La spécificité des croyances religieuses nous invite à les questionner du point de leur origine de fait (comment peut-on expliquer
leur force, leur impact aussi important sur les individus et dans l'histoire de l'humanité ?) et du point de vue de leur fondement
en droit (les croyances religieuses sont-elles rationnelles ? Doit-on les considérer comme irrationnelles ?).
III – Les “sciences humaines” sont-elles vraiment des sciences ? Le cas de l'histoire
Cours 5.2 : La religion
I – Peut-on expliquer le fait religieux ?
II - La croyance en un dieu est-elle rationnelle ?
Comment peut-on parvenir à la vérité ? Les sciences dites "exactes” ont développé des méthodes qui semblent constituer des
modèles de rigueur et d'objectivité (la démonstration en mathématiques, l'expérience dans les sciences de la nature), tandis
que les sciences humaines sont parfois contestées dans leur statut scientifique (et considérées alors comme des “sciences
molles”). Cette représentation correspond-elle à la réalité ? Les sciences “exactes” permettent-elles vraiment de parvenir à
des vérités absolues et incontestables ? Faut-il vraiment refuser aux sciences humaines le statut de science ?
La recherche
d'objectivité et
l'utilisation d'une
méthode rigoureuse
semblent faire de
l'histoire une
discipline scientifique.
La démarche de l’historien repose sur
la construction d’hypothèses (les
archives, les documents n'ont de sens
que comme support d'une
interrogation d'un historien) et le test
rigoureux de ces hypothèses (par la
confrontation de ces hypothèses
aux documents, et le contrôle de la
fiabilité de ces documents)
Mais tout groupe social construit
une certaine représentation, une
mémoire partielle et partiale
de son propre passé (cf.!le
résistancialisme). L'histoire doit
donc parvenir à dépasser les
“transformations imaginatives
du passé” (Raymond Aron)
L’histoire (comme
discipline) cherche
à comprendre
l’histoire (la réalité
du passé) sans
raconter d’histoires
(l’histoire comme
récit fictif).
La notion de sens de l’histoire renvoie
avant tout à l’idée d’une direction de
l’histoire (principalement à l'idée de
progrès). Par exemple, dans la
conception idéaliste de Hegel, l'histoire
est un progrès vers la réalisation de
l'Esprit, tandis que dans la conception
matérialiste de Marx, l'histoire est une
lutte des classes qui tend vers une société
sans classes sociales. Limites : Cette idée
d'un sens de l'histoire se heurte aux faits
(l'histoire manifeste-t-elle vraiment un
progrès ? Cf. cours 3.1), et à une
accusation forte d'ethnocentrisme
(Cf.!cours 1.2 sur la critique par Lévi-
Strauss de l'idée de progrès).
D'autre part, au sens strict, les
sciences humaines visent à
comprendre les phénomènes humains,
plutôt qu'à les expliquer. La
compréhension repose sur une
interprétation, une herméneutique,
qui cherche les raisons, le sens d'un
phénomène humain (principalement à
travers une mise en récit), tandis que
l'explication repose sur la mise en
évidence des lois et des causes à
l'œuvre dans un phénomène naturel
(principalement à travers un protocole
expérimental).
Mais l'histoire relève avant tout
d'une pratique de l'interprétation.
Tout d'abord, considérer un
événement comme un fait historique
relève d’une interprétation du passé.
Dans l’historiographie classique, il
y a objectivement, dans la réalité,
des faits historiques, des grandes
dates, des grands personnages. Dans
l’historiographie moderne, un fait
n'est historique que par rapport à
une certaine perspective envisagée
sur le passé (cf. Paul Veyne : “Le fait
n’est rien sans son intrigue”).
Mais, on peut distinguer,
avec Bergson, 2 formes
de religion : la religion
statique, qui se prête
bien à l'analyse par les
sciences humaines, et la
religion dynamique
comme élan spirituel
intérieur, qui ne se
réduit pas à ce type
d'analyses.
Religion et économie (le
modèle de Marx) : la
religion est “l'opium du
peuple” : la croyance au
sacré permet d'oublier la
misère matérielle, mais
elle ne délivre pas des
causes de la souffrance (elle
maintient dans l’inaction et
empêche la révolte contre
l'état de fait) .
Religion et
sociologie (le
modèle de
Durkheim) : la
force de la
religion vient de
sa capacité à
créer, entretenir
et renforcer le
lien social entre
individus.
Religion et psychologie
(le modèle de Freud) : la
religion est une illusion,
une croyance qui dérive
de désirs fondamentaux
(un besoin affectif de
protection, un besoin
intellectuel de
compréhension du monde
et de soi-même, un besoin
moral de justice)
Une religion, c'est
(i) un univers de
croyances et de
pratiques ; (ii)
une
communauté
organisée (un lien
horizontal) ; (iii)
une relation au
sacré (un lien
vertical)
L'argument du mal : Si le
mal existe, et si Dieu est
bienveillant, omniscient et
omnipotent, alors il n'est
pas possible que Dieu
existe. Limite : cf. les
théodicées fondées sur le
libre arbitre humain ou
l'incompréhensibilité de
Dieu pour l'esprit humain.
L'argument naturaliste :
Dieu n'est pas observable,
et l'hypothèse d'un Dieu
n'a pas un grand pouvoir
explicatif, il n'y aurait
donc pas de bonne raison
de croire en Dieu. Limite :
la rationalité d'une
croyance repose-t-elle sur
l'existence d'une preuve
de sa vérité ?
L'argument téléologique : Le monde
présente un degré important de
complexité et d’organisation, qui ne
pourrait s’expliquer que par la
présence d’une cause intelligente
(cf.!l'exemple de la montre trouvée
sur une île déserte). Limite : on
dispose de modèles scientifiques de
l'explication de la complexité qui ne
font pas appel à une cause intelligente
(ex. : théorie de l'évolution)
L'argument
cosmologique : toute
chose a une cause, donc
le monde doit avoir une
cause (Dieu). Limite : la
raison nous conduit à la
question “Pourquoi le
monde existe-t-il ?”, mais
peut-on vraiment
répondre rationnellement
à cette question ?