LA FABLE
Par une nuit qui suit la victoire du jeune et beau poète, Agathon, au concours de tragédies, quelques
messieurs de la haute société athénienne se rendent, en sa demeure, afin de fêter l’événement
autour d’un symposium, c’est-à-dire d’une « beuverie collective ». Socrate, qui était resté à méditer
dans un vestibule, arrive enfin sur son trente et un. Phèdre annonce le menu de la soirée : chacun
prononcera un éloge de l’amour. Ainsi, Agathon et ses invités s’allongent sur des lits, boivent et
parlent de la plus belle des façons et avec la plus grande des libertés de l’amour ; ils font des rêves
de républiques qui n’existent pas … Socrate, qui, jusqu’à présent, avait écouté les discours, rompt
brutalement le ton, avouant qu’il est bien incapable de faire des discours aussi séduisants et
persuasifs. Par conséquent, il ne parlera pas, il est même sur le point de quitter la soirée, ce qui
jette un froid chez tout le monde. C’est alors que Socrate fait intervenir une prêtresse, Diotime,
d’une grande beauté et à la voix envoûtante, pour exprimer son point de vue : sa conception de
l’amour est bien évidemment tout autre que celle des orateurs ; elle montre en quoi l’amour et la
philosophie se confondent… Diotime disparaît, comme elle est apparue, tel un rêve éveillé ; les
convives n’en reviennent pas, ils en sont tout ébahis… Enfin, Alcibiade, qui était avec une bande de
joyeux fêtards, vient troubler la soirée : il arrive complètement ivre chez Agathon. Il se fait donc
sermonner par ses amis qui lui reprochent son état. Alcibiade se ressaisit et prononce à son tour un
discours : mais au lieu de faire un éloge de l’amour, il fait l’éloge de Socrate et déclare publiquement
son amour pour le philosophe. Socrate reste imperturbable devant les déclarations d’Alcibiade qui,
pourtant les larmes aux yeux, s’effondre dans ses bras… Le banquet s’achève au petit matin ; tous
ont cédé à la fatigue ou à l’ivresse. Socrate reste seul et lucide ; il laisse ce petit monde endormi et
retourne vaquer à ses méditations…
POINT DE VUE DE LA METTEURE EN SCENE
Le Banquet
est l’un des textes
fondamentaux de notre culture
occidentale, un incontournable, un
classique. Il eut un large
retentissement dans l’histoire de
la littérature et de la pensée en
Occident. Il est aussi, parmi les
dialogues de Platon, le plus
célèbre, le plus séduisant et peut-
être le plus audacieux et le plus
singulier. Outre sa dimension
philosophique, politique, il est d’un
grand intérêt littéraire et
dramatique. Il ne faut pas oublier
que Platon s’intéressait de près au
théâtre et qu’il écrivit, dans sa jeunesse, des textes dramatiques.
Le Banquet
peut être lu comme
une pièce de théâtre dont le thème en serait l’amour, l’amour au masculin.
Le Banquet
est fait pour
être dit. L’oeuvre est originale tant par sa construction que par son contenu et son style. En 2009, j’ai
mené un atelier de pratique artistique sur le
Banquet
de Platon avec sept élèves de troisième année
de l’école du Théâtre National de Bretagne. C’est avec de jeunes comédiens que je voulais aborder et
interroger ce dialogue, afin d’en faire entendre l’insolence de sa pensée et toute sa modernité. Cet
atelier me donna l’occasion de me plonger dans la matière même du texte, d’en explorer les
méandres, les mouvements de la pensée du philosophe, et de composer une adaptation pour le
plateau. Ce travail a été présenté au TNB en juin 2009 dans le cadre des présentations d’ateliers.
Forte de cette expérience et suite aux retours très positifs concernant ce travail, je souhaite,
aujourd’hui, reprendre
Le Banquet
, avec une distribution renforcée autour de certains acteurs qui
ont participé à cette aventure et qui sont depuis rentrés dans le circuit professionnel. Il est vrai que
j’entends ces dialogues avec une certaine insolence, celle de la jeunesse.