2007_2 Medinfo Kreuzschmerzen

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Mal de dos et incapacité de travail
Dr Michael F. Sullivan
MA, MB, FRCS
Consultant Orthopaedic Surgeon
Est-ce que le « mal au dos » est un
diagnostic spécifique pour lequel il
existe un traitement caractéristique ?
La réponse est « non ».
L’article qui suit est une traduction
d’un exposé donné par le Dr Sullivan
à l’ICLAM, à Berlin. Il y traite le problème des « douleurs dorsales » sous
trois angles : les moyens de traitement
relevant de la politique de la santé, de
la société et de la médecine.
Lorsque l’on souffre d’un mal de dos,
il s’agit d’une multiplicité de problèmes
similaires qui, tous, ne présentent pas
de symptômes spécifiques. Jamais un
diagnostic précis ne sera posé et les
douleurs seront traitées sur une base
ad hoc. Nombre de médecins praticiens
ayant des points de vue très différents
sur la forme du traitement soignent de
tels problèmes de santé. Il existe d’autres exemples de nature similaire, ainsi
le colon irritable, les douleurs de la face
antérieure du genou, le traumatisme
par projection ou coup du lapin et les
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douleurs à la poitrine, qui tous ne sont
pas spécifiques non plus. Toutes les
formes de thérapie ont leurs partisans
et les traitements seront cités à 80 %
comme un succès, tout au moins aussi
longtemps qu’un observateur indépendant n’a pas examiné les résultats à la
loupe. Alors le taux de succès s’avère
généralement moindre que celui de
60 %, taux qui est exigé tout à fait normalement comme résultat à atteindre
pour toute méthode de traitement.
J’ai abordé de trois façons différentes
le problème du mode de traitement de
douleurs dorsales :
1 Comment ce problème peut-il être
influencé par des mesures de
politique de la santé ?
2 Que peut faire la société ?
3 Que peuvent offrir les médecins
et le personnel soignant ?
Malheureusement, la dimension du
problème est énorme. En GrandeBretagne, les maux de dos ont
constamment augmenté au cours des
40 dernières années. Le nombre de
jours de travail perdus qui sont imputables à des douleurs dorsales a augmenté arithmétiquement dans la popu-
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lation au travail alors que pour sa part,
le nombre d’habitants n’a crû que légèrement.
En 1960, 8 millions de jours de travail
étaient perdus en raison de maux de
dos
1970 112 millions de jours,
1980 126 millions de jours,
1990 148 millions de jours,
2000 125 millions de jours.
En d’autres termes, ce nombre double à
chaque décennie. La plupart des maux
de dos ne sont au départ pas spécifiques. 10 millions des jours de travail
perdus sont cependant directement imputables à des douleurs dorsales en relation avec le travail. En 2005 – 2006,
environ 10 millions de journées de
travail ont été perdues et chaque
personne concernée a manqué en
moyenne 17,5 journées de travail. Ceci
est un chiffre considérable, si l’on
pense que l’effectif des travailleurs
« blue collar » est relativement limité
en Grande-Bretagne.
Est-ce que des mesures de politique
de la santé peuvent apporter une contribution à la solution de ce problème ?
Certains pays comme la Suède,
Singapour, l’Australie, le Canada et les
Pays-Bas ont été en mesure d’enregistrer des succès. Par contre, la GrandeBretagne a totalement échoué. Tous les
Etats n’ont pas attaqué le problème de
la même façon. Alors que la Suède envisageait en 1991 d’adhérer à l’Union
européenne, elle décida que quelque
chose devait être fait pour atteindre un
équilibre financier, spécialement dans
le domaine des prestations versées
pour les incapacités de travail. Jusqu’en
1991, le plein salaire était versé en cas
de maladie. Mais dès 1991, ce taux a
été réduit à 80 %. Durant la période de
1989 à 1994, soit en l’espace de 5 ans,
le taux d’absences a baissé uniquement
du fait de la réduction de 20 % d’indemnisation, passant de 9,6 % à 3,8 %.
Ceci est un recul de près de 200 %.
Singapour a choisi une autre approche.
Chaque adulte de moins de 55 ans
verse 20 % de son salaire dans un fonds
central d’aide sociale. Les employeurs
paient de leur côté un montant équivalent. Ceci est la même chose qu’en
Grande-Bretagne. Mais alors que dans
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ce dernier pays, les fonds sont versés
au ministère des finances, à Singapour
chaque individu a le contrôle sur sa part
au fonds central d’aide sociale. Celuici est utilisé pour les prestations en cas
de maladie, la prévoyance vieillesse et
les prestations en cas d’incapacité de
gain. Ainsi y a-t-il une grande incitation
à renoncer à des prestations pour maladie et incapacité de gain et ce en faveur
de prestations de vieillesse.
Lorsque Tony Blair arriva au pouvoir en
1997, il a placé Frank Fiel au poste de
ministre des assurances sociales. Fiel a
été envoyé à Singapour pour y étudier
le système de ce pays dans l’optique de
l’introduire aussi en Grande-Bretagne.
Blair a cependant pris par la suite une
certaine distance avec ces plans et a
retiré le portefeuille des assurances sociales à Field. Résultat : le nombre des
jours de travail perdus entre 1990 et
2000, comme il en a déjà été fait mention plus haut, a passé de 48 millions
à 120 millions. Depuis 1997, on aurait
pu faire quelque chose. Il va de soi que
l’on ne saurait comparer tels quels la
Grande-Bretagne et Singapour, qui a
une population presque exclusivement
chinoise. À Singapour, il y a des liens fa-
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miliaux très étroits, raison pour laquelle
la famille se liguerait contre un nourricier qui resterait inutilement à la maison pour des raisons de maladie, car les
paiements proviendraient du fonds de
l’aide familiale. Il en va autrement en
Grande-Bretagne, où les liens familiaux
sont distendus et où nombre de parents isolés et divorcés ne subissent
guère de pression pour retourner au
travail afin de soutenir la famille en leur
qualité de parents nourriciers.
Aux Pays-Bas, le problème était tout
autre. Face aux prestations revendiquées, on a adopté une position de
laisser-faire. En 1993, sur 100 travailleurs, 80 touchaient des prestations.
Évidemment, toutes ces prestations
n’étaient pas toutes imputables à des
douleurs dorsales. En réalité, la part de
ces dernières n’était que de 22 %.
Autrement dit, un travailleur sur cinq
soutenait un patient souffrant de tels
maux. Comment en est-on arrivé là ?
Il n’y avait aucune incitation à aller
travailler. L’accès aux prestations de la
sécurité sociale était aisé et on avait la
garantie d’un plein salaire. Le résultat
de ce système était l’escroquerie et
l’abus largement répandu. Depuis
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2000, la situation s’est cependant
modifiée complètement puisque des
critères stricts ont été appliqués pour
poursuivre les abus.
chiffre ne soit disponible, les cliniciens
constatent une nette régression du traitement de douleurs dorsales par suite
d’accidents de la circulation.
Les Australiens et les Canadiens ont
opté pour une autre voie. Ils ont décriminalisé les accidents de la circulation.
Ainsi, si quelqu’un souffrait de douleurs dorsales ou d’un coup du lapin, la
cause ne jouait aucun rôle. Peu importe
qu’ils s’agisse d’un accident de la circulation, d’un choc à la tête en se rendant
à la cave ou de travail dans son propre
jardin, les douleurs dorsales étaient
traitées de la même façon et jusqu’à
ce que la situation s’améliore. La cause
du mal et la question de la faute ne
jouaient aucun rôle.
Ailleurs, le problème est notable. En
Grande-Bretagne, les coûts pour les accidents de la circulation se sont élevés
en 2004 à 18 milliards de livres anglaises, soit 26 milliards d’Euro. Dont
13 milliards pour les coûts d’atteintes
personnelles et 5 milliards pour des
dommages matériels et dégâts aux
véhicules.
Dans l’État du Saskatchewan au
Canada, les chiffres prouvent qu’en
1995, 417 personnes sur 100 000 ont
quitté le travail pour des maux de dos.
En 1996, après la mise en vigueur des
nouvelles règles, ce taux est tombé à
296. Ceci équivaut à un recul de 30 %
sur les prestations et les coûts.
En Australie, le même système est appliqué depuis 2003. Bien qu’ici aucun
Comment ces sommes ont été
calculées ?
À l’occasion de la saisie de ces montants de dommages, tous les éléments
possibles sont inclus, comme par exemple la perte de gain individuelle. Il y a
des coûts immatériels – la douleur, le
chagrin et la souffrance. Quant à eux,
les employeurs ont à s’acquitter des
paiements compensatoires, des coûts
des assurances et de la charge administrative. Ils doivent également faire face
aux frais de recrutement, paiements
pour blessures, pour dommages matériels, dommages en cas d’accidents non
assurés et assumer aussi la charge liée
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à l’industrie des assurances et aux frais
administratifs. Pour la société dans son
ensemble, la perte de productivité mise
à part, ce sont des dépenses médicales
et, bien sûr, des frais administratifs.
Sur les 13 milliards de livres qui sont
affectés aux créances issues des blessures, 9 milliards étaient imputables
aux blessures à la colonne vertébrale,
y compris le coup du lapin. En cas de
litige, 30 % des coûts vont aux avocats, 30 % aux médecins et 30 % aux
patients. Ni les avocats ni les médecins
n’ont une quelconque raison de stopper le système. L’un dans l’autre, les
médecins traitants ont tous un motif de
s’en tenir à la procédure médico-juridique. À l’échelle mondiale, la majorité
des parlementaires sont des juristes.
C’est la raison pour laquelle ils se
soucient de ne perdre aucun avantage
financier.
Que cherchons-nous à obtenir en tant
qu’acteurs du domaine de la santé ?
Nous tentons d’alléger les douleurs
sciatiques et d’inciter les patients souffrant de douleurs dorsales à reprendre
leur travail. Tous les patients souhaitent pour eux-mêmes un diagnostic
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compréhensible. Mais ceci n’est souvent pas possible avec les maux de dos.
Toutefois, s’il s’agit de sciatique, il est
utile de recourir à une procédure de
diagnostic par imagerie. Mais j’aimerais souligner que les examens MRI
montrent souvent des anomalies chez
des patients sans caractéristiques particulières. Jensen constate dans son
étude, qui a été publiée en 1994 dans le
New England Journal of Medicine, que
chez 98 personnes sans caractéristiques particulières âgées entre 20 et
80 ans et sans problèmes de dos dans
leur historique de maladie, il a été
constaté pour 52 % d’entre elles une
hernie discale (disc bulge), une protrusion discale (disc protrusion) pour 27 %
et une extrusion discale pour 1%. Toute
anomalie pathologique peut être découverte au moyen d’examens MRI.
Dans « Spinal Disorders », qui a été
publié en 1993, Salmmen et ses collaborateurs ont soumis des enfants à des
examens MRI. L’école objet de l’étude
comptait 1503 enfants de moins de
15 ans. Pour chaque tranche de 38 enfants – avec et sans problèmes de dos –
des examens MRI ont été entrepris.
Dans les deux groupes, on a compté à
chaque fois 32 % de résultats anor-
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maux. Sur la base d’une telle investigation, il n’y a aucune raison d’engager
des traitements car un résultat MRI
anormal ne signifie pas qu’un patient a
besoin d’un traitement particulier. Le
résultat en question devrait seulement
servir d’information complémentaire à
un diagnostic clinique.
Le problème de l’hernie discale occupe
évidemment le premier rang et présente une évolution naturelle, qui a été
décrite pour la première fois en 1993
par Weber à Oslo, Norvège. Il a examiné, dans une étude randomisée, en
double aveugle, des interventions chirurgicales ainsi qu’une gestion conservative pour des hernies discales ; il a
découvert qu’après quatre ans, aucune
différence n’était constatable. Cette
étude a été réexaminée minutieusement par Boos, qui présumait que
les statistiques utilisées par Weber
n’étaient pas exactes. Il y a évidemment
aussi des patients qui, après avoir renoncé à une intervention chirurgicale,
ont quand même opté plus tard pour
une telle intervention. Compte tenu de
cet effet, Boos est d’avis qu’il ne fait aucun doute que chez des patients affectés d’une sciatique, l’intervention chi-
rurgicale sur une période de 1 à 5 ans
faisait meilleure figure que le traitement conservateur.
Dans le Journal of the American Medical
Association (JAMA), une étude de résultats concernant des patients souffrant
de la colonne vertébrale (SPORT) a été
publiée en novembre 2006, qui a analysé les cas de 1244 patients pendant
5 ans. Si, après six semaines, les patients ressentaient toujours des douleurs dans les jambes, ils s’en sortaient
mieux avec des interventions chirurgicales qu’avec un traitement conservateur. Si chez un tel patient la décision
de l’intervention chirurgicale est tout
de même prise une fois, à quel genre
d’opération faut-il recourir ?
La « Cochrane Null Hypothese » est probablement le meilleur moyen de déterminer l’opération appropriée. La bibliothèque Cochrane évalue les différents
résultats de divers types d’interventions chirurgicales. Lorsqu’on évalue
les résultats, on doit considérer celui
de l’intervention aussi bien du point de
vue du patient que du chirurgien. Les
critères sont le soulagement de la douleur, une amélioration de l’état, le re-
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tour au poste de travail, le gain et la
perte économiques, enfin la qualité de
vie et le taux de nouvelles interventions. Il est absolument inacceptable
de procéder à une intervention chirurgicale, même si les résultats sont bons,
lorsque le risque de complications est
élevé. C’est pourquoi ce risque doit être
inclus également dans la comparaison.
En cas d’intervention sur les disques
des vertèbres, ceci concerne le cauda
equina syndrom précoce, les atteintes
aux nerfs et vaisseaux, les infections,
l’instabilité et l’arachnitis, les troubles
de fonctionnement des nerfs et myeloceles. Une douleur chronique constitue
l’effet négatif à long terme le plus fréquent.
Compte tenu des « null hypotheses »
mentionnées ci-avant – il ne fait aucun
doute que l’intervention chirurgicale
est préférable à pas de traitement du
tout. La discectomie standard, la microdiscectomie et la chirurgie invasive minimale montrent à peu près les mêmes
résultats. Aussi longtemps que l’élément déclencheur est retiré et que le
nerf ou la theca ne sont pas endommagés, les résultats sont bons.
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Comment traite-t-on les maux de dos
et que cherche-t-on à obtenir ?
Le meilleur résultat réside manifestement en un taux élevé de retour au travail, en un taux réduit de complications
et de faibles frais de traitement. Voilà le
but que tout pays cherche à atteindre.
Du point de vue des cliniciens, les douleurs dorsales avec mobilisation précoce devraient être traitées, pas plus
de deux jours de repos au lit, avec des
moyens soulageant la douleur (il ne fait
aucun sens de dire au patient qu’il devrait s’accommoder de celle-ci). Puis
suit, durant les quelques semaines
ultérieures, un traitement physique
intensif. Physiothérapie, ostéopathie
et chiropratique peuvent toutes s’appliquer, et aussi longtemps que la personne exécutant le traitement le fait
avec enthousiasme et s’entend bien
avec le patient, les résultats sont à peu
près les mêmes. L’objectif est un retour
précoce au travail. Il ne faut pas donner
d’incitations financières à rester à la
maison.
39
Faut-il recourir à des blocages
de vertèbres ?
Voilà un sujet très nébuleux. La spondylolyse est – et ceci n’est pas contesté –
le cas le plus fréquent que le blocage de
vertèbres traite le mieux.
Il y a cinq catégories de spondylolyse,
en fonction de leur cause respective :
1 dysplasique
2 isthmique
3 dégénérative
4 traumatique
5 pathologique
Les types les plus répandus de spondylolyses sont les isthmiques et les dégénératives. Le type isthmique apparaît
chez 4 à 5 % des Européens et il n’y a
donc, lorsqu’il est découvert au cours
d’un examen radiologique ou MRI, pas
de raison absolue de cesser le travail.
Chez certains groupes d’athlètes
comme les gymnastes et certains footballeurs, l’incidence de spondylolyses
est de 50 %. Ceci ne veut certainement
pas dire que tous ont besoin d’une opération. Savoir comment traiter des douleurs dorsales non spécifiques sans en
connaître clairement la cause demeure
cependant un problème entier : le pa-
tient a été traité de manière conservative et la réintégration a échoué.
Faut-il alors envisager des blocages
de vertèbres ?
Je cite Sontag, Spine 1995, « Une fois le
diagnostic d’instabilité de vertèbres
posé, le blocage est indiqué ». À mon
avis, le blocage de vertèbres ne peut
être mis en œuvre qu’à titre de dernière
mesure et présente souvent de mauvais résultats. En Grande-Bretagne,
nous avons procédé à une expérience
prospective concernant le blocage de
vertèbres, dans laquelle ce procédé a
été comparé avec un programme de réhabilitation de trois semaines. La semaine avant que le patient n’entre à
l’hôpital pour l’opération, un tirage au
sort a lieu et suivant cela, un blocage
des vertèbres est opéré ou un programme de réhabilitation de trois semaines est entrepris. Pendant ce
temps, les patients restent du lundi au
vendredi dans un bâtiment annexe de
l’hôpital pour y suivre un programme
très intensif d’éducation du dos et de
physiothérapie. Ce programme pour
patients « in house » peut également
améliorer leur motivation et les aider à
se sentir comme une équipe. Ils réali-
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sent que d’autres personnes sont là
pour s’entraider.
Les résultats ont été testés au moyen
de diverses méthodes, notamment l’indice d’incapacité Oswestery, le Shutttle
walking test et le Visual pain score.
Notre sentiment initial était qu’une
pseudarthrose constatable sur une
radiographie était un facteur très important. Ceci indiquerait à coup sûr un
échec. Or, un grand nombre d’examens
ont montré que tel n’est pas le cas. Il y a
de cela déjà de nombreuses années,
Rothman avait étudié 600 patients
ayant subi des blocages de vertèbres.
39 d’entre eux souffraient de pseudarthrose. 39 patients avec blocages
stables de vertèbres ont été comparés
avec un groupe de même importance
sans blocages et la fréquence des allègements de symptômes était pratiquement la même dans les deux groupes.
Depuis lors, nombres d’études ont
montré le même résultat.
Nos résultats sont valables pour les
349 patients provenant de l’expérience
réalisée au sujet des blocages de vertèbres et qui ont été observés pendant
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deux ans. Ce suivi a été exécuté par un
observateur indépendant. À la fin de la
période de deux ans, aucune différence
n’était constatable entre le groupe avec
blocage et celui qui recevait le programme de réhabilitation. Mais les
coûts de l’intervention chirurgicale représentaient le double de ceux de la
réhabilitation.
En même temps que notre expérience
était réalisée l’étude suédoise «Lumbar
spine study ». Cette étude a révélé que
des résultats légèrement meilleurs ont
été obtenus avec des blocages de vertèbres que sans traitement, mais que
tous les types de blocage donnaient le
même résultat. En d’autres termes, un
blocage très compliqué ne donnait pas
de meilleur résultat qu’un autre de nature simple. Avec une fixation interne,
un retour au travail légèrement plus
rapide a été obtenu. Par contre, la fréquence de complications est très diverse. Le blocage postérolatéral est
une opération très simple avec un taux
de complication de 12 %. Un blocage
postérolatéral instrumenté avait un
taux de complication de 22 %. Avec un
blocage de 360 degrés, qui résulte d’un
blocage antérieur et postérieur, le taux
41
de complication était que 40 %. Ces
résultats ont été publiés en 2003 dans
l’European Spine Journal. La conception moderne ne consiste donc pas à
prescrire le blocage de vertèbres, mais
le remplacement de disques intervertébraux.
Selon ma propre expérience et de mon
point de vue, les résultats du remplacement de disques intervertébraux sont
encore plus mauvais que ceux des blocages. Partout dans le monde, de nombreuses études ont été menées mais
aucune ne donne réellement de bons
résultats prospectifs aléatoires selon
lesquels le remplacement de disques
intervertébraux est sans nul doute
mieux indiqué que le blocage de vertèbres. Et les résultats de blocages ne
sont pas bons.
Si un programme de réhabilitation
était lancé, quand faudrait-il
le commencer ?
Le plus tôt sera le mieux. Il devrait débuter 6 semaines après que le type de
maladie en question soit apparu et non
pas après 6 à 12 mois seulement.
Attendre ainsi donne de très mauvais
résultats.
Si un patient simule, est-ce important ?
Ce n’est pas important car on peut normalement constater grâce à l’examen,
l’historique du malade et des questions
pièges si un patient simule ou non.
Finalement, cette information ne peut
être utilisée en Grande-Bretagne, ni en
Europe, en raison de la législation sur
les droits de l’homme.
Quel est l’objectif ?
Agir tôt et mener un traitement actif
conjointement à des mesures de dissuasion financières. Le pire serait
d’examiner de manière approfondie
un patient et lui communiquer que
quelque chose serait anormal, spécialement s’il a insisté pour passer au
scanner. Les patients partent de l’idée
que la high tech représente la solution
intelligente, même si tel n’est souvent
pas le cas. Le plus difficile est de traiter
un patient avec une cicatrice dans le
dos et de lui dire qu’il ne lui manque
rien. Malheureusement, il y a dans
toute communauté un grand nombre de
patients qui ont subi un accident de travail et qui ne retourneront pas au travail, quelle que soit la méthode de traitement pour laquelle on opte. La seule
manière de se comporter avec eux sont
ASA SVV Infoméd 2007/2 ICLAM
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les moyens de dissuasion financiers ;
mais ceci n’est pas dans le pouvoir des
médecins et la plupart des politiciens
n’osent pas faire passer une telle dissuasion dans la réalité. Dans toute
étude scientifique provenant d’Amérique du nord, il se révèle de surcroît
que, dans les plans d’assurances pour
travailleurs « blue collar », les résultats
sont plus mauvais que chez les patients
privés.
Les patients les plus faciles à traiter
sont les cadres qui ont des incitations
au travail. La première chose que je demande à un patient, s’il me consulte,
est de savoir son âge et sa profession
et s’il a actuellement un emploi. Un
patient qui a sa propre affaire travaillera à plein temps, même s’il souffre
des pires problèmes de dos.
Les douleurs dorsales posent un problème socio-économique et ne représentent un problème biologique que
pour une infime part. Il faut des mesures de dissuasion financières pour
faire retourner des patients sans douleurs dorsales spécifiques au travail et
à la normalité. La carotte est meilleure
que le bâton !
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À propos de l’auteur
M. Dr Sullivan est un chirurgien orthopédique et était chef du Royal National
Orthopaedic Hospital de l’Université
de Londres. Il est membre de la British
Orthopaedic Association et fut président de la British Association of Spinal
Surgeons, de l’European Spinal
Surgeons, et de l’IITS Minimal Spine
Surgery Society. Il a publié de nombreux articles au sujet de la chirurgie
de la colonne vertébrale, ainsi que
22 livres.
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