La maladie d’Alzheimer… 100 ans après. Le 3 novembre 1906, au 37e congrès de la Société des psychiatres de l’Allemagne de l’Ouest à Tübingen, Aloïs Alzheimer décrivit les symptômes cliniques et les caractéristiques neuropathologiques d’une maladie à laquelle Emil Kraepelin donna le nom de maladie d’Alzheimer. Le cas présenté était celui d’Auguste D. souffrant de pertes de mémoire, de psychose et d’hallucinations. L’examen histologique du cerveau par imprégnation à l’argent selon Bielschowsky révéla les altérations caractéristiques de la maladie : les plaques séniles et les enchevêtrements neurofibrillaires. Depuis, et surtout au cours des 25 dernières années, l’essentiel de la recherche a visé à définir les composantes majeures de ces altérations et leurs agents causaux, responsables de la dégénérescence cérébrale. On compte actuellement plus de 20 millions de cas de maladie d’Alzheimer dans le monde ! Les enchevêtrements neurofibrillaires résultent de l’hyperphosphorylation de la protéine tau, associée aux microtubules. Ils sont aussi présents dans d’autres maladies neurodégénératives, comme la maladie de Pick. Six isoformes de la protéine tau sont produits à partir d’un seul gène, par épissage alternatif de l’ARNm. Ces six isoformes sont présentes en même proportion dans le cerveau normal et le cerveau Alzheimer. La relation entre la dysfonction de la protéine tau et la maladie reste énigmatique. Une piste possible est la présence de mutations du gène de la protéine tau dans la démence fronto-temporale et la maladie de Parkinson héréditaire liée au chromosome 17. En fonction du type de mutation, la représentation des isoformes peut varier et toucher les neurones seulement ou les neurones et la glie. Les plaques séniles sont faites de protéine β-amyloïde. Cette protéine comporte de 40 à 42 acides aminés et résulte du clivage d’une protéine précurseur transmembranaire de fonction encore inconnue, l’APP. Trois enzymes peuvent cliver la protéine : la β-secrétase du côté N-terminal, la γsecrétase du côté C-terminal et l’α-secrétase entre les positions 16 et 17, initiant la formation de la protéine βamyloïde. La forme d’amyloïde à 42 acides aminés est déposée la première. Les dépôts sont faits de fibrilles d’amyloïde dans lesquelles la région 1-17 est désordonnée, tandis que la région 18-42 forme des feuillets β plissés parallèles. Le lien entre l’APP, l’amyloïde β et le chromosome 21 a été établi à partir d’observations faites chez les trisomiques âgés, les patients souffrant d’amyloïdose de type hollandais, et des cas familiaux d’Alzheimer. Actuellement une vingtaine de mutations du gène de l’APP ont été décrites, de même qu’une duplication du gène. Ces mutations ne concernent qu’une minorité des cas de maladie d’Alzheimer de type familial. Dans la majorité des situations, la maladie est associée à des mutations (plus de 160 identifiées) des gènes des présénilines 1 et 2 localisés sur le chromosome 14. Les présénilines sont des protéines membranaires qui interviennent dans le clivage de l’APP par les γ-secrétases. Ces mutations favorisent le dépôt de la forme à 42 acides aminés d’amyloïde. La plupart des cas de maladie d’Alzheimer sont sporadiques, les formes héréditaires représentant moins de 1% du total. La transmission de l’allèle ε4 de l’apolipoprotéine E (apoE4) est le seul risque génétique actuellement connu d’Alzheimer sporadique conduisant à un dépôt accru d’amyloïde. La maladie d’Alzheimer est corrélée à l’âge. Les enchevêtrements neurofibrillaires apparaissent d’abord dans le cortex entorhinal, puis envahissent l’hippocampe, l’amygdale et le néocortex. Les dépôts d’amyloïde apparaissent ensuite dans le néocortex. Les premières dégénérescences nerveuses débuteraient 20 à 30 ans avant l’apparition des premiers symptômes cliniques (les troubles cognitifs légers ou MCI). Cette longue période présymptomatique ouvre la perspective de développer des stratégies préventives qui restent cependant à définir. En ce qui concerne les approches thérapeutiques, les inhibiteurs de cholinestérase sont actuellement utilisés pour combattre les altérations des neurones cholinergiques tandis que la mémantine réduit la sur-stimulation des récepteurs NMDA et donc l’excitotoxité. Par ailleurs, plusieurs substances, actuellement en cours d’essai, visent à réduire les dépôts d’amyloïde, tel le LY450139, inhibiteur de la γsecrétase. Certains anti-inflammatoires non-stéroïdiens, qui limitent son action font également l’objet d’investigations. L’immunisation contre la protéine amyloïde β 42 semble réduire les dépôts dans certaines régions cérébrales…mais entraîne le développement d’encéphalites méningées. Les statines semblent aussi diminuer le risque d’Alzheimer. Enfin, plusieurs substances sont actuellement testées pour combattre les effets de l’apoE4, l’hyperphosporylation de la protéine tau ou encore le stress oxydatif. Face à l’éventail des altérations, une seule voie thérapeutique apparaît illusoire et un consensus semble se dégager pour envisager des approches multiples. Philippe van den Bosch de Aguilar Université Catholique de Louvain, Louvain la Neuve Goedert M, Spillantini MG. A century of Alzheirmer’s disease. Science. 2006;314:777-781. Robertson ED, Mucke L. 100 years and counting: prospects for defeating Alzheimer’s disease. Science. 2006;314:781-784. ©2006 Successful Aging SA Af 447-2006