À la mort de Charlemagne, en 814, et après celle de son fils, Louis le Pieux (840), ses petits-fils se disputèrent l'Empire :
Lothaire (795-855), Pépin (803-838) et Louis (805-976), puis tardivement, d'un second lit, Charles (823-877).
Finalement, Charles le Chauve et Louis le Germanique scellèrent une alliance contre leur frère aîné, Lothaire, par
les Serments de Strasbourg (842), rédigés pour la première fois en langue dite vulgaire (du latin vulgus :
« peuple »). L'année suivante (843), le traité de Verdun divisa définitivement le royaume de Charlemagne en trois
États : : Charles II (dit « le Chauve ») reçut la partie ouest de l'Empire franc — la Francie occidentale (ce qui
deviendra la France), Louis Ier (dit « le Germanique »), la partie est — la Francie orientale ou Germanie, et Lothaire
Ier, la Francie médiane à l'est du Rhône, c'est-à-dire la Lotharingie (dont le nom se transformera plus tard en
Lorraine), ainsi que la couronne impériale.
2. La romanisation des Francs
Hugues Capet (en 987) est le premier roi de France a parlé comme langue maternelle la langue romane
vernaculaire (plutôt que le germanique). Mais le royaume de France contrôlé par le roi était à ce moment-là un bien petit
royaume : l'Île-de-France. La France était alors dominée par de puissants seigneurs qui se partageaient le territoire : par
exemple, les comtes de Flandre et les ducs de Normandie dans le Nord, les ducs de Bourgogne à l'est et les ducs
d'Aquitaine au sud.
Il faut noter deux grandes influences dans la langue romane rustique : d'une part, l'apport du germanique de
l'Ouest (ou francique), d'autre part, celui du latin. Les historiens de la langue affirment souvent que le français ne doit au
francique que quelques centaines de mots — exactement 544, selon Henriette Walter, notamment dans le vocabulaire de
la guerre, de l'ornementation, de la nourriture, de l'agriculture, etc., sans oublier les adjectifs de couleurs (bleu, gris,
brun, blanc) et de quantité (guère, trop, etc.).
Pour ce qui est du latin, l'époque de Charlemagne se remit aux études latines. Les clercs et les lettrés dévorèrent,
copièrent massivement et pillèrent littéralement les classiques romains. Des centaines de mots latins ont été empruntés
par les contemporains de Charlemagne, eux qui parlaient la langue romane rustique, mais n'écrivaient qu'en latin
d'Église. Durant plusieurs siècles, les parlers romans furent rejetés au profit du latin classique (emprunts) et du latin
ecclésiastique (écriture). Les rares lettrés pratiquaient une sorte de bilinguisme dans la mesure où ils parlaient la langue
romane rustique de leur région, communiquaient entre eux par le latin réappris et vénéré.
3. L'état de la langue
Au Concile de Tours de 813, l'Église catholique ordonna aux prêtres de faire leurs prônes « en langue romane
rustique », parce que les fidèles ne comprenaient plus celle des lettrés et des clercs. Toutefois, la langue romane
rustique demeurait une langue exclusivement orale, le latin continuant de demeurer la seule langue écrite.
On peut affirmer que les Serments de Strasbourg (842) constituent l'acte de naissance du français (ou francien)
parce que tous les documents écrits antérieurement étaient rédigés uniquement en latin. Les Serments furent écrits dans
une langue que tous les soldats de l'armée de Charles le Chauve (en francien) et de celle de Louis le Germanique (en
germanique) pouvaient comprendre. Le document peut donc être considéré comme du « français », bien que l'on trouve
ce nom appliqué à la langue seulement vers le XIIe siècle.
Fig. Les aires linguistiques des langues régionales de France