Quand suspecter une Sclérose En Plaques au début

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Quand suspecter une Sclérose En Plaques au début ?
Michel CLANET
Pôle Neurosciences du CHU
Plan
Syndrome cliniquement isolé (SCI) : définition
Le SCI est il en relation avec une autre affection que la SEP ?
Quel risque de développer une SEP devant un SCI ?
Peut on évaluer un risque de handicap à long terme ?
Comment conduire le diagnostic ?
Que doit-on dire au patient ?
Faut il traiter ?
Résumé
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie fréquente du système nerveux
central de l’adulte jeune caractérisée par l’apparition de lésions de
démyélinisation inflammatoires avec destruction axonale, disséminées de façon
aléatoire au sein du système nerveux. Dans 85 % des patients qui vont
développer ultérieurement une SEP le début clinique consiste en un épisode aigu
ou subaigu dû à une lésion focale de la substance blanche. Cet épisode est connu
sous le nom de syndrome cliniquement isolé (SCI pour CIS « clinically isolated
syndrom »).
Le pronostic de la SEP est variable d’un patient à l’autre mais plus de la moitié
d’entre eux marcheront avec une canne au terme de 15 à 20 ans d’évolution. Le
développement de traitements préventifs efficaces bien que non curatifs
implique la réalisation d’un diagnostic précoce.
Un patient qui présente un SCI fait poser les questions suivantes :
*le SCI est il en relation avec une affection autre qu’une possible SEP ?
*quel est le risque de ce patient de développer une SEP confirmée ?
*si une SEP se développe peut on évaluer individuellement le risque d’un
handicap sévère ?
*comment conduire la prise en charge diagnostique ?
*que doit on dire au patient ?
*faut il traiter ?
Présentation clinique
Dans les grandes séries, 77% des SCI sont monofocaux, 21 % avec une névrite
optique rétro-bulbaire (NORB), 46 % avec un syndrome clinique d’atteinte des
fibres longues, 10 % avec un syndrome d’atteinte du tronc cérébral, alors que
23% se présentent avec des lésions multifocales.
Bien que suggérant fortement une SEP possible, un SCI peut révéler une autre
affection neurologique qu’il y a lieu d’identifier. Certaines présentations
neurologiques sont inhabituelles pour une SEP et doivent d’emblée faire mettre
en doute le diagnostic : céphalées persistantes, épilepsie, syndromes extrapyramidaux, début pseudo-vasculaire, encéphalopathie grave, neuropathie
périphérique. La SEP est rarement familiale, ne s’accompagne pas d’altération
de l’état général ou de fièvre, de signes articulaires ou cutanés.
D’autres affections inflammatoires systémiques sont susceptibles de mimer la
présentation d’un SEP et son évolution (artérites cérébrales, lupus, syndrome de
Sjogren, neurosarcoïdose, etc…), mais aussi des maladies infectieuses où
hérédodégénératives. Il est donc nécessaire d’effectuer quelques examens
complémentaires biologiques, mais non systématiques et guidés par le contexte
clinique. Dans ce contexte l’examen IRM prend une place primordiale.
L’examen doit d’abord être médullaire si le syndrome clinique évoque une
lésion spinale, encéphalique dans les autres conditions.
Quel est le risque de développer une SEP
On ne fait pas le diagnostic d’une SEP devant un patient présentant un SCI. On
évalue un risque, puisque le diagnostic de SEP implique la présence d’une
dissémination spatiale des lésions (plusieurs lésions de la substance blanche du
SNC) et d’une dissémination temporelle des lésions (plusieurs poussées).
Dans les études cliniques sur le court terme (2 ans) le risque de nouvelle poussée
et donc de confirmation de SEP varie de 17% à 45% suivant les critères
d’inclusion des patients, le risque le plus faible étant celui des patients atteints
de NORB, et le plus élevé celui des patients atteints d’un SCI multifocal.
La présence de multiples lésions sur l’IRM est un facteur pronostique
primordial. Dans une étude londonienne le % de patients SCI qui ont développé
une SEP confirmée était de 43 % à 5 ans, 59% à 10 ans et 68% à 14 ans.
Toutefois moins de 20% des patients qui n’avaient pas de lésions sur la
première IRM avaient une SEP après 15 ans. A l’inverse plus de 85% des
patients avec des anomalies au moment du SCI avaient confirmé une SEP après
15 ans et la gravité de la SEP semble en relation avec l’intensité de la charge
lésionnelle constatée sur ce premier examen.
Comment conduire la démarche diagnostique ?
L’évaluation clinique neurologique précède la demande de l’étude IRM,
encéphalique ou médullaire et l’étude du LCR. Il n’y a toujours pas de
diagnostic biologique de la SEP. Par contre les critères de diagnostic intègrent
les données IRM et permettent un diagnostic plus précoce.
L’IRM permet de prendre en compte
*des critères de dissémination spatiale des lésions : en l’absence de
spécificité des images, les experts ont défini des critères fortement prédictifs,
connus sous le nom de critères de Barkhof. (cf Annexes)
* des critères de dissémination temporelle : la réalisation d’une IRM
complémentaire dans des délais précisés par les recommandations permet de
confirmer l’apparition de nouvelles lésions, et donc d’une poussée infra-clinique
en l’absence de toute manifestation symptomatique.
L’étude du LCR n’est pas indispensable. Cependant, en l’absence des critères
IRM de dissémination spatiale, la présence d’un nombre plus limité de lésions
accède à ce critère s’il y a des anomalies caractéristiques du LCR (fragmentation
oligoclonale des gammaglobulines). (Cf Annexes)
Annonce du diagnostic
La démarche diagnostique doit être explicitée et le diagnostic annoncé dès sa
confirmation. C’est un moment critique, anxiogène, qui crée une rupture dans la
trajectoire personnelle de la personne. Une longue incertitude accroit
l’inquiétude et exacerbe le ressentiment vis-à-vis des praticiens. Ces contacts
initiaux conditionnent l’attitude ultérieure des patients vis-à-vis de leur maladie
et leur observance thérapeutique.
La procédure d’annonce diagnostique est une gestion des conséquences
psychologiques de cette révélation et la communication d’informations
techniques.
L’annonce est faite par le neurologue au cours d’un entretien programmé pour
lequel il se sera rendu disponible. L’adéquation du moment est définie par
l’appréciation des conditions psychologiques du patient et la collection des
critères diagnostiques. L’entretien est avant tout un accompagnement
émotionnel assorti de quelques explications techniques. La proposition d’un
rencontre ultérieure proche permet de créer une alliance thérapeutique.
Faut-il traiter ?
Le traitement immédiat est représenté par le bolus de methylprdnisolone (1g /3
jours ou 5 jours suivant la gravité) au début de l’épisode. Ce traitement en
raccourcit la durée et en atténue l’intensité. La corticothérapie à faible dose par
voie orale n’est pas efficace et doit être évitée.
Il existe plus d’arguments pour introduire un traitement immunomodulateur au
début plutôt que d’attendre pour traiter que la SEP ait confirmé une évolutivité
significative. Cependant tous les malades ne justifient pas de ce traitement
précoce.
L’AMM a défini une population de patients SCI à risque qui peuvent bénéficier
des traitements par interféron béta (Avonex, Bétaferon) dès la confirmation du
diagnostic selon les critères de Mc Donald, malgré l’absence d’une deuxième
poussée clinique. Cependant, il n’existe toujours pas aujourd’hui de preuve que
ce traitement précoce modifie l’histoire naturelle de la SEP sur le long terme.
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