Origine et évolution de
la croûte continentale
Christian Nicollet
La croûte continentale se crée depuis au moins 4 Ga, principalement dans
des arcs magmatiques au dessus des zones de subduction. Ces roches mag-
matiques des zones de subduction sont très diversifiées (granodiorites, gra-
nites, andésites, etc.) d’une part parce que de nombreuses roches sources
sont à l’origine de ces magmas (manteau, croute océanique subduite, croûte
continentale, sédiments) et d’autre part, parce que ces magmas évoluent,
grâce à des processus pétrologiques variés (différenciation magmatique,
mélange de magmas et contamination). La composition moyenne de la croû-
te continentale est andésitique/granodioritique. Les modalités de la genèse
de cette croûte ont évolué au cours du temps, depuis le début de l’histoire de
la Terre. En conséquence, le nouveau matériau continental produit dans les
zones de subduction actuelles est-il toujours de nature andésitique/grano-
dioritique ?
La croûte continentale est le stade le plus avancé de la différenciation du glo-
be en enveloppes concentriques. Son évolution est complexe depuis 4 Ga
comme en témoigne son hétérogénéité latérale et verticale en composition
chimique, minéralogie et lithologie. Elle est principalement créée dans les arcs
magmatiques qui se localisent le long des zones de subduction. À la surface de la
croûte, ce magmatisme est représenté par des arcs volcaniques, édifices qui s’al-
longent sur des milliers de kilomètres, telle la ceinture de feu du Pacifique.
Cette phrase anodine du thème 1-B-3 du BO du 13 octobre 2011 « Un magma
d’origine mantellique aboutit à la création de nouveau matériau continental
introduit la genèse de la croûte continentale dans le programme de la terminale S.
Elle sous entend l’intervention d’une grande diversité de processus pétrologiques
pour passer du manteau au nouveau matériau continental. Rappelons brièvement ces
processus pétrologiques.
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ÜMots clés : croissance crustale, zone de subduction, andésite, granodiorite, adakite, Archéen,
fusion partielle, différenciation magmatique, contamination
gChristian Nicollet : professeur à l’Université Blaise Pascal, Équipe de Pétrologie Expérimentale
Laboratoire Magmas et Volcans, Clermont Ferrand
Géologie
Les processus pétrologiques
Il s’agit de la fusion partielle (FP), de la différenciation magmatique, de la conta-
mination par assimilation ou par mélange magmatique.
Ces différents processus sont à l’origine de roches magmatiques contrastées que
l’on qualifie de roches ultrabasiques (= péridotite), basiques (basalte, gabbro), inter-
médiaires (granodiorite, andésite) et acides (granite, rhyolite). Les adjectifs basique
et acide n’ont pas la signification que leur donnent les chimistes, mais se référent à
la teneur en silice. Le schéma de la figure 1 résume de façon simplifiée ces proces-
sus responsables de la diversité des roches magmatiques.
La fusion partielle
Elle est à l’origine du magma que l’on qualifie de primitif. La fusion est toujours
partielle et le taux (ou %) de fusion partielle, pour produire un magma en quantité
suffisante pour pouvoir migrer vers la surface, est variable en fonction de la roche
source. En règle générale, la fusion partielle d’une roche d’une « catégorie » produit
un magma plus acide de la « catégorie » suivante : la fusion partielle d’une roche
ultrabasique produit un magma basique, celle d’une roche basique produit un mag-
ma intermédiaire et celle d’une roche intermédiaire, un magma acide. Il n’est pas
possible de « sauter » une étape et de produire, par exemple, un magma intermé-
diaire à partir de la fusion partielle d’une péridotite du manteau. Le % minimum de
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1. Schéma simplifié des principaux processus pétrologiques à l’origine des différentes
roches magmatiques que l’on classe en fonction de leur acidité - basicité.
FP susceptible de produire un magma en quantité suffisante pour que celui-ci puis-
se migrer est contrôlé par la perméabilité de la roche et la viscosité du magma pro-
duit. Ainsi un très faible taux de FP d’une péridotite produit une toute petite quanti-
de magma (de composition intermédiaire) mais qui ne peut pas se séparer de la
roche source.
Le % maximum possible de FP est contrôlé par la nature de la roche et la chaleur
disponible dans le globe. A l’heure actuelle, les taux de FP du manteau sont de
l’ordre de quelques % à une vingtaine de % et produisent des magmas basaltiques.
Dans l’histoire précoce du globe, avant 2,5 Ga, ce taux a pu atteindre 40 à 50 %, pro-
duisant des magmas ultrabasiques qui ont donné des laves appelées komatiites.
La différenciation magmatique
Le magma primitif peut subir une différenciation magmatique produisant des
cumulats et des magmas résiduels dont la composition devient de plus en plus aci-
de. Le processus (ou plutôt les processus, car la différenciation magmatique peut
prendre plusieurs formes) peut produire tout ou une partie de la succession de
roches UB-B-I-A. En simplifiant, les premiers minéraux qui cristallisent sont très
riches en éléments Fe-Mg et s’accumulent, formant les cumulats. Le magma rési-
duel devient plus acide et peut être extrait de la chambre magmatique et produit des
roches de plus en plus acides au fur à mesure que le processus de différenciation
magmatique se poursuit.
La contamination
Le magma peut être contaminé par son environnement. Cette contamination
peut se produire par assimilation de roches encaissantes au contact ou roches arra-
chées et incorporées dans le magma. Elle peut se faire également par mélange de
magmas.
Une brève comparaison de la croûte océanique et de la croûte
continentale
L’âge de la croûte océanique en place ne dépasse pas 200 Ma. Celle-ci a une
composition relativement simple, de nature basaltique/gabbroïque. Elle est formée
par la fusion partielle d’un manteau anhydre relativement homogène. De faibles
variations de la composition du manteau et du taux de fusion partielle permettent
d’obtenir une légère diversité dans les roches produites, telles des MORB auxquels
on rajoute la lettre I ou N ou T, légère différence qui fait la joie des géochimistes
mais qui a peu d’intérêt au niveau de cet article. La cristallisation de ce magma
basique dans la croûte océanique est peu affectée par les processus de la différen-
ciation magmatique et de la contamination. La différenciation magmatique s’effec-
tue à petite échelle, comme on peut l’observer dans les gabbros lités de l’ophiolite
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d’Oman par exemple. Lorsque l’on parcourt l’arête SO du Chenaillet, on traverse
sur près de 200 m de dénivelé, un gabbro à la texture isotrope très homogène. Tout
au plus, la partie basale est enrichie en minéraux ferromagnésiens (mélanogabbro)
et l’on trouve localement des troctolites (dans lesquelles le clinopyroxène du gabbro
est remplacé par de l’olivine). Les chambres magmatiques de la croûte océanique
sont des chambres de refroidissement. Quant à la contamination, elle ne peut pas
avoir une influence notable puisque les roches encaissantes susceptibles de conta-
miner proviennent de la cristallisation d’un magma identique à celui qui serait
contaminé.
Un rapide aperçu d’une carte géologique sur le continent montre que la croûte
continentale est très variée en lithologie (de composition chimique variée) avec une
répartition aléatoire des différentes lithologies. Ceci s’explique d’une part parce que
la croûte continentale est fabriquée depuis plus de 4 Ga et d’autre part parce qu’elle
a été modifiée par des processus géologiques variés (endogènes tels que ceux décrits
à la figure 1 mais également exogènes faisant intervenir érosion, sédimentation)
pendant ces 4 Ga. On parle de recyclage interne.
La composition chimique de la croûte continentale
On comprend de ce qui précède qu’estimer la composition de la croûte conti-
nentale n’est pas une chose aisée et qu’une composition chimique moyenne sera
affectée d’un écart-type non négligeable ! Il a fallu intégrer les compositions chi-
miques d’un nombre considérable de roches, en estimer la proportion relative,
sachant que la répartition de ces roches est hétérogène tant en surface que verticale-
ment, sur une coupe de la croûte continentale (voir figure 12). La tâche est particu-
lièrement délicate en ce qui concerne la croûte inférieure, de composition différen-
te de la croûte supérieure, difficile d’accès et n’affleurant que rarement. Après trois
bonnes décennies de travail, il est actuellement admis que la croûte continentale
actuelle a une composition moyenne proche de l’andésite, cette lave de composition
intermédiaire, riche en phénocristaux de plagioclase et contenant souvent l’amphi-
bole, minéral ferromagnésien hydraté. Elle est aussi comparée à l’adakite, lave
proche de l’andésite, à la granodiorite et encore aux « gneiss gris » (figure 2), litho-
logie représentative des formations archéennes appelés TTG, abréviation des trois
roches typiques de cette formation : tonalites, trondhjémites et granodiorites.
(figures 3 et 4). La croûte continentale a une composition de roche magmatique
intermédiaire.
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