Le docteur Valérie Chetboul est Professeur de
Cardiologie des Petits Animaux à l’École Nationale
Vétérinaire d’Alfort. Elle fait également partie de l’Unité
Mixte de Recherche en Cardiologie INSERM-ENVA
(Institut National de la Santé et de la Recherche
Médicale, U955) au sein de laquelle elle est responsable de
l’imagerie cardiovasculaire non invasive des petits et des grands
animaux. Elle est actuellement co-éditrice de la rubrique d’imagerie
cardiovasculaire du Journal of Veterinary Cardiology.
L’INFORMATION DU VÉTÉRINAIRE
CEVA SANTÉ ANIMALE
ANIMAUX DE
COMPAGNIE
15
JUILLET 2012
ECLAIRAGE
CEVA Santé Animale poursuit
son investissement en
cardiologie, dans le but de se
positionner comme un véritable
partenaire du praticien et de
l'aider à améliorer ses
connaissances et compétences
pratiques en cardiologie.
Pour ce nouveau numéro
d'AXIS cardiologie, CEVA est
fier d'avoir le Pr Valérie
CHETBOUL comme auteur,
pour présenter et expliquer les
principales caractéristiques
échocardiographiques et
Doppler associées à la maladie
valvulaire dégénérative (MVD)
du chien.
La maladie valvulaire dégénérative mitrale (MVD) se caractérise
par une dégénérescence de l’appareil valvulaire mitral et
constitue la cardiopathie acquise la plus fréquente chez les
chiens de petit format.1-6 La prévalence moyenne de la MVD est
de 4,5%,4mais peut atteindre 14% à 40% chez les chiens de
petite taille en fonction de la race (respectivement races non
Cavalier King Charles et Cavalier King Charles).3,5 Malgré cette
forte prédisposition des chiens de petites races, les chiens de
grandes races, comme les Bergers allemands, peuvent également
être atteints de MVD.7
La MVD entraîne un défaut de coaptation systolique des feuillets
mitraux, engendrant une régurgitation valvulaire dont
l’importance est un déterminant majeur de la progression
naturelle de la maladie. L’aggravation de la régurgitation entraîne
plusieurs complications, notamment une dilatation des chambres
cardiaques, une hypertension artérielle pulmonaire, une
insuffisance cardiaque congestive gauche puis la mort de l’animal
malgré la mise en place d’une polythérapie.1,2,8
L’échocardiographie transthoracique couplée à l’examen
Doppler conventionnel constitue, à l’heure actuelle, la méthode
de choix pour explorer la MVD permettant à la fois la détection
précoce et non invasive des lésions de MVD, la quantification de
la régurgitation valvulaire et la surveillance de sa progression au
cours du temps, et enfin l’évaluation précise de ses
conséquences sur les chambres cardiaques, la fonction
myocardique et la pression artérielle pulmonaire.8-11
DOSSIER
E
chocardiographie
et examen Doppler
chez le chien atteint
de maladie valvulaire
dégénérative mitrale :
principales caractéristiques
et anomalies
Cardiologie :
à vos côtés
au quotidien
INTRODUCTION
L’INFORMATION DU VÉTÉRINAIRE
2
DOSSIER
SUITE
Figure 2 : Échocardiogramme bidimensionnel (coupe 5 cavités, voie
parasternale droite) obtenu chez un chien atteint de maladie valvulaire
dégénérative mitrale à un stade avancé. Le feuillet antérieur de la valve
mitrale (amvl) est épaissi et irrégulier. Le feuillet postérieur de la valve
mitrale (pmvl) est également épaissi mais beaucoup moins que l’autre
feuillet.
LA : atrium gauche. Ao : aorte. LV : ventricule gauche.
Figure 1 : Échocardiogrammes bidimensionnels obtenus chez un
chien normal (1A, coupe 5 cavités, voie parasternale droite) et chez
deux chiens atteints de maladie valvulaire dégénérative mitrale (1B et
1C, respectivement coupe 5 et 4 cavités, voie parasternale droite).
1A: Les feuillets de cette valve mitrale normale (flèches) sont minces
et réguliers.
1Bet 1C: Les lésions dégénératives de la valve mitrale se caractérisent
par la présence de petits nodules lisses situés à l’extrémité des deux
feuillets (flèches, 1B) et par un épaississement des cordages tendineux
(double flèche, 1C).
RA : atrium droit. LA : atrium gauche. Ao : aorte.
C : cordages tendineux. LV : ventricule gauche.
Les lésions valvulaires mitrales associées
à la MVD se caractérisent, dans un
premier temps, par la présence de
petits nodules à l’extrémité des feuillets
mitraux et par l’épaississement des
cordages tendineux (CT).9Ces
lésions peuvent être identifiées à un
stade précoce de la maladie en mode
bidimensionnel (2D) sur des coupes
grands axes obtenues par voie para-
sternale droite (Figure 1). Au cours de
la progression de la maladie, les
feuillets de la valve mitrale deviennent
plus épais et plus irréguliers (Figure 2).
Les autres anomalies valvulaires
incluent l’aplatissement systolique d’un
ou des deux feuillets et le prolapsus
mitral, lequel se caractérise par le
retournement d’un ou des deux
feuillets dans l’atrium gauche au cours
de la systole (Figure 3).
La rupture de cordage (RC) est une
complication potentielle de la MVD,
se produisant dans 16% des cas et
pouvant être diagnostiquée avec
précision en mode 2D (Figure 4)
plutôt qu’en mode temps-mouvement
(mode TM).12,13 La rupture d’un
cordage primaire s’observe sur
plusieurs plans de coupe 2D tandis
que la rupture d’un cordage secon-
daire ne s’observe généralement que
sur un seul plan de coupe. Pour la
majorité des chiens atteints de RC
(> 96%), le cordage rompu était ini-
tialement attaché sur le feuillet
antérieur mitral (Figure 4).13
Les cordages étant des éléments
majeurs de l’appareil valvulaire
atrio-ventriculaire, la RC provoque
dans la majorité des cas une régurgi-
tation systolique mitrale importante
(93%) et est à l’origine d’une insuffi-
sance cardiaque congestive (75%) mal-
gré la mise en place d’un traitement
médical.13 Cependant, comme chez
l’homme, une RC peut également être
observée chez des chiens atteints de
MVD n’ayant jamais reçu de médica-
ment à visée cardiaque et n’ayant jamais
présenté de signes d’insuffisance car-
diaque congestive (chiens appartenant
aux stades 1a ou 1b de la classification
de l’International Small Animal Cardiac
Health Council (ISACHC)).13 Ceci
illustre l’intérêt de réaliser des examens
échocardiographiques chez des animaux
asymptomatiques (en particulier chez
ceux présentant un souffle systolique
apexien gauche de grade III/VI à
l’auscultation cardiaque).13
1 - Détection des lésions de la valve mitrale
L’INFORMATION DU VÉTÉRINAIRE
3
2 - Évaluation de l’importance de la régurgitation mitrale
Figure 4 : Échocardiogrammes bidimensionnels obtenus chez trois
chiens atteints de maladie valvulaire dégénérative mitrale avec rupture
de cordage.
4A : Cette coupe 5 cavités obtenue par voie parasternale droite montre
le feuillet antérieur mitral (flèche) pointant en systole dans la cavité
atriale gauche (au-delà de la ligne pointillée rouge reliant les points
d’attache de chaque feuillet de la valve mitrale).
4B et 4C : Des portions de cordages tendineux rompus (flèches)
toujours attachés au feuillet antérieur mitral sont visualisés flottant au
sein de l’atrium gauche (respectivement coupes 5 et 4 cavités obtenues
par voie parasternale droite,).
LA : atrium gauche. Ao : aorte. LV : ventricule gauche.
Figure 3 : Échocardiogrammes bidimensionnels obtenus chez un chien
normal (3A) et chez deux chiens atteints de maladie valvulaire dégénérative
mitrale (3B et 3C) en systole (coupes 5 cavités, voie parasternale droite).
Une ligne pointillée rouge a été tracée entre les points d’attache des deux
feuillets de la valve mitrale.
3A : Ces feuillets mitraux normaux (flèches) sont minces et réguliers
et se ferment à l’intérieur du ventricule gauche caudalement à la ligne
pointillée rouge.
3B et 3C : Les lésions dégénératives de la valve mitrale se caractérisent par
des feuillets irréguliers et épaissis. De surcroît, sur la Figure 3B, les deux
feuillets se ferment parallèlement à la ligne pointillée rouge et sur la Figure
3C, est observé un prolapsus de la valve mitrale (flèche). Ce prolapsus est
caractérisé par un repliement du corps du feuillet antérieur dans l’atrium
gauche au delà de la ligne pointillée rouge.
LA : atrium gauche. Ao : aorte. LV : ventricule gauche.
Le mode Doppler couleur permet la
visualisation directe du flux régurgitant
ainsi que l’évaluation de son origine et
de son extension au sein de l’atrium
gauche (Figures 5A et 5B).
En cardiologie vétérinaire, une des
méthodes fréquemment utilisée pour
évaluer l’importance de la régurgita-
tion mitrale consiste à calculer le rap-
port SIM/SAG (rapport de la surface
colorimétrique maximale du flux
régurgitant et de la surface atriale
gauche, Figures 5A et 5B).9,11,14 Sur la
base de cette méthode colorimé-
trique (dite de cartographie couleur
ou “color mapping”), la régurgitation
mitrale est généralement considérée
comme modérée si le rapport
SIM/SAG est < 20 à 30% (Figure 5A),
moyenne s’il est 20-30% mais
70% et importante s’il est
> 70% (Figure 5B).9,11,14
Le principal avantage de
cette méthode Doppler
couleur réside dans la rapi-
dité et la facilité d’acquisi-
tion des données10 ainsi que
dans sa bonne répétabilité
et reproductibilité chez
le chien vigile pour un
examinateur entraîné.11
Cependant, cette technique
ne permet qu’une semi-
quantification de l’insuffisance
mitrale. En outre, le rapport
SIM/SAG peut être influencé
par plusieurs facteurs,
comme la pression artériel-
le systémique, la pression
atriale gauche ou encore
Figure 5 : Évaluation semi-quantitative de l’insuffisance mitrale par
méthode Doppler (cartographie couleur) chez deux chiens atteints de
maladie valvulaire dégénérative mitrale sans (5A) et avec (5B) rupture de
cordage (coupes 4 cavités, voie parasternale gauche). Sur la Figure 5A, la
surface colorimétrique de l’insuffisance mitrale (flèche) représente moins
de 20% de la surface atriale gauche, témoignant d’une régurgitation
valvulaire très modérée. À l’inverse, sur la Figure 5B, le flux turbulent
d’insuffisance mitrale (flèche) remplit près de 100% de la cavité atriale
gauche, ce qui correspond à une régurgitation valvulaire très importante.
LA : atrium gauche. LV : ventricule gauche.
Suite page 4
L’INFORMATION DU VÉTÉRINAIRE
4
Figure 6 : Évaluation quantitative de l’insuffisance mitrale chez le chien atteint de maladie valvulaire dégénérative mitrale à l’aide d’un examen combiné Doppler couleur (6A et
6B) et spectral (6C) (vues apicales gauches 4 cavités) : la méthode “PISA” (“Proximal Isovelocity Surface Area”).
6A et 6B : La méthode PISA est basée sur le principe de continuité des fluides stipulant qu’à mesure que le sang se rapproche de l’orifice régurgitant (de surface plane), sa
vitesse augmente progressivement en formant des coupoles hémisphériques concentriques de vitesse croissante et de surface décroissante. Ces images Doppler couleur mon-
trent toutes deux un hémicercle jaune bien défini de la zone de convergence du flux proximalement à la valve mitrale dans le ventricule gauche (LV). En résumé, la métho-
de PISA consiste à calculer le rayon (r, double flèche) de cet hémicercle jaune. Cette valeur r est ensuite introduite dans 2 équations différentes afin de calculer la surface de
l’orifice régurgitant (EROA). La valeur de EROA est ensuite utilisée pour évaluer le volume régurgitant mitral (Figure 6C). En utilisant des réglages Doppler couleur similaires,
le chien de la Figure 6A montre une valeur r plus élevée que celui de la Figure 6B, ce qui indique une SOR plus élevée et donc une régurgitation mitrale plus importante.
6C : Cette figure montre un exemple de tracé en mode Doppler continu d’un reflux mitral. Ce profil de vitesse est utilisé pour déterminer l’intégrale temps-vitesse (VTI)
et pour calculer le volume régurgitant (RSV). Enfin la fraction de régurgitation (FR, à savoir le pourcentage du volume refluant dans l’atrium gauche en systole) peut être cal-
culée à partir de la formule suivante : FR (%) = RSV / RSV + VES, où VES désigne le volume d’éjection systolique aortique calculé selon le principe détaillé par Gouni et coll.11
LA : atrium gauche.
du volume systolique régurgitant
et de la fraction de régurgitation
(définie par le rapport entre le volume
systolique régurgitant et la somme de
ce volume et du volume d’éjection
aortique systolique).10,11 Les principes
majeurs de la méthode PISA sont
résumés dans les Figures 6A à 6C.
l’orientation spatiale du reflux (à
importance hémodynamique similai-
re, les reflux excentriques peuvent
sembler plus petits que ceux dirigés
de manière centrale dans l’atrium
gauche).10
La méthode PISA (Proximal
Isovelocity Surface Area) est une
autre technique Doppler utilisée en
routine en cardiologie humaine pour
quantifier (au lieu de “semi-quantifier”)
la régurgitation mitrale.10 Il a été
récemment démontré que cette
méthode, consistant en l’étude de la
zone de convergence intraventriculaire
gauche du jet régurgitant, est répé-
table et reproductible chez le chien
vigile pour un examinateur entraîné.11
Le principal avantage de la méthode
PISA est de permettre une évaluation
plus fine de l’importance de l’insuffi-
sance mitrale que la méthode de
“color mapping”, grâce au calcul de la
surface de l’orifice régurgitant, du
débit instantané maximal régurgité,
DOSSIER
SUITE
L’INFORMATION DU VÉTÉRINAIRE
5
3 - Évaluation des complications de la MVD
Figure 7 : Échocardiogrammes bidimensionnels obtenus chez deux chiens
atteints de maladie valvulaire dégénérative mitrale de gravité
différente (coupes petit axe transaortique, obtenues par voie parasternale droite
en fin de diastole).
7A : Chez ce chien de classe ISACHC 1a, le diamètre atrial gauche est encore
normal : rapport atrium gauche/aorte de 0,88 (intervalle de référence pour cette
méthode de mesure en télédiastole : [0,52-1,13]).15
7B : À l’inverse, chez ce chien de classe ISACHC 3, l’atrium gauche est très
dilaté (rapport atrium gauche/aorte = 2,86).
LA : atrium gauche. Ao : aorte. RVOT : chambre de chasse du ventricule droit.
PT : tronc pulmonaire.
2. Hypertension
artérielle pulmonaire
L’hypertension artérielle pulmonaire
(HTAP) est définie par l’élévation de
la pression artérielle pulmonaire dias-
tolique et/ou systolique, laquelle
peut conduire à une dilatation du
ventricule droit et de l’atrium droit,
puis à une insuffisance cardiaque
congestive droite.
L’HTAP représente la complication
potentielle de pathologies respira-
toires et cardiaques variées, dont la
MVD.8,16 Il a ainsi été démontré que la
valeur de la pression artérielle pulmonaire
1. Surcharge volumique
Une régurgitation mitrale à la fois
chronique et importante a pour
conséquence une surcharge volu-
mique, laquelle se caractérise en pre-
mier lieu par une dilatation atriale
gauche, évaluée par le rapport atrium
gauche/aorte (LA/Ao) (Figure 7),
puis par une dilatation diastolique du
ventricule gauche (Figure 8). La valeur
pronostique du degré de dilatation
atriale gauche chez les chiens atteints
de MVD a été récemment démon-
trée.6Dans une étude impliquant une
grande population de chiens atteints
de MVD (n = 558) et utilisant une
analyse multivariée, le rapport
LA/Ao > 1,7 était la seule variable
significativement corrélée à la diminution
du temps de survie lorsque l’on
envisageait la mortalité cardiaque.6
Lorsque toutes les causes de mortalité
étaient prises en compte, le rapport
LA/Ao > 1,7 était également une des
trois variables significativement cor-
rélées à la durée de vie, les deux
autres étant les syncopes et la vitesse
maximale du flux protodiastolique
mitral (pic de l’onde E).
Figure 8 : Échocardiogrammes transventriculaires en mode TM obtenus chez
trois Cavaliers King Charles atteints de maladie valvulaire dégénérative mitrale de
différentes gravités.
8A : Chez ce chien de classe ISACHC 1a, les diamètres du ventricule gauche
ainsi que la fraction de raccourcissement (définie comme la différence entre les
diamètres ventriculaires gauches diastolique et systolique divisée par le diamètre
diastolique : 35%, intervalle de référence [30-49%]15) sont encore normaux.
Double flèche : diamètre diastolique du ventricule gauche.
8B et 8C : Chez ces deux chiens de classe ISACHC 3, le diamètre
diastolique du ventricule gauche (double flèche) est augmenté tandis que le
diamètre systolique du ventricule gauche est toujours compris dans l’intervalle
de référence. C’est pourquoi les valeurs de fraction de raccourcissement sont
supérieures à la normale (respectivement 51% et 58%). Noter, de plus, la
présence d’une tachycardie sinusale chez le chien de la Figure 8B (fréquence
cardiaque moyenne de 150 bpm) et celle de complexes supraventriculaires
prématurés (étoiles rouges) chez celui de la Figure 8C. Un discret épanchement
péricardique (flèches jaunes), signe d’insuffisance cardiaque congestive, est
également visible sous la paroi libre du ventricule gauche (Figure 8C).
LV : ventricule gauche.
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