OVSG-IPGP – mai 2011 page 3 sur 5
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Sur la lettre de Mr Aubry circulant sur Internet et
annonçant un séisme imminent dans les Antilles.
Dans une lettre adressée au Conseil Général de Martinique,
et circulant sur internet depuis plusieurs semaines, Mr Aubry,
professeur agrégé en physique, annonce un séisme majeur,
certain et imminent au niveau de la Martinique et de la
Guadeloupe, (
« délais de quelques jours à quelques mois,
mais n'excédant pas l'année »
). Il s’agit donc d’une véritable
prédiction sismique que nous annonce l’auteur.
Ce commentaire est destiné à éclairer les citoyens sur cette
annonce en relation avec la connaissance scientifique
actuelle.
Pour justifier son annonce, Mr Aubry s'appuie sur 3 points :
«
Un séisme d'une intensité 7.5 à 8.5 est attendu, prévision
de l'Institut de Physique du Globe de Paris (entre autre).
»
Dans cette phrase l’auteur semble confondre intensité et
magnitude. Il veut sans doute parler de magnitude[i]. Quant
au séisme majeur attendu dans les Petites Antilles par les
spécialistes, tous les scientifiques s’accordent sur ce fait. Il ne
s’agit pas d’une prédiction mais d'une prévision relativement
large. Elle est basée sur deux observations principales : (1)
nous sommes à une frontière de deux plaques tectoniques,
les plaques Caraïbe et Amérique qui se déplacent l’une par
rapport à l’autre, à la vitesse de 2cm/an. Cette frontière est
constituée de failles où l’énergie accumulée par ce
déplacement permanent se libère sous forme de séismes ;
(2) il s’est déjà produit des séismes destructeurs dans les
Antilles, en 1839, en Martinique, de magnitude supérieure à
7.5, et en 1843, entre la Guadeloupe et Antigua, de
magntiude supérieure à 8, il s’en produira donc d’autres,
n’importe où le long de l’arc des Antilles, entre Grenade et les
îles Vierges.
La nouvelle carte de zonage sismique publiée en mai 2011
confirmerait cette prévision
.
Cette nouvelle carte de zonage sismique existe bien, mais ne
permet en aucune façon de prédire les séismes. Il s'agit d'un
document réglementaire, mis à jour régulièrement avec
l'amélioration de la connaissance des zones à risque, servant
de base à l'application des règles de construction
parasismique sur le territoire nationale. En 2011 une nouvelle
carte est désormais disponible et introduit des évolutions
pour certaines régions de la Métropole. Pour les Antilles en
revanche, rien n'a changé, nous sommes toujours au niveau
maximal du zonage du risque sismique en France, le 5e
échelon.
Le dernier point présente l'imminence de ce tremblement
de terre à partir d'investigations et de raisonnements
personnels de Mr Aubry, basés sur le brusque ralentissement
des plaques et l’augmentation de la fréquence des séismes
dans la région.
Le brusque ralentissement des plaques.
La vitesse des plaques est remarquablement stable, autant à
l'échelle de quelques décennies (mesurée par le système
GPS) qu'à l'échelle géologique (quelques millions d'années).
Le mouvement des plaques est l'expression des mouvements
de convection du manteau terrestre et à l'échelle des
générations humaines la vitesse des plaques est parfaitement
constante. La vitesse de convergence entre les plaques
Amérique et Caraïbe est de 2 cm/an, cette vitesse est une
donnée de base incontournable ; elle est un des éléments qui
permet de quantifier le risque sismique dans notre région.
En bordure de la plaque, au niveau des failles, cette vitesse
est plus faible. C'est normal. Le contact entre les deux
plaques est bloqué ; c'est la raison pour laquelle il se produit
des séismes importants : ils se produisent lorsque le
déplacement permanent des plaques a accumulé
suffisamment d'énergie dans la zone de faille. Alors, le
séisme "rattrape" le déficit de déplacement que la zone de
faille a accumulé pendant plusieurs siècles, comme un ressort
qui se détend brutalement.
On comprend bien que plus la vitesse entre les plaques est
rapide, plus le nombre de séismes est important, plus le
temps de récurrence entre deux séismes majeurs est court.
Depuis quelques années on a mesuré, avec des réseaux
denses de stations GPS, au niveau certaines frontières de
plaques, que cette accumulation varie dans l'espace et dans
le temps. Ces observations ont ouvert de nouveaux champs
d’investigation pour identifier, mieux caractériser les zones de
préparation des tremblements de terre, mais sans aucune
certitude encore. Le récent séisme du Japon l’illustre bien:
malgré ces mesures denses et systématiques effectuées
depuis pus de 10 ans, la magnitude du séisme qui s'est
produit était très supérieure à celle attendue. Nous n’avons
pas encore suffisamment de recul, de temps de mesure, de
modèles fiables pour tirer des enseignements généraux de ce
type d’analyse. Ces mesures GPS sont développées dans les
Antilles comme dans beaucoup de zones sismiques du
monde.
En aucun cas ces méthodes ne permettent de
déterminer quand la faille va relâcher son énergie,
donc quand va se produire le séisme avec une
incertitude de quelques mois.
L'augmentation de la fréquence des tremblements de
terre dans la région
Ceux qui consultent le bilan mensuel de l'activité volcanique
et sismique publié par l'Observatoire de Guadeloupe,
constatent la grande variation du nombre de séismes d'un
mois à l'autre dans la région. La même constatation peut être
faite à l'échelle des années. Cette variabilité peut être
expliquée par l'organisation de la sismicité, se produisant
souvent en essaims, localisés dans l'espace et dans le temps,
comme dans la région des Saintes, suite du séisme du 21
novembre 2004 de magnitude 6.3. La sismicité mesurée par
les réseaux des observatoires montre une variabilité ; elle est
comparable à celle observée sur d’autres zones sismiques du
monde ; elle ne montre pas de caractéristique remarquable.
L’étude des variations spatiales et temporelles de la sismicité
est un sujet de recherche très actif depuis de nombreuses
années. Une hypothèse de travail est que ces variations
pourraient révéler l'état des forces et donc la maturation
d'une zone de faille. Ces dernières années, les résultats
publiés par de nombreuses équipes dans le monde n'ont pas
fourni de méthodes fiables pour prédire un séisme majeur.
Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe / IPGP – Le Houëlmont, 97113 Gourbeyre, Guadeloupe
• Tél: 05 90 99 11 33 • Fax: 05 90 99 11 34 • Mél: infos@ovsg.univ-ag.fr • http://www.ip gp.fr /pages/0303040901.php •