G´eometrie alg´ebrique et Th´eorie des mod`eles
Frank Wagner
Chapitre 1
Les constructibles
1.1 Ferm´es et ouverts
D´efinition 1.1.1 Soit Kun corps alg´ebriquement clos, et s<ω. Une partie
Fde Ksest un ferm´e principal si elle consiste des s-uples dans Ksqui
annulent un polynˆome f(x1, . . . , xs). Donc Fconsiste des z´eros de f(¯x) ; il
est d´efini par l’´equation polynomiale f(¯x) = 0. Plus g´en´eralement, un ferm´e
est une intersection finie de ferm´es principaux ; il est d´efini par un syst`eme
(une conjonction) d’´equations polynomiales.
Un ouvert principal est le compl´ement d’un ferm´e principal ; il est donc
d´efini par une in´equation f(¯x)6= 0. Un ouvert est le compl´ement d’un ferm´e,
il est la r´eunion des ouvert principaux et est donn´e par une disjonction
d’´equations.
Cette d´efinition d´epend de l’espace ambiant : le mˆeme polynˆome f(¯x) peut
ˆetre consid´er´e comme polynˆome en variables ¯xqui figurent dedans, ou bien
en variables ¯x¯ypour tout ¯y; si ¯xest de longueur set ¯yest de longueur t,
alors f(¯x) = 0 d´efinit un ferm´e Fdans Ks, et le ferm´e F×Ktdans Ks+t.
Nous remarquons que l’intersection d’un nombre fini d’ouverts principaux
donn´es par des in´equations fi(¯x)6= 0 (pour i < n) est encore principal, et
determin´e par l’in´equation Qi<n fi(¯x)6= 0. Alors, la r´eunion d’un nombre
fini de ferm´es principaux est aussi un ferm´e principal ; par distributivit´e des
op´eration bool´eennes on voit facilement que la r´eunion d’un nombre fini de
ferm´es est ferm´e, et l’intersection d’un nombre fini d’ouverts est ouvert. Nous
verrons plus tard que l’intersection d’une famille quelconque des ferm´es est
encore ferm´ee, et est en fait l’intersection d’une sous-famille finie (ce qui
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qualifie comme noeth´erianit´e), et que ce vocabulaire topologique est bien
justifi´e. Il s’agit de la topologie de Zariski.
Pour s= 1, un ferm´e est soit Kentier, soit un ensemble fini, dont le car-
dinal est borne par le plus petit des degr´es des polynˆomes dans sa d´efinition.
Par dualit´e, un ouvert est soit vide, soit co-fini (de compl´ement fini) dans
K. Par contre, d`es que s2, la structure form´ee dans Kspar les ferm´es
(ou les ouverts) est beaucoup plus riche ; il n’y a pas seulement les produits
des ferm´es de K, mais aussi les diagonales (d´efinies par xi=xj), les droites,
les cercles, les plans, sous-espaces, hyperplans. . .. On note que dans plusieurs
dimensions les points sont toujours ferm´es, mais ne sont plus des ferm´es prin-
cipaux ; en g´en´eral les ferm´es principaux sont des ensembles de codimension
1 (donc, des courbes dans K2, des surfaces dans K3, etc.).
Lemme 1.1.2 1. L’in´equation f(¯x)6= 0 d´efinit un ouvert non-vide ssi f
n’est pas le polynˆome nul.
2. L’intersection de deux ouverts non-vides de Knn’est pas vide ; Knn’est
pas la r´eunion de deux ferm´es propres.
D´
emonstration: Pour la premi`ere partie on raisonne par r´ecurrence sur
le nombre sde variables. C’est vrai si s= 0 et fest constant non-nulle.
Soit donc f(¯x, y) = Pn
i=0 fi(¯x)yio`u fn(¯x) n’est pas identiquement nul ; par
hypoth`ese d’induction on trouve ¯atel que fna)6= 0, et fa, y) n’a pas plus
que nz´eros. Comme tout corps alg´ebriquement clos est infini, on trouve btel
que fa, b)6= 0.
La deuxi`eme partie suit : si f(¯x) et g(¯x) ne sont pas identiquement nuls,
leur produit (fg)(¯x) ne l’est pas non plus. Donc, la r´eunion de deux ferm´es
principaux propres n’est pas Ksentier. Or, tout ferm´e propre est contenu
dans un ferm´e principal propre.
D´efinition 1.1.3 Un constructible est une combinaison bool´eenne de ferm´es.
Donc, un constructible est obtenu `a partir des ferm´es en prenant r´eunions
finies, intersections finies, et compl´ements. Evidemment, un constructible est
aussi une combinaison bool´eenne d’ouverts.
Lemme 1.1.4 Tout constructible est r´eunion d’un nombre fini d’ensembles
de la forme FO, o`u Fest ferm´e et Oest ouvert principal ; on peut mˆeme
l’´ecrire comme une r´eunion de tels ensembles deux-`a-deux disjoints.
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D´
emonstration: En utilisant les lois distibutives bool´eennes et le loi de de
Morgan, on peut exprimer tout constructible en forme normal disjonctive,
c’est-`a-dire comme r´eunion d’intersections de ferm´es et d’ouverts. Mais une
intersection (finie !) de ferm´es est encore ferm´ee, et une intersection d’ouverts
est ouverte ; tout constructible As’exprime sous la forme A=Si<n Fii,
o`u les Fisont ferm´es et les Ωiouverts. Chaque Ωiest ´egale `a une r´eunion
finie Sj<niOj
id’ouverts principaux Oj
i, et A=Si<n Sj<niFiOj
i.
Pour exprimer A=Si<n FiOicomme r´eunion des intersections deux-
`a-deux disjointes, on l’´ecrit d’abord comme
A=[
i<n
FiOi\
j<i
(¬Oj∪ ¬Fj).
Si Tj<i(¬Oj∪ ¬Fj) = Sj<niΦj
ij
iavec Φj
iferm´e et Ωj
iouvert principal,
on obtient
FiOi\
j<i
(¬Oj∪ ¬Fj) = FiOi[
j<ni
Φj
ij
i
=[
j<ni
FiΦj
iOij
i
=[
j<ni
(FiΦj
i\
k<j
¬k
i)(Oij
i),
ce qui donne la forme requise.
Autrement dit, chaque constructible s’exprime comme r´eunion d’un nombre
fini d’ensembles d´efinis chacun par un syst`eme de la forme
f1(¯x)=0f2(¯x) = 0 · · · fn(¯x) = 0 g(¯x)6= 0;
bien sˆur, il n’y a rien de canonique de cette d´ecomposition !
Pour chaque snous avons d´efini les parties constructibles de Ks. Il nous
faut maintenant ´etablir des liens entre les constructibles de ces diff´erents es-
paces. On voit facilement que si F(¯x, ¯y) est un ferm´e (principal) de Ks+t, alors
pour chaque ¯aKton obtient un ferm´e (principal) K(¯x, ¯a) en substituant
¯apour ¯ydans les ´equations. De mˆeme, pour un ouvert (principal) O(¯x, ¯y) de
Ks+ton obtient un ouvert (principal) O(¯x, ¯a) de Ks; en substituant dans un
constructible C(¯x, ¯y) on obtient un constructible C(¯x, ¯a).
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D´efinition 1.1.5 Une famille {Ci:iI}de constructibles dans Ksest
uniforme s’il y a un tet un constructible C(¯x, ¯y) de Ks+ttel que chaque Ci
s’exprime comme C(¯x, ¯ai) pour un ¯aiKt.
Par exemple, les droites du plan K2forment une famille uniforme de ferm´es :
on consid`ere le ferm´e F(x, y, u, v, w) de K5efini par ux+vy =w; une droite
est obtenue en substituant (a, b, c) (avec a6= 0 ou b6= 0) pour (u, v, w).
Proposition 1.1.6 1. Si {Fi:iI}est une famille uniforme de ferm´es
dans K,ilyaunn < ω tel que pour chaque iIsoit Fi=K, soit
|Fi| ≤ n.
2. Si {Ci:iI}est une famille uniforme de constructibles dans K, alors
il y a un tel que pour chaque iIsoit |Ci| ≤ n, soit |KCi| ≤ n.
D´
emonstration: Si C(x, ¯y) est un constructible dans K1+tet nest la
somme des degr´es en xde tous les polynˆomes qui figurent dans une d´efinition
de C, alors il est facile de voir que tout ensemble d´efini par C(x, ¯a) pour
un ¯aKta au plus n´el´ements, ou bien son compl´ement a au plus n
´el´ements. Mais si C(x, ¯a) est ferm´e, la deuxi`eme alternative est impossible
sauf si C(x, ¯a) est Kentier.
Lemme 1.1.7 Si ni FKsni F0Ktsont vides, alors F×F0est ferm´e
dans Ks+tssi Fest ferm´e dans Kset F0est ferm´e dans Kt.
D´
emonstration: Si Fet F0sont ferm´es, on obtient les ´equations d´efinissant
F×F0comme r´eunion des ´equations d´efinissant Fet F0(c’est-`a-dire en
prenant l’intersection de F×Ktet Ks×F0). R´eciproquement, si F×F0est
ferm´e, alors F(¯x) = (F×F0)(¯x, ¯a) pour tout ¯aF0, donc Fest ferm´e. Par
sym´etrie, F0l’est aussi.
On voit donc que la topologie de Zariski sur Ks+traffine bien la topologie
produit induite par les topologies de Zariski sur Kset sur Kt. Mais elle est
bien plus fine : les diagonales ne sont pas ferm´ees dans la topologie produit !
1.2 Projection d’un constructible
Dans cette section, nous allons d´emontrer un th´eor`eme important qui a
´et´e d´ecouvert, ind´ependamment, en alg`ebre par Chevalley et en logique par
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