DU VENDREDI 18 AU JEUDI 24 SEPTEMBRE 2015 - NO 142 - 3 €
RÉGIONALES 2015
Deuxième étape de notre tour
de France, les Pays de la Loire visent
des coopérations renforcées. P.
22-23
LA TRIBUNE AFRIQUE
Notre nouveau supplément consacre
sa première édition au Maroc,
porte d’entrée royale en Afrique.
INNOVER
Du boomerang pour explorer Mars
à la lampe qui fonctionne à l’eau
salée. TOUR DU MONDE P. 14-15
NANTES DANS DIX ANS ? « METTRE
LE CAP À L’INTERNATIONAL
EST ESSENTIEL »
Johanna Rolland, la maire
de Nantes, veut en faire
« l’une des métropoles les plus
dynamiques sur les questions
de transition écologique
et numérique ». Entretien
et dossier, à l’occasion du Forum Smart City
Nantes, avec La Tribune. P. 18 à 21
L 15174
- 142 -
F: 3,00
« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »
ENTREPRISES
TAKE IT EASY
« UBERISE »
LA LIVRAISON
DE REPAS… À VÉLO
Après Bruxelles et Paris,
cette startup disruptive
vise Berlin, Madrid
et Londres.
P. 13
CLIMAT #COP21
LE PUBLIC-PRIVÉ
EN TANDEM
Une coopération
ambitieuse se fait jour
entre les champions
français de
l’environnement et les
pouvoirs publics. P. 25
VISIONS
QU’EST-CE QUI
« CLOCHE » DANS
LA FISCALITÉ ?
Rencontre avec Arthur
B. Laffer, chef de file de
« l’école de l’offre ». P. 26
PORTRAIT
CYRIL EBERSWEILER
À 36 ans, il est
le globe-trotteur du
« hardware ».
P. 30
MONTAGE : © PHILIPPE WOJAZER / REUTERS - ISTOCK
> à inverser
la courbe
du chômage,
> à rassembler
la gauche,
> à retrouver
la confiance
des Français,
> à se faire
réélire en 2017 ?
NOTRE DOSSIER,
PAGES 4 à 10,
et l’éditorial, p. 3
Peut-il
encore
réussir ?
COMPTE À REBOURS
CONFIANCE
COMPÉTITIVITÉ
CROISSANCE
CHÔMAGE
La COP21,
déjà du passé
Dans le fond, qu’il y ait un accord ou pas
à la COP21, à « Paris 2015 » dans
quelques jours, cela n’a aucune
importance. Cet hiver, El Niño 2015/2016
devrait avoir un effet gigantesque sur
le climat, le cours des matières premières
– donc le niveau de vie des Terriens –,
et la baisse d’activité des Brics va
s’accentuer… Tout cela rendra « Paris
2015 » bien dérisoire. En tout état
de cause, l’objectif de + 2 ° C maximum
en 2100 est dépassé. Nous sommes
en Anthropocène, depuis deux siècles,
l’Homme domine la Terre. L’étape en
marche est celle de la maîtrise de la Terre
ou plutôt de la vie sur Terre en 2100.
Maîtriser la vie – de l’Homme – sur Terre
repose sur trois objectifs principaux :
maîtriser l’alimentation, le logement et la
ville, les déplacements de l’Homme. La
maîtrise de l’alimentation passe par la
précision et l’automatisation mises dans
l’exploitation de la terre arable et par les
fermes urbaines. C’est en marche. La
maîtrise du logement et de la ville est un
immense objectif, en test depuis plusieurs
années. Les projets et les réalisations de
villes maîtrisées et propres ne manquent
pas dans le monde. Le plus délicat sera
l’isolation des bâtiments construits avant
2000-2010. Enfin, les déplacements font
l’objet d’investissements massifs dans les
énergies propres, l’autonomie des systèmes
(Toyota a décidé ce mois-ci d’investir
50 millions de dollars sur cinq ans) et la
création de nouveaux moyens de transport.
Maîtriser l’alimentation, la ville
et les déplacements, c’est maîtriser
l’impact du climat, qu’il soit à + 6 ° C ou
- 4 ° C. L’homme fera le choix de la faune
et la flore qu’il veut conserver, ce qu’il fait
d’une manière indirecte depuis cinquante
ans. Depuis plus d’une dizaine d’années,
on sait déplacer des nuages ou provoquer
la pluie. Des travaux sont en cours
pour protéger les mégapoles des aléas
climatiques. Les maisons flottantes sont
construites aux Pays-Bas, à défaut
de digues jamais assez hautes. Les villes
flottantes sont à l’étude. Atteindre
ces objectifs est l’affaire du numérique.
La semaine passée, nous avons évoqué
la guerre des pétaflops d’Obama, dont
les systèmes massifs communication
sont des parties intégrantes.
Le développement des robots de toutes
tailles, du nanorobot qui circule dans le
corps humain, le sol ou la flore, au robot
industriel géant, est le grand sujet pour
gagner en précision, qualité et rapidité,
et pour emmagasiner les informations.
Maîtriser la vie sur Terre en 2100,
c’est un mouvement qui a débuté
il y a deux siècles. Ce xxie siècle
sera celui de son aboutissement.
SIGNAUX FAIBLES
PRÉCISION - Contrairement à ce que nous affirmions
dans l’entretien de Pierre Moscovici (commissaire
européen aux Affaires économiques et monétaires),
publié dans notre édition de la semaine dernière,
Total, BNP et Airbus ont bien accepté d’être
auditionnés par la commission des budgets du
Parlement européen, présidée par Alain Lamassoure.
PAR PHILIPPE
CAHEN
PROSPECTIVISTE
@SignauxFaibles
DR
ÉDITORIAL
L’HISTOIRE
QUAND LA320, LE BEST-SELLER D’AIRBUS, DEVIENT « MADE IN AMERICA » - Airbus
inaugurait lundi 14 septembre la ligne d’assemblage final de Mobile, en Alabama (États-Unis), qui
va permettre à Airbus d’atteindre une cadence de production de 50 avions par mois, d’ici à 2017.
Trois ans après l’annonce de l’ouverture d’une ligne d’assemblage final (FAL) de la famille A320
aux États-Unis, son quatrième site d’assemblage d’avions moyen-courriers dans le monde après ceux
de Hambourg, Toulouse et Tianjin en Chine, l’usine de Mobile, sur les bords du Golfe du Mexique, vient
de commencer l’assemblage du premier appareil américain, qui sera livré à la compagnie américaine
à bas coût Jetblue, début 2016.
Ce lundi, Tom Enders et Fabrice Brégier, respectivement PDG d’Airbus Group (ex EADS) et d’Airbus,
ont donc inauguré ce site qui s’étend sur 215 000 m
2
. « Aux États-Unis, il est important de montrer
que les avions sont produits dans le pays. Cela nous fait gagner des points et dans certains cas cela
peut faire la différence », a déclaré Fabrice Brégier à notre confrère Welt am Sonntag. Pour le patron
d’Airbus, la stratégie d’implantation aux États-Unis s’avère déjà payante : « La part de marché d’Airbus
dans la flotte américaine en service est de 20 %, mais s’élève à 40 % sur les appareils commandés par
les compagnies américaines depuis l’annonce de la création de l’usine de Mobile, en 2012 », explique-t-il.
BALISES
Mea culpa,
mea maxima culpa
L
autocritique est un exer
-
cice si peu naturel pour
un homme politique, sur
-
tout durant l’exercice de
ses fonctions, que l’on se
doit de saluer le mea culpa,
certes tardif, du président de la République
sur les erreurs de son début de quinquen-
nat. Qu’il ait choisi pour le faire savoir la
voie détournée d’un livre, celui de notre
consœur du Monde Françoise Fressoz, ne
retire rien à l’intérêt que l’on doit porter à
cette coulpe battue.
Dans Le Stage est fini, le chef de l’État
reconnaît donc, à demi-mot, qu’il a man-
qué de cynisme en ne maintenant pas la
TVA sociale qu’avait fait adopter son pré-
décesseur, ce qui lui aurait permis d’éviter
de matraquer d’impôts les Français. Un
chiffre, pour illustrer le propos, issu d’une
passionnante étude de l’OCDE, mérite
d’être relevé : si l’on classe les onze prin-
cipales économies en fonction de leur
effort de réduction du déficit budgétaire,
la France apparaît au huitième rang. Nous
sommes aussi le seul pays dont l’ajuste
-
ment budgétaire a reposé en exclusivité
sur l’impôt et en rien sur la baisse de la
dépense publique (laquelle atteint désor-
mais un record mondial, à 57 % du PIB). En
clair, François Hollande n’a rien fait, ou si
peu… et plutôt mal, comme il le reconnaît
lui-même.
Autre grave erreur, que le chef de l’État
ne retient pas, mais qui lui a été souvent
reprochée, la suppression trop rapide et
brutale de la défiscalisation des heures
supplémentaires, qui a frappé directe
-
ment au portefeuille les catégories les
plus modestes, et sans doute ses électeurs
de 2012, qui avaient cru de bonne foi à
son slogan « Le changement, c’est mainte-
nant ». Le virage sur l’aile du président
de la République sur le traité européen,
certes inévitable vu le déficit de crédibilité
budgétaire de la France, a lui aussi pris à
revers ses engagements de campagne
et l’a conduit à mener une politique qui
n’avait plus rien à voir avec les intentions
affichées par le candidat. Comme
l’a dit Machiavel, « gouverner,
c’est faire croire »… Encore
faut-il que l’on vous accorde
(encore) crédit. À voir la cote
de popularité actuelle de Fran-
çois Hollande, on ne sait pas si
« le stage est fini », mais le crédit,
lui, est épuisé.
Reconnaître ses erreurs, que l’on soit un
dirigeant politique ou d’entreprise, est
un exercice de communication délicat à
manier. Voire dangereux, parce qu’il peut
facilement se retourner contre son auteur.
Les Français n’attendent pas du chef de
l’État une séance d’autoflagellation, qui plus
est sur un point finalement assez dérisoire
et anecdotique de sa politique. Ce qu’ils
veulent désormais, avec une impatience
de moins en moins dissimulée, ce sont des
résultats tangibles et concrets. Ceux-ci
vont venir, assure-t-on du côté de l’exécu-
tif où l’on souligne que 2015 sera l’année
du retournement pour l’emploi et la crois-
sance. On en décèle quelques prémices dans
les chiffres de l’intérim, indicateur avancé
d’une baisse prochaine du taux de chômage.
Mais, contrairement à ce que pense Fran-
çois Hollande, l’inversion de la courbe du
chômage, qui devra se confirmer l’an pro-
chain, n’est qu’une condition nécessaire, et
pas suffisante, pour qu’il puisse espérer être
réélu pour un second mandat.
Au vu de l’accélération des événements
mondiaux qui, de la crise grecque à la
crise des migrants, menacent la cohé
-
sion de l’Europe, 2017 est un
horizon trop lointain pour
qu’on y prête plus qu’une
attention distraite. François
Hollande a pour lui d’être à la tête de
l’État à un moment que l’on peut quali-
fier sans emphase d’historique. Chacun le
ressent bien, ces millions de personnes qui
frappent à notre porte sont annonciatrices
d’un monde nouveau. Les Français juge-
ront le moment venu si le président sortant
aura su se montrer à la hauteur de ces défis.
Mais là encore, même si François Hollande
réussissait, ce n’est même pas sur son bilan
que se jouera la présidentielle, mais plutôt
sur une roulette électorale qui, pour la pre-
mière fois sous la V
e
République, opposera
trois forces à peu près égales. De sorte que
la seule stratégie gagnante en 2017 consis-
tera pour le candidat de droite comme
pour le candidat de gauche, quel qu’il soit, à
faire en sorte de se qualifier pour le second
tour face à Marine Le Pen…
PAR
PHILIPPE
MABILLE
@phmabille
DR
1,2 %
DU CHIFFRE D’AFFAIRES,
C’EST LE NOUVEAU TAUX DE
la taxe télécoms (+ 0,3 %), a
annoncé la ministre de la Culture
Fleur Pellerin. Cette taxe vise les
groupes Bouygues Telecom, SFR,
Orange et Free pour leur activité
de fournisseurs d’accès à
Internet. Stéphane Richard, PDG
d’Orange, a dénoncé cette
hausse, y voyant « une forme
de mépris pour notre industrie ».
12 à 15
CENTIMES PAR KILOMÈTRE,
C’EST L’INDEMNITÉ VÉLO
incitative que Ségolène Royal,
ministre de l’Écologie, songe
à faire allouer aux salariés qui
choisiraient d’aller travailler
à bicyclette. Selon la ministre,
l’expérience menée l’an dernier
auprès de 8 000 salariés avait
« très bien fonctionné », avec
un triplement du nombre de
salariés allant travailler à vélo.
3,5
MILLIARDS D’EUROS
D’EXPORTATIONS DE VIN
au premier semestre, en hausse
de 7 %, c’est la belle
performance que révèlent
les statistiques de la Fédération
des exportateurs de vins et
spiritueux (FEVS). Sans surprise,
le Champagne joue toujours
son rôle moteur dans le secteur,
avec une progression
de 9 % du chiffre d’affaires.
2 202
EUROS NETS, C’EST LE
SALAIRE MENSUEL MOYEN
des Français en 2013, en
équivalent temps plein (EQTP)
dans le secteur privé ou dans
les entreprises publiques
(soit 2 912 euros bruts, avant
prélèvements). En euros
constants, il baisse de 0,3 % par
rapport à 2012, soit à peu près
autant qu’entre 2011 et 2012,
où il avait reculé de 0,4 %.
© MICHAEL SPOONEYBARGER / REUTERS
TENDANCES
LA TRIBUNE - VENDREDI 18 SEPTEMBRE 2015 - NO 142 - WWW.LATRIBUNE.FR
I 3
L’ÉVÉNEMENT
4 I
LA TRIBUNE - VENDREDI 18 SEPTEMBRE 2015 - NO 142 - WWW.LATRIBUNE.FR
«I
l faut qu’il y ait une
baisse du chômage
tout au long de l’an-
née 2016, une baisse
crédible, longue et
tée ». Ainsi s’ex-
primait le président
de la République en
juillet devant l’Association de la presse
présidentielle. En filigrane, François Hol-
lande précisait là les conditions pour une
nouvelle candidature à la présidentielle
de 2017, lui qui a depuis près de trois ans
ouvertement associé son destin présiden-
tiel à l’inversion de la courbe du chômage.
Un sacré pari, alors que l’on comptabilise
en France près de 700 000 chômeurs de
plus qu’en mai 2012, lors de l’arrivée de
François Hollande à l’Élysée.
Dans ces conditions, est-il raisonnable
pour le président en place de croire en ses
chances pour un nouveau mandat en
2017 ? À première vue, la réponse est
incontestablement négative. Un sondage
Ifop du 6 septembre pour Le Figaro et
RTL le dit même perdant dès le premier
tour avec 19 % des suffrages, loin derrière
le candidat de la droite et du centre
–qu’il sagisse de Nicolas Sarkozy ou
d’Alain Juppé – (25 %) et, surtout, de
Marine Le Pen (27 %). Et pourtant,
l’homme que l’on n’avait pas vu arriver
avant les primaires socialistes de 2011
continue de croire en sa bonne étoile. En
bon mitterrandien, il sait qu’en politique
on n’est jamais mort. La dernière confé-
rence de presse présidentielle du 7 sep-
tembre l’a montré : François Hollande ne
renonce pas.
Il continue d’affirmer sa volonté de réfor-
mer le pays alors que 2016 sera la der-
nière année budgétaire utile du quin-
quennat. Il lance de nouveaux chantiers,
comme les réformes du droit du travail
pour donner davantage de poids aux
accords dentreprise, ou celle de la dota-
tion globale de fonctionnement aux col-
lectivités locales. Il confirme que le pacte
de responsabilité, avec ses 41 milliards
d’euros d’allégements d’impôts et de coti-
sations sociales pour les entreprises, sera
mené à son terme. Il annonce une nou-
velle loi sur « les opportunités numé-
riques ». Il se pose en gardien de la sécu-
rité de la France en engageant davantage
l’armée de l’air en Syrie.
Mais lui reste-t-il vraiment une chance
d’inverser les pronostics sur sa future
non-réélection ?
Lexercice paraît difficile mais pas com-
plètement impossible. Pour se trouver en
situation de l’emporter à nouveau, il
devra réunir deux conditions. La pre-
mière sera une amélioration significative
de la conjoncture économique avec des
résultats très concrets pour les Français,
sur le front du chômage notamment. La
seconde, tout aussi essentielle, sera de
rassembler non seulement tout le parti
socialiste derrière lui mais, au-delà, la
famille de la gauche plus généralement.
Et, quand on voit l’état de décrépitude
actuelle des différentes composantes de
cette gauche, ce n’est vraiment pas gagné.
PREMIER IMPÉRATIF :
UNE FORTE DÉCRUE
DU CHÔMAGE
François Hollande va-t-il pouvoir comp-
ter sur des vents économiques plus favo-
rables ? Cette année, le PIB devrait pro-
gresser d’un petit 1 %. Pour 2016, le projet
de loi de finances est bâti sur une hypo-
thèse de 1,5 % de croissance. C’est un peu
juste pour faire spontanément reculer le
chômage du fait de l’augmentation
« naturelle » de la population active qui
dépasse les 100 000 personnes par an. Du
coup, le budget 2016 du ministère du Tra
-
vail devrait prévoir le financement d’en-
viron 550 000 contrats aidés, soit un
niveau équivalent à celui de 2015.
Mais il existe des scénarios plus opti-
mistes, peut-être même un peu trop,
comme celui de l’Observatoire français
des conjonctures économiques (OFCE).
Pour cet organisme rattaché à Sciences
Po Paris, 2016 sera la vraie année de la
reprise avec une croissance de… 2,1 %,
une hausse de l’investissement productif
de 4 % et la création de près de 220 000
postes dans le secteur marchand permet-
tant une nouvelle diminution du nombre
des chômeurs, de 70 000. Le taux de chô-
mage redescendrait à 9,5 %, contre 10 % à
la fin du deuxième trimestre de 2015.
Dans un tel contexte porteur, le déficit
public baisserait significativement pour
s’établir à 3,1 % en 2016. Soit très proche
de l’objectif de 3 % que la France doit
atteindre en 2017. Mais comment l’OFCE
peut-il afficher un tel optimisme ? Selon
ses économistes, tous les éléments sont là
pour favoriser la croissance : la chute des
prix du pétrole, la politique volontariste
de la BCE via l’assouplissement quantitatif
[Quantitative Easing, QE], le ralentisse-
ment de la consolidation budgétaire en
France – qui a refusé de faire davantage
d’économies budgétaires, contrairement à
ce que souhaiterait la Commission euro-
péenne –, la montée en charge du crédit
d’impôt compétitivité emploi (CICE) et la
mise en place du pacte de responsabilité.
En bons keynésiens, les économistes de
l’OFCE estiment que ces facteurs vont
permettre de favoriser la demande et
ainsi de relancer l’économie. Ils consi-
dèrent même que « les principaux freins
qui ont pesé sur l’activité française ces
quatre dernières années [austérité budgé-
taire surcalibrée, euro fort, prix du
pétrole élevé, etc.] devraient être les
en 2015 et 2016, libérant ainsi une crois-
sance jusque-là étouffée ».
François Hollande croit lui aussi à ce
retour au « bon alignement des planètes ».
Certes, mais cette embellie paraît encore
bien fragile. Ainsi, les prix du pétrole vont-
ils continuer durablement à rester sous les
100 dollars ? Et on attend encore les béné-
fices du QE pour l’économie réelle. Sans
parler du ralentissement de l’économie
chinoise et des prévisions à la baisse du
FMI sur la croissance mondiale.
Sur le plan économique, ce n’est donc
pas gagné d’avance, même si le président
affiche un certain volontarisme et qu’il
croit dur comme fer dans la réussite de
son pacte de responsabilité qui va
prendre sa vitesse de croisière en 2016,
avec le passage à 9 % du Crédit d’impôt
compétitivité emploi (CICE), un nouvel
allégement sur les cotisations familiales
des entreprises et la suppression de la
contribution exceptionnelle à l’impôt sur
les sociétés acquittées par les entre-
prises réalisant plus de 250 millions de
chiffres d’affaires.
À cet égard, un ministre qui connaît très
bien François Hollande, salue la
démarche : « Avec cette diminution des p-
Et si par un extraordinaire retournement de l’histoire, François Hollande se retrouvait dans une (bonne)
situation pour se présenter et l’emporter en 2017 ? À première vue, ce scénario paraît bien improbable,
tant le président suscite le rejet. Mais ce cas de figure pourrait devenir réalité… sous plusieurs conditions.
François Hollande : pour qui
sonne le glas ou… l’éternel retour ?
HORIZON 2017
PAR JEAN-
CHRISTOPHE
CHANUT
Ci-dessus,
François Hollande
lors
de sa conférence
de presse
du 7 septembre,
à l’Élysée. Celui
qui se voulait,
au début de
son quinquennat,
le « président
normal », adopte
de plus en plus
la posture
présidentielle
classique de ses
prédécesseurs.
© REUTERS/PHILIPPE
WOJAZER
I 5
LA TRIBUNE - VENDREDI 18 SEPTEMBRE 2015 - NO 142 - WWW.LATRIBUNE.FR
vements sur les entreprises, ajoutée à la
baisse de l’impôt pesant sur les ménages qui
va gommer l’impression du coup de massue
fiscal du début du quinquennat et la réforme
du Code du travail, François Hollande veut
couper l’herbe sous le pied du futur candidat
de l’opposition qui ne pourra pas exploiter
ces thèmes. En plus il séduit une partie de
l’électorat centriste ».
DEUXIÈME IMPÉRATIF :
SE TROUVER
EN « SITUATION POLITIQUE »
De fait, la situation politique qui prédo-
minera à un an du scrutin constitue la
seconde condition pour que François
Hollande puisse avoir une chance de se
représenter en 2017. Et là, il y a du travail,
tant la gauche est dans un état d’émiet-
tement total. François Hollande ne fait
même plus l’unanimité au sein du Parti
socialiste. Son aile gauche, menée notam-
ment par Emmanuel Maurel et l’ancien
ministre Benoît Hamon, revendique de
plus en plus ouvertement l’organisation
d’une primaire à gauche, comme le pré-
voient d’ailleurs les statuts du PS. Les
« frondeurs », réunis derrière le député
Christian Paul, bien
que plus discrets
depuis le congrès
socialiste en juin, à
Poitiers, où ils
avaient porté la
« motion B », ne
décolèrent pas face
au virage social-libé-
ral entrepris par
Manuel Valls et
amplifié avec l’arri-
vée d’Emmanuel
Macron au gouver-
nement. Et ce n’est
pas le prochain pro-
jet de loi sur la réforme du Code du tra-
vail qui va calmer les esprits, même si le
président de la République a décidé de ne
pas toucher à la durée légale du travail de
35 heures, un « marqueur » de gauche.
Après la publication du rapport Comb-
rexelle tendant à valoriser les accords de
branche et d’entreprise au détriment de
la loi, les « frondeurs » ont immédiate-
ment réagi dans un communiqué, esti-
mant que « l’application du rapport Comb-
rexelle restreindrait la législation à quelques
grands principes “d’ordre public social”, et
réduirait à néant la clause la plus favorable
qui sapplique au salarié et l’universalité des
droits. La situation du monde syndical, le
rapport de forces entre salariés et patronat,
ne permettront pas d’imposer, en particulier
dans les entreprises les plus petites, les choix
les plus favorables aux salars ».
Ambiance ! Sans parler du trublion
Arnaud Montebourg, qui n’a pas totale-
ment renoncé à peser sur le débat et qui
s’affiche en public avec l’ancien ministre
grec de l’Économie, Yanis Varoufakis !
François Hollande n’a plus qu’à espérer
que l’instinct de survie du PS le poussera
à se réunir derrière lui à l’approche de
l’échéance capitale de 2017.
Mais un autre danger guette François
Hollande, il a pour nom Cécile Duflot,
l’ex-leader d’Europe-Écologie-Les Verts.
Depuis qu’elle a claqué la porte du gou-
vernement, la députée de Paris n’a de
cesse de dénoncer la ligne sociale-libé-
rale de Manuel Valls. Elle a même tenté
un flirt avec le Parti de gauche de Jean-
Luc Mélenchon… qui a tourné court. Il
n’empêche, et la sortie récente de son
dernier livre Le Grand virage (Éditions
Les Petits Matins) –véritable programme
–l’atteste, Cécile Duflot se réserve la
possibilité de se présenter à la présiden-
tielle de 2017. De quoi grignoter quelques
voix supplémentaires à François Hol-
lande alors que le ticket pour le second
tour va être très cher. Le président s’en
inquiète. Il va tout faire pour marginali-
ser son ancienne ministre du Logement,
afin qu’elle ne puisse se trouver en situa-
tion. Il surveille donc de très près les
initiatives des deux dissidents écolos,
Jean-Vincent Placé et François de Rugy,
–ils viennent de créer une nouvelle for-
mation politique, « Écologistes ! » –net-
tement plus ouverts à une collaboration
avec les socialistes, voire même tout à
fait disposés à intégrer le gouvernement.
Mais, pour ce faire, ils devront sans
doute attendre le lendemain des élec-
tions régionales des 6 et 13 décembre,
quand François Hollande va procéder à
un vaste remaniement pour préparer le
dernier sprint. Objectif : ratisser large,
non seulement au sein du PS, bien sûr,
mais surtout au-delà… Et les écologistes
volontaires seront les bienvenus.
En attendant, ces élections régionales
s’annoncent très périlleuses pour la
gauche, qui détient actuellement 20
des 22 régions métropolitaines (en
incluant la Corse). Sur les 13 nouvelles
« super-régions », elle espère pouvoir
en conserver trois ou quatre : Aqui-
taine-Limousin/Poitou-Charentes,
Languedoc-Roussillon/Midi-Pyré-
nées Bretagne et surtout Île-de-
France. Mais cest loin d’être fait.
TROISIÈME IMPÉRATIF :
QUE NICOLAS SARKOZY
SOIT CANDIDAT
Reste aussi pour François Hol-
lande à connaître le nom de son
principal opposant à droite. Il
faudra pour cela attendre les
résultats, à l’automne 2016, de la pri-
maire du centre et de la droite. François
Hollande rêve de rééditer le scénario de
2012 et de retrouver Nicolas Sarkozy
face à lui. L’ancien président de la Répu-
blique est tellement « clivant » que l’ac-
tuel locataire de l’Élysée pense alors
pouvoir l’emporter sur son rival en
mobilisant l’électorat de gauche jusqu’ici
tenté par l’abstention par dépit mais, in
fine, effrayé par un éventuel retour de
Nicolas Sarkozy.
Surtout, il compte alors sur une candida-
ture de François Bayrou (MoDem) pour
priver l’ancien chef de l’État des suffrages
nécessaires pour accéder au second tour.
François Hollande se retrouverait alors
face à Marine Le Pen (Front Natio-
nal)… le scénario rêvé pour lui.
En revanche, si Alain Juppé
sort grand vainqueur de
la primaire de l’opposition,
la situation va être nette-
ment plus difficile pour
François Hollande. Lan-
cien Premier ministre de
Jacques Chirac séduit
non seulement au
centre mais y compris
certains électeurs de
gauche.
Il a su en grande partie gommer son
image d’homme raide « droit dans ses
bottes » et cultive volontiers un côté
« vieux sage » modéré, notamment sur
les sujets sociétaux. De plus, le maire de
Bordeaux a eu l’habileté de déclarer très
tôt qu’il n’effectuerait qu’un seul man-
dat de cinq ans, le temps de lancer les
quelques grandes réformes qu’il estime
nécessaires.
Pour François Hollande, le scénario
Juppé est certainement le plus noir. Il
va donc tout faire d’ici la primaire de
l’opposition, dans un an, pour que Nico-
las Sarkozy apparaisse comme son meil-
leur ennemi.
9,5 %
ce serait le taux de chômage
en 2016, au lieu de 10 %
au deuxième trimestre 2015,
selon les estimations
de l’Observatoire français
des conjonctures économiques.
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juin 2012 sept. 20152013 2014 2015
PAS CONFIANCE
CONFIANCE
La martingale
rêvée de François
Hollande pour
2017 : un destin
à la mode
« Chirac 2002 »,
lorsque l’ancien
président s’est
trouvé au second
tour face
au candidat
du Front national,
et a ainsi
remporté
l’élection avec
82,21 %
des suffrages.
© REGIS DUVIGNAU /
REUTERS
SOURCE: BAROMÈTRE TNS SOFRES / FIGARO-MAGAZINE
Cote de confiance
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