de la Lune avait été observée dès l’Antiquité, et des règles de prédiction quantitatives avaient été
formulées, permettant de prévoir l’amplitude des futures marées à partir des données déjà accumulées. Le
phénomène des marées et sa corrélation avec les phases de la Lune ne purent cependant être légitimement
considérés comme compris que du jour où Newton eut exposé sa théorie de la gravitation universelle qui
rendait compte des deux effets par un système de causes communes.
Le besoin d’expliquer les corrélations observées est si puissant qu’une cause commune est souvent
postulée même dans le cas où il n’existe pas d’autres indications en faveur de son existence, que celle
fournie précisément par le fait même de la corrélation. La question de savoir si cette manière de faire peut
toujours être justifiée est centrale dans le conflit entre la mécanique quantique et les théories réalistes
locales. Ces corrélations relient des observations portant sur des particules subatomiques, domaine qui
relève d’une description en termes de physique quantique et comporte toute une difficile problématique
théorique. Les prédictions des théories réalistes locales peuvent toutefois être illustrées en examinant
comment les corrélations entre événements distants sont expliquées dans un contexte plus familier où la
mécanique quantique n’entre pas en jeu.
maginons qu’un psychologue ait inventé un test très simple, auquel tout patient réussit ou échoue, de
sorte qu’il n’y a pas d’ambiguïté dans les résultats. Le psychologue constate que certaines personnes
réussissent et que d’autres échouent, mais il ne possède aucune information sur ce qui peut distinguer
les deux groupes sauf précisément les réponses qu’ils fournissent au test. En d’autres termes, il ne peut
pas dire si le test mesure quelque aptitude ou propriété véritable des patients testés ou si, au contraire, ces
derniers répondent au hasard.
Il ne semble pas que le problème ainsi posé comporte une solution générale ; il pourrait cependant
être résolu au moins dans un cas particulier. Supposons que le test soit administré non plus à une série
d’individus mais à une série de couples mariés, et que leurs réponses fassent apparaître une corrélation
stricte. La manière d’opérer pourra être de séparer les maris et les femmes avant le test et de les soumettre
aux tests un par un dans l’isolement. Quand, plus tard, les résultats sont dépouillés, il se peut qu’on
constate encore qu’une part de la population a réussi alors que l’autre a échoué, mais en ce qui concerne
chaque couple pris un à un, on s’aperçoit que dans tous les cas où le mari a réussi, sa femme a réussi
aussi, et que dans tous les cas où il a échoué, il en a été de même de sa femme.
Si une telle corrélation persiste après que beaucoup de couples ont été testés, le psychologue
conclura très certainement que la réponse de chaque patient individuel au moment où il est testé n’est pas
le pur fait du hasard. Au contraire, cette réponse doit découler de propriétés objectives différant d’un
couple à l’autre et appartenant soit au monde extérieur - si la question du test comporte cette possibilité -
soit, dans le cas contraire, au sujet testé en personne.
La propriété doit déjà être présente avant le test et, si elle appartient au sujet et non pas au monde
extérieur, elle doit en fait lui avoir appartenu, sous une forme ou sous une autre, dès avant la séparation.
Assurément, le hasard peut éventuellement avoir alors joué un rôle dans le développement, chez chaque
individu, de la propriété dont il s’agit, mais une telle influence doit s’être exercée avant la séparation des
couples. C’est seulement lorsque mari et femme étaient ensemble qu’ils ont pu acquérir des traits
communs susceptibles ensuite de les faire réagir de la même manière. Ainsi, quelle que soit la nature de la
question, la corrélation est donc expliquée par le fait qu’elle résulte d’une cause commune antérieure au
test : en bref, les réponses ne sont pas données au hasard.
Une autre explication, a priori possible, et qu’il convient d’éliminer pour pouvoir vraiment faire la
déduction qui précède, consisterait à attribuer la corrélation observée au fait que maris et femmes ont pu
échanger des informations au moment même où ils subissaient le test. Si quelque moyen de
communication leur était alors accessible, il n’y aurait en effet aucune nécessité à invoquer l’existence
préalable d’une propriété quelconque, déterminant les réactions des individus et distinguant les couples
les uns des autres avant le test. Celui des époux qui subirait le test le premier pourrait choisir au hasard sa
réponse et la communiquer à son partenaire en priant ce dernier de répondre la même chose, ce qui
induirait bien la corrélation observée. Lors d’une expérience conduite au moyen de vrais tests
psychologiques il ne serait pas difficile de se prémunir contre des subterfuges de cette espèce. A la limite,