Les oligomères de la protéine β amyloïde sont

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Les oligomères de la protéine β amyloïde sont-ils
susceptibles de modifier la plasticité neuronale ?
Si la présence de plaques de protéines β-amyloïdes dans
le cerveau est une des caractéristiques de la maladie
d’Alzheimer, le rôle propre de cette protéine dans la genèse
des troubles cognitifs associés est encore controversé. Des
analyses post-mortem ont bien mis en évidence que des
dépôts amyloïdes pouvaient être présents dans les cerveaux
de personnes âgées indemnes de troubles cognitifs graves.
Inversement, une corrélation a été trouvée entre le taux de
protéines β−amyloïdes solubles et la perte de synapses
neuronales ou l’altération des fonctions cognitives. De
même, des troubles de la mémoire spatiale ont été mis en
évidence dans des modèles expérimentaux de la maladie
d’Alzheimer caractérisés par une modification dans
l’expression de la protéine β−amyloïde avant que
n’apparaissent les dépôts de plaques fibrillaires dans le
cerveau.
L’analyse d’extraits de cerveau provenant de patients
atteints de la maladie d’Alzheimer a montré que la protéine
β−amyloïde soluble était présente sous forme de
monomères, mais aussi d’oligomères de poids moléculaires
compris entre 8 000 et 12 000. Deux équipes de
neurologues, l’une travaillant à Boston aux Etats-Unis et
l’autre à Dublin en Irlande, se sont demandées si ces
oligomères avaient une activité biologique en relation avec
les troubles cognitifs observés dans la maladie d’Alzheimer.
Dans un premier temps, ces auteurs ont introduit dans
des cellules en culture une forme mutée du précurseur de la
protéine β−amyloïde humaine connue pour favoriser
l’apparition de la maladie d’Alzheimer. L’analyse du
contenu de fractions sub-cellulaires a montré la présence de
dimères et de trimères de la protéine β−amyloïde dans des
microsomes, indiquant une synthèse précoce de ces
oligomères dans la cellule avant leur sécrétion dans le
milieu externe.
Les effets sur le système nerveux central de ces extraits
cellulaires contenant des monomères et des oligomères de
protéine β−amyloïde ont ensuite été testés in vivo chez le
rat. Des enregistrements électrophysiologiques de potentiels
post-synaptiques excitateurs ont été réalisés dans
l’hippocampe d’animaux anesthésiés. La potentialisation à
long terme de ces signaux consécutive à l’application de
trains de stimuli électriques est considérée comme étant un
bon reflet de la plasticité synaptique des neurones.
L’injection de monomères et d’oligomères de protéine β−
amyloïde dans le ventricule cérébral latéral 10 minutes
avant la stimulation électrique inhibait cette
potentialisation. La dégradation des monomères de la
protéine β−amyloïde par une enzyme spécifique ne
modifiait pas cette inhibition, mettant ainsi en évidence le
rôle spécifique des formes oligomériques de la protéine sur
la plasticité synaptique. Inversement, lorsque la production
d’oligomères était bloquée par des inhibiteurs de sécrétase,
l’injection intracérébrale des extraits de cellules transfectées
n’avait plus d’effet sur la potentialisation hippocampique à
long terme.
Ces travaux suggèrent que la production de la forme
oligomérique soluble de la protéine β−amyloïde serait
responsable d’altérations synaptiques et pourrait jouer un
rôle dans les troubles cognitifs liées à la maladie
d’Alzheimer, y compris durant ses phases précoces. Ces
observations, si elles se vérifient, ouvrent des perspectives
pharmacologiques nouvelles dans le traitement de la
maladie d’Alzheimer, à l’aide de molécules susceptibles
d’inhiber spécifiquement la synthèse ou la sécrétion des
oligomères de la protéine β−amyloïde.
B. Corman
CEA/Saclay, Gif-sur-Yvette
Amplitude des potentiels post-synaptiques hippocampiques
après un train de stimuli électriques
(en % de la valeur de base)
Temps en minutes
Animaux témoins
Animaux recevant
des oligomères de la
protéine β amyloïde
0
140
145
60
145
110
120
150
105
180
150
105
Walsh DM, Klyubin I, Fadeeva JV, Cullen WK, Anwyl R, Wolfe MS, Rowan MJ, D.J120. Selkoe. Naturally secreted
oligomers of amyloid β protein potently inhibit hippocampal long-term potentiation in vivo. Nature:2002, 416: 535-539.
©2002 Successful Aging SA
Af 37-2002
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