Mieux comprendre la chimiothérapie anticancéreuse Par Docteur S. oulmane Editions : dar El Feirouz Alger . 2012 Table des matières INTRODUCTION CHAPITRE I : APPARITION ET DEVELOPPEMENT D’UN CANCER I- 1- CANCEROGENESE I.1.1- CANCERS ET FACTEURS CANCERIGENES ENDOGENES a) Gènes et cancers Oncogènes Anti-oncogènes Gènes intervenants dans la réparation de l’ADN b) Cancers et immunité I.1 2- CANCERS ET FACTEURS CANCERIGENES EXOGENES I- 2- EXTENSION DES CANCERS I. 2.1- EXTENSION LOCALE I. 2.2- EXTENSION LOCO-REGIONALE I. 2.3- EXTENSION A DISTANCE – LA METASTASE I- 3- VOIES DE DISSEMINATION I.3.1- VOIE HEMATOGENE I.3.2- VOIE LYMPHOGENE I.3.3- VOIE DES CAVITES NATURELLES I.3.4- VOIE IATROGENE CHAPITRE II : CYCLE CELLULAIRE ET ANTIMITOTIQUES II-1- RAPPEL : LE CYCLE CELLULAIRE II-2- ACTION DES ANTIMITOTIQUES DANS LE CYCLE CELLULAIRE II-3- REPARTITION DES ANTIMITOTIQUES SELON LEUR INTERVENTION DANS LES DIFFERENTS MOMENTS DU CYCLE CELLULAIRE CHAPITRE III : PHARMACOLOGIE III-1- : MODE D’ACTION DES DIFFERENTES FAMILLES D’ANTIMITOTIQUES II1.1.1- ACTION DIRECTE SUR L’ADN Intercalation Alkylation Génération de radicaux libres Agents scindants III.1.2- ACTION INDIRECTE SUR L’ADN Antimétabolites Inhibiteurs de la topo-isomérase III.1.3- AGENTS TUBULO-AFFINES III-2- : ELABORATION DES PROTOCOLES III.2.1- INTERET DES ASSOCIATIONS III.2.2- PRINCIPES DU CHOIX DES ANTIMITOTIQUES DANS L’ELABORATION DES PROTOCOLES . III.2.3- INTENSITE DE DOSE Définition Importance de la dose Intensité de dose Intérêt des facteurs de croissance III-3. CHIMIORESISTANCE III.3.1III.3.2III.3.3III.3.4- Résistance naturelle (intrinsèque) Résistance acquise Mécanismes de la chimiorésistance Modulation de la chimiorésistance CHAPITRE IV : THERAPEUTIQUE IV-1- : PLACE DE LA CHIMIOTHERAPIE DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS; VI.1.1- CHIMIOTHERAIE CURATIVE Chimiotherapie adjuvante Cimiothérapie néo-adjuvante IV.1.2- CHIMIOTHERAPIE PALLIATIVE IV- 2- : PRESENTATION DE LA CHIMIOTHERAPIE AU MALADE IV-3- : PRECAUTIONS GENERALES AVANT LE TRAITEMENT PAR CHIMIOTHERAPIE IV.3.1- SUR LE PLAN CLINIQUE IV.3.2- SUR LE PLAN BIOLOGIQUE IV.3.3- SUR LE PLAN DE L’ADMINISTRATION IV-4- : LES INTENSIFICATIONS THERAPEUTIQUES IV.4.1IV-4.2IV.4.3IV.4.4- DEFINITION GENERALITES INDICATIONS CYTOTOXIQUES UTILISES DANS LES INTENSIFICATIONS THERAPEUTIQUES. IV.4.5- COMPLICATIONS DES INTENSIFICATIONS THERAPEUTIQUES. IV-4-6- ANTIMITOTIQUES COMME RADIOPOTENTIALISATEURS IV-5- : MODE D’UTILISATION DES ANTIMITOTIQUES IV.5.1IV.5.2IV.5.3IV.5.4IV.5.5IV.5.6IV.5.7- CHIMIOTHÉRAPIE LOCALE (PER CUTANÉE) CHIMIOTHÉRAPIE PER OS CHIMIOTHERAPIE INTRAMUSCULAIRE CHIMIOTHERAPIE INTRAVEINEUSE CHIMIOTHERAPIE INTRA-ARTERIELLE CHIMIOTHERAPIE INTRA-SEREUSE CHIMIOTHERAPIE INTRATHECALE ET IV.5.8- INTRAVENTRICULAIRE CHIMIOTHERAPIE ENDOVESICALE IV-6- : VOIES D’ABORDS VASCULAIRES: IV.6.1- ABORDS VEINEUX IV.6.2- ABORDS VEINEUX PERIPHERIQUES CENTRAUX IV-7- : EVALUATION DE LA REPONSE AUX TRAITEMENTS EN ONCOLOGIE IV.7.1- EVALUATION OBJECTIVE DE LA REPONSE IV.7.2- EVALUATION SUBJECTIVE DE LA REPONSE IV.7.3- DEFINITION DE LA « REPONSE » POUR LES TUMEURS SOLIDES : CRITERES DE L’UICC IV.7.4- CAS PARTICULIER DES METASTASES OSSEUSES. CHAPITRE V : EFFETS SECONDAIRES DES TRAITEMENTS PAR ANTIMITOTIQUES - CONDUITES A TENIR V-1-: TOXICITE AIGUE V.I.1- TOXICITE VASCULAIRE: L’EXTRAVASATION V.I.2- TOXICITE DIGESTIVE Nausées et vomissements Troubles du transit Mucites V.I.3- TOXICITE NEUROLOGIQUE Toxicité neurologique centrale Toxicité neurologique périphérique V.I.4- TOXICITE CARDIAQUE Toxicité aigue au 5Fluorouracile Toxicité aigue à l’adriamycine Autres drogues cardiotoxiques V.I.5- TOXICITE HEPATIQUE V.I.6- TOXICITE RENALE Toxicité rénale du cisplatine Toxicité rénale du méthotrexate Néphrotoxicité uratique V.I.7- TOXICITE VESICALE V.I.8- ACCIDENTS ALLERGIQUES V.I.9- SYNDROME DE LYSE TUMORALE V.I.10- TOXICITE CUTANEE ET PHANERIENNE Action toxique sur les revêtement cutanés Action toxique sur les cheveux et les poiles Action toxique sur les ongles V.I.11- TOXICITE MEDUMLLAIRE (MYELOTOXICITE) La leuconeutropénie – Utilisation des facteurs de croisance La thrombopénie L’anémie V-2- : TOXICITE CHRONIQUE V.2.1- TOXICITE CARDIAQUE CHRONIQUE : CARDIOTOXICITE DES ANTHRACYCLINES V.2.2- TOXICITE PULMONAIRE V.2.3V.2.4V.2.5V.2.6- TOXICITE CUTANEE ET PHANERIENNE TOXICITE HEPATIQUE TOXICITE NEUROLOGIQUE TOXICITE RENALE Insuffisance rénale chronique Microangiopathie thrombotique V.2.7- TOXICITE HEMATOLOGIQUE CHRONIQUE V.2.8- CANCERS CHIMIO-INDUITS OU CANCERS SECONDAIRES V.2.9- TOXICITE GONADIQUE ET SEXUELLE Chez l’homme Chez la femme CHAPITRE VI : CHIMIOTHERAPIE ET GROSSESSE CONCLUSION LEXIQUE BIBLIOGRAPHIE. INTRODUCTION : Il est d’usage que de prétendre que le cancer est une maladie de la modernité. Trop souvent encore, on en parle comme une sorte de malédiction des temps modernes, un tribu à payer en contre partie de notre irrespect de la nature et de ce qui vit sur terre au seul profit de notre confort. Il faut cependant savoir qu’en Egypte, des papyrus vieux de quatre mille ans comportant des descriptions de cancer du sein ont été retrouvés. Des stigmates de cancer de l’os ont même été retrouvés sur des momies égyptiennes qui ont fait l’objet d’études scientifiques. Avicène (370-426 de l’Hégire), dans son « Poème de la médecine » (« Urguza fi T’tib ») qui comprend 1326 vers, en consacre plusieurs à la description du cancer ( vers 220, 318, 1238, 1239…) qu’il appelle déjà « Saratane ». Ceci nous permet de dire que, contrairement aux idées reçues, le cancer n’a rien d’une maladie de ces derniers siècles. Il sévit bel et bien depuis des millénaires, et certainement depuis des millions d’années. Depuis que des cellules vivantes se multiplient. Depuis les débuts de l’histoire, les hommes manipulent et utilisent des plantes, non seulement pour leur nourriture mais aussi à des fins thérapeutiques. Cette dernière utilisation était alors réservée aux sorciers, aux magiciens, aux chamans et aux prêtres. Des tablettes d’argile décorées de fleurs de pavot datant du troisième millénaire avant Jésus Christ ont été découvertes en Chine. La place de certains dérivés de cette plante sont d’un apport particulièrement important, notamment en cancérologie qui utilise copieusement les morphiniques dans la prise en charge de la douleur cancéreuse. Au cours du cinquième siècle avant J.C., Hippocrate (460-377 av J.C.) utilisait déjà plus de 350 plantes dont l’opium et la belladone dans sa pratique de l’art de guérir. Il fut le premier à avoir désacralisé cet art en le séparant de la magie. En parlant de ce que l’on appelle aujourd’hui l’épilepsie et qu’on dénommait à son époque « La Maladie Sacrée », il disait déjà : «Ceux qui, les premiers, ont sanctifié cette maladie furent à mon avis, ce que sont aujourd’hui les mages, les expiateurs, les charlatans, les imposteurs, …. Jetant donc la divinité comme un manteau et un prétexte qui abritassent leur impuissance à procurer chose qui fût utile, ces gens, afin que leur ignorance ne devint pas manifeste prétendirent que cette maladie était sacrée ». Depuis, l’ère des médecins préparateurs a commencé. Elle s’étendra sur près de 18 siècles, pratiquement, jusqu’au 13ème siècle après J.C.. Pendant tout ce temps, la pharmacopée sera largement enrichie en végétaux (grâce à Hippocrate, Dioscoride…), en formes pharmaceutiques (grâce à Galien par exemple) et en produits chimiques grâce à des médecins comme Ibn Sina, Ibn El Baytar, Er Razi... Durant l’époque médiévale, apparaissent les apothicaires épiciers, qui se spécialisent dans l’élaboration des préparations médicinales à partir de matières premières et d’épices qui provenaient souvent de contrées lointaines. Malgré les résistances des médecins, cette activité cesse de leur être réservée et connaît par là même un essor considérable grâce aux efforts des apothicaires qui s’y consacrent et étendent la gamme des préparations, potions, crèmes, onguents et sirops aux précieuses vertus thérapeutiques. Et c’est au 13ème siècle, sous le règne de Louis IX qu’est reconnu et accordé le statut d’apothicaire. La profession est née. Mais, ce n’est qu’en 1777, sous Louis XVI, que naît le Collège des pharmaciens. Les apothicaires deviennent les pharmaciens. En 1870, la seringue vient compléter l’arsenal des moyens d’administration des médicaments. Les préparations médicamenteuses pour injections voient le jour. En 1906, P . Ehrlich (1854-1915) - a qui on accorde la paternité de la chimiothérapie au sens large - après de longs travaux de recherche, met au point des dérivés arsenicaux, qui serviront pendant plusieurs décennies pour le traitement de la syphilis. En 1943, la chimiothérapie anticancéreuse - qui comprend les antimitotiques, encore appelés cytotoxiques - est découverte, suite à des manipulations de gaz asphyxiants et à l’observation de lymphopénies dues aux moutardes azotées, dérivées de l’ypérite. Ce dernier composant entrait dans la fabrication d’obus utilisés déjà durant la première guerre mondiale. Il provoquait des brûlures plus ou moins étendues et plus ou moins graves sur les parties du corps qui entraient en contacte avec ce gaz, obligeant ainsi au port permanent de masques à gaz et de combinaisons imperméables spécialement conçues. Ces caractéristiques toxiques sur les cellules vivantes ont intéressé les industriels du médicaments qui les ont détournées à des fins thérapeutiques. Les « analogues de l’ypérites », encore appelés « moutardes azotées » voient le jour et contribuent largement au traitement des leucémies puis à celui de nombreux cancers. Ce n’est qu’en 1982 que le principe de polychimiothérapie, associant deux ou plusieurs produits est défini par Frei. Le terme « chimiothérapie » désigne alors l’utilisation de principes actifs de synthèse ou naturels, de structure connue, à des fins thérapeutiques contre des maladies parasitaires ( ex : chimiothérapie antipaludéenne), des infections virales ( ex : chimiothérapie anti HIV) ou bactériennes ( ex : chimiothérapie antituberculeuse) ou contre les cancers ( chimiothérapie anticancéreuse). Cette technique de traitement prend appuie sur la biologie moléculaire, la biochimie, la pharmacologie, la physiologie humaine. Elle tient également compte des principes de chronobiologie et de chronopharmacologie. Elle tend à mieux connaître le mode d’action et les mécanismes de fonctionnement des principes actifs, afin d’en optimiser l’usage et d’en maximiser les performances. Ainsi, la chimiothérapie n’est pas spécifique du cancer. Elle concerne également plusieurs sortes de maladies. On parlera donc de « chimiothérapie anticancéreuse » pour désigner spécifiquement les antimitotiques visant à freiner ou à stopper le développement des cancers et ce, en interférant avec la multiplication des cellules qui les composent. Cet ouvrage vise à apporter des informations générales susceptibles de fournir un guide à tous ceux qui sont, de loin ou de près, confrontés à cette thérapeutique et à ses effets secondaires ou qui veulent, tout simplement, en comprendre les bases et les mécanismes de fonctionnement. Médecins, infirmières, malades, entourage des malades pourront y puiser quelques informations à même de démystifier ce traitement et de le rendre plus compréhensible donc moins effrayant. Nous espérons de ce fait permettre à tous ceux qui sont au contact de cancéreux traités par chimiothérapie et qui n’ont pas la chance de recevoir les informations et renseignements spécifiques dans ce domaine de se familiariser avec lui et ce, dans le souci d’améliorer la prise en charge des patients atteints de cette terrible maladie qu’est le cancer. En effet et en raison du manque de centres spécialisés, la distance qui sépare souvent les malades des spécialistes pose un réel problème pour la gestion de la période du traitement anticancéreux, en particulier celle de la chimiothérapie, qui s’étend généralement sur plusieurs semaines, voir, plusieurs mois. Les périodes d’intercure (période qui sépare deux cures de chimiothérapie successives) sont cruciales, car une importante partie de la toxicité des produits anticancéreux n’apparaît que 8 à 10 jours, sinon plus, après le début de la cure. C’est précisément la période durant laquelle le patient n’est plus hospitalisé et qu’il passe chez lui, dans sa ville ou son village. Le confort et même la survie du malade s’en trouvent affectés et l’efficacité globale des traitements anticancéreux réduite. C’est pourquoi, il nous paraît fondamental que les médecins de proximité, qui sont aux premières lignes face à la population malade (et qui sont souvent les premiers consultés au début de l’histoire du malade avec sa maladie) ne se sentent plus désarmés dans ce type de situations. Plutôt que d’orienter systématiquement son malade vers le centre spécialisé, parfois pour une simple angine ou une simple bronchite, obligeant son patient à parcourir parfois des centaines de kilomètres dans des conditions particulièrement pénibles, il doit pouvoir intervenir sur les complications les plus courantes et les maladies qui interfèrent avec le cancer sans craindre pour autant de porter préjudice à son malade. Pour cela, il est essentiel qu’il connaisse et comprenne aussi bien la maladie de son patient que le traitement que ce dernier subit. D’aucun nous diront que la santé n’a pas de prix. Certes, mais la santé a un coût. Et, ce coût doit rester autant que faire se peut dans les limites des disponibilités matérielles et budgétaires réelles, aussi bien à l’échelle du dispositif global de santé qu’à l’échelle du malade, que la maladie cancéreuse confine souvent dans une marginalisation professionnelle et sociale qui grève considérablement ses sources de revenus et augmente substantiellement ses dépenses (médicaments, examens complémentaires, transport etc.) Jusqu’à présent, de nombreux patients atteints de cancers souhaiteraient bénéficier d’un transfert à l’étranger. Cet état d’esprit perdure, bien que les traitements spécifiques, en l’occurrence, les protocoles de chimiothérapie utilisés en Algérie, soient souvent strictement calqués sur ceux utilisés à l’étranger. Les malades terrorisés par leur maladie ont l’intime conviction que « là bas, les médecins connaissent mieux le cancer » ce qui risque de poser un problème dans leur prise en charge. Dans ce cadre, la capacité de leur médecin de famille ou le médecin de proximité à répondre à leurs attentes et à leurs questions et à agir et réagir quand le besoin s’en fait sentir, est déterminante dans le déroulement du traitement et dans la façon dont le malade vit sa maladie. Le malade doit se sentir entouré par des intervenants en lesquels il peut avoir confiance ; même s’ils ne sont pas spécialisés en cancérologie. Ces intervenants doivent disposer de connaissances de base suffisantes pour que le malade sente que le cancer n’est pas un mystère mais une maladie dont les secrets ont été percés et qui peut être vaincue. Il est vrai qu’un combat livré à un ennemi que l’on ne connaît pas est plus difficile à gagner que si cet ennemi est connu et que ses différentes facettes nous sont familières. Cela, le malade le ressent de façon très subtile. Il se rend compte très vite si ceux qui l’accompagnent dans son parcours sont au fait de l’information relative à sa maladie ou s’ils sont face à une situation peu connue et non maîtrisée. …. I-1 APPARITION ET DEVELOPPEMENT DU CANCER : CANCEROGENESE Il est aujourd’hui clairement établi que l’origine d’un cancer est monoclonale : toutes les cellules formant une tumeur maligne sont issues d’une seule et même cellule mère mutée. Les cellules cancéreuses ont cependant certaines caractéristiques spécifiques, qui font toute la dangerosité de la maladie : . Elles échappent à l’apoptose (phénomène analogue à une mort programmée des cellules qui, normalement, se divisent un certain nombre de fois, selon leur nature, et finissent par mourir), devenant ainsi immortelles et se divisant indéfiniment aussi longtemps qu’elles sont nourries. Elles sont moins soumises à la cohésion du groupe cellulaire dont elles font partie et peuvent même proliférer de façon autonome, sans pour autant nécessiter d’ancrage dans un support tissulaire, ce qui leur permet une certaine mobilité et leur confère le terrible pouvoir de dissémination loco-régionale et à distance par le biais des vaisseaux sanguins et/ou lymphatiques que les emboles tumoraux empruntent pour former des métastases à distance de la tumeur primitive dont ils se sont détachés. Elles ne sont pas astreintes à l’inhibition de contact, mécanisme par lequel les cellules normales cessent de se multiplier lorsque le tissu auquel elles appartiennent atteint une certaine densité cellulaire. Cette faculté leur permet de donner naissance à des tumeurs de volume parfois impressionnant au sein d’un organe (parfois, plusieurs centaines de grammes). Au sein même de cette tumeur, des foyers de prolifération à forte activité mitotique sont retrouvés, jouxtant des plages cellulaires plus « sereines » ou les divisions cellulaires sont plus lentes ; la tumeur prend alors un aspect bosselé et hétérogène. Elles sont aptes à provoquer et à favoriser une néo-angiogenèse c'est-à-dire la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, ce qui permet une irrigation satisfaisante de la tumeur, donc son alimentation suffisante en oxygène et autres éléments nutritifs. Cette néo-angiogenèse favorise par ailleurs la dissémination métastatique en permettant aux emboles tumoraux qui se détachent de la tumeur de migrer dans la circulation sanguine en empruntant ces néo-vaisseaux. Elles sont, dans la majorité des cas, capables de produire leurs propres facteurs de croissance, ce qui leur garantit une autonomie vis à vis du milieu dans lequel elles prolifèrent. On leur attribut de ce fait un caractère dit ‘autocrine’. Elles sont en mesure de vivre et de proliférer dans un milieu différent de celui dont elles sont issue: les métastases issues d’une tumeur maligne développée au niveau d’un organe s’en détachent, migrent et prolifèrent dans un autre organe à distance, de structure histologique différente (cancer de l’os avec métastases pulmonaires, cancers du sein avec métastases cérébrales…) et qui présente un environnement tout aussi différent de celui dans lequel la tumeur maligne primitive s’est développée. Le rôle de perturbations génétiques dans le développement de cancers a été soupçonné depuis de nombreuses décennies grâce à l’observation de cancers familiaux comme le cancer du sein de la femme jeune ou le cancer du colon ou encore de cancers associés à certaines maladies héréditaires comme le xéroderma pigmentosum. Par ailleurs, des études épidémiologiques ont permis d’établir la relation entre certains cancers et des facteurs carcinogènes de différentes natures comme le cancer du poumon et le tabac, le mésothélium et l’exposition à l’amiante, le cancer de la peau (les carcinomes spinocellulaires) et l’exposition aux rayonnements solaires ultraviolets B, le cancer du col de l’utérus et l’exposition au virus HPV. D’autres études épidémiologiques ont permis d’établir la relation entre certains éléments environnementaux et culturels et la survenue de cancers comme le cancer de l’estomac chez les japonais (que l’on impute en partie à un mode alimentaire particulier), ou la survenue de carcinomes de la lèvre chez les consommateurs de tabac à chiquer et de cigarettes. Une question récurrente nous est régulièrement posée par les malades ou parents de malades : « mais qu’est ce qui a causé mon cancer ? ». Il n’est pas abusif d’affirmer que la cancérogenèse reste un phénomène complexe, qui nécessite l’intervention de plusieurs facteurs ou cofacteurs. L’importance et le poids de chacun de ces facteurs ou cofacteurs varie peut-être, mais la « collaboration » de plusieurs d’entre eux est nécessaire au développement d’une tumeur maligne. Tous les spécialistes s’orientent vers la modification ou la mutation de gènes dont l’issue est d’aboutir à un clone cellulaire aux caractéristiques particulières. Le développement de ce clone cellulaire d’un nouveau type donne naissance à une tumeur dont la taille croît au fil des multiplications cellulaires qui échappe au contrôle physiologique de la division et de la multiplication cellulaire. …… I-2 EXTENSION DES CANCERS : C’est certainement là, le phénomène qui fait toute la dangerosité du cancer. C’est aussi la grande différence entre une tumeur maligne et une tumeur bénigne qui reste toujours confinée à un organe donné. L’extension des cancers est la principale cause de toutes les détériorations organiques et fonctionnelles que l’on observe au décours de la maladie cancéreuse ….. ….. IV-1-PLACE DE LA CHIMIOTHERAPIE DANS LE TRAITEMENT DES CANCERS IV-1-1-CHIMIOTHERAPIE CURATIVE Depuis plusieurs décennies, certains cancers connus pour leur grande chimiosensibilité (lymphomes, certains cancers du testicule, les choriocarcinomes, certaines leucémies) ont fait de la chimiothérapie une arme thérapeutique incontournable, malgré sa toxicité et sa manipulation peu aisée, puisqu’elle permet des taux de guérison pouvant atteindre et même dépasser les 80 %. Les guérisons ou les rémissions prolongées, qui lui sont dues ont permis une approche et une perception nouvelle du cancer, qui, grâce à ce mode de traitement n’est plus systématiquement synonyme d’impuissance thérapeutique et de mort imminente. De nos jours, la guérison est souvent l’objectif premier du médecin en présence d’un patient porteur d’un cancer (surtout les cancers diagnostiqués précocement). Le médecin dispose d’une batterie d’armes thérapeutiques dont la polychimiothérapie est l’élément de choix lorsqu’il s’agit de venir à bout d’une maladie potentiellement disséminée. Ces différentes armes seront combinées, selon le cas, en faisant intervenir un certain nombre de spécialistes qui associeront leur efforts pour combattre cette maladie aussi bien sur son site primitif (ce qui relève surtout de la chirurgie et de la radiothérapie mais aussi de la chimiothérapie) que sur ses sites potentiellement métastatiques ce qui relève plus de la chimiothérapie, de l’hormonothérapie, de l’immunothérapie qui ont cette capacité de diffuser dans tout l’organisme et donc de toucher les cellules dans la quasi-totalité des organes. En effet, bien plus que son action de réduction volumétrique sur une lésion primitive souvent curable alors par chirurgie associée ou non à une radiothérapie, l’action principalement escomptée de la chimiothérapie est celle liée à sa diffusion au niveau de tout l’organisme. Elle vise à traiter ou à prévenir la maladie cancéreuse disséminée dans l’organisme. - CHIMIOTHERAPIE ADJUVANTE : On entend par chimiothérapie adjuvante l’administration d’un traitement par antimitotique, qui……. IV-5-MODE D’ UTILISATION DES ANTIMITOTIQUES La chimiothérapie anticancéreuse comprend de nombreuses drogues cytotoxiques dont les présentations sont variables. Les indications peuvent varier selon la présentation. IV-5-1-CHIMIOTHERAPIE LOCALE ( per-cutanée ) : Elle concerne essentiellement les antimitotiques existant sous forme de solution ou de crème. Leur administration, en application locale, peut parfois être réalisée par le patient, à domicile, à condition…... IV-5-2-CHIMIOTHERAPIE PER OS : Certains antimitotiques se présentent sous forme de comprimés, de dragées ou de gélules. Leur utilisation est aisée pour le malade, qui n’a pas besoin, pour recevoir son traitement, d’être perfusé en milieu spécialisé. Le traitement peut être pris à domicile, en ambulatoire, en se conformant rigoureusement à la prescription du médecin traitant. Les comprimés remis ….. IV-5-3-CHIMIOTHERAPIE INTRAMUSCULAIRE : La voie intramusculaire est également utilisée pour l’administration de certains antimitotiques. Les produits le plus souvent administrés par cette voie sont: la bléomycine, le cyclophsphamide, le 5 fluoro-uracile, le méthotréxate. Pour certaines injections, il est recommandé…. IV-5-4-CHIMIOTHERAPIE INTRAVEINEUSE : C’est le mode le plus usité lors de traitements par antimitotiques. Il nécessite une voie d’abord de bonne qualité (calibre du vaisseau et état de la paroi vasculaire), en raison de la forte causticité vasculaire des produits administrés. Pour pallier ce problème, des systèmes vasculaires sont actuellement mis en place lorsqu’une chimiothérapie au long cours est prévue (cathéters longs extériorisés, chambres à cathéter implantable). Ils permettent une perfusion sans risque de…. IV-5-5-CHIMIOTHERAPIE INTRA-ARTERIELLE : Cette voie d’administration a le mérite d’assurer une concentration maximale en zone critique grâce au repérage effectué des vaisseaux nourriciers de la tumeur maligne à traiter, qui se trouve, de ce fait même, imprégnée d’une forte concentration d’antimitotique. Cette voie d’administration a d’abord été utilisée dans le traitement … ; . IV-5-6-CHIMIOTHERAPIE INTRA-SEREUSE CHIMIOTHERAPIE INTRACAVITAIRE : - CHIMIOTHERAPIE INTRA-PERITONEALE : C’est un mode de traitement de plus en plus utilisé en cancérologie, notamment dans le traitement des cancers de l’ovaire. Elle permet d’atteindre des concentrations intrapéritonéales élevées, sans pour autant…. . - CHIMIOTHERAPIE INTRA-PLEURALE : De moins en moins utilisée, cette approche thérapeutique était réservée aux pleurésies carcinomateuses. On utilise volontiers la mitoxantrone pour ces manipulations qui, actuellement, perdent de leur intérêt devant l’efficacité grandissante des traitements par voie systémique... IV-5-7-CHIMIOTHERAPIE INTRA-THECALE ET INTRA-VENTRICULAIRE : C’est la voie de choix lorsqu’il est question d’atteindre des concentrations élevées au niveau du liquide céphalorachidien….. ….. Conclusion L’étiologie de la maladie cancéreuse est multifactorielle, faisant intervenir des éléments environnementaux physiques et chimiques, biologiques, génétiques, viraux etc. Son évolution tend à en faire une maladie générale, envahissant et détruisant de nombreux organes avant de détruire le malade. En dépit des avancées remarquables qui se sont produites en matière de pharmacologie, en matière d’exploration et en matière de thérapeutique, et en dépit des nombreuses informations qui viennent, quotidiennement, nous informer que tel ou tel type de cancer est enfin vaincu, des millions de malades, dont des têtes couronnées et des chefs d’états, continuent de mourir de leur cancers, et ce dans tous les pays du monde. La maladie reste donc encore trop souvent incontrôlable à long terme, même si les traitements assurent souvent des rémissions de durées plus ou moins longues ou des guérisons dans des cas malheureusement moins fréquents. Certes, les traitements anticancéreux comportent, comme tout autre traitement, un risque de toxicité et même un risque de mortalité. Cela ne justifie pas les malades qui décèdent des suites d’un traitement mal conduit ou mal surveillé. Les impératifs de la chimiothérapie et ses conditions d’administration doivent être la priorité des praticiens qui ont recours à cette arme. Malheureusement, trop souvent confrontés à une demande de soins spécialisés sans cesse croissante auprès de centres anticancéreux en nombre encore insuffisants, il est difficile de maintenir une prise en charge personnalisée et de qualité si les différents intervenant susceptibles d’y être impliqués ne le sont pas. En 1966, J. Lacan soulignait la scientificité sans cesse croissante et les modifications dans l’exercice même de la médecine qui découlent de cette scientificité. Cette scientificité et la technologie de plus en plus pointue qui entourent la pratique médicale ne doivent pas faire perdre de vue que le rôle du thérapeute est de traiter une maladie tout en prenant soin d’un malade. La dimension humaine doit être prise en compte pour une meilleure rentabilité de la prise en charge et une qualité de vie ou de survie améliorée. De l’Art de la médecine dont nous parle Hippocrate, nous sommes arrivés à une pratique technico-scientifique, assistée de moyens sophistiqués qui s’interposent entre le médecins et son patient et qui font souvent barrage aux échanges qu’ils devraient avoir. Même si nous sommes soumis à une obligation de moyens face à nos patients, peut-on aussi aisément se passer d’une anamnèse bien conduite et d’un examen physique rigoureux ? Bien plus en cancérologie que dans d’autres spécialités, la proximité entre le malade et son médecin, particulièrement lorsqu’une chimiothérapie est instaurée, reste un élément majeur dans la conduite du traitement, le contrôle de ses effets secondaires et la victoire sur la maladie. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que pour beaucoup de malades, l’après traitement pose le problème de la durée de survie, du pronostic, des risques de rechutes et/ou de récidives. Le chemin que devront encore parcourir les médecins avec leurs patients et le spectre de la maladie est encore long après le traitement.