Iode
L’iode est un halogène de masse atomique 126,9 appar-
tenant au groupe VIIb de la classification périodique
des éléments.
Substrat indispensable àlasynthèse des hormones thy-
roïdiennes, il est apporté par l’alimentation. Une prise
alimentaire adéquate est nécessaire pour maintenir un
état thyroïdien stable. L’iode est converti en iodure
dans le tube digestif ;celui-ci diffuse rapidement dans
la circulation. Sa concentration plasmatique est faible :
0,4 à5μ g/l. L’iodure circulant est capté au pôle basal
des thyréocytes grâce àuntransporteur actif. Cette cap-
tation est régulée ;elle s’accroît en cas de carence iodée
et diminue en cas de surcharge.
L’hormonosynthèse thyroïdienne comporte une série
d’étapes successives :
oxydation de l’iodure en iode organique sous l’action
d’une thyroperoxydase ;
synthèse de thyroglobuline, glycoprotéine dont les
résidus tyrosils seront iodés ;
couplage des iodotyrosines ainsi formées en iodo-
tyronines et constitution sous cette forme d’une
réserve hormonale au sein de la thyroglobuline, qui
forme la substance colloïde au centre des follicules
thyroïdiens.
La fraction des iodotyrosines inutilisée est désiodée au
sein des thyrocytes, assurant ainsi une épargne iodée.
L’iode est présent dans le sang sous différentes formes :
organique (iode hormonal et iode lié àdiverses pro-
téines) et minérale :
le BEI ou butanol extractible iodine correspond à
l’iode des hormones thyroïdiennes (T3 et T4) et repré-
sente 80 %del’iode organique ;
le PBI ou protein bound iodine représente le BEI,
auquel s’ajoutent l’iode des résidus tyrosyls de la thy-
roglobuline et l’iode organique résiduel.
Les composés iodés minéraux sont peu présents en
situation normale. Leur concentration augmente lors
des surcharges iodées.
L’iodure non capté est éliminé par voie urinaire.
Les besoins en iode sont égaux aux quantités d’iode
hormonal métabolisé et non recyclé par la thyroïde. Ils
sont variables selon l’âge, le sexe et l’état physio-
logique :de9100 μg/j pour les enfants de 10 ans,
de 100 à150 μ g/j pour les adolescents et les adultes, de
175 à200 μ g/j pour les femmes enceintes et en période
d’allaitement.
La majeure partie des aliments sont dépourvus de
quantités notables d’iode, àl’exception de ceux d’ori-
gine marine (poissons, mollusques, algues). Dans tous
les pays industrialisés, le lait et les produits laitiers déri-
vés sont devenus la première source d’iode dans l’ali-
mentation humaine, du fait d’une faible consommation
de poissons (à l’exception du Japon). Cet apport ali-
mentaire déficitaire fait de la carence en iode l’une des
carences spécifiques les plus répandues dans le monde,
avec les déficiences en fer et en vitamine A. Les pays
industrialisés, dont la France, sont également concer-
nés, particulièrement pour certains groupes àrisque
(adolescents, femmes enceintes, nouveau-nés). Un envi-
ronnement légèrement déficitaire en iode interfère avec
la production des hormones thyroïdiennes. La réduc-
tion de la sécrétion hormonale entraîne une libération
accrue de TSH, àl’origine d’une augmentation du
volume thyroïdien, définissant dans une population
déficiente le goitre endémique. Cette hypertrophie dif-
fuse, sans altération de la fonction thyroïdienne, peut
évoluer àlong terme vers une nodularisation en partie
irréversible, ànette prédominance féminine, avec la pré-
sence de nodules autonomes caractéristiques des adéno-
mes et des goitres multinodulaires toxiques. Ces
pathologies thyroïdiennes représentent une fraction
importante des dépenses de santé des pays industriali-
sés. La manifestation la plus grave d’une déficience
sévère reste l’arriération mentale, dont la déficience en
iode est la première cause dans la population infantile
mondiale.
Àl’initiative de l’OMS, de l’UNICEF et du ICCIDD
(International Council for the Control of Iodine Defi-
ciency Disorders), les États ont souscrit àunpro-
gramme d’élimination de la carence en iode dans le
monde par la mise en place d’une prophylaxie par l’uti-
lisation de sel iodé, effective depuis 1952 sur le sel à
usage domestique (le sel est l’une des rares denrées ali-
mentaires qui est universellement consommée, tout au
long de l’année, et dont l’iode ne modifie pas le goût).
Mais la modification des habitudes de consommation
(diminution de la consommation de sel due àdes cam-
pagnes de sensibilisation du risque cardiovasculaire,
mode «bio »augmentant la vente des sels artisanaux
de Noirmoutier, Guérande ou de Ré, non supplémentés
en iode, développement de la restauration hors foyer) a
conduit le gouvernement, depuis juillet 2002, àélargir
l’utilisation de sel iodé àlarestauration collective.
Iode sérique total
Le dosage de l’iode sérique total (ou iode protéique)
permet d’évaluer les différentes formes sériques.
Il est effectué en deux temps :minéralisation conduisant
àl’obtention d’ion iodure, puis réaction de Sandell et
Kolthoff qui consiste àapprécier le pouvoir catalytique
de l’iodure sur la réduction du sulfate de cérium par
l’anhydride arsénieux.
Les valeurs usuelles sont comprises entre 315 et
710 nmol/l (4 et 9μg/100 ml).
Cette méthode de réalisation délicate était utilisée pour
mettre en évidence les surcharges iodées. Elle présente
désormais moins d’intérêt, depuis l’avènement de tech-
niques fiables et précises de dosage des iodures uri-
naires.
L’interprétation de l’iodémie totale doit tenir compte de
l’intensité de l’hyperthyroïdie, puisque l’iodémie totale
est la somme des iodémies hormonales (principalement
l’iode de T4) et non hormonales (iodure d’origine ali-
mentaire).
Iodures urinaires
Le dosage des iodures urinaires représente aujourd’hui
le meilleur reflet de la charge totale en iode de l’orga-
nisme. Àl’équilibre alimentaire, l’apport d’iode est égal
àl’excrétion d’iode. Chez l’homme, l’excrétion iodée
survient essentiellement par voie urinaire. C’est pour-
quoi on utilise l’excrétion urinaire journalière d’iode
comme indice de l’apport alimentaire en iode. L’iodurie
ne donne pas un reflet àlong terme, mais uniquement
une indication sur la prise récente d’iode. En revanche,
c’est un index utile en épidémiologie pour connaître le
niveau d’iode endémique d’une région. L’OMS recom-
mande d’exprimer le résultat en μgd’iode par unité de
volume ( μ g/l) pour éviter l’introduction d’erreurs liées
aux variations de la créatininurie. Les valeurs suggérées
pour l’excrétion d’iode urinaire comme index de la
sévérité de la carence en iode sont présentées au
tableau 19.
La recommandation de l’OMS/UNICEF/ICCIDD est un
taux d’iodation du sel permettant un iode urinaire
médian au sein d’une population d’adultes ou d’enfants
en âge scolaire situé entre 100 et 200 μg/l.
Le dosage des iodures urinaires est réalisé par conducti-
métrie après séparation de l’iode par chromatographie
sur résine échangeuse d’anions. Cette technique est spé-
cifique et permet d’éviter les interférences (sulfures, cya-
nates…) habituellement rencontrées avec une détection
électrochimique directe. Maintenant, l’iode peut être
dosé par ICP-MS. Cette technique amontré une bonne
Tableau19. Carenceeniode
AucuneLégèreModérée Sévère
IU (μ g/l) >100 50–99 20–49 <20
Prévalencedu<55–19,9 2–29,9 >30
goitre(%)
compatibilité avec les techniques conventionnelles de la
minéralisation. Les valeurs usuelles (population fran-
çaise moyenne) sont environ de 1200 nmol/24 h
(150 μg/24 h). Ces valeurs correspondent àunapport
moyen journalier d’iode recommandé par l’OMS, qui
varie de 50 μgchez l’enfant de moins de 1a200 μ g
chez les femmes enceintes et allaitant.
Les fortes doses d’iodures ou d’iode inhibent l’organifi-
cation en T3 ou T4. Ce phénomène, connu sous le nom
d’effet Wolff-Chaikoff (effet WC), évite, en présence de
doses importantes d’iode, la formation excessive d’hor-
mones thyroïdiennes. Il té mis àprofit pour la pré-
vention des effets nocifs de l’iode radioactif qui se
trouverait relargué dans l’atmosphère en cas d’accident
nucléaire. Des comprimés d’iodure de potassium sont
mis àladisposition de la population qui vit dans un
rayon de 10 km autour d’une centrale nucléaire. Un
blocage quasi immédiat (30 minutes après la prise) et
efficace de la glande thyroïde éviterait ainsi son irra-
diation.
En revanche, des doses modérées entraînent une aug-
mentation des iodothyronines ;onaboutit donc àla
notion de dose critique d’iodures (10
–6
M), àpartir de
laquelle on observe l’effet WC conduisant àladiminu-
tion de l’organification. Il existe cependant un échappe-
ment àcet effet :au-delà de 48 heures, la persistance
d’une surcharge iodée n’entraîne plus d’inhibition de la
synthèse hormonale, mettant ainsi le sujet àl’abri d’une
hypothyroïdie secondaire. Une surcharge iodée chro-
nique est suivie de dysthyroïdie dans 5à10%des cas
(les hyperthyroïdies étant alors plus fréquentes que les
hypothyroïdies). Le mécanisme de survenue de ces dys-
thyroïdies est mal connu :unterrain thyroïdien fragile,
la présence d’anticorps anti-thyroïdiens, un faible
apport iodé antérieur seraient des facteurs favorisants.
Parmi les hyperthyroïdies induites par l’iode, il est
important de distinguer celles qui surviennent sur un
corps thyroïdien apparemment normal de celles qui sur-
viennent sur un corps thyroïdien préalablement patho-
logique, car le traitement n’est pas le même. La
scintigraphie est indispensable pour distinguer les deux
affections.
En France, l’étiologie d’une surcharge iodée n’est prati-
quement jamais alimentaire mais le plus souvent
médicamenteuse, avec l’amiodarone notamment (anti-
arythmique). La fréquence de survenue d’une hyper-
thyroïdie sur une thyroïde préalablement normale varie
selon les auteurs de 3à16%.Elle survient chez
l’homme dans les deux tiers des cas environ. L’amioda-
rone peut également entraîner des hypothyroïdies chez
des individus prédisposés avec des anticorps anti-
thyroperoxydase positifs.
De nombreuses autres molécules –produits de
contraste, antiseptiques externes, mais aussi sirops anti-
tussifs, gélifiants… –contiennent également de l’iode
et constituent une source d’apports potentiels ànepas
méconnaître.
On parle de surcharge iodée modérée pour des valeurs
d’iodurie supérieures à500 μg/l et de surcharge sévère
pour des valeurs supérieures à1000 μg/l.
Iode et grossesse
La carence iodée pendant la grossesse peut avoir des
conséquences sur l’état thyroïdien du fœtus ou du nou-
veau-né (augmentation du volume et de la thyroglobu-
line sérique accompagnée d’une baisse modérée de la
FT4). Une étude amontré que des enfants nés de mères
présentant une hypothyroïdie fruste peuvent présenter
des problèmes de développement neuro-psychologique.
Amiodarone, T3, T4
(CarayonP.
L’exploration biologique dans le diagnostic et la surveillancedes mala-
dies de la glande thyroïde.
Disponiblesur :http://www.aacc.org/NR/rdonlyres/0C16F835-2AF4-
4A69-BF93-2824C38A702B/0/thyroid_guidelines_francais.pdf
IFN –Institut Françaispour la Nutrition
Dossier scientifique N
o
13 :l’iode. Août 2003.
Paris:IFN, 2003 ;101 p.
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