Claude LEVI-STRAUSS
« L’analyse structurale en linguistique et en anthropologie » in Anthropologie structurale,
Paris, Plon, 1958
1/ Résumé :
Dans les structures de parenté, C. Lévi-Strauss distingue le système des appellations (les
termes) et le système des attitudes (la conduite). Il établit une analogie entre la phonologie et
les appellations de la parenté. Dans le système des attitudes, la fonction est connue, le système
est à déterminer. C. Lévi-Strauss classe les attitudes en deux types : des attitudes dispersées
qui sont représentées d’une façon diate par les termes et des attitudes imposées qui se
manifestent dans un rituel. Les attitudes peuvent pallier les manques du système des
appellations, elles permettent de coordonner l’ensemble. C. Lévi-Strauss s’interroge sur la
relation entre neveu et oncle utérin en transposant la méthode utilisée en phonologie. R.H.
Lowie, en 1919, montre que cette relation se retrouve aussi bien dans un régime matrilinéaire
que patrilinéaire. C. Lévi-Strauss s’interroge sur les choix et les combinaisons dans la variété
des attitudes possibles comme c’est le cas avec les sons dans la linguistique. A.R. Radcliffe-
Brown, constate deux attitudes opposées, une d’autorité de l’oncle maternel envers son neveu,
une autre d’effronterie du neveu vers son oncle. De plus, l’attitude du père est antagoniste à
celle de l’oncle. Ces attitudes forment des couples d’oppositions. Pour C. Lévi-Strauss, quel
que soit le régime, patrilinéaire ou matrilinéaire, nous pouvons trouver des relations
avunculaires différentes. Pour comprendre l’avunculat, il faut saisir la relation dans la totalité
du système. Celui-ci permet de découvrir la structure. Les termes (frère, sœur, père, fils)
forment la structure de parenté, c’est la base de systèmes plus complexes. La parenté n’est pas
un objet naturel mais culturel, conforme aux conventions sociales. Comme la linguistique, la
parenté est un système de signes. Ce qui compte, plus que les termes, c’est la relation qui
s’établit entre eux.
2/ Citations :
« Nous voyons donc que l’avunculat, pour être compris, doit être traité comme une relation
intérieure à un système et que c’est le système lui-même qui doit être considéré dans son
ensemble, pour en apercevoir la structure. »
« ….Car la langue est le système de signification par excellence… »
« Un système de parenté… n’existe que dans la conscience des hommes… »
« Parce qu’ils sont des systèmes de symboles, les systèmes de parenté… »
3/ Concepts :
- Système de parenté : pour expliquer le système de parenté, il faut définir les termes ainsi que
l’attitude que les individus adoptent.
- Système des appellations : C. Lévi-Strauss le définit comme un « système de vocabulaire »
- Système des attitudes : c’est le système de représentation des conduites adoptées par les
individus dans le système de parenté.
- Système phonologique : C. Lévi-Strauss fait un parallèle avec la phonologie (fonction des
phonèmes dans la langue), il constate que la fonction dans le système de parenté est connue,
mais le système reste une inconnue à déterminer.
- gime matrilinéaire, patrilinéaire : type de filiation qui ne reconnaît que l’ascendance
maternelle ou paternelle.
- Oncle maternel, avunculat : C. Lévi-Strauss s’interroge, en faisant un parallèle avec la
phonologie. La langue ne retient que certains sons, comment s’opère la sélection parmi
l’infinité des attitudes dans le système de parenté, quels sont les choix et les combinaisons ?
Pour lui, la relation avunculaire est une relation à quatre termes (frère, sœur, beau-frère,
neveu).
- Privilèges de plaisanterie : relation d’autorité, de respect ou de familiarité entre l’oncle
maternel et son neveu.
- L’élément de parenté : c’est la structure de parenté la plus simple possible qui puisse exister.
4/ Analyse :
C. Lévi-Strauss analyse le système de parenté en faisant un parallèle avec la phonologie. Pour
lui, la compréhension de la fonction ne suffit pas, il faut connaître le système.
Le point de départ de son analyse concerne la relation de l’oncle maternel avec son neveu,
relation sur laquelle il constate que de nombreuses études ont été faites. Il utilise la méthode
du phonologue transposée en ethnologie. C. Lévi-Strauss s’appuie longuement sur l’article de
A.R. Radcliffe-Brown à propos de l’oncle maternel en Afrique du Sud. Il rappelle la thèse de
Radcliffe-Brown pour qualifier les attitudes possibles. Elles se divisent en deux : une attitude
d’autorité de l’oncle maternel ou une attitude de familiarité du neveu.
C. Lévi-Strauss développe cette thèse, il souligne que Radcliffe-Brown a trouvé une
corrélation entre l’attitude de l’oncle et celle du père. Il constate les deux systèmes d’attitudes
mais inversés (père autoritaire/oncle familier, père tendre/oncle sévère). Radcliffe-Brown en
conclut qu’il existe une relation entre le régime de filiation et l’attitude de l’oncle maternel. C.
Lévi-Strauss remarque qu’il ne faut pas généraliser. Sa démarche est d’appuyer dans un
premier temps la thèse de Radcliffe-Brown sur deux exemples (les îles Trobriand et les
Tcherkesses du Caucase). Mais l’étude de l’attitude des enfants entre eux montre
l’insuffisance de la thèse de Radcliffe-Brown. Pour C. Lévi-Strauss, quatre types de relations
doivent être pris en compte (« frère/sœur, mari/femme, père/fils, oncle maternel/fils de la sœur
». C. Lévi-Strauss appuie son argumentation sur d’autres exemples et en particulier : à Tonga
et avec les indigènes du lac Kutubu en Nouvelle-Guinée. Pour lui, il est nécessaire de
comprendre la relation dans un système, celui-ci permet de découvrir la structure. Il analyse
les différentes modalités d’un phénomène pour le comprendre dans son ensemble.
5/ Théorie :
C. vi-Strauss est en 1908. De formation philosophique, il se consacre d’abord à
l’enseignement. Après un voyage au Brésil, il s’intéresse à l’ethnologie, c’est pour lui un
moyen « de dégager certains caractères fondamentaux de la société humaine en général ».
Sa méthode est basée sur la linguistique. Pour lui c’est une science générale, non relativiste et
la plus avancée. C. Lévi-Strauss sera influencé par Ferdinand de Saussure et son cours de
linguistique générale et aussi par Troubetzkoy et la phonologie.
Le structuralisme s’oppose à l’histoire. Ce qui compte ce sont les arrangements, les
organisations systématiques dans un état donné et non le sens de l’évolution.
Dans le structuralisme linguistique, la distinction est faite entre le langage et la parole. Le
langage est commun au corps social, la parole est le propre de l’individu. La parole est un
élément du langage mais le langage garde une permanence d’où l’idée de structure. Le
langage est un ensemble de signes, ce qui est important, c’est la relation entre les signes et
non les signes eux-mêmes. De plus, dans la communication orale, les individus se font
comprendre sans saisir le mécanisme de la langue parlée, le système est utilisé d’une façon
inconsciente et synchronique. C. Lévi-Strauss va appliquer la méthode linguistique en
anthropologie et en particulier aux structures de parenté. Le système de parenté « fonctionne »
comme un langage, ce qui importe, ce sont les relations entre les termes. C’est aussi un
ensemble de représentations symboliques comme le langage.
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