Histoire de la langue française II. La période romane La « lingua

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Histoire de la langue française
II. La période romane La « lingua romana rustica » (la « langue romane rustique »)
Charlemagne
Étant donné que les contacts entre les régions et les divers royaumes wisigoth, ostrogoth, burgonde, alaman,
vandale, etc., étaient devenus très rares, les divergences linguistiques s'accentuèrent de plus en plus et donnèrent
naissance à des idiomes romans distincts. La lingua romana rustica, ou « langue romane rustique », parlée dans le nord
de la France (royaume des Francs), devint différente de celle parlée dans le sud du pays (royaume des Wisigoths) et de
celle parlée en Italie (royaume des Ostrogoths) ou en Dacie (royaume des Gépides), etc. Tout le système du latin parlé
populaire se trouva modifié en passant au roman (dérivé du mot romain), qui se fragmenta en différentes variantes
selon les gions. Pendant que le latin écrit restait intact, les langues parlées, qui allaient devenir le français, l'italien,
l'espagnol, le catalan, etc., se formaient lentement. C'est en ce sens qu'on parle des langues romanes: issues du latin,
elle se sont distinguées de plus en plus pour devenir distinctes tout en conservant de nombreux éléments communs.
Mais quelque 400 à 500 ans pareront le latin populaire du IVe siècle au premier texte français (XIe siècle). La langue
française n'existait pas encore. Elle ne fut attestée qu'au IXe siècle et portait alors le nom de « langue rustique » (ou
langue vulgaire, de vulgus : qui signifiait « peuple »).
1. La suprématie franque et la fragmentation dialectale
Au cours des VIe et VIIe siècles, les royaumes s'affaiblirent: les Ostrogoths furent conquis par les Romains d'Orient,
puis par les Lombards ; les Wisigoths éliminèrent les Suèves avant d'être exterminés à leur tour par les Francs au nord
et par les Arabes en Espagne ; les Vandales subirent le même sort en Afrique du Nord et les survivants furent islamisés.
Finalement, les Francs sortirent grands vainqueurs de ces affrontements en soumettant presque toute l'Europe
romanisée à l'autorité de quelques monarques. Clovis, le roi des Francs (rex francorum), battit le dernier représentant
de l'autorité romaine à Soisson en 486 ; il étendit ses États de la Loire jusqu'au Rhin, puis se convertit au catholicisme et
reçut ainsi l'appui de ses sujets gallo-romans. Il fut le premier roi à parler le germanique, plus précisément le francique,
une situation qui ne cessa qu'avec Hugues Capet (en 987).
La population gallo-romane, pour sa part, parlait de qu'on appelait à l'époque la « lingua romana rustica », c'est-à-
dire la langue romane rustique. Affranchie de toute contrainte, favorisée par le morcellement féodal et soumise au jeu
variable des lois phonétiques et sociales, cette langue dite « rustique » se développa spontanément sur son vaste
territoire. Elle prit, suivant les régions, les formes les plus variées. C'est ainsi que sortit du sol de la Gaule toute une
floraison de parlers romans régionaux, subdivisés en dialectes (ou patois).
Lorsque le royaume des Francs passa aux mains de Charlemagne en 760 (dynastie des Carolingiens), celui-ci
entreprit la implantation de l'ancien Empire romain. Il y réussit presque en Occident: lui échappèrent la Grande-
Bretagne et l'Espagne, qui demeurèrent respectivement aux mains des Anglo-Saxons et des Arabes. Ses tentatives pour
réunir l'Empire d'Orient (appe Empire byzantin) échouèrent. Lorsqu'il se fit couronner empereur du Saint Empire
romain germanique en décembre 799, son royaume s'étendait du nord de l'Espagne jusqu'aux limites orientales de
l'Allemagne actuelle, de l’Autriche et de la Slovénie.
Fig. L’empire de Charlemagne
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À la mort de Charlemagne, en 814, et après celle de son fils, Louis le Pieux (840), ses petits-fils se disputèrent l'Empire :
Lothaire (795-855), pin (803-838) et Louis (805-976), puis tardivement, d'un second lit, Charles (823-877).
Finalement, Charles le Chauve et Louis le Germanique scellèrent une alliance contre leur frère né, Lothaire, par
les Serments de Strasbourg (842), rédigés pour la première fois en langue dite vulgaire (du latin vulgus :
« peuple »). L'année suivante (843), le traité de Verdun divisa finitivement le royaume de Charlemagne en trois
États : : Charles II (dit « le Chauve ») reçut la partie ouest de l'Empire franc la Francie occidentale (ce qui
deviendra la France), Louis Ier (dit « le Germanique »), la partie est la Francie orientale ou Germanie, et Lothaire
Ier, la Francie médiane à l'est du Rhône, c'est-à-dire la Lotharingie (dont le nom se transformera plus tard en
Lorraine), ainsi que la couronne impériale.
2. La romanisation des Francs
Hugues Capet (en 987) est le premier roi de France a parlé comme langue maternelle la langue romane
vernaculaire (plutôt que le germanique). Mais le royaume de France contrôlé par le roi était à ce moment-là un bien petit
royaume : l'Île-de-France. La France était alors dominée par de puissants seigneurs qui se partageaient le territoire : par
exemple, les comtes de Flandre et les ducs de Normandie dans le Nord, les ducs de Bourgogne à l'est et les ducs
d'Aquitaine au sud.
Il faut noter deux grandes influences dans la langue romane rustique : d'une part, l'apport du germanique de
l'Ouest (ou francique), d'autre part, celui du latin. Les historiens de la langue affirment souvent que le français ne doit au
francique que quelques centaines de mots — exactement 544, selon Henriette Walter, notamment dans le vocabulaire de
la guerre, de l'ornementation, de la nourriture, de l'agriculture, etc., sans oublier les adjectifs de couleurs (bleu, gris,
brun, blanc) et de quantité (guère, trop, etc.).
Pour ce qui est du latin, l'époque de Charlemagne se remit aux études latines. Les clercs et les lettrés dévorèrent,
copièrent massivement et pillèrent littéralement les classiques romains. Des centaines de mots latins ont été empruntés
par les contemporains de Charlemagne, eux qui parlaient la langue romane rustique, mais n'écrivaient qu'en latin
d'Église. Durant plusieurs siècles, les parlers romans furent rejetés au profit du latin classique (emprunts) et du latin
ecclésiastique (écriture). Les rares letts pratiquaient une sorte de bilinguisme dans la mesure ils parlaient la langue
romane rustique de leur région, communiquaient entre eux par le latin réappris et vénéré.
3. L'état de la langue
Au Concile de Tours de 813, l'Église catholique ordonna aux prêtres de faire leurs prônes « en langue romane
rustique », parce que les fidèles ne comprenaient plus celle des lettrés et des clercs. Toutefois, la langue romane
rustique demeurait une langue exclusivement orale, le latin continuant de demeurer la seule langue écrite.
On peut affirmer que les Serments de Strasbourg (842) constituent l'acte de naissance du français (ou francien)
parce que tous les documents écrits antérieurement étaient rédigés uniquement en latin. Les Serments furent écrits dans
une langue que tous les soldats de l'armée de Charles le Chauve (en francien) et de celle de Louis le Germanique (en
germanique) pouvaient comprendre. Le document peut donc être considéré comme du « français », bien que l'on trouve
ce nom appliqué à la langue seulement vers le XIIe siècle.
Fig. Les aires linguistiques des langues régionales de France
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