à l’extrémité de la communauté urbaine de Lyon. Le projet urbain consiste à
construire 150 logements. Le site est localisé sur un ubac (plein nord), à proximité de la route de Paris et entouré
par 2 petites routes campagnardes. Il possède un vallon avec une pièce humide.
I. Lecture du site et recueil de données
Les précipitations
Sur le site de la Tour de Salvagny, les eaux pluviales ruissellent, descendent hors de la communauté urbaine et
sont remontées en haut de la crête du bassin versant par une grosse pompe. Elles parcourent ensuite 35 kms pour
rejoindre la station d’épuration. En cas d’orage, on ouvre le réseau pour éviter qu’il ne cède et que l’eau sale se
déverse dans le Rhône.
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L’urbanisation d’un site, qui se traduit nécessairement par une imperméabilisation des sols, accentue les risques
de saturation du réseau. Dès lors, on remarque que la problématique climat oblige à une lecture à une échelle
beaucoup plus vaste (bassin versant) que celle du projet lui-même. Pour éviter de charger le réseau, il faut gérer
l’eau sur le site tout en travaillant, à partir du micro-climat, sur le paysage, l’espace public. La question de l’eau
nécessite d’avoir des données sur la nature du sol pour évaluer le phénomène d’infiltration : l’eau ruisselle-telle ? Pourra est-elle être stockée ?
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La végétation
Le site de la Tour de Salvagny est situé sur une arène granitique altérée avec très peu de terre végétale (30 cm). Il
ne faut dons pas envisager de planter des grands arbres de haute tige car ils ne prendront pas. D’ailleurs, un œil
un peu avisé s’aperçoit vite qu’il n’y a, sur le site, que des haies bocagères.
Le vent
Sur le site de la Tour de Salvagny, le vent souffle 2 jours sur 3, il est du nord 1 jour sur 5 et il est source de gêne
1 jour sur 10. Ces informations, combinées aux données concernant l’orientation nord du site et la proximité
d’une route, conduisent à s’interroger sur le phénomène de bruit rabattu par le vent. En acoustique, on dispose
du logiciel Mitra qui permet, à partir d’une source sonore, de visualiser la propagation de l’émergence de l’onde
acoustique. Mais, pour des projets urbains de petite taille, il est quasiment impossible financièrement de faire une
simulation du vent et a fortiori du couplage vent-bruit.
Ambiance acoustique future du site
L’ensoleillement
Pour l’ensoleillement, il existe également quelques logiciels.
II. Du recueil des données aux prescriptions urbanistiques - Exemples
Lorsque toutes les données de bruit, de vent, d’ensoleillement, d’écoulement des eaux pluviales sont recueillies,
on peut alors fournir des prescriptions à l’urbaniste comme, telles que…
… pour l’eau
Les voiries doivent participer au stockage des précipitations pour éviter d’aggraver le problème à l’aval. Pour
permettre la rétention d’eau, elles devront être parallèles aux courbes de niveaux et être aménagées avec des
fossés, des noues, etc...
… pour l’implantation du bâti
Afin d’éviter le vent et le bruit, sont préconisées une implantation nord-sud du parcellaire et un bâti en bande,
ainsi que des ouvertures vers le sud qui permettent à la fois de bénéficier du soleil, du calme et de l’abri au vent
dans les espaces extérieurs privatifs.
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III. Synthèse des préconisations et plan de composition
-
Ci-dessous un schéma fait par Tekhné, qui résume tous les points développés ci-dessus. Ce genre de
schéma est nécessaire pour hiérarchiser les très nombreuses données et en faire une synthèse.
On oppose à l’urbanisme « de papa » (image de gauche : voies en impasse, voies dans le sens de la pente qui
précipitent les eaux pluviales en aval, maisons orientées de façon quelconque …) à l’urbanisme durable (image
de droite : voies en maillage qui suivent les courbes de niveau et permettent une gestion alternative de l’eau,
constructions implantées nord-sud…).
Il est normal et nécessaire que les AEU génèrent des situations conflictuelles En effet, l’AEU est porteuse d’un
certain message environnemental alors que l’urbaniste, lui, est préoccupé par les formes urbaines, les questions
de fronts bâtis, de recul, de placettes…Il faut pouvoir croiser les différentes préoccupations. Quand le conflit
avec les urbanistes est trop important, ce sont les élus qui doivent trancher. Il y a des projets où la relation avec
l’urbaniste est très bonne. Dans le cas du projet qui nous intéresse, l’urbaniste Alberto Georgiutti, qui ne
connaissait rien à ces thématiques, les a vite intégrées. Il a commencé par mettre un principe de voiries en place.
Ensuite, il a disposé le parcellaire et puis une trame végétale. In fine, l’AEU s’est traduite par un plan de
composition et d’intention, résultat d’un gros travail de conception en amont.
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Les conditions de réalisation d’une « bonne » AEU :
Cet exemple amène à souligner l’utilité de démarrer les AEU au bon moment. Si elle intervient alors que le plan
masse est déjà fait, elle est beaucoup moins efficace. Par ailleurs, une bonne AEU se traduit par un certain
nombre d’orientations d’aménagement qui figurent dans le cahier de création de la ZAC et dans son cahier
d’exécution, puis, de façon plus précise, dans le cahier de prescriptions architecturales, paysagères et
environnementales.
La prise en compte du climat peut se traduire par des termes tels que « valoriser les apports solaires, la
ventilation naturelle, la lumière naturelle, le parti paysager, l’ensoleillement, les vents dominants et les vis à
vis ».
Pour terminer, ci-dessous, un extrait du cahier de prescriptions architecturales rédigé par Alberto Georgiutti.
L’urbaniste indique que les principales ouvertures doivent être au sud. Il prévoit cependant quelques ouvertures
au nord pour la vue. Il représente également les noues. Il s’agit par une traduction morphologique très simple de
cadrer les projets de concours, sans pour autant ligoter la créativité des architectes. A titre, d’illustrations, cidessous, les résultats d’un concours pour les premières constructions du site : les réponses sont très diverses
malgré les contraintes qui ont été données !
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Parmi les enjeux de la prise en compte du micro-climat : la question du vent
Sophie Moreau, CSTB
Le CSTB travaille depuis 35 ans sur cette question. Le CSTB est un centre scientifique et technique qui
conduit des opérations de recherche et qui accompagne les professionnels de terrain.
Travailler sur le vent en urbanisme a un impact direct sur la qualité de l’espace, donc sur la qualité d’usage de
cet espace, mais aussi, sur sa rentabilité économique, c’est à dire son succès en termes de fréquentation.
Le CSTB peut intervenir selon des modes très différents en termes de chronologie, en termes de géométrie, en
termes économiques. Il peut intervenir en conseil. En effet, en aérodynamique de l’environnement, le savoir peut
être transmis et faire l’objet d’une appropriation par les maîtres d’ouvrage. Il peut également intervenir
directement et procéder à des simulations numériques ou physiques selon la complexité du projet et l’ampleur
des interactions entre de ses différentes composantes. Il s’agit là d’une « artillerie un peu plus lourde », même si
cela reste proportionnel à l’échelle du projet. Que représente 20 000 ou 30 000 euros dans la construction d’une
tour, d’un musée, ou dans l’aménagement d’un cour urbain ?
I. Des interventions différentes en fonction du stade d’avancement du projet
Plus le CSTB est sollicité en amont, plus cela permet d’intégrer tous les enjeux et d’avoir une démarche
transversale avec d’autres intervenants. Les interventions du CSTB portent plus particulièrement sur les
possibilités offertes par l’aérodynamique (le vent), mais évidemment, les enjeux climatiques ne s’arrêtent pas là.
Aussi les interventions du CSTB peuvent être combinées à celles d’autres spécialistes dans le cadre d’une
problématique globale. Un projet d’urbanisme est un système avec des interactions permanentes et ne
s’intéresser qu’aux « effets venturi » ou à l’« effet de coin » d’un bâtiment n’a pas beaucoup d’intérêt.
Dans le cas idéal, le CSTB est consulté dès l’esquisse, dès le cahier des charges au moment de la programmation
du projet. Il peut alors contribuer pleinement à l’élaboration du projet et à son succès. Il faut cependant souligné
que ce succès n’est pas visible. Lorsque un projet est publié dans la presse spécialisée, qu’il y ait du vent ou qu’il
n’y en ait pas est indifférent ! Le travail réalisé sur le vent n’est pas très vendeur. Il faut donc, de la part du
commanditaire, une certaine forme de courage pour considérer les questions liées au vent comme importantes.
Pourtant la qualité du projet dépend aussi de ce paramètre.
Malheureusement, le CSTB est souvent consulté en « pompier » : le projet est déjà construit et la question du
vent devient tout à coup très tangible. Par exemple, au pied d’une tour de 50 étages, un distributeur de billets
n’est pas utilisé parce que les billets s’envolent. Dans ce cas, la seule réponse possible est de déplacer l’appareil ;
ce qui est assez réducteur. Il aurait fallu intervenir au préalable, dès la conception même du projet, y compris de
manière assez légère.
Il faut insister sur le fait que ce n’est pas parce que l’on met des contraintes dans un projet que les architectes
sont « ficelés » du point de vue de leur créativité, bien au contraire. Prendre en compte toutes ces problématiques
dès l’amont enrichit le projet bien plus qu’il ne le contraint.
Il y a des cas intermédiaires dans lesquels le CSTB est consulté en cours de route, très fréquemment à l’étape de
l’APS3, pour vérifier que les gros dégâts seront évités.
II. Des interventions différentes en fonction des motivations des maîtrises d’ouvrage
Le CSTB est confronté à différents types de demandes. Il y a des demandes motivées, convaincues, celles qui
font intervenir le climat comme un élément positif du projet ; mais on a aussi des demandes alibi. Dans ce cas, il
ne sera pas tenu compte de l’intervention du CSTB et ce sera de l’argent perdu pour tout le monde !
III. Une tendance actuelle positive
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APS : avant projet sommaire
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La tendance actuelle est plutôt positive. Il semble que les décideurs s’orientent de plus en plus vers une prise en
compte du climat dans la conception des projets urbains. D’une part parce qu’ils savent que la construction d’un
bâtiment à forte action aérodynamique aura un impact sur l’ambiance urbaine, d’autre part, parce que beaucoup
ont pris conscience de la nécessité d’offrir aux usagers des espaces adaptés à l’usage. En effet, on ne peut pas
promouvoir les déplacements doux (piétons, vélos), par exemple, sans s’assurer du confort des usagers.
La prise en compte du micro-climat : les apports possibles de la recherche
Intervenante : Margerie Musy, CERMA
Le CERMA est un laboratoire de recherche du CNRS qui intervient à la fois sur la formation initiale
et la recherche fondamentale et appliquée.
La question des enjeux évolue très rapidement. Il y a quelques années, les questions relatives à la prise en
considération du climat en urbanisme gênaient. Aujourd’hui, les demandes se multiplient ; des demandes parfois
difficiles à satisfaire pour le CERMA en tant qu’organisme de recherche et de formation. Certes, le CERMA
dispose de données et d’outils qui pourraient être précieux à de nombreux maîtres d’ouvrage s’ils étaient
transférables ; ce qui n’est pas encore le cas. L’approche du CERMA consiste à caractériser les espaces pour
produire des indicateurs et des outils qui seront utilisables à l’avenir. Pour cela, le fait de participer à des projets
urbains apporte énormément car l’analyse de la pratique et la confrontation des offres permettent d’ajuster les
recherches, de les adapter, de proposer des approches qui conviennent réellement aux acteurs du projet et de
progresser. Même si le CERMA arrive trop tard dans le déroulement d’un projet, il n’intervient jamais pour rien.
En effet, son intervention permet une prise de conscience par nos interlocuteurs des données fondamentales
concernant le climat qui seront, à n’en pas douter, intégrées dans les projets suivants.
En tant que chercheurs, nous ne sommes pas soumis aux mêmes timing que celui du porteur de projet. En
général, lorsque nous avons terminé une étude, le projet a changé et l’étude est obsolète. Nos outils très pointus
servent plutôt à produire des connaissances et des outils d’aide à la décision. Par exemple, nous développons des
modèles qui sont capables de prendre en compte l’effet sur un bâtiment de la végétation, de l’eau (humidité
ambiante), de la température, de l’ombre afin d’évaluer la consommation énergétique de ce bâtiment. Ces types
d’outils ont des temps de calcul tels qu’ils ne sont pas utilisables à l’heure actuelle dans le cadre d’un projet
urbain. En revanche, nous en tirons des enseignements et des règles d’aide à la conception. Actuellement, le
CERMA oriente ses recherches sur les aspects de consommation énergétique des bâtiments en fonction du
micro-climat, c'est-à-dire sur l’interface bâtiment/micro-climat, et notamment sur la ventilation naturelle et les
aspects énergétiques.
LES OUTILS A LA DISPOSITION DES URBANISTES
Les outils de lecture du site et de mesure des paramètres
Intervenant : Yannick Le Corre, Atelier Espace Temps
I. Pour une approche globale de l’ambiance micro-climatique
Des chercheurs, des physiciens travaillent sur le climat et d’autres, plus particulièrement, sur l’ensoleillement,
d’autres encore sur la question thermique ou sur le vent. De leur côté, les sociologues et les anthropologues
travaillent sur l’usage de l’espace. Dès lors, comment avoir une approche globale ? Celle-ci commence sur le
terrain, à partir de la lecture du site. Bien sûr, cette lecture ne donne qu’une vision partielle de chacune des
dimensions humaine, comportementale, architecturale, spatiale, physique, thermique, aéraulique. Or, l’aéraulique
à elle seule se décline en plusieurs paramètres : l’orientation et la vitesse du vent, la fréquence des rafales, etc. Il
est alors nécessaire de hiérarchiser la multiplicité des paramètres présents dans une ambiance perçue.
L’adaptation du milieu au climat
La construction traditionnelle a toujours été adaptée au climat. Les 2 exemples ci-dessous le montrent.
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Dans la ville du M’ Zab, l’architecture - par les matériaux, l’épaisseur des murs, les couvertures des rues, ainsi
que par l’enchevêtrement et le système de chicanes des voies - protège du soleil et du vent. Le jeu des terrasses
et leur orientation permettent de créer des zones d’ombre portée et de faire circuler la brise.
A Monpazier dans le sud du Périgord, les arcades des bastides protègent du soleil.
Dans le Grand Ouest, les orientations des constructions recherchent plutôt le sud et l’ouest pour mieux capter le
soleil. Des grandes places, comme la Place du Commerce à Nantes, ouvertes à l’ensoleillement sont aménagées
de façon très différente selon la saison.
Dans le cadre d’une AEU, l’étude d’un espace se fait forcément sur un lapse de temps relativement court. Or, il y
a des lieux dans lesquels le confort d’été peut devenir un lieu d’inconfort l’hiver, comme par exemple le cours
Cambronne à Nantes. Ce cour est exposé nord-est/sud-ouest, il est soumis aux vents dominants et comporte de
fortes zones ombragées. C’est un espace typique où les gens ont plaisir à venir s’asseoir en été, d’autant plus
qu’il est piéton et en plein centre de ville. En revanche, l’hiver, il est désert parce qu’il créé un couloir de vents
et devient très inconfortable.
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A l’inverse, on trouve des espaces tout à fait confortables en hiver parce qu’ils seront exposés plein sud, comme
l’escalier du théâtre Graslin, alors que l’été, le rayonnement rend le lieu très inconfortable.
La temporalité saisonnière est également une dimension majeure parce qu’elle transforme les espaces : place
déserte que l’on traverse en diagonale en hiver, place que l’on commence à investir au printemps, place couverte
de terrasses en été. Un autre paramètre réside dans l’instabilité des phénomènes journaliers. La fréquentation des
lieux varie dans la journée en fonction des évolutions climatiques soudaines et des temporalités comme l’arrivée
au travail ou l’ouverture d’un magasin...
La relativité de la perception des ambiances
Concernant la hiérarchie des paramètres, on constate que dans le grand-ouest, le rayonnement solaire prime sur
la température extérieure, c'est-à-dire que si la température est de 10 degrés, en janvier ou février, mais le
rayonnement suffisamment puissant et le vent faible, les espaces publics se couvrent de monde. En effet, le
rayonnement solaire amène un réel confort, malgré la température extérieure. A l’inverse, on peut trouver des
températures relativement élevées (20-22 degrés) au mois de septembre, mais avec un vent de nord relativement
fort qui rafraîchit fortement l’air et amène les gens à se couvrir.
L’AEU permet d’étudier les données climatiques, spatiales, topographiques, architecturales et de redécouvrir le
milieu. Il s’agit d’une véritable pédagogie du projet qui servira ensuite dans la phase de mise en œuvre et dans la
phase réglementaire. Le fait, pour des élus, de porter ce nouveau regard fait qu’ils s’emparent de cette démarche
et la conduisent jusqu’à sa traduction réglementaire.
II . Interprétation des informations en termes d’enjeux
Les ambiances sont extrêmement dynamiques. Cette dynamique nécessite la mise en place de protocoles pour
l’observation et la mesure des phénomènes.
Sont présentées ci-dessous les investigations nécessaires à une première caractérisation de site.
Les données de Météo France
Obtenir les données de Météo France est relativement simple, notamment via Internet. On obtient ainsi des
données moyennées sur plusieurs années, sur une année, sur un mois, voire à la journée, telles que des données
de température, de précipitations, de vent, d’ensoleillement...
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On trouve par exemple des données sur :
- les précipitations ; ce qui permet de calculer les volumes d’eau de ruissellement en régime d’orage et
d’imaginer des solutions adaptées au site pour traiter les eaux pluviales ;
- le vent ; ce qui permet, en fonction d’un tableau de fréquence cumulée par mois, de réaliser des roses
des vents pour définir l’orientation des vents dominants aux différents moments de l’année et d’en tenir
compte dans la conception des aménagements ;
- l’ensoleillement (en rayonnement solaire) ; ce qui permet de déterminer le potentiel d’énergie solaire
reçue sur un site en vue d’y adapter des panneaux solaires.
A noter : il est important de définir les secteurs de vent dominants combinés aux apports solaires passifs pour
concevoir la forme urbaine et bien orienter les constructions.
Les données de Météo France permettent de faire ce premier cadrage.
Lecture du site et indicateurs locaux
Il est souvent nécessaire d’effectuer un premier « recalage » de ces données, à partir de la lecture du site car les
données Météo France sont associées à un secteur dégagé alors que l’espace de projet est influencé par la
topographie locale et l’urbanisation existante. Sur la commune de Ste Maur de Touraine, par exemple (schéma
ci-dessous), on s’aperçoit que le talweg, situé à proximité d’un bourg véhicule des vents de nord-est.
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Les données recueillies auprès de Météo France doivent être approfondies selon la problématique la plus
évidente (vent, soleil, eau …). Parmi les indicateurs locaux visibles sur le site, on peut citer, par exemple, des
haies brise-vent et leur orientation, des éléments d’architecture, de construction, la toponymie du site et, surtout,
le vécu des habitants.
Mesures in situ
La prise de mesures in situ sur le territoire permet une lecture beaucoup plus fine des caractéristiques climatiques
que les données Météo France.
Il est possible d’utiliser un matériel portable ou d’installer une micro station météo. Le Testo 400, par exemple,
est une petite sonde portative qui permet de mesurer simultanément l’humidité de l’air, la vitesse du vent et la
température. Une micro station météo donne des informations plus complète mais elle doit rester au moins un
mois ou deux sur le site.
Toute prise de mesures demande la mise en place d’un protocole. Faire une mesure d’une place, par exemple,
nécessite de faire un calepinage du lieu car une place est confrontée à de nombreux effets, notamment
aérauliques. Les mesures pourront ensuite faire l’objet d’une cartographie qui donnera des éléments de
température, de vent et éventuellement d’inconfort climatique.
Ensoleillement
Poser la question de l’ensoleillement en urbanisme revient à se demander comment capter le soleil au niveau de
l’habitat, donc comment éviter les ombres portées et les masques dans l’implantation des constructions. Le bon
sens, bien sûr, va permettre de nous dire - ne serait ce que par l’observation - ce que va être une ombre portée.
Sur ce sujet, des outils relativement simples ont été élaborés, notamment par le CERMA. Ils permettent, à partir
de la latitude et de l’azimut, suivant les inclinaisons du soleil, à travers les solstices et les équinoxes, de faire des
courbes pour voir la hauteur du soleil par saison et par journée, suivant l’heure. Il existe différents outils.
Le Gnomon
Il permet de reporter, par un graphique et une règle de transcription, le rayonnement solaire. Il calcule ainsi
l’ombre portée sur le sol.
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Le Girasol
Il a la même utilité que le Gnomon mais permet de travailler à différentes latitudes et s’appliquent donc à tous les
lieux de la Terre.
L’Héliodon,
On le trouve sur différents logiciels (Autocadd, par exemple), il permet de mettre en évidence des ombres portées
et des masques, comme le Gnomon et le Girasol mais sous forme informatique.
Le vent
En ce qui concerne les règles simples d’aérodynamique, le CSTB a réalisé un cahier pour montrer des effets de pieds
d’immeubles, des effets de venturi, des effets de barres, etc. Des schémas montrent, d’une manière très pédagogique,
les effets de canalisation ou d’accélération du vent (par exemple, canalisation entre des immeubles et accélération à
l’endroit d’un « pincement »).
Comme illustration, il suffit de regarder la simulation aéraulique ci-dessous de la Place du Commerce, à Nantes, pour
s’apercevoir que sur un espace relativement réduit, à partir d’un vent de 5 mètres par seconde, c’est à dire à la limite
de l’inconfort, certaines zones sont à vitesse complètement nulle et d’autres sont soumises à une accélération
extrêmement importante … Cela montre l’incidence de la forme urbaine sur le vent.
16
–
L’observation des usages
Il s’agit ici de comprendre pourquoi et comment un lieu est occupé ou sur-occupé à certains moments et comment il
devient désert à d’autres. En milieu urbain, cet exercice est sans doute moins complexe que dans un secteur rural.
Cependant, même en milieu rural, les habitudes de vie, à travers les places de marché, à travers les habitudes de
consommation des gens, à travers les ambiances qui peuvent être tout à fait confidentielles, en centre bourg, ou
complètement industrielles, à l’extérieur, donnent des repères.
Observer les usages conduit aussi à tirer des principes organisateurs. On s’aperçoit, par exemple, que les lieux où l’on
trouve des ambiances assez confidentielles et intimistes sont des lieux plutôt restreints, plutôt fermés, fortement
végétalisés, à l’ombre, alors que les lieux d’animation urbaine sont des lieux très ouverts, des places à dominante
minérale. Certains autres lieux, qui sont des lieux de détente et de contemplation, bénéficient de perspectives
importantes, de la présence de l’eau… Ces principes organisateurs, dégagés grâce à l’observation, sont applicables à
un projet.
L’observation des usages doit être faite à travers un protocole qui combine 2 modes d’exploration : des interventions
ponctuelles et des interventions sur la durée, en fonction des évènements climatiques et des moments. Le croisement
de ces deux types d’observation donne une idée assez précise de l’usage de l’espace.
Les outils de simulation
Une fois toutes ces lectures faites, il est éventuellement possible de recourir à la simulation. La simulation aéraulique
requiert des compétences et des outils assez importants. Les outils de simulation solaire sont plus abordables : le
logiciel Solene qui simule l’ensoleillement au moment des solstices et des équinoxes, permet de visualiser les ombres
portées et, ainsi, de redéfinir des densités urbaines par rapport à ces ombres portées. Cela conduit à dessiner un plan
de composition urbaine.
Synthèse sur un site : l’exemple d’un lotissement en Vendée
Un lotissement à côté de La Roche-sur-Yon a donné lieur à un plan de composition sur lequel la voierie épouse les
courbes topographiques. La simulation solaire a permis de valider et de vérifier les éloignements entre les
constructions, la largeur des rues et des espaces publics. La topographie, par rapport aux vents dominants, a nécessité
la conception d’une haie écran qui sera doublée d’une noue drainante.
La simulation solaire, au travers une analyse des ombres portées, se traduit ensuite, sur le plan réglementaire, par la
définition des zones inconstructibles et des règles d’implantation du bâti (accroches des façades à la voie…).
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Les outils et leur combinaison dans la conception d’un projet urbain
Francis Miguet, CERMA
Cette présentation est basée sur des éléments concrets qui illustrent la manière de mettre en place une méthodologie
d’étude sur un site urbain complexe, de grande envergure. L’exemple développé ci-dessous est celui du projet
Malakoff - Pré Gauchet.
I. Méthodologie
Il s’agissait d’effectuer une analyse bioclimatique globale et de mettre en place des stratégies énergétiques sur un
territoire relativement vaste : Le GPV Malakoff – Pré Gauchet. Ceci a fait l’objet d’un contrat de recherche et de
développement entre Nantes Métropole et la Fédération de recherche CNRS.
Pour les études, 2 partenaires principaux ont travaillé :
- le CERMA de l’Ecole d’Architecture de Nantes;
- l’Ecole des Mines de Nantes, département « Systèmes énergétiques et environnement ».
De nombreuses réunions ont eu lieu pour recueillir les données nécessaires. Au départ, les échanges étaient difficiles
car les interlocuteurs étaient de sensibilité assez différente. Au fil du temps (plusieurs années), les échanges sont
devenus très constructifs.
Objectifs et tâches assignés au CERMA
De 2004 à 2005
La première tâche a consisté à reconstituer le site de Malakoff en 3 dimensions. Nous disposions pour cela
d’informations éparses qu’il fallait rassembler.
La deuxième tâche était d’effectuer une analyse bioclimatique mettant en jeu les aspects solaires (la lumière
naturelle, les énergies solaires, le degré de captation des différentes façades), les aspects aérodynamiques, les aspects
acoustiques, le site de Malakoff étant entouré d’une voie de chemin de fer qui créée quelques nuisances sonores – et
du boulevard de Saarbruck qui draine environ 40.000 véhicules par jour, donc extrêmement bruyant.
La troisième tâche consistait à croiser les données pour déterminer des zones pouvant convenir à tel ou tel type
d’aménagement. Il s’agissait, par exemple, d’étudier simultanément l’ensoleillement et le vent ou l’ensoleillement et
les problèmes acoustiques. La question posée était alors de savoir comment croiser des données de nature différente.
Enfin, la quatrième tâche était d’analyser au regard de l’environnement climatique des propositions d’urbanisation en
effectuant des simulations.
Depuis février 2006
Nantes Métropole a, de nouveau, contacté le CERMA pour effectuer les évaluations des différents projets
d’aménagement, îlot par îlot, et examiner leurs interactions.
Constitution de la maquette numérique
La constitution de la maquette numérique posait un immense problème car celle-ci devait pouvoir servir à des
simulations solaires, lumineuses et aérodynamiques. Elle s’est d’ailleurs avérée impossible à réaliser. Autrement dit,
il fallait réaliser quasiment autant de modèles que de types de simulations. En effet, en termes de communication, par
exemple, les modèles doivent être détaillés pour pouvoir être visualiser : il faut pouvoir retrouver l’allure des îlots,
des bâtiments. En revanche pour la simulation solaire et pour l’éclairage naturel, les modèles sont plus simples. Ils le
sont encore plus pour la simulation aérodynamique.
Logiciels utilisés
Les codes et les produits qui ont été utilisés pour effectuer ces diverses simulations sont :
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- pour le soleil, Solene, qui est un logiciel développé par le CERMA qui permet d’effectuer les simulations de type
solaire, lumière, etc.
- pour le vent, Fluent, qui est un code commercial, de mécanique des fluides, qui permet d’effectuer des
simulations aérodynamiques. Est utilisée également la rose des vents locale, c'est-à-dire l’analyse des
principales occurrences de vent, à savoir à Nantes, ouest-sud-ouest et est-nord-est pour les 2/3
du temps.
- pour le bruit, un logiciel commercial qui calcule la propagation du bruit.
En ce qui concerne le bruit, l’étude est extrêmement difficile, non pas sur le plan de la propagation mais
davantage au niveau des sources. Comment choisir parmi les sources de bruits urbains ? Il faut choisir au
départ si c’est un bruit d’impact, un bruit de fond…
Indicateurs étudiés
Le problème, en termes de prise en compte de l’environnement dans un projet urbain est qu’il n’existe quasiment
aucun critère quantitatif permettant d’effectuer des évaluations. Il a fallu trouver une méthodologie.
Le CERMA s’est intéressé à favoriser le cadre de vie et le confort de l’usager et à éviter les surconsommations
énergétiques. Des indicateurs ont été définis dans ce sens avec toutes les difficultés que cela représente. Certains
indicateurs, notamment relatifs au confort thermique, sont différents, voire contradictoires selon les saisons.
Une fois les indicateurs bioclimatiques définis, nous avons a pu effectuer des évaluations de ces indicateurs à
l’échelle de l’ensemble du site de Malakoff et à l’échelle des différents projets, la difficulté étant celle de
l’interprétation : comment relier précisément un indicateur à une disposition urbaine particulière ?
Exploitation des indicateurs
L’ensoleillement dépend de la densité, de la compacité des bâtiments et de l’orientation des façades : une façade sud
ou une façade ouest se comporte de manière très différente au fil des saisons.
L’analyse doit se faire en 2 parties : hiver/mi-saison et été.
En hiver, on cherche à réduire les déperditions, on s’intéresse donc à la surface d’échanges, à la compacité par
exemple. On favorise les apports solaires, en fonction de l’orientation du bâtiment, de la présence ou non de masque
en vis à vis. On intègre éventuellement des dispositifs de récupération solaire de type thermique ou électrique.
En été, le problème est tout autre, dans la mesure où il faut, au contraire, limiter les apports solaires qui sont
problématiques, notamment dans les espaces de bureau. Il s’agit donc de limiter les surfaces d’échanges, d’étudier les
orientations, la porosité : est-ce que l’appartement est traversant ou non ? est ce qu’il y a possibilité de ventilation ?
Enfin, il s’agit aussi d’exploiter l’énergie solaire.
* La densité
La densité - c'est-à-dire la mesure du taux d’occupation de l’espace - met en évidence la consommation de l’espace,
mais rejaillit également sur d’autres paramètres : ainsi, une forte densité entraînera une économie en termes de
réseaux de distribution et aura un impact sur les îlots de chaleur.
* La compacité
Cet indicateur influe sur l’intensité des échanges entre l’intérieur et l’extérieur des bâtiments. On s’aperçoit que la
forme du bâtiment a une importance, selon qu’il est allongé ou, au contraire, ramassé sur lui-même, haut ou bas… La
compacité est un indicateur très important car il traduit directement les déperditions thermiques ou bien, au contraire,
les apports solaires venant de l’extérieur.
La compacité est en général décrite pour des bâtiments isolés. Le CERMA l’a étendu à la notion urbaine en
travaillant avec des surfaces de façade cumulées et en tenant compte des mitoyennetés (les façades mitoyennes ne
sont pas en contact avec l’extérieur ce qui est favorable sur le plan thermique).
A Malakoff, au départ, la compacité était de 0.66, représentant des bâtiments relativement compacts (grand nombre
d’étages – jusqu’à 17 - et emprise carrée des tours).
* Les orientations sud et ouest,
L’orientation sud peut être considérée comme favorable dans la mesure où elle a des potentialités de captage solaire.
Elle permet de réchauffer l’intérieur du bâtiment. On cherche donc à la maximiser en hiver et à la mi-saison et à la
minimiser en été. C’est assez simple sous nos latitudes car le soleil, au mois de juin, est extrêmement vertical.
Autrement dit, un simple débord de toit, un simple balcon, une simple casquette de petite dimension permet une
protection efficace.
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A l’inverse, la façade ouest présente des apports solaires maximaux durant la saison chaude et créent des risques de
surchauffe très importants.
* La performance vis à vis des masques.
Elle repose sur l’évaluation d’un paramètre en présence et en absence de masque. Ceci permet de quantifier l’impact
qu’a l’environnement urbain sur tel ou tel paramètre (ensoleillement, éclairement naturel dû à la voûte céleste,
apports solaires, etc). C’est l’originalité de la démarche conduite par le CERMA, de venir superposer, directement sur
le modèle 3D du projet urbain, les résultats des simulations et de donner à lire clairement ces résultats.
* Le potentiel d’éclairement naturel
Ce potentiel décrit la quantité de ciel que l’on peut voir depuis un point donné. Cet indice est indépendant de
l’orientation (il n’y a pas d’azimut particulier). En revanche, il dépend de la présence de masques. On cherche à le
maximiser pour le confort visuel et pour éviter des consommations électriques trop importantes.
Dans un lieu concave, on ne peut pas voir, mathématiquement parlant, plus de 25% de la voûte céleste, ce qui signifie
que la disponibilité en lumière naturelle est réduite d’autant. Une fenêtre située sur une de ces différentes façades
recevra nettement moins de lumière naturelle que ne pourrait le faire une fenêtre de toit, un sky-dôme, qui s’ouvrirait
sur la totalité de la voûte céleste. Il faut cependant prendre des précautions pour utiliser cet indice ; précautions liées
au confort visuel, aux risques d’éblouissement et aux risques de surchauffe. On peut également le pondérer avec un
coefficient de réflexion de la lumière par les surfaces proches. Le logiciel développé par le CERMA permet de
prendre en compte ces facteurs.
Croisement des données
Soleil et vent
Une cartographie des durées d’ensoleillement cumulées sur une journée du site de Malakoff met en évidence des
zones plus sombres montrant un ensoleillement très faible.
Des simulations aérodynamiques sur l’ensemble du site, pour les 2 occurrences principales de vent à Nantes sot
réalisées : une orientation ouest et une orientation est. Les simulations ne sont pas simples, car il faut prendre en
considération l’altération du vent en fonction de la rugosité.
La cartographie finale croisent les 2 paramètres précédemment étudiés : le soleil et le vent. Ainsi, sont mises en
évidence des zones protégées, ou au contraire, des zones largement exposées non seulement aux flux aérodynamiques
mais également à l’ombre. Cela permet, par exemple, d’éviter de placer un jardin d’enfants dans une zone à l’ombre
et soumise au vent. On pourra en revanche y prévoir des parkings. Ces simulations permettent de donner des
orientations sur la manière d’aménager l’espace.
II . Evaluation de différents projets d’aménagement du site du Pré-Gauchet
Le CERMA avait pour mission, sur un espace plus restreint cette fois, d’évaluer l’interaction entre les différents
projets d’aménagement proposés. Les indicateurs d’ensoleillement, d’éclairement et d’aérodynamique ont permis de
mettre en évidence des dysfonctionnements concernant certaines propositions.
Evaluation du point de vue de l’ensoleillement
Dans un premier temps, se pose, le problème du niveau de détails que doit utiliser la modélisation.
Au niveau d’un projet d’aménagement, le CERMA a choisi de respecter la volumétrie générale des propositions sans
pour autant traiter les débords, les balcons, qui n’apportaient pas des éléments sensibles sur le plan de la
compréhension générale du site. Cependant, pour étudier un bâtiment en particulier, il aurait fallu y apposer les
balcons, puisque ceux-ci ont eu une influence sur la quantité de watts par m2 reçus par cette façade. Ceci montre que
la modélisation est vraiment reliée de très près au type d’analyses à effectuer.
Le cumul de l’ensoleillement sur une journée est une information intéressante. La durée d’ensoleillement s’étale de
zéro à une douzaine d’heures (zéro à 8 heures environ en décembre et de zéro à 14 heures en juin). Il est ainsi
possible de cartographier sur le sol des zones plus ou moins sombres recevant peu d’ensoleillement.
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Il est également intéressant, pour une meilleure visualisation et une meilleure analyse, de travailler par courbes d’iso
valeur. Il s’agit, par exemple, de cartographier toutes les zones qui ne bénéficieront que de moins de 2 heures
d’ensoleillement par jour. Au mois de décembre, cela signifie que ces zones seront sombres et humides et qu’elles
nécessiteront un important travail d’entretien des façades.
On peut faire la même chose pour le mois de juin et mettre en évidence des zones qui vont bénéficier de plus de 8
heures d’ensoleillement, donc des zones quasiment éclairées toute la journée. Pour un piéton, ce niveau
d’ensoleillement ne pose pas de problèmes particuliers, mais, en revanche, le stationnement des voitures posera
problème.
Une cartographie de l’ensoleillement met en évidence que dans la partie proche des commerces en front du mail
certaines zones ne sont jamais ensoleillées et, à l’inverse, que dans la partie centrale du mail, des zones sont très
fortement ensoleillées. Ces informations donnent bien évidemment des idées sur les modes d’aménagement du mail.
On constate également que la cour d’un collège sera très ensoleillée toute la journée et engendrera des surchauffes
accentuées par le sol minéral (phénomène de réflexion). Ceci implique que les façades en front de cour devront être
traitées de manière à éviter de recourir à la climatisation, etc.
Evaluation de la performance vis-à-vis des masques
Sont ainsi mises en évidence des zones qui n’atteignent que 20 ou 30% du maximum théorique d’ensoleillement.
Ceci ne veut pas dire que le lieu est invivable, mais que l’on a intérêt à y favoriser le coefficient de réflexion des
façades. Si ces derniers sont suffisamment importants, on peut récupérer une quantité de lumière non négligeable.
Evaluation aérodynamique
Les simulations aérodynamiques peuvent être réalisées à n’importe quel niveau. Celles présentées ci-dessus sont
effectuées à hauteur piéton, donc de l’usager de l’espace public. Elle montre clairement que l’on a 2 zones avec des
effets de coin, lorsque le vent est de sud-ouest. Cela nécessite de s’intéresser à l’usage et à la manière dont ces parties
seront traitées.
Evaluation en fonction des orientations sud et ouest des façades
Une quantification des orientations de façades est réalisée grâce à une interface entre le logiciel Solen et un simple
tableau Excel. Les valeurs se situent entre 20-25% et on note immédiatement que 2 d’entre eux présentent un
pourcentage de façade ouest important et donc des risques de surchauffe durant l’été. Ceci donne une indication
importante pour l’architecte, à savoir qu’il y a nécessité de traiter les façades en conséquence.
Sur une cartographie de l’ensoleillement pour un bâtiment avec une partie de façade importante à l’ouest, durant le
mois de juin, on s’aperçoit que, dans toutes les parties hautes, l’ensoleillement est extrêmement important. De plus,
on remarque que, dans les parties supérieures, le bâtiment est extrêmement vitré donc recueillera une très grande
quantité de watts par m2 durant l’été. Il faudra donc prendre des précautions pour éviter le recours à la climatisation.
A contrario, la façade opposée, compte tenu de la présence d’un gabarit (l’îlot qui n’a pas encore été attribué) souffre
d’un déficit d’ensoleillement. De la même façon, on peut s’interroger sur le renfoncement qui n’est pas ensoleillé et
qui va peu bénéficier de la lumière naturelle. De septembre à mars, durant toute la saison d’hiver, une des façades ne
reçoit jamais le soleil.
Sur un bâtiment, a été ainsi mise en évidence une zone qui bénéficie d’un ensoleillement maximal. Or, une
simulation aérodynamique montre que cette partie est soumise à des effets de coins, à la hauteur piéton, ce qui
signifie donc des risques d’inconfort. Or, le projet prévoit une brasserie dans cette zone. Il faudra donc, d’une part,
modifier le projet de façon à pouvoir protéger les locaux de l’ensoleillement maximal et, d’autre part, faire écran aux
vents pour pouvoir installer une terrasse.
Les outils du CSTB pour mesurer le vent
Sophie Moreau, CSTB
Quels sont les outils de prise en compte du micro-climat dans la conception d’un projet urbain ? Même si le
CSTB est également organisme de recherche, son métier est plus axé sur l’application que celui du CERMA. Les
outils utilisés sont variables et dépendent de l’échelle des projets et/ou du moment auquel le CSTB intervient.
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Les effets mécaniques du vent
Il existe une description mécanique des effets du vent. L’échelle de Beaufort associe à une vitesse de vent des
effets mécaniques que l’on peut ressentir et que l’on peut voir : les feuilles qui bougent, les vagues qui
commencent à s’agiter, etc…
Ci-dessus, une vitesse moyenne de 2,4 mètres seconde, ce qui correspond à force 2 selon l’échelle de Beaufort .
Ci-dessus, force 3 et 4, 4 mètres par seconde, soit 12 km/heure, cela paraît peu, mais dans la pratique, il faut
commencer par se rhabiller et on ne peut plus lire un journal.
Ci-dessus : force 4. Vitesse moyenne de vent entre 20 et 28 km/heure. On considère communément qu’il n’y a
pas de vent. Les jambes du pantalon flottent, tout le monde remonte son col et met sa capuche.
Ci-dessus, le vent souffle entre 29 et 38 km/heure. Les effets mécaniques sont plus forts, le mobilier ne tient
plus, on a beaucoup de peine à tenir un parapluie.
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Là force 6, on n’excède pas encore les 50 km/heure de vent, pourtant les gens ont du mal à marcher, sans être
bousculés.
Ci-dessus force 7, entre 50 et 61 km/heure de vent, là plus rien n’est possible.
A force 8, entre 62 et 74 km/heure, les gens sont obligés de prendre une posture particulière, pour tenir debout.
C’est la vitesse de vent à partir de laquelle un homme peut être mis à terre. En effet, un homme est capable de
contrebalancer une telle vitesse en prenant appui sur le vent. Cependant, dans un environnement urbain, il y a des
effets d’interaction entre les bâtiments et des effets de masque. Ainsi, voisinent des zones peu exposées et des
zones très ventées : cette différence peut mettre un homme à terre !
La méthode d’intervention du CSTB
Le CSTB intervient à tous les stades d’un projet urbain : de l’avant projet, au projet, jusqu’à la validation en
vraie grandeur et parfois, aux actions correctives.
Première étape : connaître les données du site
Connaître les données d’un site revient à faire un « recalage » climatique des données de la météo nationale qui
ne sont représentatives que de ce qui se passe en haut du mât de la station météo, c’est à dire généralement sur
l’aéroport le plus proche. Or, ce qui se passe sur le site est nécessairement différent. Il y a des méthodes de calcul
qui permettent de passer du mât météorologique, au site du projet urbain.
U météo
U site
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Le CSTB dispose ensuite d’outils de simulation en fonction des caractéristiques du site (rugosité urbaine, effets
topographiques associés, etc…) et peut recourir à des mesures in situ. L’intervention devient alors plus lourde et
plus coûteuse puisqu’elle nécessite des campagnes de mesures assez longues. De telles campagnes s’imposent,
par exemple, quand le CSTB travaille sur un ouvrage d’art pour lequel les effets de vent ne relèvent pas du
confort, mais de la sécurité. Est alors mis en place ce type de procédure pendant plusieurs mois, voire plusieurs
années.
Deuxième étape : comprendre les mécanismes qui entrent en jeu
L’étape suivante consiste à essayer de comprendre les mécanismes en analysant les phénomènes
aérodynamiques. Là entrent en compte des règles simples. C’est à dire que l’on sait, pour l’avoir expérimenté sur
des cas d’école et l’avoir vérifié de nombreuses fois in situ, ce qui se passe sur un bâtiment en fonction de ses
caractéristiques architecturales et en fonction de son implantation dans le plan masse, sa position dans la rugosité
urbaine, etc.
A partir des plans, on peut déjà définir quels sont les risques associés au projet. Ces risques sont, par exemple,
des effets de coins importants, c’est à dire des accélérations locales au pied du bâtiment parce qu’un bâtiment est
haut et large et qu’il dépasse de la rugosité moyenne, c’est à dire la hauteur moyenne des bâtiments qui
l’environnent.
L’application de ces règles permet au CSTB d’évaluer le risque au préalable, avant même d’utiliser un outil de
simulation. Ainsi, lorsque le CSTB intervient en amont d’un projet, il peut, dès la phase d’esquisse, orienter les
concepteurs vers une solution plus adaptée. Ensuite, lorsque le problème devient complexe - par exemple lorsque
le bâtiment est inscrit dans un plan masse assez compliqué -, il est possible de mettre en place des outils de
simulation.
Troisième étape : quantifier les phénomènes aérodynamiques, simulations physiques et numériques
Signal Turbulent
La soufflerie atmosphérique
Ci-dessus l’enregistrement temporel d’un signal de vent. Ceci illustre le fait que reproduire le vent, que ce soit à
échelle réelle, ou à échelle réduite, est quelque chose de complexe puisque ce n’est pas un signal régulier.
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Le CSTB réalise différents types de simulations, mais, plus particulièrement, l’expérimentation physique
notamment grâce à une soufflerie dite atmosphérique. Il s’agit d’une soufflerie qui recrée du vent avec une
couche limite turbulente, c’est à dire qui modifie l’écoulement en fonction de la rugosité du sol. Ceci donne des
caractéristiques de vent tout à fait représentatives de la réalité (agitations turbulentes, accroissements de la
vitesse avec l’altitude, …) qui permettent de recréer le phénomène, à échelle réduite, sur maquette, du 500ème au
50ème.
Ci-dessus 2 projets : l’aménagement Seine-Arche et le Musée des Arts Premiers.
En fond de maquette, figurent toutes les formes qui permettent de modeler le vent pour lui donner les bonnes
caractéristiques afin de reproduire très précisément le phénomène à l’échelle réduite, là en l’occurrence au
200ème.
Une fois des champs de vitesse mesurés aux différents endroits étudiés dans la soufflerie, il faut corréler ces
données à la notion d’inconfort. L’inconfort est évalué en déterminant un seuil de vitesse moyenne associé à une
turbulence qui sera la vitesse au delà de laquelle on considère qu’il est intolérable d’utiliser cet espace.
En effet, l’utilisation d’un espace associée à une vitesse de vent n’est pas universelle. Ainsi, il est tout à fait
acceptable qu’il y ait du vent dans une rue principalement utilisée par les voitures. On est plus d’exigent dans
une rue piétonne, plus encore, dans un square de jeux pour les enfants ou à la terrasse d’un restaurant, lieux pour
lesquels l’exigence est extrême. C’est pourquoi est associée à cette vitesse de vent une fréquence de
dépassement, c’est à dire un niveau d’apparition sur une période donnée.
La soufflerie climatique Jules Verne
Dès lors que l’on s’intéresse à d’autres paramètres du climat, comme par exemple, la pluie, la poussière ou la
neige, on ne sait plus le faire à échelle réduite : il n’est pas possible de reproduire une goutte d’eau au 100ème ! Le
CSTB dispose donc d’outils qui permettent de reproduire les choses en vraie grandeur. Il existe au CSTB à
Nantes une grande soufflerie, la soufflerie climatique Jules Verne, dans laquelle il est possible de faire entrer
des objets en vraie grandeur. Cette grande soufflerie qui permet de simuler le chaud, le froid, la pluie, la neige et
le vent, permet de travailler sur la perception du confort au vent. Par exemple, on constate que les indices qui
sont auto-déclarés comme pertinents en espace extérieur (température, rayonnement solaire…), en réalité, sont
des indices qui se saturent très vite, dès qu’il y a du vent. Le vent prédomine totalement sur la notion du confort
en éludant tout le reste (rayonnement, température, humidité, etc).
Ci-dessus des simulations physiques réalisées dans le soufflerie Jules Verne : elles combinent les différents
paramètres du climat : neige, pluie, givre, brouillard…
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La simulation numérique
La simulation numérique est, elle aussi, complexe. Non seulement, il faut créer un modèle 3D mais aussi créer
physiquement le phénomène. Ainsi, la vitesse du vent varie avec la hauteur, la rugosité du sol et la topographie
du site. La turbulence est essentiellement fonction de la rugosité. Toutes ces particularités devront être
reproduites pour étudier correctement les mécanismes induits dans un projet urbain.
Outre le code Fluent évoqué plus haut, des outils un peu plus poussés sont développés sur le couplage des
phénomènes aérodynamiques et des phénomènes thermiques qui permettent de donner une image à un instant
donné du confort ressenti dans un espace urbain.
Exemples d’intervention du CSTB
Les trois projets décrits ci-dessous illustrent les interventions du CSTB à différentes phases du projet.
La Ville des Ulis en région parisienne
Les Ulis est une ville dite nouvelle au sens des années 70 : une dalle, un paysage entièrement minéral, un bâti
dense et haut. Au moment où a été envisagée une rénovation urbaine assez lourde de l’ensemble d’un quartier, a
émergé un important problème de vent. Le CSTB a d’abord simplement regardé la ville et essayé d’analyser de
manière théorique ce qui s’y passait. Il a examiné les bâtiments les uns après les autres, les uns avec les autres et
a identifié les problèmes. Il a ensuite confronté les résultats de cette analyse au vécu des habitants et constaté une
parfaite coïncidence entre les deux. L’équipe de maîtrise d’ouvrage et l’urbaniste ont alors compris la nécessité
de travailler sur le vent pour amener les habitants à se réapproprier leur quartier.
Le maître d’ouvrage souhaitait des solutions peu coûteuses. Le CSTB a établi des cartographies qui localisaient
les problèmes et leur ampleur. Puis, il a défini des stratégies à mettre en œuvre du point de vue de
l’aménagement urbain et paysager et a réalisé une série de petits croquis, avec des ordres de grandeur, des tailles,
des épaisseurs, des densités, des opacités, des perméabilités.
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Comment associer une haie végétale haute, avec une haie à hauteur d’homme, plus un talus ? Quelle est la
hauteur idéale du talus ? Quelle est sa profondeur ? Que faut-il planter comme essence végétale ? Quelle est la
perméabilité de ces essences végétales ? Quel brise-vent faut-il mettre autour d’un jardin d’enfants ? Quelle est
la hauteur à respecter ? Quelle est la taille des mailles ? Tout cela ne contraint pas le projet des architectes et des
urbanistes qui vont ensuite venir faire leur proposition.
Tous les petits croquis, regroupés dans un carnet, ont été donnés aux différentes équipes de maîtrise d’œuvre qui
ont concouru sur l’ensemble du quartier et le CSTB a donné son avis sur la pertinence des projets proposés, sur
les dimensionnements, sur les implantations, sur les orientations.
Le CSTB a ensuite validé sur maquette les différentes propositions en reproduisant le vent des Ulis à l’échelle de
la maquette. Il a alors pu conclure sur l’efficacité des propositions. Enfin, il a optimisé les projets avec les
architectes, en leur donnant quelques conseils, sans remettre en cause leur projet. Ci-dessous quelques images du
projet réalisé.
La ZAC de la Ville des Herbiers
Le maître d’ouvrage de cette ZAC a consulté le CSTB au moment de l’esquisse. Le CSTB l’a simplement aidé à
identifier les problèmes qui pouvaient apparaître et lui a donné quelques clés de compréhension pour les
résoudre ces problèmes avant même le début des travaux.
Le projet Seine-Arche, en cours
Les urbanistes et architectes, en charge du projet, ont donné au CSTB une cartographie de hiérarchie des
espaces, décrivant les niveaux d’exigence sur le confort à atteindre, en fonction des usages des lieux.
Le CSTB a analysé les phénomènes aérodynamiques, identifié les points particuliers, en l’occurrence la présence
d’un grand alignement, une espèce de canyon qui est un peu biais par rapport au vent dominant, et qui entraîne
un phénomène aérodynamique particulier : une espèce de vrille qui remonte le long de ce canyon et qui fait
qu’une personne au niveau du sol peut sentir le vent à l’inverse de la direction du vent dominant.
Après avoir cartographié le site, Le CSTB a proposé aux architectes des solutions, en terme de concept, avec des
dimensions associées, charge à eux de se les approprier dans le cadre de leur projet. On obtient alors des
compromis : certaines choses sont possibles, d’autres impossibles. Mais, l’intérêt de ce travail, très à l’amont, est
de pouvoir donner au concepteur des clés de compréhension qui leur permettent, sinon de traiter l’ensemble de
leur programme, tout au moins de réussir à soigner des zones particulières.
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Une fois terminé ce travail expérimental sur à peu près la moitié des terrasses, le maître d’ouvrage a confié au
CSTB, la rédaction d’un « cahier des charges aérodynamiques » pour l’ensemble de l’aménagement. A partir des
enseignements expérimentaux, le CSTB a défini ce qu’il serait pertinent de faire dans les aménagements futurs, à
l’horizon d’une ou deux décennies.
Les outils du CSTB pour mesurer l’éclairage
Michel Perraudeau du CSTB
I. Activité de la division « Eclairage » du CSTB
La division « éclairage » du CSTB traite tout ce qui concerne, d’une part, l’éclairage intérieur (éclairage
artificiel, naturel ou mixte) et, d’autre part, l’ensoleillement principalement extérieur, dans le cadre d’études
d’impact. Nous utilisons différentes méthodes : mesures sur le site, maquettes, calculs.
Le CSTB travaille sur la caractérisation des performances lumineuses des matériaux verriers et de différents
matériaux qu’on peut rencontrer dans le bâtiment ainsi que des dispositifs et systèmes d’éclairage artificiel ou
naturel (lanterneaux, conduits de lumière).
Enfin, le CSTB développe des modules de calculs, que ce soit pour ses besoins propres ou ceux des tiers.
Les outils utilisés pour étudier l’éclairage ou pour caractériser les différents systèmes sont des logiciels et des
bandes mesure spécifiques pour les luminaires et les matériaux. Le CSTB dispose également d’un ciel artificiel qui permet de reproduire des conditions de ciel couvert et de travailler sur maquette - ainsi que d’un local
expérimental, orientable qui permet de tester des dispositifs, soit de protection solaire, soit de contrôle et
régulation d’éclairage.
Le CSTB mène essentiellement des études d’impact de la construction d’un bâtiment sur un autre ou sur
plusieurs autres. Ces études d’impact concernent soit le nombre d’heures d’ensoleillement, soit les flux lumineux
ou énergétiques, appliqué principalement aux ouvertures.
Il étudie également l’ensoleillement du point de vue des dispositifs pare-soleil, afin de caractériser comment ces
dispositifs se comportent quand il n’y a pas de soleil, le but étant qu’il reste suffisamment de lumière à
l’intérieur.
Sur la partie « éclairage naturel », c'est-à-dire l’environnement lumineux intérieur, le CSTB réalise des analyses
de la répartition des éclairements et des situations d'éblouissement. Il fait pour cela une analyse complète de
l’environnement lumineux avec des calculs d’indices d’éblouissement, de façon à s’assurer que l’environnement
lumineux intérieur soit satisfaisant. Depuis quelques années, il est capable de faire un bilan annuel de l’éclairage
intérieur, en utilisant des données météo horaires ou semi horaires et en prenant en compte les protections
solaires et les caractéristiques au niveau de l’éclairage artificiel.
II. Outils d’étude de l’ensoleillement
En ce qui concerne l’étude de l’ensoleillement, en terme d’études d’impact des bâtiments les uns sur les autres,
le CSTB utilise différents outils qui ne sont pas des outils de calcul.
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Maquettes physiques
L’Héliodon
Cet outil, fabriqué par le CSTB, permet, à partir du moment où la maquette existe, de se faire une idée des
phénomènes d’ensoleillement. Avec les différents axes de rotation, il donne une vue très rapide. Cependant, pour
garder une trace, il faut prendre une photo en ayant pris soin de repérer la date et l’heure. Ceci est un peu
fastidieux.
Le diagramme solaire
Ci-dessus une maquette d’un bâtiment, (l’outil fonctionne aussi avec une maquette d’un plan masse ou d’un
quartier complet). L’intérêt est de pouvoir représenter n’importe quelles conditions de dates et d’heures, en
n’importe quel point et d’en déduire les conséquences en matière d’ensoleillement.
L’horizontoscope
Cet outil permet d’avoir une vue instantanée des heures et dates de l’ensoleillement ou de l’ombrage, sur le site.
Logiciels
Phanie, logiciel de simulation numérique en un point
* Spécificités
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L’ outil numérique principal du CSTB est le logiciel de photo-simulation Phanie. Il s’agit d’un outil qui intègre
au mieux les caractéristiques spectrales des sources lumineuses et des matériaux. Pour l’éclairage naturel, il est
basé sur des modèles de ciel. Concernant les sources artificielles, le CSTB s’appuie sur des calculs selon
différentes méthodes en fonction des caractéristiques des matériaux présents dans la scène (scène simple ou
scène complexe). L’étude peut porter sur un simple bâtiment ou sur un quartier complet.
* Utilisations
Cet outil est utilisé pour étudier l’environnement lumineux intérieur et extérieur, l’ensoleillement intérieur et
extérieur, pour dresser un bilan annuel de l'éclairage intérieur ou réaliser une mise en lumière.
Le logiciel Phanie permet également d’effectuer des comparaisons entre différentes solutions, avant et après la
mise en place d’un dispositif en un point ou sur l’ensemble d’une surface.
Ci-dessus une maison individuelle. En rose, les anciens bâtiments et en gris foncé/bleu les nouveaux. Le résultat
est exprimé directement en baisse de pourcentage de surfaces ensoleillées et en nombre d’heures correspondant.
Ceci permet d’avoir une idée très détaillée et chiffrée de l’impact de la modification de l’environnement bâti en
matière d’ensoleillement.
Le bilan annuel de l’éclairage intérieur fait la spécificité de l’outil du CSTB. Celui-ci n’utilise pas les données de
Météo France parce qu’il n’y a pas de données lumineuses. Ce bilan intègre l’occupation du local, la protection
solaire et les règles de mise en place de la protection solaire. Il intègre les caractéristiques de l’installation de
l’éclairage artificiel, en terme de puissance installée, mais également en terme de possibilités en fractionnement
ou gradation.
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Ci-dessus les résultats tels que le CSTB les fournit : une courbe de fréquence cumulée de niveaux d’éclairement
intérieur, qui permet d’avoir directement une information sur l’autonomie du local, en terme d’heures pendant
lequel l’éclairage naturel seul est suffisant et, en complément, le nombre d’heures où le recours à l’éclairage
artificiel sera nécessaire (information pour connaître la consommation due à l’éclairage artificiel). Cette analyse
sur l’année, peut se faire également en terme d’éblouissement, donc de confort visuel.
Enfin, Phanie est utilisé pour étudier le comportement des protections solaires lorsqu’il n’y a pas de soleil (entre
30% et 50% du temps) afin que celles-ci n’obscurcissent pas trop l’intérieur des bâtiments.
Applications et témoignages : la prise en compte du vent
Didier Delaunay, Société Météodyn
Créée en 2003, la société Météodyn compte 7 ingénieurs, spécialistes du vent, des spécialistes en météorologie,
un chargé de mission « urbanisme, BTP, architecture», des spécialistes de la dynamique des structures - parce
que la sécurité est un point important lorsqu’on parle de vent - et , bien sûr, des spécialistes de l’informatique.
Son 1er métier est de développer des logiciels, le deuxième est le conseil et le troisième est la formation.
Météodyn développe des logiciels automatiques de calcul du vent pour l’énergie éolienne destinés à des nonexperts. Il travaille également sur la sécurité en matière de transports, sur les lignes TGV en France, en Italie, en
Espagne et en Corée. Il réalise toute sorte d’études de sites, y compris de confort.
Le vent urbain
Comment peut-on évaluer aujourd’hui le vent urbain ? Il y a plusieurs échelles :
31
-
50 km (on peut interpréter les données Météo France car le vent est mesuré de telle façon qu’il est
représentatif de la région) ;
environ 5 km (là il faut déjà faire un calcul pour pouvoir passer du vent Météo France au vent méso) ;
500 m (l’échelle du quartier) ;
50 m (l’échelle du bâtiment pour la thermique essentiellement).
Concernant l’échelle méso, le problème est de connaître le vent incident en milieu urbain, à l’entrée du quartier.
Pour schématiser, ce vent va dépendre de la topographie, du relief et de la nature du terrain (mer, forêts…).
L’approche Météodyn
Météodyn s’est orienté vers la conception d’outils simples, qui permettent de prendre en compte les différentes
échelles du vent, l’échelle méso et l’échelle locale, et de tout intégrer - la climatologie, la topographie, la
topologie des bâtiments -. Le calcul est automatique et rapide (une journée maximum). L’approche est une
approche « métier » : le logiciel fournit donc des informations qui sont directement utilisables et propose des
entrées « métier » (météo, aérodynamique, confort…).
Ci-dessus exemple d’une production du logiciel Météodyn sur des calculs de relief.
Grande Ravine - vent d'ouest
2.00
1.80
1.60
1.40
calcul NS
mesures
1.20
1.00
0.80
-25
0
25
50
75
100
125
150
175
200
225
250
275
.
Le logiciel de Météodyn a été validé en comparant ses résultats de calcul de vent à ceux de la soufflerie
atmosphérique. Comme le montre le graphique de droite, les résultats sont quasiment identiques.
Les résultats peuvent être également des cartes de fréquence de dépassement de certain seuils, significatifs des
niveaux de confort.
2 remarques :
- Ces seuils ne sont valables qu’en France. Il y a actuellement des essais d’harmonisation à l’échelle européenne.
- Il ne faut pas oublier les questions de sécurité en matière de vent. Il faut donc aussi savoir estimer les
fréquences de dépassement des vitesses très élevées
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Exemples d’applications
Le hangar à bananes à Nantes
Ci-dessus : projet de terrasses devant le hangar à Bananes à Nantes, situé à la pointe ouest de l’île.
Classiquement, on calcule le vent dans chaque direction, puis on intègre la climatologie et on en déduit des
fréquences de dépassement des seuils d’inconfort. Avec le logiciel automatique de Météodyn, cela se fait très
rapidement. De plus, il est possible de réaliser des tests sans protection au vent et avec protection au vent.
La gare TGV St Exupéry à Lyon
La problématique du vent n’est ici plus une question de confort mais de sécurité : les gens qui sortent de cette
gare avec des chariots et des bagage pour rejoindre les parkings se retrouvent, la plupart du temps, avec un vent
de travers extrêmement fort.
Le projet « vent urbain »
Ce projet consiste à mettre ces outils à la disposition des collectivités. Météodyn souhaite proposer des produits
diffusables, d’utilisation simple, avec des modules Autocadd et Archicadd. L’architecte pourra à partir de son
outil de travail habituel, avoir une idée du confort climatique et avoir, s’il le souhaite, un accès direct au calcul
CFD, donc au calcul numérique. Ce système expert est développé à partir de la documentation disponible depuis
longtemps, donc avec une typologie de cas qui est bien connue.
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Le végétal, composante de l’ambiance climatique urbaine
Intervenant : Mickael Ripoche, Bureau d’Etudes Vu d’Ici
La question qui se pose en matière d’urbanisme est « comment travailler avec le végétal par rapport à la question
climatique ? ». On sait très bien analyser ce que l’on construit, les objets finis, mais lorsqu’on aborde le végétal,
c’est tout de suite beaucoup plus compliqué, parce que les végétaux perdent leurs feuilles l’hiver, n’ont pas
toujours la même réaction en fonction des lieux , etc…
I. Le végétal et le climat à l’échelle de l’écosystème
Le végétal en équilibre avec le climat
Au Japon, la forêt de Shirakami est une forêt climacique, c’est à dire une forêt qui a atteint un équilibre entre le
climat et son milieu. La particularité de ce site réside dans l’arrivée de vents froids qui viennent de Sibérie, qui
traversent la mer du Japon, et qui donnent des précipitations neigeuses extrêmement importantes sur la forêt. Le
seul arbre à pouvoir supporter toute cette neige, c’est un hêtre dont la particularité est d’avoir un débourrement
très tardif et des branches jeunes très flexibles, donc capables de supporter un énorme poids de neige. Cet arbre
est un véritable entonnoir : on dit que quand il pleut sur cette forêt aucune goutte ne touche le sol. Les feuilles
récupèrent l’eau, les amènent par le pétiole aux branches. De véritables rivières coulent le long des troncs, en
période de pluie. Le système racinaire, lui, fonctionne comme un diffuseur et ramène l’eau complètement au
niveau du sol, la distribue, ce qui produit des micro-climats assez particuliers, des ambiances d’humidité très
spécifiques. L’homme récupère cette eau pour les rizières. Ce système fonctionne en équilibre depuis plus de 8
siècles !
Actuellement, nous vivons de grosses modifications climatiques qui agissent fortement sur la végétation.
Comme le montrent ces recherches faites par l’INRA de Nancy, l’aire de répartition du hêtre en France régresse
jusqu’à disparaître dans les zones où poussait il y a quelques décennies. Ceci va provoquer un changement
complet de paysage.
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C’est la même chose pour le chêne vert, qui est une essence typiquement méditerranéenne. A l’horizon
2050/2100, on prévoit même sa disparition en Méditerranée et sa remontée en région parisienne.
Ces évolutions climatiques posent problème aux paysagistes car on ne plante pas un arbre pour 2 ou 3 ans. Les
paysagistes doivent donc changer leur façon de travailler : les marronniers ne peuvent déjà plus survivre !
Des essences végétales différentes selon le climat
La première chose que fait un paysagiste est un repérage des essences végétales qui donnent des indications sur
le climat. Il y a certaines plantes qui réagissent plus à l’eau, d’autres à l’ensoleillement. On peut « lire » le
climat, simplement en se promenant sur le site.
Les végétaux : éléments identitaires du paysage local
Les végétaux types que l’on trouve sur un site donnent, de facto, une identité paysagère au territoire. Il y a aussi
une influence des usages par l’homme qui plante différemment en fonction du climat.
Ci-dessus une vue du paysage dans la Vallée du Rhône. De véritables brise-vent végétaux structurent de manière
très linéaire et séquentielle le paysage et lui donne un caractère très anthropique. Les rideaux de cyprès jouent le
rôle de brise-vent et de pare-soleil à proximité des habitations.
Les arbres sont déformés par le vent. Aussi lorsque l’on réfléchit au choix des arbres comme brise vent, il faut
aussi prévoir ces déformations au-delà d’une certaine quantité de vent.
II. Le végétal en ville
Influence du végétal sur le microclimat
Dans des climats très chauds, on trouve de véritables imbrications entre l’habitat vernaculaire et le végétal.
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Le meilleur exemple ce sont les jardins du Palais de l’Alhambra à Grenade, où toute la composition des espaces
extérieurs est faite pour obtenir un micro climat qui rende l’espace agréable. L’association de l’eau et de l’arbre
créée de l’ombre, de l’humidité et donc des phénomènes de rafraîchissement d’air. On voit déjà, en germe, dans
ces jardins, toutes les solutions utilisables aujourd’hui pour se prémunir de la chaleur et du soleil.
L’arbre : un système complexe
L’arbre est vraiment une « machine » à brasser de l’air. Il s’agit d’un système qui fonctionne grâce à la
photosynthèse : la molécule d’eau est « cassée » par l’énergie lumineuse grâce à la chlorophylle. Le déchet
produit par l’arbre est l’oxygène. Les arbres utilisent le dioxyde de carbone pour faire des molécules organiques
et pour construire des branches, des feuilles et tous les éléments qui font une plante. C’est exactement la
démarche inverse de celle des êtres humains qui utilisent l’énergie fossile des plantes d’autrefois (pétrole) et
produisent du dioxyde de carbone par combustion.
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L’arbre transpire. Il utilise et rejette énormément d’eau, d’où une hausse de l’humidité dans l’air. Ainsi, la
végétation agit directement sur le micro-climat par la création de brises. En fait, elle provoque un phénomène de
rafraîchissement d’air au niveau du feuillage qui créé des effets de convection. Un parc boisé peut entraîner une
brise de 12 km/heure.
Les arbres fixent le gaz carbonique : un hêtre de 100 ans, de 25 mètres de haut, avec une couronne de 15 m de
diamètre peut fixer du gaz carbonique produit par 800 appartements.
Ainsi, il y a un intérêt certain à utiliser la végétation dans le schéma d’urbanisme.
Le végétal en ville
Effet sur le micro-climat
Les arbres, notamment ceux qui ont un feuillage assez immobile avec des grosses feuilles et un épiderme
duveteux, fixent les poussières en suspension. Ils ont également un rôle d’ombrage extrêmement important
puisqu’un feuillage peut filtrer de 60 à 90% du rayonnement solaire. Par ailleurs, si on couple le rythme de perte
et d’apparition des feuilles d’un caduque avec les besoins en énergie et en l’éclairage d’une maison, on constate
qu’il y a une vraie adéquation : l’arbre laisse passer la lumière au moment où on en a besoin en hiver et créé des
écrans en été. L’effet rafraîchissant de l’arbre, provoqué par l’humidité qu’il créé, est également un élément
précieux en termes d’ambiance urbaine.
Cette photo a été prise en Grèce et illustre parfaitement l’utilisation du végétal, à la fois des arbres et aussi de la
vigne ou des plantes grimpantes, qui filtrent la lumière de manière naturelle et économe.
L’arbre agit également comme un brise vent. Il faut cependant noter qu’en dessous d’un arbre, il y a un
phénomène d’accélération du vent. Aussi, le brise vent idéal allie à la fois une strate arbustive et une strate
arborée (structure des haies bocagères).
Effet psychologique
L’arbre possède une charge symbolique très forte, sa présence rend un lieu convivial. On parle de création de
pièces en plein air.
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Il offre une sensation de confort psycho-sensoriel (température, humidité, couleurs, bruits, odeurs, parfum…) qui
allie à la fois des paramètres objectifs et subjectifs.
La végétation peut également cacher la source d’un bruit. Si on met une source de bruit derrière un massif
arboré, elle sera moins gênante qu’une source de bruit en direct. Les oiseaux qui viennent s’y installer créent une
ambiance sonore connotée plus positivement.
Fonctions écologiques, paysagère, énergétique
L’arbre a bien sûr également des fonctions écologiques, notamment liées à la biodiversité et des fonctions
paysagères. Certains arbres importés peuvent devenir identitaires comme le magnolia qui est devenu l’arbre
emblématique de Nantes.
L’arbre fournit du bois qui peut être valorisé. Il y a alors une dimension dynamique : si c’est une source
énergétique, il faut penser aux replantations, pour que cette source énergétique perdure.
L’arbre a également une fonction sociale car il y a une demande très forte en terme d’espaces verts pour garantir
la qualité du cadre de vie. Il a aussi une fonction culturelle.
A propos de l’arbre, il faut rappeler la notion de temps. En effet, les schémas d’urbanisme ou les images de
concours présentent de superbes arbres adultes, mais quand ils arrivent sur le site, ils sont bien différents car très
jeunes. L’arbre commence à être vraiment efficace au niveau climatique à 50 ans. Il faut prendre en
considération cette notion de temps.
Pour faire un projet de paysage, il faut d’abord connaître le site, le climat et son incidence sur l’identité locale.
On peut ensuite faire des choix de végétaux en fonction de leur capacité d’adaptation à ces données. Le milieu
urbain est tout à fait particulier parce qu’il diffère totalement des conditions naturelles. Ceci rend le choix des
plantes plus difficile mais autorise également des fantaisies.
Dans ce jardin privé à Angers, par exemple, on trouve de la végétation méditerranéenne. Dans nos régions, une
flore méditerranéenne commence à apparaître. Celle-ci remonte d’abord par les lotissements avant d’arriver
naturellement.
Lorsqu’on plante un arbre, il faut se préoccuper de sa fonction, de son aspect esthétique dans la composition de
l’espace et de son rôle micro-climatique. S’il y a beaucoup de vent, il faut prendre plutôt un persistant ou un
conifère. Au contraire, il faut un feuillu pour jouer un rôle sur l’éclairement. En fonction de la zone
d’éclairement souhaitée, il est possible de caler très précisément la présence du feuillage en choisissant
judicieusement l’espèce.
II. Exemples de projets
A Venansault (85), Vu d’Ici a travaillé sur le choix végétal à partir des données d’analyse climatique. Des écrans
végétaux ont été mis en place en rupture de pente du coteau, pour des raisons paysagères (masquer le vis-à-vis)
et pour avoir un effet de brise-vent. On retrouve la structure traditionnelle bocagère sur talus, avec les 3 strates
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herbacées, arbustives et arborées. Derrière, d’autres arbres jouent rôle en terme de paysages mais également un
rôle par rapport à l’ensoleillement, sachant que les feuillages doivent rester légers car le site est placé sur un
coteau nord.
A Montoir de Bretagne, Vu d’Ici a travaillé sur les ambiances urbaines, sur la végétation, mais aussi sur la
circulation de l’eau, pour coupler à la fois la présence de l’eau et sa réutilisation par le végétal. Nous avons aussi
proposé toute une série végétale pour obtenir des ambiances riches, tout en réutilisant les haies bocagères.
Pour terminer, il faut souligner le fait qu’en France, nous avons tendance à martyriser les arbres urbains. C’est
différent dans les pays anglo-saxons où on laisse vraiment une place à la végétation.
DEBAT DE SYNTHESE ET MISE EN PERSPECTIVE
Christian Charignon, bureau d’études Tekhné
Nos grands-parents n’avaient besoin d’aucun logiciel. Maintenant on a besoin de calculer tout le temps et
partout. C’est affolant ! Nous sommes entré dans l’urgence écologique. Ce dont on a besoin, c’est une diffusion
massive de nouveaux savoirs et savoir-faire, avec des applications, des logiciels qui soient les plus simples
possibles et les plus diffusables. Il faut retrouver rapidement les notions de course du soleil, de qualité du sol, de
brise-vent et tout cela au niveau d’une AEU. Une AEU coûte 10 000 à 15.000 euros ; ceci ne permet pas de faire
des simulations. Il faut donc bien recentrer l’enjeu et les outils dont on a besoin pour demain. Ce sont des outils
rapides qui donnent les grandes orientations et qui évitent de construire une terrasse en plein vent.
Par ailleurs, à l’inverse, lorsque l’on parle de logiciels et de système experts, là nous avons besoin d’expertise. Il
faudrait que les ingénieurs « Fluides » soient payés sur les mégawatts économisés, pas sur les km de tuyaux
qu’ils mettent en place ! Aujourd’hui, il est beaucoup plus important de mettre en place des AMO (assistance à
maîtrise d’ouvrage) qui conseillent et forment plutôt que de faire du contrôle a posteriori sur des résultats de
concours.
Hugues Delplanque (SELA)
Depuis plusieurs années, nous enregistrons de plus en plus de demandes de la part des collectivités - qu’elles
proviennent du milieu rural ou du milieu urbain - pour intégrer des aspects environnementaux dans le cadre
d’aménagement de ZAC. Nous intervenons notamment sous forme d’AEU sur la ZAC des Perrières à la
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Chapelle/Erdre où nous avons réfléchi aux questions énergétiques, tant à l’échelle du bâtiment qu’à l’échelle de
la desserte. Par ailleurs, nous démarrons une AEU à Trignac dans le cadre de la rénovation urbaine.
La question pour nous est de savoir comment répondre aux attentes des collectivités, et à quel prix. Il est
important qu’un aménageur, quel qu’il soit, possède des indicateurs simples à partir desquels il puisse se poser
les bonnes questions. Par exemple, à partir de quelle densité de logements, faut-il se poser la question de
commanditer une étude sur le confort climatique ?
Il nous semble que chaque professionnel devrait être en mesure d’utiliser les principes et les règles de base de
l’aérodynamique. La simulation peut parfois être nécessaire à l’échelle urbaine.
A l’échelle du bâtiment, l’outil majeur qui nous semble devoir être développé est le cahier de prescriptions
techniques et environnementales ou le cahier de prescriptions environnementales. Il doit faire partie intégrante
du cahier de cession de terrain et il doit être l’égal du cahier de prescriptions urbaines et paysagères. Il faut
veiller à la bonne cohérence de ces prescriptions et cela nécessite beaucoup de travail en commun. Enfin, les
prescriptions faites à l’intérieur de ce cahier, qu’elles concernent le confort climatique ou une autre thématique,
doivent être suffisamment claires pour être comprises, pour être suivies et être contrôlées. Pour les lots groupés
notamment, il faut que les choses soient suffisamment encadrées et contrôlées, par l’intermédiaire de ce cahier
de prescriptions environnementales. Sur les lots libres, il faut sans doute plus recourir à la sensibilisation en
rassemblant autour de la table, lors de réunions publiques, l’aménageur, la collectivité, les associations locales.
Sophie Moreau, CSTB
Un organisme, comme le CSTB, n’est pas apte aujourd’hui à proposer un outil à tout faire, pas cher, mais malgré
tout performant. Des outils plus simples sont en préparation et c’est tant mieux !
Marjorie Musy, CERMA
A l’heure actuelle, ce qui manque et en particulier dans le milieu de la recherche architecturale, c’est la
transmission des connaissances, c'est-à-dire le maillon entre la recherche et les opérationnels. Aux deux
extrémités de se rejoindre à un moment donné. Les difficultés sont aussi importantes au niveau de
l’enseignement de ces notions dans les écoles d’architecture. Un grand nombre de formations sont actuellement
montées, des formations par la recherche, des formations professionnelles, également dans les écoles
d’architecture, on peut donc espérer que ce maillon se comblera assez rapidement.
Joëlle Kergreis, ADEME
Au sujet de l’urbanisme, qui tient beaucoup à cœur à la Délégation Régionale des Pays de la Loire, et sur lequel
nous avons beaucoup travaillé, nous souhaitons faciliter l’intégration de nos missions par les acteurs de terrain et
rapprocher les chercheurs de ces derniers.
Michel Gioria, ADEME
Du côté de la direction de la recherche de l’ADEME, notre action prioritaire est de valoriser ce qui existe déjà :
traduction en des termes assez simples des résultats de recherche qui sont déjà fiables et sur lesquels il est
possible de fonder des décisions quotidiennes. Ceci pourrait se faire en rééditant ou en éditant des documents.
Ensuite, nous souhaitons créer un lieu durable, pérenne dans le temps, où on « oblige » les chercheurs à parler
avec des utilisateurs des résultats de leurs recherches. Ça se fait dans le domaine de l’industrie par exemple.
Deux sujets de recherche semblent s’imposer : le développement d’un argumentaire et le management des
opérations d’aménagement.
Concernant l’argumentaire, il serait très intéressant d’utiliser des éléments qui existent déjà dans le domaine du
bruit, par exemple, pour essayer de quantifier l’impact d’un désagrément climatique sur la valeur d’un bien
immobilier, sur la valeur d’usage d’une terrasse de café ou sur la rentabilité de ce café. Il pourrait y avoir des
argumentaires appuyés, avec des valeurs monétaires.
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Le management des opérations d’aménagement aurait pour but de faire le lien entre des outils très spécialisés qui
donnent des résultats pas toujours faciles à interpréter et la manière dont les gens, qui vont devoir prendre des
décisions, les interprètent.
Enfin, la valorisation économique de la recherche est un point important. Beaucoup d’organismes le font déjà,
mais ce serait intéressant de le structurer, comme on peut le faire dans le domaine des éco-technologies, par
exemple. Il y a des pays émergents qui se développent un peu partout qui construisent à des vitesses
faramineuses. Essayer de structurer une offre scientifique française dans ces domaines là, et une offre que l’on
pourrait exporter dans le cadre de coopération internationale ou dans le cadre de coopération décentralisée des
collectivités, me semble être un aboutissement intéressant de ce travail conjoint entre recherche et opérationnel.
Marjorie Musy, CERMA
Le lien entre la recherche et l’opérationnel se fait sur certaines opérations. Il est, de l’avis des 2 parties, très
fructueux. Il existe vraiment une acculturation des 2 côtés. Du nôtre, nous sommes peu conscients des impératifs,
des objectifs de l’opérationnel et de ce vers quoi on doit tendre pour proposer des outils et des aides.
Sophie Moreau, CSTB
Effectivement, sur des projets concrets, les gens avec lesquels nous travaillons sont bien plus que des clients, ce
sont des partenaires. On apprend d’eux et ils apprennent de nous. Ils acquièrent ainsi un certain nombre de
réflexes qu’ils mettent en oeuvre par la suite.
Joëlle Kergreis, ADEME
La recherche, aussi bien que des outils diffusables, sont tout à fait nécessaires. Il faut compter sur l’intelligence
humaine pour faire une synthèse pertinente ; ce qui justifie l’intervention d’une AMO.
Jean-Pierre Troche, Groupe Re-Sources
La notion de gradation des investigations à mener sur un terrain est assez importante. La lecture du site est un
élément de pédagogie, par rapport à l’ensemble des partenaires et notamment des élus. Elle est ensuite complétée
par les données météo, l’utilisation d’outils simples tels que les cahiers du CSTB pour le vent, éventuellement
par l’utilisation de l’Héliodo et enfin par celle des outils informatiques comme Autocadd. Dans le cadre des
AEU, les budgets ne permettent pas de recourir à des simulations. L’important est de trouver la bonne
articulation entre laisser une liberté d’implantation du projet et gérer la composition urbaine par rapport aux
éléments climatiques.
Joëlle Kergreis, ADEME
Il faut évaluer les actions de l’ADEME autour de l’urbanisme, cela ne fait aucun doute. Mais il faut également
accepter un changement progressif. L’ADEME est là pour accompagner des mutations de la société en général,
sur ce sujet, comme sur d’autres. Pour le moment, l’ADEME ne lie pas le soutien financier à des critères
chiffrés. Elle y viendra probablement. Il faut d’abord convaincre, ce qui est plus difficile que fixer des
objectifs !
Pierre Schmidt, ADEME
Il faut préciser que l’AEU est une démarche qui émane du terrain et qui est mise en forme progressivement au
niveau national. Au cours de l’année, sera édité un complément « Climat » du document qui est paru en
partenariat avec Le Moniteur et qui traitera précisément des questions d’environnement climatique.
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POINTS PARTICULIERS ABORDES AU COURS DES DEBATS SUR LES OUTILS
Sur les retombées du travail de CERMA sur le projet Malakoff – Pré Gauchet
Malgré des réticences de départ dues au fait que les conclusions du CERMA étaient parfois perçues comme
péremptoires, les projets ont été amendés d’une manière sensible, notamment dans la partie « îlot A », c’est à
dire le centre de Malakoff, sur la hauteur du bâti par exemple ; ceci pour tenir compte des données sur
l’ensoleillement et des effets de masques. C’est encore plus vrai au niveau du Pré Gauchet, où certains projets
ont été revus presque de fond en comble, suite aux analyses du CERMA qui pointaient des dysfonctionnements
sur le plan environnemental et sur consommation d’énergie, etc.
Sur une utilisation élargie des outils de simulation
Il est clair que les analyses du CERMA sont extrêmement coûteuses en temps et en investissement intellectuel,
surtout du fait de la modélisation qui est quelque chose de véritablement problématique. La modélisation
géométrique représente environ 80% du temps, la simulation elle-même 5% et l’analyse experte environ 15 à
20%. Le modèle géométrique est lui tout à fait rédhibitoire malgré les progrès immenses des logiciels. Tout
simplement, parce que les architectes modélisent bien souvent en 2D sous Autocadd et qu’il faut repartir de zéro
pour modéliser en 3D. De plus, le modèle utilisé pour l’ensoleillement, par exemple, ne convient pas à celui
nécessaire à la simulation aérodynamique. Tout cela est extrêmement lourd et il n’y a pas de solution d’ensemble
à l’heure actuelle. On arrive cependant à faire des passerelles entre des logiciels commerciaux simples d’emploi,
Solene ou autre, Sketchup par exemple qui est d’une utilisation très aisée. On a maintenant des interfaces qui
permettent de transférer des fichiers de type Sketchup, en fichiers Solene. Les choses commencent à s’améliorer
un peu....
La constitution d’un modèle est la partie la plus problématique et la plus lourde. Prenons l’exemple des balcons
dans les études menées sur Malakoff-Pré Gauchet : dans certains cas, ils sont supprimés, dans d’autres, non.
Parce que dans un cas, la problématique consiste à mettre en évidence le degré de protection que ces balcons
pouvaient assurer vis à vis des façades sud et dans l’autre, à l’échelle d’un îlot, leur présence est considérée
comme un détail.
Ainsi, les outils du CERMA restent essentiellement des produits de laboratoire. Solen paraît pourtant un peu plus
aisé d’emploi que Fluent par exemple et nous sommes, à l’heure actuelle, en phase de réflexion sur la manière de
rendre certaines des fonctions de Solene plus aisément accessibles à l’architecte, notamment les fonctions types
Héliodon. Comme d’habitude, ce sont des financements qui nous manquent pour rémunérer des développeurs.
Nous avons actuellement un projet avec une société privée qui développe des logiciels, plutôt pour la création de
maisons individuelles, dont le but est d’intégrer certaines des fonctions du logiciel Solene dans un logiciel de
conception de maisons individuelles.
Sur la généralisation du recours au conseil du CSTB
Cela passe par le développement de la culture en matière d’aérodynamique. Les architectes ne sont pas
sensibilisés à cette problématique. Or, c’est dommage de ne pas se préoccuper de cette question, compte tenu de
l’impact que cela a ensuite, sur l’usage et la fréquentation du lieu une fois construit. Le développement de cette
culture passe certainement par la publication d’ouvrages adaptés. Il y a aussi la formation, l’enseignement dans
les écoles d’architecture. Et puis, il faut rendre le conseil accessible en proposant prestations peu coûteuses.
Sur le coût supplémentaire d’une conception urbanistique et architecturale qui inclut les critères
climatiques
A l’échelle de l’urbanisme, il s’agit plus de conception que de travaux. C’est souvent du bon sens. Il ne faut
cependant pas oublier qu’il faut payer des prestataires pour faire les études et trouver les meilleurs compromis.
Pour la gestion des eaux pluviales, par exemple, il revient moins cher de traiter l’eau pluviale en surface que de
la traiter en tuyaux. On peut donc dire qu’il n’y a pas de surcoût. Pour la construction, c’est différent. Il faudrait
sortir de l’état de saturation de la filière où les prix, les délais sont faits par les entreprises comme elles
l’entendent et où la qualité est largement insuffisante. En termes de climat, se pose avant tout le problème de la
qualité des enveloppes : les épaisseurs, les protections solaires, les qualités de vitrages, de vêtures… C'est-à-dire
des choses qui sortent effectivement de ce qu’est la production courante pour 90% de la construction en France.
Là effectivement il y a une question de coût. Or, comme chacun sait, il manque à peu près un million de
logements en France. On veut encore faire du quantitatif alors qu’il faudrait passer au qualitatif !
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Sur l’échelle des projets pouvant donner lieu à une étude aérodynamique
Il est intéressant de faire une étude dès lors que la problématique aérodynamique a un sens. Le CSTB peut traiter
des tous petits projets, comme des très gros. Le fait qu’il y ait du vent ou qu’il n’y en ait pas, a un impact sur
l’usage de l’espace, que ce soit pour une petite piscine municipale ou pour un aménagement de grande
envergure. Dès lors que l’on construit des bâtiments de grande taille, dont la hauteur dépasse la rugosité urbaine
moyenne, on s’expose à des phénomènes spécifiques. Typiquement, quand on construit en R+8, dans un
environnement en R+2, cela provoque un phénomène aérodynamique. En fonction de l’usage des espaces, les
attentes sont plus ou moins fortes : s’il s’agit de construire la tribune d’un stade, quelque soit sa taille, il faut
prendre des précautions car l’usage nécessite un bon degré de confort
Sur les possibilités de mettre en œuvre une approche aérodynamique sur les petits projets
L’expérience des Herbiers est intéressante à ce sujet. Le CSTB a pu retravailler le plan masse au moment de la
consultation avec les différents promoteurs. Plus tard dans le déroulement du projet, le CSTB est intervenu à
nouveau en conseil pour garantir le confort d’usage de la terrasse d’une brasserie : il a donné des pistes pour
éviter les problèmes par le jeu de la végétation et de la forme des bâtiments. Dans les deux cas, le maître
d’ouvrage a obtenu de réponses concrètes et a commencé à se forger une culture dans ce domaine qu’il pourra
utiliser dans d’autres projets.
Coordination éditoriale : Florence ALBERT, ADEME Pays de la Loire
Rédaction : Pascale ROBINET, consultante en communication
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