Rééducation Orthophonique

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Rééducation
Orthophonique
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ISSN 0034-222X
43e Année
Décembre 2005
Trimestriel
N° 224
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Qualité de vie
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Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY
Fédération Nationale des Or thophonistes
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Sommaire
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décembre 2005
N° 224
Rééducation Orthophonique, 145, Bd Magenta, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Lise Crevier-Buchman, médecin ORL-phoniatre
QUALITÉ DE VIE
Lise Crevier-Buchman, médecin ORL-Phoniatre, docteur en Sciences phonétiques,
chargé de Recherche au CNRS, Paris
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1. La prise en charge du Handicap en rééducation orthophonique,
Lise Crevier-Buchman, médecin ORL-Phoniatre, docteur en Sciences phonétiques,
chargé de Recherche au CNRS, Paris
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1. Qualité de vie après traumatisme crânien sévère,
Laurence Mailhan, médecin, Paris, Philippe Azouvi, médecin, PU-PH, Garches
2. L’auto-évaluation de la dysarthrie : une mesure du handicap,
Canan Ozsancak, médecin neurologue, Boulogne sur Mer,
Anabel Charras, orthophoniste, Lille
1. Qualité de vie avant et après thyroplastie pour paralysie laryngée unilatérale,
Stéphanie Borel, orthophoniste, Clichy, Lise Crevier-Buchman, médecin,
ORL phoniatre, PH, Christophe Tessier, orthophoniste, Stéphane Hans, médecin,
Ollivier Laccourreye, médecin, PU-PH, Daniel Brasnu, médecin, PU-PH, Paris
2. Qualité de vie après anastomose hypoglosso-faciale :
intérêts et bénéfices communicationnels d’une prise en charge spécifique,
Peggy Gatignol, orthophoniste, Paris
3. Évaluation de la qualité de vie après glossectomie partielle,
Martine Smadja, orthophoniste, Christophe Tessier, orthophoniste,
Lise Crevier-Buchman, médecin ORL phoniatre, PH, Paris
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1. Evaluation du handicap communicationnel dans la maladie de Parkinson :
développement et prévalidation d'une échelle d'auto-évaluation
des troubles communicationnels
Coralie Pace, orthophoniste, Danielle Robert, A. Loundou,
J-P. Azulay, T. Witjas, A. Giovanni, P. Auquier, médecins, Marseille
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Lise Crevier-Buchman
Médecin ORL-Phoniatre
docteur en Sciences phonétiques,
chargé de Recherche au CNRS,
Hôpital Européen Georges Pompidou
20 rue Leblanc - 75015 Paris
Courriel : [email protected]
L
es séquelles fonctionnelles qu’elles soient post-chirurgicales, tumorales,
lésionnelles ou neurodégénératives peuvent avoir un impact important
sur le mental, le physique, l’émotionnel et la communication. Elles rentrent dans
le cadre du handicap car il va y avoir un retentissement sur la vie professionnelle et sociale d’un individu. Ces séquelles vont engendrer une blessure narcissique avec des troubles de l’image et de l’estime de soi. Certains patients décrivent des sentiments dépressifs, de culpabilité, d’anxiété et de rejet des autres.
L’adaptation au handicap ne varie pas forcément en fonction du degré de
séquelles mais en fonction de l’individu. Dans tous les cas, elle se fait le plus
souvent selon des processus dépressifs.
Le handicap a deux dimensions : celle de l’individu avec ses capacités et
ses limites et celle des situations sociales que ce même individu affronte.
La CIDIH (Classification Internationale des Déficiences Incapacités et
Handicaps) distingue :
- la déficience comme étant la conséquence d’une lésion anatomique sur
une fonction physiologique : un symptôme.
- L’incapacité qui est la conséquence fonctionnelle de la déficience, ce
que le patient n’arrive plus à faire dans la vie quotidienne, l’incapacité à
communiquer, à manger seul.
- Le handicap est la conséquence sociale d’une déficience ou d’une incapacité, le patient ne tient plus son rôle normal, il est inadapté. Cela correspond à la perte du travail.
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La prise en charge du Handicap en rééducation
orthophonique
Lise Crevier-Buchman
Médecin ORL-Phoniatre
docteur en Sciences phonétiques,
chargé de Recherche au CNRS,
Hôpital Européen Georges Pompidou
20 rue Leblanc - 75015 Paris
Courriel : [email protected]
Un tournant dans l’approche de la notion de handicap a été la nouvelle
publication de « l'Organisation mondiale de la santé » (OMS) qui classe le
fonctionnement et les handicaps de l'être humain et remet en question les idées
généralement admises sur la santé et les incapacités.
Une révision de celle-ci a été votée et adoptée par l’OMS (Organisation
Mondiale de la Santé) en mai 2001 : La CIF (Classification Internationale du
Fonctionnement du handicap). Selon cette nouvelle classification, « l’état de
fonctionnement et de handicap d’une personne est le résultat de l’interaction
dynamique entre son problème de santé (maladies, troubles, lésions, traumatismes) et les facteurs contextuels qui comprennent à la fois des facteurs personnels et environnementaux ». Elle propose cinq niveaux :
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- Les fonctions organiques
- les structures anatomiques
- les activités
- les participations ou implications dans la vie réelle
- les facteurs environnementaux.
Cette classification a permis de positiver la notion de handicap basée sur
la notion de « bien-être ».
Cette nouvelle définition considère le handicap comme la conséquence
d’un trouble qui limite la participation d’un individu à ses activités et ceci autant
à cause du trouble dit « objectif » que de facteurs personnels et environnementaux, qui peuvent modifier la perception que le patient a de son trouble. C’est
une définition multidimensionnelle qui admet qu’à trouble similaire, deux personnes puissent expérimenter des limitations différentes de leur activité, du fait
de leurs différences personnelles et environnementales.
La CIF a été reconnue par 191 pays comme la nouvelle norme internationale pour décrire et mesurer la santé et le handicap. Alors que les indicateurs
traditionnels se fondent sur les taux de mortalité dans les populations, la CIF fait
passer le centre d'intérêt sur la vie, c'est-à-dire la façon dont les gens vivent avec
leurs pathologies et améliorent leurs conditions de vie pour avoir une existence
productive et enrichissante. Selon l’O.M.S, « la CIF modifie notre vision du
handicap, qui n'est plus le problème d'un groupe minoritaire et ne se limite plus
à des êtres humains atteints de déficiences visibles ou assis dans des fauteuils
roulants ».
Cette classification prend en compte les aspects sociaux du handicap et
propose un mécanisme pour établir l'impact de l'environnement social et physique sur le fonctionnement d'une personne. C'est l'environnement qui doit
s'adapter à chaque personne et non le contraire.
La CIF met donc toutes les maladies et les pathologies sur un pied d'égalité que leur cause soit physique ou mentale.
Dans cette perspective, les troubles vocaux trouvent entièrement leur
place puisqu'ils peuvent entraîner une limitation personnelle, professionnelle ou
sociale, de l’activité d’une personne.
Il est important de laisser la place à l’évaluation par le patient de son
degré de handicap, ce dernier n’étant pas toujours corrélé à la réalité objective
du déficit.
Les questionnaires de qualité de vie ont pour objectif d’obtenir l’avis subjectif du patient sur son état. Ils ont pour but de révéler les différents handicaps
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ressentis par le patient lui-même, qui ne correspondent pas toujours à ceux perçus par le médecin ou le chirurgien. Travailler pour améliorer la qualité de vie
du patient n’est pas seulement un travail de rééducation de la qualité vocale et
de la fonction laryngée mais aussi le développement de l’approche psychologique du patient par rapport à sa pathologie.
La notion de qualité de vie devient une préoccupation réelle dans la prise en
charge des patients et l’aspect fonctionnel de tout traitement est tout aussi important que le versant organique. La plupart des échelles existantes mettent en évidence l’efficacité ou la non efficacité d’une méthode de traitement. Pouvoir communiquer devient le préalable à l’insertion et surtout à l’intégration sociale.
A travers la communication, le handicap a deux dimensions : celle de
l’individu avec ses capacités et ses limites et celle des situations sociales que ce
même individu affronte. La rééducation est avant tout une rééducation fonctionnelle visant « à restaurer, reconstituer ou compenser des capacités de communication », sa finalité étant la réinsertion sociale.
Une évaluation précise de l’ensemble des troubles liés au handicap de la
communication semble nécessaire d’une part pour mieux connaître l’effet des
différents traitements sur la gêne communicationnelle des patients et d’autre
part pour mettre en place une prise en charge écologique qui tienne compte de la
plainte du patient, de ses attentes, de ses difficultés et de l’évolution de ses
troubles. L’auto-évaluation permet de connaître le trouble qui gêne réellement le
patient, celui qui crée un handicap et de lui proposer une prise en charge adaptée à ses doléances.
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Qualité de vie après traumatisme crânien sévère
Laurence Mailhan, Philippe Azouvi
Résumé
Nous avons évalué la qualité de vie subjective (satisfaction) de 75 patients traumatisés crâniens sévères à plus de 2 ans du traumatisme et recherché des variables explicatives à
cette qualité de vie (QDV). La QDV a été évaluée par le Profil de Qualité de Vie Subjective
(PQVS), les déficiences, incapacités et désavantage par des échelles standardisées. La
majorité des items de la PQVS obtenaient des scores moyens de satisfaction proches de
zéro. Le principal résultat de cette étude était la relation non linéaire entre la QDV et le désavantage : les scores de satisfaction les plus bas étaient rapportés par les patients modérément handicapés sur la Glasgow Outcome Scale (GOS), alors que les sévèrement handicapés ne différaient pas significativement du groupe « bonne récupération ».
Mots clés : qualité de vie, traumatisme cérébral, intervention thérapeutique, évaluation de
la qualité de vie, handicap, déficience, trouble, désavantage
Quality of life after severe traumatic brain injury
Abstract
Subjective Quality of Life (satisfaction) and its relationships with patient variables were
assessed in 75 severely brain injured patients over 2 years after injury. QOL was assessed
with the Subjective Quality of Life Profile (SQLP), while impairment, disability and handicap
were evaluated with standardized scales. Most of the satisfaction items yielded mean
scores close to zero. The main finding was that relationships between QOL and handicap
were not linear: the lowest satisfaction scores were reported by subjects with moderate
disability, while patients with severe disability did not significantly differ from the "adequate
recovery" group.
Key Words : quality of life, brain injury, therapeutic interventions, rehabilitation, evaluation
of subjective quality of life, handicap, deficiency, disability, disadvantage
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Laurence MAILHAN
Médecin
Service de Médecine Physique
et de Réadaptation
Hôpital Léopold Bellan
19-21 rue Vercingétorix
75674 Paris cedex 14
Philippe AZOUVI
Médecin, PU-PH
Service de Médecine Physique
et de Réadaptation
Hôpital Raymond Poincaré
104 bd Raymond Poincaré
92380 Garches
Courriel : [email protected]
L
’incidence des traumatismes crâniens est variable d’un pays à l’autre et
selon les méthodologies utilisées pour le recueil des informations. En
France, elle est estimée à 281 pour 100 000 habitants par an, chiffre calculé à partir de l’échantillon de l’étude de l’INSERM basée sur la population
d’Aquitaine en 1990 (Cohadon et al, 1998). Ces chiffres extrapolés à la population française conduisent à une estimation de 160 000 traumatismes crâniens par
an. Toutefois, seuls 8,5 % peuvent être considérés comme graves. Les traumatismes crâniens sévères (TCS) sont la première cause de mortalité liée à un traumatisme (13 000 décès par an en France) et une cause majeure de séquelles
motrices et cognitives à long terme. Ces séquelles et leurs conséquences sur la
vie quotidienne et la réinsertion socio-professionnelle des blessés ont été largement étudiées, analysées en terme de déficiences, incapacités (ou limitations
d’activités) et désavantage (ou restriction de participation). En revanche, les
études portant sur la qualité de vie (QDV) des patients sont plus rares. En effet,
l’évaluation de la QDV est récente et difficile, du fait de la complexité de sa
définition, qui ne fait l’objet d’aucun consensus, et donc de la difficulté de validation d’échelles pertinentes. Sa prise en compte est cependant indispensable,
l’analyse des autres dimensions (déficiences, incapacités, désavantage) n’apportant que des informations extérieures au patient.
L’évaluation de la qualité de vie des patients traumatisés crâniens sévères
est essentielle en Médecine Physique et de Réadaptation (MPR) car elle constitue le but ultime de la prise en charge. La compréhension de ses déterminants
est une étape indispensable pour préciser et optimiser les interventions rééducatives et de réadaptation capables de redonner une vie satisfaisante à ces blessés.
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Nous rapportons ici les résultats d’une étude sur la qualité de vie subjective (satisfaction) de patients traumatisés crâniens sévères ayant été hospitalisés
en service de MPR. L’objectif de cette étude était double : évaluer la QDV subjective (satisfaction) des patients et rechercher des facteurs prédictifs et/ou indicateurs de cette satisfaction.
♦ Patients et Méthodes
Patients
Les critères d’inclusion dans l’étude ont été les suivants : a) âge de 16 à
65 ans au moment de l’étude et âge supérieur à 15 ans au moment du TC, b) TC
sévère défini par un score initial à l’échelle de coma de Glasgow supérieur ou
égal à 8 dans les 48 premières heures, ou coma d’emblée si le score de Glasgow
n’était pas connu, c) délai depuis l’accident compris entre 2 et 7 ans, d) domiciliation en Ile-de-France pour des raisons de faisabilité de l’étude.
Les critères d’exclusion ont été : a) antécédents de troubles neurologiques
ou psychiatriques avérés avant le TC, b) antécédents de toxicomanie avant l’accident, c) TC ouvert par plaie pénétrante (pour éliminer les tentatives d’autolyse
dans un contexte dépressif sévère et les lésions focales à l’origine de symptômes, traitements et pronostic de récupération différents), d) troubles de communication de permettant pas de comprendre et/ou de répondre au questionnaire
(aphasie, état végétatif persistant), e) paraplégie ou accident vasculaire cérébral
associé. L’exclusion des patients ayant des antécédents de troubles associés,
neurologiques ou psychiatriques, de toxicomanie intraveineuse, ou de troubles
neurologiques associés suite au TC se justifie par l’existence d’une qualité de
vie altérée dans les études réalisées dans ces populations.
Le recrutement de notre population a été fait de façon systématique parmi
les patients hospitalisés de façon consécutive dans le service de Médecine Physique et de Réadaptation de l’Hôpital Raymond Poincaré (Garches) entre Janvier 1993 et Décembre 1998.
Les patients traumatisés crâniens retenus d’après les critères d’inclusion
et d’exclusion ont été contactés par courrier dans un premier temps. Une enveloppe timbrée était jointe pour faciliter la réponse. Un rendez-vous leur a été
proposé à l’hôpital ou à leur domicile, selon leur préférence. Ce rendez-vous a
été fixé secondairement par téléphone.
Sur 245 patients victimes d’un TCS hospitalisés dans le service entre Janvier 1993 et Décembre 1998, 90 ont été exclus. Parmi les 155 patients qui
répondaient aux critères de l’étude, 75 ont été effectivement évalués (taux de
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participation de 48,4 %). L’échantillon des patients éligibles mais non inclus
dans l’étude a été comparé avec les patients inclus et vus en termes d’âge, sexe,
sévérité du TC et caractéristiques socio-professionnelles (statut marital, niveau
d’études). Les deux groupes ne différaient pas significativement pour l’âge, le
sexe, la situation familiale, la durée du coma et la durée d’amnésie post-traumatique. Il existait en revanche une différence significative de score initial à
l’échelle de coma de Glasgow (plus bas dans l’échantillon vu) et de niveau
d’éducation (plus élevé chez les patients vus).
Méthodes
Il s’agit d’une étude transversale, descriptive et analytique.
L’évaluation de la qualité de vie subjective (satisfaction) a été faite par le Profil
de Qualité de Vie Subjective ou PQVS (Gérin et al, 1991). Il s’agit d’une
échelle composite hétérogène, développée en référence au modèle des
« attentes » ou « buts de vie », modèle qui définit la qualité de vie comme une
mesure de la distance qui sépare les espoirs/attentes d’un individu et l’expérience actuelle de celui-ci, le paramètre le plus chargé de sens étant la manière
dont cette distance est vécue par chacun. Cette échelle explore la qualité de vie
subjective basée sur une approche cognitive (satisfaction). Elle associe un noyau
(« core ») générique (27 items) et des items spécifiques de la pathologie étudiée (8 dans notre étude). Le PQVS explore 4 grands domaines : une dimension
fonctionnelle (santé physique et mentale), une dimension relationnelle (relations, vie sociale), une dimension psycho-affective et spirituelle (capacités à
réfléchir, réalisations dans la vie) et une dimension matérielle (contingences
matérielles, vie professionnelle). Les réponses à chaque item sont de type ordinal, à 5 paliers, les cotations allant de -2 (très insatisfait) à +2 (très satisfait).
Cette échelle, de conception française, a été largement validée en France,
chez plus de 3000 sujets atteints de pathologies variées, somatiques ou psychiatriques. Le PQVS a également été rempli par des sujets non malades et le noyau
(« core ») validé chez 3100 sujets sains (Lorhandicap, 2000). Il a été récemment traduit en Anglais et validé contre critère en utilisant le World Health
Organization Quality of Life (WHOQOL) instrument (Bonomi et al, 2000).
Un échantillon composite ajusté en âge et en sexe à notre échantillon de
patients a été réalisé, issu des 3100 sujets en bonne santé de l’étude Lorhandicap
(2000). Vingt-et-un items du PQVS étaient communs aux deux études et ont pu
être comparés.
Les variables explicatives (prédictives et indicatrices) de la qualité de vie
ont été :
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a) des facteurs non liés au TC : sexe, âge au moment du TC, niveau
d’éducation (nombre d’années de scolarité réussies), statut marital et professionnel au moment du TC.
b) la sévérité du TC : score initial à l’échelle de coma de Glasgow, durée
du coma (nombre de jours jusqu’à l’ouverture des yeux), durée de
l’amnésie post-traumatique ou APT.
c) les conditions de vie au moment de l’étude : statut marital, activité
quotidienne, statut professionnel et rémunération du travail le cas
échéant.
d) les déficiences séquellaires : motrices, neuropsychologiques et comportementales.
e) les incapacités : pour les actes élémentaires (toilette, habillage, déplacements) et élaborés (faire les courses, écrire une lettre, gérer les
finances) de la vie quotidienne, nécessité d’une tierce personne de
manière continue ou discontinue.
f) le désavantage a été évalué de façon globale à l’aide de la Glasgow
Outcome Scale ou GOS (Jennett et Bond, 1975) et de la Disability Rating
Scale ou DRS (Rappaport et al, 1982). Il s’agit de deux échelles spécifiques des TC, validées dans cette population. La GOS distingue 5 catégories : décès, état végétatif, incapacité sévère, incapacité modérée,
bonne récupération. Seules les 3 dernières catégories étaient utilisées
dans cette étude. La DRS est plus détaillée que la GOS, et les patients
peuvent être classés en différents niveaux de désavantage : aucun, léger,
partiel, modéré, modérément sévère/sévère.
Les données concernant le TC ont été recueillies rétrospectivement par
examen du dossier médical, et complétées si besoin par l’interrogatoire du
blessé et de ses proches. L’évaluation des déficiences, incapacités, désavantage
et de la qualité de vie a été réalisée en un seul temps, lors d’un entretien d’une
durée de 60 mn environ (45 à 90 mn), par le même examinateur.
Les données du PQVS ont été saisies à Lyon sur logiciel CSS et analysées
sous forme de profil. Pour chaque item était représentée la moyenne des
réponses précises. Un score global de satisfaction était calculé secondairement
en faisant la moyenne des scores des 35 items pour chaque patient.
Les données concernant les variables explicatives ont été saisies par une
seule et même personne sur logiciel Excel, puis converties au format Statview
pour les analyses statistiques.
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Les corrélations entre qualité de vie et variables qualitatives ont été faites
par analyse de variance (ANOVA). Les corrélations entre qualité de vie et
variables quantitatives ont été réalisées par des corrélations statistiques avec
coefficient Rho de Spearman. Pour analyser la qualité de vie moyenne par sousgroupe (statut marital, statut professionnel, GOS, DRS), nous avons utilisé des
analyses de variance (ANOVA) avec correction de Sheffe.
Résultats
Notre échantillon se composait majoritairement d’hommes (76 %). Les
75 patients étaient âgés en moyenne de 29,7 ans (SD 10,2, 16 à 54 ans) au
moment du TC. Le niveau d’études moyen était de 12, 19 ans (baccalauréat). Le
score moyen à l’échelle de coma de Glasgow était de 5,25 (SD 1,44), la durée
moyenne de coma de 19,88 jours (SD 17,88, 1 à 100 jours), la durée moyenne
d’APT de plus d’1 mois. Le délai moyen entre le TC et l’étude était de 51 mois
(24 à 72 mois).
Au moment du TC, 39 patients (52 %) étaient célibataires, divorcés ou
veufs, et 36 (48 %) étaient mariés ou vivaient en cohabitation. Au moment de
l’étude, 43 (57,3 %) étaient célibataires, divorcés ou veufs, et 32 (42,6 %) mariés
ou vivant en cohabitation. Au moment de l’accident, 45 patients (60 %) travaillaient à temps plein, 21 (28 %) à temps partiel (1) ou faisaient des études
(20), et 9 (12 %) étaient sans activité (chômage, femme au foyer). Parmi les 45
personnes qui travaillaient avant le TC, on notait 19 professions intermédiaires,
cadres ; 9 chefs d’entreprise ; 8 travailleurs qualifiés, ouvriers ; 3 travailleurs non
qualifiés. Au moment de l’étude, 17 (22,7 %) travaillaient à temps plein, 13 (17,3
%) à temps partiel (4) ou étudiaient (9), et 45 (60 %) étaient sans activité. Parmi
les 45 personnes sans activité, 33 étaient à la maison sans activité, 11 étaient
prises en charge dans un centre de jour, 1 était en long séjour. Parmi les 30 personnes qui avaient repris une activité professionnelle ou de formation, 9 s’estimaient revenues au même niveau sans aide, 7 au même niveau mais avec une
aide initiale, 1 au même niveau mais avec une aide persistante ; 11 s’estimaient
revenues à un niveau inférieur (ou étaient passées à temps partiel) sans aide ; 1
avec aide ; 1 travaillait en milieu protégé. Enfin, au niveau financier, parmi les 21
patients ayant repris une activité rémunérée, 16 avaient un salaire identique ou
supérieur, et 5 un salaire inférieur au salaire antérieur (avant le TC).
Les déficiences motrices étaient peu sévères : le déficit était léger chez 24
patients (32 %), modéré chez 13 (17,3 %), sévère chez 6 (7,9 %). Aucun n’avait
de déficit complet. Les déficiences cérébelleuses étaient également peu fréquentes dans notre échantillon : seuls 9 patients avaient un syndrome cérébelleux cinétique d’au moins un membre supérieur, sévère chez 4 d’entre eux.
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Les déficiences neuropsychologiques des patients de notre échantillon
étaient modérées, les moyennes pour chacun des facteurs de l’échelle neurocomportementale révisée (NRS-R) étant toutes inférieures à 1 sur 3 (3 = trouble
sévère). Les troubles les plus sévères concernaient la mémoire et les comportements motivés, puis les états émotionnels, l’éveil et l’attention, le langage et la
communication. Les troubles comportementaux étaient les moins sévères.
Les patients de notre échantillon étaient autonomes pour les actes élémentaires de la vie quotidienne : 67 avaient une autonomie complète, 5 nécessitaient une aide, 3 seulement étaient dépendants.
Ils étaient plus gênés pour les activités élaborées : seuls 44 étaient autonomes, 24 nécessitaient une aide partielle ou importante, 7 étaient totalement ou
très lourdement dépendants. Trente-trois patients avaient besoin d’une tierce
personne de façon discontinue, 3 avaient besoin d’une présence continue, 39
n’avaient pas besoin de tierce personne.
Sur la GOS, 36 patients avaient une bonne récupération, 25 une incapacité modérée, 14 une incapacité sévère. Quant à la répartition sur la DRS, elle se
faisait comme suit : 20 patients n’avaient pas d’incapacité, 15 avaient une incapacité légère, 14 une incapacité partielle, 16 une incapacité modérée, 10 une
incapacité modérément sévère ou sévère.
Concernant la satisfaction des patients, deux items arrivaient en tête des
satisfactions et obtenaient des moyennes de scores supérieures à 1 : « les repas,
ce que vous pouvez manger, votre nourriture » et « l’attention que vous portez
à votre hygiène personnelle ». Venaient ensuite, avec des moyennes entre 0,5 et
1, par ordre décroissant : « les conditions matérielles de votre vie de tous les
jours », « avoir quelqu’un de confiance qui vient vous voir souvent », « les
gestes courants de la vie de tous les jours », « le fait de vivre ou non avec quelqu’un », « la façon dont se passe votre sommeil », « ce en quoi vous croyez »,
« les sorties », « l’attitude des gens envers vous », « vos relations avec les
gens », « vos relations avec les proches ». Les items à l’origine d’insatisfaction étaient, par ordre décroissant : « ce qui se passe dans le monde », « votre
mémoire », « ce que vous avez ou pas réalisé dans la vie », « l’opinion que
vous avez de vous-même », « vos capacités physiques ». Tous les autres items
obtenaient des moyennes de satisfaction basses, se situant entre 0 et 0,5.
Le score global moyen pour les 35 items était de 0,37.
L’échantillon composite contrôle se composait de 1219 hommes et 346
femmes, âgés en moyenne de 35 ans, issus des 3100 sujets sains de l’étude
Lorhandicap (2000). Les scores de satisfaction des sujets contrôles étaient tous
positifs, sauf pour l’item « ce qui se passe dans le monde ». Seuls 2 items obte-
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naient des scores inférieurs à 0,5 : « vos revenus, l’argent dont vous disposez »
et « ce en quoi vous croyez ». Le score global moyen était de 0,93. Vingt-et-un
items ont pu être comparés dans les 2 échantillons. Quinze montraient une différence significative, dont 13 dans le sens d’une plus grande satisfaction chez les
sujets contrôles. Deux items obtenaient des scores significativement meilleurs
chez les patients TCS : « ce en quoi vous croyez » et « avoir quelqu’un de
confiance qui vient vous voir souvent ». Enfin, 6 items n’étaient pas différents :
« l’attitude des gens envers vous », « les repas », « les revenus », « les activités de groupe », « le fait d’avoir ou pas une descendance », « ce qui se
passe dans le monde ».
L’âge, le niveau d’éducation, la situation maritale, la situation professionnelle n’étaient pas significativement corrélés à la satisfaction du patient. Les
hommes avaient tendance à être moins satisfaits de leur vie que les femmes
(p=.08).
Le score initial à l’échelle de coma de Glasgow, la durée du coma et la
durée d’APT n’étaient pas significativement corrélés à la satisfaction du patient.
Conditions de vie à distance du TC
La situation maritale à distance du TC n’était pas corrélée de façon significative
à la satisfaction du patient. En revanche, la situation professionnelle était corrélée de façon significative avec la satisfaction du patient : les patients ayant repris
un travail à temps plein étaient significativement plus satisfaits que ceux ayant
repris à temps partiel et que les inactifs (p=.03), ces derniers ayant tendance à
être plus satisfaits que les travailleurs à temps partiel (p=.05).
Les patients s’estimant revenus au niveau professionnel antérieur sans
aide étaient significativement plus satisfaits que ceux revenus à un niveau inférieur ou à temps partiel, avec ou sans aide (p=.016) et que les patients sans activité professionnelle (p=.016). Les patients revenus à un niveau inférieur avaient
tendance à être moins satisfaits que les inactifs. La rémunération était également
corrélée à la satisfaction : les patients étant rémunérés à salaire identique ou
supérieur étaient significativement plus satisfaits que ceux ayant un salaire inférieur (p=.017) et que les inactifs (p=.023). Les sujets à « salaire inférieur »
avaient tendance à être moins satisfaits que les inactifs.
Il existait une corrélation statistiquement significative entre les déficiences motrices et la satisfaction du patient : les patients ayant les déficiences
les plus légères étaient les plus satisfaits. La satisfaction n’était corrélée de
façon significative qu’avec le facteur émotionnel et la vigilance du patient. Les
patients ayant les troubles les moins sévères étaient les plus satisfaits.
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Les incapacités pour les activités élémentaires de la vie quotidienne
n’étaient pas corrélées de façon significative à la satisfaction du patient. En
revanche, il existait une corrélation très significative entre actes élaborés et
satisfaction. La différence était très significative entre les patients autonomes
(les plus satisfaits) et les patients nécessitant une aide (p=.0005). Les patients
nécessitant une aide partielle avaient tendance à être moins satisfaits que les
patients dépendants.
La dépendance en tierce personne était également liée à la satisfaction : la
différence était très significative entre les patients n’ayant besoin d’aucune aide
et ceux ayant des besoins discontinus en tierce personne (p=.005). Les patients
ayant des besoins continus en tierce personne étaient en moyenne plus satisfaits
que ceux ayant des besoins discontinus, mais sans différence statistiquement
significative.
GOS et DRS étaient significativement corrélées à la satisfaction du
patient. Analysée en sous-groupes, il existait une différence significative entre le
groupe « bonne récupération » et le groupe « incapacité modérée » de la
GOS. Le groupe « incapacité sévère » avait tendance à être plus satisfait que le
groupe « incapacité modérée », mais la différence n’était pas statistiquement
significative.
La même tendance était observée entre les sous-groupes de la DRS, le
groupe « incapacité absente » étant plus satisfait que les groupes « incapacité
partielle » et « incapacité modérée », alors que le groupe « modérément
sévère/sévère » avait tendance à être plus satisfait que les groupes « partielle »
et « modérée ».
Afin de préciser les relations entre la satisfaction et le désavantage, les
scores moyens des trois facteurs issus de l’analyse en composantes principales
(facteur relationnel, facteur santé, facteur cognition/vie intérieure) ont été comparés dans les 3 catégories de GOS. Pour les 3 facteurs, les patients du groupe
« bonne récupération » rapportaient une satisfaction moyenne positive alors que
les patients du groupe « incapacité modérée » rapportaient des scores de satisfaction négatifs. Le schéma était plus complexe dans le groupe « incapacité
sévère », avec des scores de satisfaction positifs pour le facteur relationnel et
des scores de satisfaction négatifs pour les deux autres facteurs.
Discussion
Le but de cette étude était d’évaluer la qualité de vie subjective, cognitivement orientée, c’est-à-dire la satisfaction chez un échantillon de patients
TCS plus de 2 ans après le traumatisme. Nous voulions également évaluer les
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relations entre la satisfaction et des variables explicatrices liées au patient et
au TC. L’échantillon de l’étude était représentatif d’individus victimes d’un
TC sévère pris en charge dans un service de MPR. Le taux de réponse, proche
de 50 %, était plutôt bon et il n’y avait qu’une différence minime entre les
patients inclus dans l’étude et les patients éligibles mais non inclus. De façon
non surprenante, en accord avec un grand nombre d’études sur le devenir
après TCS, les patients étaient majoritairement des hommes jeunes qui présentaient des séquelles cognitives plus que motrices (Van Zomeren et Van den
Burg, 1985 ; Brooks et al, 1986 ; Levin et al, 1987). Environ la moitié d’entre
eux étaient dépendants pour les activités élaborées de la vie quotidienne et
60 % n’avaient pas d’activité au moment de l’étude, toujours en accord avec
les études antérieures (Dikmen et al, 1994 ; Katz et Alexander, 1994 ; Ponsford et al, 1995 ; Powell et al, 1998).
Les patients n’apparaissaient plutôt satisfaits (score de 1 ou plus) que
pour les aspects de base de leur vie quotidienne (repas, hygiène). En revanche,
ils étaient en moyenne insatisfaits (scores négatifs) de leurs capacités physiques
et cognitives, de leur image de soi et de ce qu’ils avaient accompli dans la vie.
Toutefois, le résultat le plus frappant était que le profil de satisfaction était plat.
Toutes les questions, sauf trois, obtenaient des scores compris entre -0,25 et 1,
suggérant que les patients étaient indifférents aux items ou, en d’autres termes,
ni satisfaits, ni insatisfaits. Cela peut être relié aux changements cognitifs et
comportementaux fréquemment rencontrés après TCS, tels que le manque de
motivation, la perte d’initiative et l’anhédonie (Brooks et Mackinlay, 1983 ;
Wood, 2001).
Le profil de satisfaction de ces patients TCS différait de façon importante
de celui de patients sains ou atteints de pathologies somatiques ou psychiatriques, évalués avec la même échelle (Dazord et al, 1996 ; Dazord et al, 1998 ;
Lorhandicap, 2000). Ainsi, les sujets sains étaient en moyenne satisfaits pour
presque tous les items du questionnaire « core » et le score moyen de satisfaction était supérieur à 1 pour la moitié d’entre eux. Les items qui obtenaient les
scores les plus hauts chez les sujets sains concernaient les relations inter-personnelles, alors que ce domaine était associé à des niveaux de satisfaction plutôt
bas après TCS. D’autres études réalisées chez des patients atteints de pathologies sévères (cancer, lombalgies chroniques, apnées du sommeil, dépression,
toxicomanie) rapportaient aussi des profils différents : scores très négatifs pour
les items liés à la maladie, et scores positifs, proches de ceux des sujets sains,
pour les items liés aux relations inter-personnelles (Dazord et al, 1996 ; Dazord
et al, 1998).
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Les facteurs significativement associés à la satisfaction étaient le statut
émotionnel (anxiété et dépression), la vigilance et l’attention, l’indépendance
pour les activités élaborées de la vie quotidienne, et le statut professionnel.
Comme dans l’étude de Corrigan et al (2001), la satisfaction n’était pas liée à la
sévérité du TC. La corrélation significative entre satisfaction et statut émotionnel soulève la question des relations entre la qualité de vie et la dépression. La
dépression est fréquente après un TCS et n’est pas toujours reliée à la sévérité
du TC. Des travaux antérieurs ont montré une forte association entre le statut
affectif et la GOS (McCleary et al, 1998 ; Wilson et al, 2000) ou la satisfaction
(Koskinen, 1998 ; Corrigan et al, 2001) après le traumatisme. Toutefois, dans
notre étude, le coefficient de corrélation était relativement bas (0.36), suggérant
que la dépression par elle-même n’était pas suffisante à expliquer tous les
aspects de la satisfaction. En accord avec d’autres études (Webb et al, 1995 ;
Dehail et al, 1998 ; Corrigan et al, 2001 ; Mazaux et al, 2002), l’emploi était
significativement corrélé avec la satisfaction, mais encore avec un coefficient de
corrélation relativement bas (0.25). Cela peut être lié au fait que seule une minorité de patients retravaillait (22 %). La faible relation entre déficiences cognitives et satisfaction était également surprenante. Toutefois, quelques études
récentes ont montré que le statut cognitif n’avait pas d’influence majeure sur les
incapacités et le désavantage (Girard et al, 1996 ; Smith-Knapp et al, 1996 ;
Wilson et al, 2000).
Le résultat principal de cette étude était la relation non linéaire entre le
désavantage et la satisfaction. En effet, les scores les plus bas de satisfaction
étaient rapportés par les patients modérément handicapés évalués par la GOS,
alors que les individus avec un handicap sévère ne différaient pas significativement du groupe ayant une bonne récupération. Ces résultats suggèrent que les
individus très sévèrement handicapés peuvent rapporter de façon surprenante de
hauts niveaux de satisfaction, alors que les sujets modérément handicapés peuvent ressentir une grande insatisfaction par rapport à leur vie actuelle. Les raisons expliquant une telle dissociation sont peu claires. Un manque d’introspection peut être une explication. En effet, les patients TCS ont fréquemment un
manque de conscience de leurs changements cognitifs et comportementaux (Prigatano et Altman, 1990). De ce point de vue, les patients les plus sévèrement
handicapés peuvent rapporter des niveaux de satisfaction relativement hauts
simplement parce qu’ils ne sont pas complètement conscients de l’étendue de
leurs déficiences et de leurs incapacités. Ainsi, ces patients montrent fréquemment un émoussement affectif, voire une euphorie paradoxale. L’anosognosie,
évaluée par la NRS-R, était plus importante dans le groupe le plus sévère.
Cependant, elle n’était pas corrélée à la satisfaction. Cela suggère que l’anoso-
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gnosie n’était pas suffisante à expliquer ces hauts scores de satisfaction chez les
patients sévèrement handicapés. Une explication alternative serait liée aux différents niveaux d’attentes et aux mécanismes de « coping » et d’adaptation. En
effet, la satisfaction est en quelque sorte la différence entre les attentes et le
niveau de fonctionnement actuel atteint par un individu. Les patients les plus
sévèrement handicapés peuvent avoir des attentes moins élevées que ceux ayant
un handicap modéré, qui se sentent à la fois proches mais différents de ce qu’ils
étaient avant le TC. Ces derniers peuvent ainsi avoir plus de difficultés à s’adapter à leurs difficultés.
Les limites de cette étude sont principalement dues au faible nombre de
patients inclus. Cependant, ces patients semblaient représentatifs d’individus
victimes d’un TCS à un stade chronique. De ce point de vue, les résultats ont
des implications cliniques et devraient encourager les professionnels de MPR à
prendre en compte l’approche subjective, les attentes et les buts des individus,
qui peuvent totalement différer des mesures objectives et externes du devenir de
ces patients. Il sera nécessaire de poursuivre cette recherche afin de mieux comprendre les mécanismes de « coping » et d’adaptation des patients TCS.
♦ Conclusion
Ces résultats confirment le sentiment de Boake et High (1996), selon
lequel les mesures multidimensionnelles sont nécessaires à une évaluation correcte du devenir des patients TC, particulièrement chez les plus sévères. Les
mesures unidimensionnelles telles que la GOS, la DRS, ou les tests neuropsychologiques ne peuvent saisir qu’un aspect du devenir. La satisfaction doit être
dissociée des incapacités physiques et cognitives et du désavantage et doit être
spécifiquement évaluée après TCS.
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L’auto-évaluation de la dysarthrie : une mesure
du handicap
Canan Ozsancak, Anabel Charras
Résumé
La dysarthrie est définie comme un trouble de l’exécution motrice de la parole en rapport
avec une atteinte du système nerveux central et/ou périphérique. La prise en charge d’une
dysarthrie doit se fonder sur un bilan complet des perturbations de la parole. Les notions de
handicap et de qualité de vie prennent un sens tout particulier dans le cadre des pathologies
neurologiques souvent chroniques, conduisant à concevoir l’évaluation d’un patient en deux
volets complémentaires : l’évaluation objective clinique et/ou instrumentale, d’une part,
l’auto-évaluation (AE) par le patient, d’autre part. L’auto-évaluation est une approche novatrice et complémentaire du bilan des dysarthries.
Mots clés : dysarthrie, handicap, qualité de vie, bilan, évaluation, auto-évaluation
Self-evaluation of dysarthria : a measure of handicap
Abstract
Dysarthria is defined as a disorder in the motor production of speech, associated with an
injury of the central and/or peripheral nervous system. Therapeutic interventions must be
based on a comprehensive evaluation of the patient’s speech disturbances. The notions of
handicap and quality of life take on their full meaning in neurological pathologies that are
often chronic, and they guide us towards the use of two complementary types of evaluation:
an objective clinical and/or instrumental evaluation as well as a patient self-evaluation. Selfevaluation tools are novel approaches that usefully complement standard evaluations of
dysrthria.
Key Words : dysarthria, handicap, quality of life, assessment, evaluation, self-evaluation
Rééducation Orthophonique - N° 224 - décembre 2005
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Canan OZSANCAK 1
Anabel CHARRAS 2
Neurologue
Docteur en Neurosciences
Service de Neurologie
Centre Hospitalier Docteur Duchenne
allée Jacques Monod
62200 Boulogne Sur Mer
et EA 2683, CHRU de Lille
2
Orthophoniste, Lille
1
♦ La dysarthrie : un trouble fréquent de la communication verbale
L
a dysarthrie est définie comme un trouble de l’exécution motrice de la
parole en rapport avec une atteinte du système nerveux central et/ou périphérique (Darley et al., 1975). Certains auteurs définissent la dysarthrie
comme un trouble isolé de l’articulation et utilisent les termes de dysprosodie,
dysphonie, dysarthro-phonie (trouble conjoint de l’articulation et de la voix) ou
même dysarthro-pneumo-phonie (dysfonctionnement des trois systèmes
concourant à la parole). Néanmoins, les pathologies neurologiques survenant
au-dessus de la région bulbo-cervicale entraînent systématiquement un trouble
de la commande centrale de la parole se répercutant sur l’ensemble des organes
effecteurs. La seule exception notable concerne les atteintes sélectives des nerfs
crâniens impliqués dans la parole : la paralysie faciale avec des troubles isolés
de l’articulation ou la paralysie récurrentielle avec une dysphonie. Nous utiliserons donc le terme global de dysarthrie pour décrire toute perturbation de la
parole d’origine neurologique avec des anomalies de la respiration, de la phonation, de l’articulation, de la résonance et de la prosodie.
La dysarthrie fait partie des pathologies de la communication verbale.
Elle se distingue de l’aphasie, définie par une atteinte du niveau linguistique
avec souvent des troubles de la compréhension, un manque du mot et des paraphasies. Les troubles moteurs de la communication verbale comprennent
l’apraxie de la parole (également appelée anarthrie) et la dysarthrie. L’apraxie
de la parole est définie comme un trouble de la programmation motrice de la
parole (Ziegler, 2002). Rarement isolée, le plus souvent associée à une aphasie
ou une dysarthrie, elle est caractérisée par l’existence de troubles phonémiques
et phonétiques, variables et aléatoires. Les dysarthries sont directement liées à
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l’étape d’exécution motrice. Les anomalies sont le plus souvent phonétiques et
constantes chez un même patient. Enfin, l’apraxie bucco-faciale résulte d’un
trouble de la programmation des organes effecteurs oro-faciaux lors des mouvements sans parole (Figure 1).
Figure 1. Les troubles de la communication verbale. (ABF : apraxie
bucco-faciale ; AP : apraxie de la parole).
La dysarthrie constitue un handicap fréquent, rencontré dans de nombreuses étiologies : maladie de Parkinson et autres syndromes parkinsoniens,
sclérose en plaques, accidents vasculaires cérébraux, sclérose latérale amyotrophique… Une classification sert de référence pour l’évaluation clinique de la
dysarthrie et les projets de recherche (Ozsancak, 2001). Elle a été développée
par l’équipe de Darley et al. (1969a, 1969b, 1975) à la Mayo Clinic selon un
modèle physiopathologique simple à partir des caractéristiques perceptives des
troubles de la parole chez des patients ayant des étiologies diverses. Elle a
fourni une description clinique des différents types de dysarthrie et comprend 6
catégories :
1. la dysarthrie spastique par atteinte bilatérale du motoneurone central.
Les accidents vasculaires cérébraux en constituent la cause la plus fréquente,
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2. la dysarthrie flasque par atteinte de la voie finale commune qui
comprend les motoneurones périphériques, la jonction neuromusculaire et
les muscles effecteurs de la parole,
3. la dysarthrie hypokinétique par atteinte des noyaux gris centraux avec
la prédominance d’une akinésie comme dans la maladie de Parkinson,
4. la dysarthrie hyperkinétique par atteinte des noyaux gris centraux
avec la prédominance de mouvements anormaux comme dans les chorées
ou les dystonies,
5. la dysarthrie ataxique par lésion du cervelet ou des voies cérébelleuses,
6. la dysarthrie mixte lors d’une atteinte diffuse du système nerveux
comme dans la Sclérose en plaques, la Sclérose latérale amyotrophique
ou les traumatismes crâniens.
♦ Les moyens d’évaluation de la dysarthrie
La prise en charge d’une dysarthrie doit se fonder sur un bilan complet
des perturbations de la parole : étude des dysfonctionnements des effecteurs de
la parole, répercussion de ces anomalies sur la parole, quantification du trouble
occasionné… Il existe des moyens cliniques et instrumentaux, bien que ces derniers restent souvent du domaine de la recherche. Cinq approches cliniques ont
été proposées pour aborder un trouble de la parole (Auzou, 2005) (Figure 2).
L’évaluation perceptive
Elle est la méthode de référence en ce qui concerne les moyens d’analyse
de la parole. Elle permet de décrire les principales anomalies constatées immédiatement par l’auditeur : qualité de la voix, débit trop lent ou trop rapide,
pauses anormales, nasonnement, etc. Elle peut également se faire en utilisant
des échelles quantifiées comportant l’ensemble des critères potentiellement perturbés (Darley et al., 1975 ; Chenery et al., 1988, 1992 ; Ozsancak et al., 2002).
L’intelligibilité
Elle peut être définie comme le degré de compréhension qu’a l’auditeur
du message exprimé. De nombreux outils plus ou moins analytiques existent
(Enderby, 1983 ; Kent et al., 1989 ; Auzou et al., 1998a, 1998b). Elle fait partie
des principales composantes de la parole dont la perturbation influence le degré
de sévérité de la dysarthrie.
L’analyse phonétique
Elle correspond à la transcription des perturbations phonétiques dues aux
troubles articulatoires. Elle est souvent longue et peu reproductible. Il existe
également des tests de répétitions de mots permettant de repérer les anomalies
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phonétiques spécifiques de l’orateur (Kent et al., 1989 ; Gentil, 1992 ; Crochemore et Vannier, 2001).
L’examen de la motricité des effecteurs
Il fournit une description motrice, analytique des dysfonctionnements et
parfois une première explication aux données perceptives observées. Ainsi,
l’hypophonie peut être en rapport avec une insuffisance respiratoire ou l’hypernasalité être secondaire à une parésie vélaire. Cette analyse est d’autant plus
importante que ce sont les organes de la parole qui seront les cibles de la rééducation. Des grilles cliniques réunissant les différentes épreuves existent : elles
fournissent un profil et une quantification des anomalies. (Enderby, 1983 ;
Robertson et Thomson, 1986 ; Auzou et al., 1998a, 1998b).
L’auto-évaluation
L’auto-évaluation consiste à recueillir le ressenti du patient par rapport à
son trouble de la communication. Il n’existe pas de grille d’auto-évaluation validée dans le domaine de la dysarthrie. Cette auto-évaluation se fait donc le plus
souvent de façon informelle pour juger le degré de sévérité ressenti par le sujet
avant de débuter une prise en charge ou de quantifier l’amélioration obtenue au
terme de cette dernière. De tels outils devront être développés afin d’être utilisés
en pratique clinique et dans les protocoles de recherche portant sur l’efficacité
des prises en charge de la dysarthrie.
Figure 2. Les différentes approches de l’évaluation de la dysarthrie.
(1 : analyse perceptive, 2 : analyse de l’intelligibilité, 3 : analyse phonétique,
4 : examen de la motricité des effecteurs, 5 : auto-évaluation).
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♦ Handicap et Qualité de vie
Les notions de handicap et de qualité de vie prennent un sens tout particulier dans le cadre des pathologies neurologiques souvent chroniques, conduisant
à concevoir l’évaluation d’un patient en deux volets complémentaires : l’évaluation objective clinique et/ou instrumentale, d’une part, l’auto-évaluation (AE)
par le patient, d’autre part. Ainsi, l’évaluation de l’efficacité d’une thérapeutique se doit de comporter en plus des mesures physiques quantifiées des paramètres permettant de mesurer son effet sur le vécu des patients.
Cette évaluation repose sur le principe de l’auto-évaluation. Pour assurer
la validité des mesures, il est nécessaire d’utiliser des outils standardisés. Les
principales propriétés qui permettent la validation d’une échelle sont résumées
dans l’encadré 1. La normalisation, la pertinence clinique et la charge de passation sont également des facteurs importants. Grâce au développement de
méthodes dérivées des sciences humaines, il existe actuellement des instruments
standardisés, utilisés dans de nombreux domaines de la médecine.
Parmi les différents outils, on distingue les outils génériques de ceux spécifiques à une pathologie. Les premiers permettent d’établir des comparaisons
selon les pathologies observées. Les outils spécifiques présentent d’autres avantages. En effet, ils abordent des évènements qui sont familiers pour la population visée. Ils sont donc mieux adaptés et souvent plus sensibles aux changements.
♦ Le handicap chez les patients dysphoniques et dysarthriques
En l’absence d’échelle d’auto-évaluation spécifique de la dysarthrie, nous
avons fait l’hypothèse que le handicap lié à la dysarthrie pouvait être comparé à
celui des patients dysphoniques ; les deux pathologies entraînant un trouble de
la communication. Ainsi, même si les patients dysarthriques présentent des
symptômes supplémentaires, articulatoires et prosodiques, les conséquences
fonctionnelles et émotionnelles sont probablement proches. Nous rapporterons
donc les points communs à l’auto-évaluation de la dysphonie et de la dysarthrie
avant de discuter des particularités des patients dysarthriques. Enfin, nous avons
appliqué l’échelle la plus validée dans la dysphonie, le Voice Handicap Index ou
VHI, à des patients dysarthriques ayant une maladie de Parkinson afin de
rechercher l’existence d’un handicap spécifique lié à la dysarthrie.
L’évaluation de la sévérité des troubles de la voix et de la parole est complexe pour plusieurs raisons. Les paramètres étudiés sont multiples et variés,
allant de l’évaluation perceptive des juges aux propriétés physiques de la pro-
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duction sonore, mesurées grâce aux analyses acoustiques et aérodynamiques. Il
n’existe pas de paramètre de mesure instrumental unique, simple et global qui
permettrait aux cliniciens et aux chercheurs de mesurer la sévérité du trouble, de
juger de son évolution naturelle ou après traitement.
De même, les besoins de communication sont très variables. A trouble
d’intensité égale selon les paramètres de mesure objectifs, le handicap ressenti
ne sera pas le même chez une personne ayant une activité professionnelle au
contact des autres (enseignant, guide, vendeur) que chez une personne retraitée
ayant peu d’activité sociale.
Le développement de la micro-informatique et des logiciels adaptés a
facilité l’enregistrement des patients ainsi que le traitement des paramètres de
base comme la fréquence fondamentale ou le jitter pour la voix, le débit et les
enveloppes de Fréquence fondamentale pour la parole. Il existe également des
outils cliniques d’évaluation normalisés et validés.
Cependant, ni les analyses acoustiques et aérodynamiques, ni les mesures
cliniques ne peuvent rendre compte du degré de handicap ressenti par le patient
ou de la conséquence sur sa qualité de vie. Ces mesures objectives ne reflètent
pas la conséquence du trouble vocal sur la vie quotidienne, socio-professionnelle des patients. Enfin, l’efficacité d’une prise en charge évaluée par l’amélioration d’un paramètre objectif ne prend toute sa valeur que si cette efficacité est
également ressentie par le patient.
La mesure du handicap de la communication verbale doit prendre en
considération ces réalités et ne pas uniquement considérer les résultats obtenus
lors d’enregistrements standardisés dans les laboratoires de parole, en condition
par définition artificielle. L’évaluation par le patient de ses troubles est donc
indispensable. Elle est complémentaire des bilans combinant les éléments perceptifs et instrumentaux.
Ainsi, l’auto-évaluation est nécessaire chez les patients, qu’ils soient dysarthriques ou dysphoniques. Plusieurs facteurs distinguent néanmoins les patients
dysarthriques. La majorité des patients dysarthriques présente une pathologie diffuse, affectant de nombreuses sphères de la vie courante. Ainsi, un patient ayant
souffert d’un accident vasculaire cérébral avec une hémiplégie séquellaire aura
en plus de sa dysarthrie, des difficultés pour ses déplacements, sa toilette, son alimentation, etc. Il est possible que l’existence d’un handicap global atténue le ressenti par rapport à la dysarthrie, contrairement aux patients dysphoniques souffrant d’une pathologie focale. L’existence de troubles cognitifs peut évidemment
influencer la capacité des patients à juger leurs propres performances, quel que
soit le domaine clinique testé. Repérer cette absence de conscience du trouble est
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également utile lorsqu’une prise en charge spécialisée doit être proposée. Enfin,
les troubles moteurs d’origine neurologique peuvent rendre difficile voire impossible le remplissage d’une grille longue avec de multiples options. Il sera donc
nécessaire de recueillir parallèlement aux données d’une échelle d’AE de la dysarthrie, le handicap global imputable à la maladie, les capacités cognitives et les
difficultés de réalisation motrice des patients testés.
Propriétés métrologiques d’un outil de mesure
La validité est la capacité d’un instrument à bien mesurer ce qu’il est
censé mesurer. Elle comprend plusieurs notions.
La validité du contenu (content validity) : les items de l’outil de mesure
sont-ils appropriés par rapport au phénomène que l’on souhaite mesurer ?
Mesurent-ils toutes les facettes possibles de ce dernier ? Sont-ils faciles à
comprendre et pertinents pour la population ciblée ? (Cette dernière question concerne la validité relative à la pertinence subjective, dite « face
validity »).
La validité relative à un concept (construct validity) : Les scores obtenus
confirment-ils des hypothèses logiques ? Les résultats seront ainsi analysés pour voir si l’outil peut distinguer entre des groupes supposés différents (entre les témoins et les patients, entre les patients ayant une forme
légère et ceux ayant une forme sévère).
On y retrouve également la notion de validité de structure externe, relative
à un critère (criterion validity) : Est-ce que l’outil de mesure donne des
scores qui sont corrélés à ceux obtenus par une échelle de référence (gold
standard) si elle existe ou à d’autres descripteurs externes (cliniques,
démographiques…)
La fiabilité ou fidélité recouvre également plusieurs notions.
La consistance ou cohérence interne : les items d’une échelle évaluent-ils
tous le même phénomène ? Dans ce cas, ils seront tous fortement corrélés
les uns aux autres. Elle sera mesurée avec le coefficient alpha de Cronbach
dont les valeurs vont de 0 à 1 (plus le score est élevé, meilleure est la
consistance interne). Le coefficient alpha doit en général être supérieur à
0.70 pour être satisfaisant.
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La reproductibilité (Test-retest) Les résultats sont-ils stables d’une passation à une autre lorsqu’il n’y a pas eu de changement significatif dans
l’état du patient ? Le test-retest consiste donc à proposer deux passations
du même instrument dans un intervalle de temps assez court. On la mesure
grâce au coefficient Kappa ou le coefficient de corrélation intraclasse.
Lorsque l’instrument fait appel à un évaluateur externe, l’étude de la fiabilité doit comporter une analyse de la fidélité interjuge (capacité de plusieurs juges à produire des scores similaires quand un même sujet est évalué à un temps donné) et de la fidélité intrajuge (capacité du même juge à
produire des scores similaires sur un même sujet évalué à plusieurs
reprises alors que son état est stable).
La sensibilité aux changements
L’outil est-il capable de mettre en évidence une variation survenue dans
l’état du patient, jugée comme pertinente par les experts ? Il peut s’agir de
l’aggravation naturelle lors des maladies neurodégénératives, ou de l’effet
engendré par un traitement médicamenteux ou orthophonique. Ce dernier
critère est particulièrement requis dans un contexte d’évaluation d’interventions de santé.
Encadré 1. Propriétés métrologiques d’un outil de mesure (Charras A, Blanc S,
Ozsancak C. Qualité de Vie et auto-évaluations dans la maladie de Parkinson et
le handicap vocal. In : Ozsancak C, Auzou P (ed). Les troubles de la parole et
de la déglutition dans la maladie de Parkinson. Marseille : Solal, 2005).
♦ Quelques données concernant l’auto-évaluation de la dysarthrie
parkinsonienne.
L’auto-évaluation de la dysarthrie est un domaine négligé. Les seules
données de la littérature concernent la dysarthrie parkinsonienne et elles ne
sont que préliminaires et partielles. Cette auto-évaluation de la dysarthrie
parkinsonienne pose plusieurs problèmes spécifiques. En dehors des
troubles moteurs et cognitifs pouvant empêcher la complétion des questionnaires chez tout patient dysarthrique, il existe deux facteurs supplémentaires de complexité. Le premier est de nature perceptive. Les patients parkinsoniens auraient une incapacité à estimer l’effort produit ou à produire
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lors des tâches motrices (Solomon et al., 1994). La deuxième particularité
est liée aux fluctuations d’état du patient parkinsonien rendant difficile
l’estimation d’un handicap global et pouvant influencer les résultats en
fonction des fluctuations thymiques accompagnant les blocages moteurs.
Seules trois études ont porté sur l’auto-évaluation de la dysarthrie
parkinsonienne (Hartelius et Svensson, 1994 ; Fox et Ramig, 1997 ; Jimenez-Jimenez et al., 1997). Dans une étude portant sur 30 patients parkinsoniens et 14 sujets contrôles, des échelles visuelles analogiques ont été utilisées pour tester neuf paramètres : quatre items concernant la qualité de la
voix (intensité, tremblement, raucité, monotonie), deux items sur l’articulation et trois items en rapport avec la communication (intelligibilité, participation aux conversations, initiation d’échanges verbaux) (Fox et Ramig,
1997). Tous les paramètres étaient significativement plus altérés chez les
patients.
De même, Jimenez-Jimenez et al. (1997) rapportent des données chez
22 patients non encore traités, correspondant à des formes débutantes de
MP. La durée d’évolution moyenne de la maladie était de 2.5 ans. La dysphonie et la dysprosodie étaient rapportées plus fréquemment dans le
groupe patient. Les anomalies étaient par ordre décroissant : la monotonie
(36.4 % des patients contre 0% des témoins), l’hypophonie (27.3% des
patients et 0% des témoins), la raucité de la voix (27.3% versus 3.6%), les
arrêts vocaux (22.7% versus 0%) et le tremblement vocal (31.8% versus
0%) (Jimenez-Jimenez et al., 1997).
Enfin, dans une enquête épidémiologique suédoise portant sur 250
patients parkinsoniens ayant répondu à l’envoi d’un questionnaire, 70%
décrivaient une altération de la parole en rapport avec leur maladie (Hartelius et Svensson, 1994). Il en résultait des difficultés à se faire entendre au
sein d’un groupe ou dans une ambiance bruyante (60%) et à se faire comprendre par des personnes familières (37%) et non familières (42%). Ces
troubles de la parole étaient perçus précocement pour la plupart des
patients avec aggravation progressive au cours de l’évolution.
Ces données suggèrent que les patients parkinsoniens ont conscience
de leur trouble de la parole et pourraient donc remplir une échelle d’autoévaluation de la dysarthrie. Néanmoins, il s’agit de données préliminaires
avec des échelles non validées.
L’évaluation de l’effet de la dysarthrie sur la qualité de vie des
patients est une donnée nécessaire lors d’un examen exhaustif de la dysarthrie. Des outils d’évaluation du handicap vocal existent dans le domaine
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des dysphonies. Nous avons donc pris l’option d’appliquer une échelle de
dysphonie validée, le Voice Handicap Index, à des patients dysarthriques
souffrant d’une maladie de Parkinson.
♦ Le Voice Handicap Index (VHI)
Créé par Jacobson et al. (1997), le VHI comprend 30 items (Figure 3).
Chaque item est coté de 0 à 4 (jamais = 0, presque jamais = 1, parfois = 2,
presque toujours = 3, toujours = 4). Le score total est de 120. Plus le score est
élevé, plus le handicap est sévère. Les items ont été répartis par les auteurs de
façon arbitraire dans trois domaines :
Le domaine physique renvoie à la perception par le patient de l’inconfort
au niveau du larynx et de la qualité de la voix en elle-même. Ex : « Ma voix
semble grinçante et sèche ».
Le domaine fonctionnel permet d’évaluer l’impact du trouble sur les activités quotidiennes. Ex : « On me comprend difficilement dans un milieu
bruyant ».
Le domaine émotionnel touche aux réactions du patient sur le plan affectif par rapport à son trouble. Ex : « Mes problèmes de voix me contrarient ».
Le VHI est l’échelle d’auto-évaluation vocale la plus utilisée. Il a été
élaboré afin de décrire le handicap secondaire à toutes sortes de pathologies
ORL, même chez les patients ayant une voix oesophagienne. En 2002,
l’Agence Américaine pour la Recherche et la Qualité dans les Soins de
Santé a analysé les procédures d’évaluation des troubles de la parole et du
langage afin d’identifier celles présentant les caractéristiques d’un bon outil
diagnostique : le VHI était le seul outil de mesure du handicap vocal remplissant leurs critères en terme de données normatives, fiabilité et validité.
Il existe également une version abrégée : le VHI-10 (Figure 4) (Rosen et
al., 2004). Une revue de la littérature concernant les données obtenues avec
le VHI dans les populations dysphoniques a été récemment rapportée
(Charras et al., 2005).
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Vous devez répondre à chacune des propositions en ne cochant qu’une seule
case à chaque fois.
Rappel sur les notations employées dans le cadre de cette évaluation :
J = jamais, PJ = presque jamais, P = parfois, PT = presque toujours, T = toujours
Figure 3. Le Voice Handicap Index (Jacobson et al., 1997)
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Vous devez répondre à chacune des propositions en ne cochant qu’une seule
case à chaque fois.
Rappel sur les notations employées dans le cadre de cette évaluation :
J = jamais, PJ = presque jamais, P = parfois, PT = presque toujours, T = toujours
Figure 4. Le VHI-10 (Rosen et al., 2004).
♦ Le VHI dans la dysarthrie parkinsonienne : Données personnelles.
Nous avons appliqué le VHI à 98 patients parkinsoniens et 60 sujets
contrôles. Notre premier objectif était de normaliser le VHI dans une population
contrôle appariée en âge aux patients parkinsoniens. En effet, les données de la
littérature rapportent des résultats obtenus à partir de sujets contrôles plus
jeunes, comparables à la population dysphonique. Le deuxième objectif était la
quantification du handicap reflété par le score total du VHI. Enfin, une analyse
factorielle a été réalisée afin de rechercher l’existence d’arguments statistiques à
l’utilisation des sous-scores physique, fonctionnel et émotionnel. L’analyse factorielle permet d’évaluer le nombre de dimensions explorées par l’échelle.
Tous les patients ont rempli leur grille d’évaluation en condition « on »
avec leur traitement habituel. Le remplissage de la grille était réalisé à la même
heure de la journée pour limiter les effets potentiels des « périodes off » sur la
motricité et l’humeur des patients. Soixante sujets contrôles furent également
inclus. Ils n’avaient pas d’antécédent neurologique, ORL ou pneumologique
pouvant se répercuter sur la parole. Ils devaient avoir plus de cinquante ans pour
pouvoir être appariés au groupe patient et ne pas être déments (MMS > 24/30).
Tous les participants ont signé un consentement pour leur participation à
l’étude.
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L’étape de normalisation a permis de confirmer l’effet plancher de cette
échelle dans le groupe contrôle. Le score du VHI total des patients est significativement différent de celui obtenu dans le groupe contrôle (55.5 ± 23.8 versus
5.7 ± 6.0, p<0.0001). La figure 5 illustre les scores de VHI total dans les deux
groupes. Les patients parkinsoniens sont donc capables de rapporter le handicap
lié à la dysarthrie et ce dernier est comparable en sévérité aux scores obtenus
chez les patients dysphoniques. Il existe donc, contrairement à ce qui a été
annoncé dans certaines études (Yorkston et al., 1994), un handicap réél lié à la
dysarthrie, perçu et rapporté directement par les patients. Ce handicap est
important même chez les patients inclus de façon systématique lors de leur suivi
neurologique habituel et qui ne bénéficient pas d’une rééducation orthophonique. Cette donnée incite au développement des programmes de rééducation
orthophonique, qui pouvaient jusqu’alors être considérés par certains comme
dénués d’intérêt en raison de l’absence de motivation des patients. La dysarthrie
constitue un handicap à prendre en compte à même titre que les autres facteurs
affectant la qualité de vie des patients parkinsoniens comme les troubles de la
marche ou les troubles thymiques (Schrag et al., 2000).
Figure 5. Le VHI total dans le groupe patient (PD 98) et le groupe contrôle (CS).
L’analyse factorielle a révélé le caractère unidimensionnel du VHI avec
une seule dimension expliquant 42% de la variance (Figure 6). Ainsi, des facteurs considérés distincts (physiques, fonctionnels et émotionnels) ne mesureraient qu’une seule et même dimension : le handicap lié à la dysarthrie. Deux
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autres études portant sur des populations dysphoniques avec des effectifs importants rapportent des résultats semblables (Rosen et al., 2004 ; Wilson et al.,
2004). Dans une étude portant sur 100 patients dysphoniques et 159 sujets
contrôles, un seul facteur expliquait 87% de la variance (Rosen et al., 2004).
Une seconde étude chez 319 sujets dysphoniques met en évidence deux facteurs
(Wilson et al., 2004). En conclusion, l’utilisation des sous-scores ne semble pas
fondée et mérite d’être explorée d’avantage.
Le caractère mono ou multi-dimensionnel est important pour les tentatives de réduction ultérieures du VHI car la durée de passation est souvent trop
longue chez les patients neurologiques. Rosen et al. (2004) ont proposé une version abrégée, le VHI-10. Cette dernière ne peut cependant être directement utilisée dans la maladie de Parkinson car les items retenus sont les plus signifiants
pour la dysphonie et peuvent se distinguer de ceux de la dysarthrie. Des études
ultérieures devront valider l’intérêt d’une version réduite essentiellement en
terme de gain en charge de passation.
Figure 6. Analyse factorielle. Un seul facteur explique 42 % de la variance. Les
autres facteurs sont en dessous du seuil de significativité.
♦ Conclusion
L’auto-évaluation est une approche novatrice et complémentaire du bilan
des dysarthries. Elle peut se concevoir comme un outil de prise en charge afin
de permettre la prise de conscience par le patient de ses difficultés et amorcer la
relation thérapeutique entre l’orthophoniste et son patient. Le score total du VHI
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pourra servir de critère principal dans les études thérapeutiques, en tant qu’indice de sévérité. La longueur de l’échelle variera en fonction de l’objectif
recherché. Dans le premier cas de figure, elle devra être détaillée et couvrir les
principales dimensions de la communication alors qu’une forme réduite, facile
et rapide à passer sera suffisante pour évaluer l’importance du handicap ressenti.
Les résultats obtenus avec le VHI dans la dysarthrie parkinsonienne sont
satisfaisants et incitent à poursuivre l’usage de ce type de moyen d’évaluation.
En effet, notre étude montre que les patients parkinsoniens peuvent rapporter
leur vécu lié au trouble de la communication. Les études ultérieures devront
vérifier les propriétés métrologiques d’une forme révisée du VHI avec des items
additionnels spécifiques de la dysarthrie (« je parle trop vite ou trop lentement,
je bafouille, etc. » afin d’améliorer la validité externe. Une forme réduite est
nécessaire en raison d’un temps de passation trop long en pratique clinique.
Enfin, ce moyen d’auto-évaluation devra être testé dans d’autres populations de
patients dysarthriques telles que les traumatisés crâniens ou les patients souffrant d’une sclérose latérale amyotrophique. Une fois validée, l’échelle d’autoévaluation de la dysarthrie sera complémentaire des bilans objectifs, cliniques et
instrumentaux réalisés par les thérapeutes.
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Qualité de vie avant et après thyroplastie pour
paralysie laryngée unilatérale
Stéphanie Borel, Lise Crevier-Buchman, Christophe Tessier,
Stéphane Hans, Ollivier Laccourreye, Daniel Brasnu
Résumé
Objectif : Notre objectif était d’évaluer l’impact du trouble vocal résultant d’une paralysie
laryngée unilatérale (PLU) sur la Qualité de Vie et de Voix, avant et trois mois après traitement par thyroplastie avec pose d’un implant de Montgomery.
Matériel et Méthode : Nous avons utilisé le « Voice Handicap Index » (VHI), échelle d’autoévaluation du handicap vocal. Cette échelle de 30 items comprend trois sous-domaines
reflétant les dimensions « Fonctionnelles » « Emotionnelles » et « Physiques » du handicap.
Nous avons évalué 10 patients à deux temps : en préopératoire avec la PLU et à trois mois
après thyroplastie.
Résultats : Avant l’intervention, les scores moyens au VHI sont élevés (VHI total = 65,9/120,
F = 25.7/40, E = 19.9/40, P = 20.8/40), l’impact de la PLU sur la qualité de vie des patients
est important. Après l’intervention, les résultats au VHI (VHI total = 20,9/120, F = 6.3/40,
E = 3.6/40, P = 10.6/40), notamment dans le domaine qui évalue les répercussions du
trouble vocal sur la vie relationnelle et sociale (domaine « fonctionnel »), ont diminué de
façon significative, ce qui confirme l’amélioration apportée par la thyroplastie.
Conclusion : Ces résultats pointent l’intérêt d’utiliser une échelle d’auto-évaluation de la
« Qualité de Vie », qui complète les évaluations perceptive, aérodynamique et acoustique, en
leur adjoignant l’aspect « fonctionnel » de l’amélioration apportée par le traitement.
Mots-clés : paralysie laryngée unilatérale (PLU), thyroplastie, Voice Handicap Index (VHI),
auto-évaluation, voix, qualité de vie.
Rééducation Orthophonique - N° 224 - décembre 2005
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Quality of life before and after thyroplasty for vocal fold paralysis
Abstract
Objective : The aim of this prospective study was to evaluate vocal handicap in relation to
quality of life in patients with unilateral vocal fold paralysis (UVFP), before and after thyroplasty with Montgomery implant (type I).
Methods : Ten patients were asked to fill out the VHI questionnaire before and three months
after thyroplasty. The Voice Handicap Index Scale includes 30 items which are divided into 3
sub-categories referring to “Functional”, “Physical” and “Emotional” dimensions.
Results : Prior to thyroplasty, the global score and the 3 sub-scale ratings are high, reflecting severe impairment in speech communication (VHI total = 65,9/120, F = 25.7/40, E =
19.9/40, P = 20.8/40). Three months after thyroplasty, significant improvement is noted,
predominantly on the functional and emotional dimensions, confirming improved quality of
social life (VHI total = 20,9/120, F = 6.3/40, E = 3.6/40, P = 10.6/40).
Conclusion : These results highlight the value of self-evaluation tools such as the VHI scale.
It complements the evaluation of perceptual, acoustic and aerodynamic dimensions through
an objective assessment of functional improvement in voice quality after thyroplasty.
Key Words : unilateral vocal fold paralysis (UVFP), thyroplasty, Voice Handicap Index (VHI),
self evaluation, voice, quality of life.
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Stéphanie BOREL 1
Orthophoniste
Lise CREVIER-BUCHMAN 2
Médecin, ORL Phoniatre, PH
Christophe TESSIER 2
Orthophoniste
Stéphane HANS 2
Médecin
Ollivier LACCOURREYE 2
Médecin, PU-PH
Daniel BRASNU 2
Médecin, PU-PH
1
Service ORL du Pr O. STERKERS
Centre hospitalier Beaujon.
100 boulevard du Général Leclerc
92110 Clichy
Courriel : [email protected]
2
Unité d’exploration fonctionnelle
Voix-Parole-Déglutition,
Service ORL,
HEGP, AP-HP,
20 rue Leblanc
75015 Paris
L
’évaluation du handicap se développe depuis quelques années en phoniatrie,
comme en témoignent les articles traitant exclusivement de ce sujet [1,2].
Nous avons choisi d’étudier le handicap engendré par la paralysie laryngée unilatérale (PLU). L’installation brutale de cette pathologie a souvent pour
conséquence une dysphonie sévère, chez des patients sans antécédents phoniatriques. Le handicap ressenti en est alors certainement majoré. D’autre part, si
de nombreuses études ont permis de mettre en évidence l’amélioration des
caractéristiques vocales objectives après la thyroplastie dans le traitement des
PLU [3,4], qu’en est-il de la réponse, en terme de « Qualité de Vie » offerte par
cette technique chirurgicale ?
Le « Voice Handicap Index » (VHI) [5], élaboré par Jacobson et al. en
1997, est une échelle d’auto-évaluation du handicap engendré par un trouble
vocal et se compose de 30 items. Ces 30 items sont répartis selon 3 domaines
qui différencient l'impact « Physique » (perception d’un inconfort ou d’un
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déplaisir dans l’activité vocale), l'impact « Fonctionnel » (diminution des capacités et du rendement au travail ou dans les tâches journalières pouvant être
imputée au trouble vocal) et l'impact « Emotionnel » (sentiments d’embarras,
d’incompétence voire de honte ressentis à cause du trouble vocal). De nombreuses études utilisant le VHI ont déjà été publiées. Benninger en 1998 [6] et
Rosen en 2000 [7] l'ont utilisé pour l’évaluation des patients dysphoniques,
avant et après traitement. C'est l'utilisation la plus courante du VHI. En 2000,
Rosen et al. ont soumis le VHI à une population de chanteurs dysphoniques [8].
En 2001, Roy et al. l'ont utilisé dans une étude comparative de deux traitements
proposés à des enseignants souffrant de dysphonie [9]. Egalement en 2001,
Fung et al. ont utilisé le VHI pour évaluer les effets secondaires dus à la radiothérapie cervico-faciale sur la fonction vocale [10]. En 2002, Hsiung et al. [11]
ont évalué le degré de corrélation entre le VHI et quatre mesures objectives (jitter, shimmer, temps maximum de phonation et rapport signal/bruit). Les conclusions de cette étude montrent qu’au sein du VHI le domaine « Fonctionnel » et
le domaine « Emotionnel » sont fortement corrélés (r = 0.883). Par contre les
données objectives (mesures acoustiques et aérodynamiques) et les données
subjectives (VHI) sont très faiblement corrélées (r < 0.3).
Les objectifs de notre étude prospective longitudinale étaient l’évaluation,
à l’aide du VHI, de la sévérité de l’impact de la PLU sur le ressenti des limitations liées au handicap vocal, puis l’amélioration apportée par la thyroplastie.
Y’a t-il une répartition particulière du score des trois sous-domaines du VHI,
lors de la première évaluation avant tout traitement, et lors de la seconde après
thyroplastie ? Quels sont les impacts résiduels de la paralysie laryngée unilatérale après le traitement par thyroplastie?
♦ Matériel et Méthode
Sélection des patients
Dans notre étude prospective longitudinale nous avons pris toutes les personnes venues en consultation dans le service ORL de l’Hôpital Européen G.
Pompidou (HEGP) d’octobre 2001 à octobre 2002 pour lesquelles une paralysie laryngée unilatérale a été diagnostiquée et qui ont bénéficié d’une thyroplastie avec pose d’un implant de Montgomery suivie dans certains cas d’une rééducation vocale.
La population se composait initialement de 14 patients mais pour des raisons inhérentes aux contraintes hospitalières et pour certains, aux traitements
associés lourds (radiothérapie, chimiothérapie), la population se compose finale-
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ment de 10 patients. Il s’agit de 9 hommes et 1 femme, âgés de 50 à 79 ans
(moyenne = 62.1) (cf. : Tableau 1)
Tableau 1 : Les 10 patients de l’étude. (Rééduc Voc. : nombre de
séances de rééducation vocale. Délai : délai entre le début de l’immobilité
laryngée et la thyroplastie, Etiologie : pathologie et son traitement ayant été
responsable de la survenue de la PLU)
Passation du « Voice Handicap Index »
Pour tous les patients, un entretien clinique, un examen vidéolaryngostroboscopique et une évaluation perceptive (GRBAS) ont été réalisés avant et trois
mois après la thyroplastie. Nous avons choisi de voir les patients une première
fois en préopératoire (T1) puis trois mois après leur traitement par thyroplastie
(T2). Cette procédure est celle que Jacobson et al. ont utilisé pour valider le
VHI [5]. Elle a d’ailleurs été reprise dans les études sur la PLU auxquelles nous
nous référons [8,12]. De plus, dans le cas du traitement de la PLU par thyroplastie, il semblerait que les résultats vocaux se stabilisent autour du troisième mois
[3,4]. Nous avons utilisé une version de l’échelle traduite en français par le
Comité de Phoniatrie de l’ELS (Europeen Laryngological Society). La passation
de l’échelle VHI a duré entre 10 et 15 minutes.
L’échelle VHI complète [T] se compose de 30 items répartis selon 3 souséchelles qui différencient l’impact « Physique » [P] (10 items), l'impact
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« Fonctionnel » [F] (10 items), l’impact « Emotionnel » [E] (10 items). Pour
chaque item, cinq réponses sont proposées : jamais de problème (coté 0),
presque jamais (1), parfois (2), presque toujours (3) et toujours (4). On obtient
un score total sur 120 et un score à chacune des trois sous-échelles sur 40. Plus
le score est élevé, plus la gêne et le handicap ressentis sont importants. C’est un
indice de mécontentement. Selon Jacobson, les scores totaux des deux passations doivent être différents d’au moins 18 points (et de 8 points pour chaque
sous-échelle) pour que cette différence soit significative [5].
Le traitement des données a été effectué à l’aide du logiciel Excel 2000.
Résultats
Tableau 2. Résultats (et déviation-standard) au « Voice Handicap Index »
avant et après Thyroplastie
On observe une amélioration significative des scores des trois sous-catégories : le domaine fonctionnel s’améliore de 19,3 points (8 points sont nécessaires pour être significatif), le domaine émotionnel s’améliore de 16,3 points (8
points sont nécessaires pour être significatif), et le domaine physique s’améliore
de 10.2 points (8 points sont nécessaires pour être significatif), et le score total
s’améliore de 45,9 points (18 points sont nécessaires pour être significatif).
Graphique 1. Score total moyen au « Voice Handicap Index » avant et après
Thyroplastie
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Graphique 2. Résultats moyens de chaque domaine du « Voice Handicap
Index » avant et après Thyroplastie.
♦ Discussion
Notre échantillon de sujets étant limité à dix patients, nous n’avons pas
effectué de traitement statistique. Nos observations sont des descriptions de tendance qui seront à confirmer ou infirmer par des études ultérieures sur une
population plus nombreuse. Pour tous nos patients, la thyroplastie apporte une
amélioration significative du handicap vocal.
La comparaison des résultats obtenus au VHI à des études similaires sur
des patients avant et après thyroplastie montre la même tendance vers une amélioration significative dans les trois domaines après thyroplastie. Une seule
étude tient compte des 3 sous-catégories.
Tableau 3. Tableau comparatif des résultats obtenus dans la littérature pour 2
études (Rosen [8] et Spector [12]) et nos résultats au VHI avant et après
Thyroplastie.
Dans notre étude, lors de la première évaluation, les domaines Fonctionnel et Physique sont plus sévèrement atteints que le domaine Emotionnel. Par
contre, lors de la seconde évaluation, les scores des domaines Fonctionnel et
Emotionnel diminuent considérablement (plus de 2.5 fois la différence signifi-
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cative) alors que le domaine Physique enregistre une baisse moins franche (1
fois la différence significative). L’importance accordée aux domaines physique
d’une part et fonctionnel et émotionnel d’autre part est inversée en postopératoire. Ces résultats suggèrent l’importance de l’impact de la PLU sur la vie quotidienne des patients en limitant leur activité sociale. Elle est aussi source de
gênes physiques et de sensations d’inconfort. Lors de la seconde évaluation,
même si la thyroplastie ne permet pas de rendre « leur » voix à tous les
patients, elle améliore leur « Qualité de Vie » parce que l’amélioration vocale
leur a permis de réinvestir leur vie sociale. La thyroplastie apparaît donc comme
un vecteur de réadaptation sociale des patients. Cette évolution dynamique au
sein même du VHI nous paraît également intéressante car elle justifie le découpage du score total en trois sous-domaines.
Certaines caractéristiques des domaines « Physique » et « Emotionnel »
ont également été mises en évidence par nos résultats. Si l’amélioration du
domaine « Physique » est la moins importante, c’est probablement parce que
ce domaine est le plus dépendant du trouble objectif. En effet, selon Hsiung
et al [11], le domaine Physique est celui qui est le plus corrélé à l’évaluation des
troubles objectifs. On constate également une importante hétérogénéité des
scores au domaine « Emotionnel » en T1 (tableau 1) avec un écart-type de
10.9, ainsi qu’une quasi-disparition de ce domaine en T2 (tableau 1 : VHI [E] =
3.6/40 en T2). Le score moyen important en T1 de ce domaine peut s’expliquer
par la corrélation forte entre les domaines « Fonctionnel » et « Emotionnel »
(Hsiung et al. [11]). L’hétérogénéité du domaine « Emotionnel » en T1 peut
s’expliquer par le fait que c’est le domaine le moins corrélé au domaine « Physique » [11], donc au trouble objectif. La part subjective s’exprimerait pleinement dans le domaine émotionnel, ce qui pourrait expliquer que la cotation dans
ce domaine soit soumise à d’importantes variations entre les individus. Par
contre, la bonne évolution de ce domaine, en T2, pourrait s’expliquer par le fait
que les patients avaient développé des affects négatifs envers leur trouble vocal,
contrairement à des patients souffrant d’une dysphonie fonctionnelle pour lesquels les causes et les conséquences émotionnelles sont peut-être plus intimement liées. En effet la survenue brutale de la paralysie laryngée unilatérale chez
des patients n’ayant jamais souffert de problèmes vocaux auparavant n’a rien à
voir avec la mise en place, plus ancienne et insidieuse, d’une dysphonie fonctionnelle. Il paraît donc compréhensible que ces affects disparaissent rapidement, lorsque le trouble fonctionnel a été traité.
Il y a donc une modification de la répartition de la plainte vocale entre les
deux évaluations (cf. graphique 2). Après la thyroplastie, le domaine « Physique » est prépondérant. Une rééducation vocale postopératoire peut être une
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réponse intéressante à cet impact résiduel de la paralysie laryngée unilatérale.
L’auto-évaluation à l’aide de l’échelle de Handicap vocal permet de mieux
appréhender les plaintes du patient et de mieux guider une éventuelle rééducation vocale selon les doléances résiduelles.
♦ Conclusion
Cette étude a permis de montrer que la paralysie laryngée unilatérale a un
impact très négatif sur la « Qualité de Vie ». Le traitement par thyroplastie
avec pose d’un implant de Montgomery offre une bonne réponse en termes de
qualité de vie, surtout pour les domaines « Fonctionnel » et « Emotionnel ».
Le VHI s’avère être un outil complémentaire de l’évaluation classique car il met
en évidence l’aspect « Fonctionnel » et « Emotionnel » du trouble vocal.
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Qualité de vie après anastomose hypoglossofaciale : intérêts et bénéfices
communicationnels d’une prise en charge
spécifique
Peggy Gatignol
Résumé
La paralysie faciale (PF) périphérique ne doit pas être considérée comme un handicap fonctionnel et esthétique mais également et surtout comme un handicap de communication. Elle
engendre en effet une altération sévère de la communication verbale et non-verbale ainsi
que des répercussions psychologiques, affectives, sociales et professionnelles très importantes. L’anastomose hypoglosso-faciale (AHF) est le procédé classique de réparation de la
face paralysée lorsque le nerf facial ne peut être reconstruit. Les résultats sont le plus souvent l’obtention d’une face symétrique au repos et la possibilité de mouvements volontaires
sans engendrer de troubles articulatoires mais seulement quelques perturbations séquellaires de l’atteinte du nerf facial. Après avoir évalué le retentissement de la paralysie faciale
et de l’anastomose hypoglosso-faciale, nous proposons une étude comparative de la communication verbale et non-verbale auprès de ces deux populations.
Les résultats mettent en évidence une réelle satisfaction de l’AHF versus PF sur la qualité de
vie face à des tâches quotidiennes, plus spécifiquement concernant des activités verbales et
alimentaires.
Mots clés : handicap, qualité de vie, paralysie faciale périphérique, anastomose hypoglosso-faciale.
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Quality of life after hypoglossal-facial anastomosis : Advantages and
communicational benefits of specialized care.
Abstract
Peripheral facial paralysis (FP) should not be considered solely as a functional and aesthetic
disability but also and especially as a disability for communication. Indeed, it leads to severe
deterioration of both verbal and non-verbal communication, as well as having substantial
psychological, emotional, social, and professional consequences. Hypoglossal-facial anastomosis (HFA) is the classic procedure for repairing the paralyzed face when the facial nerve
cannot be rebuilt. The results generally obtain a symmetrical face at rest and the possibility
of voluntary movements, without causing difficulties in articulation, and with only a few problems related to facial nerve damage. After having evaluated the repercussions of facial
paralysis and hypoglossal-facial anastomosis, we present a comparative study of verbal and
non-verbal communication in these two populations.
Results highlight genuine satisfaction with HFA in comparison to FP concerning quality of life
related to tasks of daily living, more specifically regarding speaking and eating activities.
Key Words : handicap, quality of life, peripheral facial paralysis, hypoglossal-facial
anastomosis.
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Peggy GATIGNOL
Orthophoniste
Fédération de Neurologie
Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière
75013 PARIS
Courriel :
[email protected]
L
a paralysie faciale est une atteinte fréquente, toujours angoissante pour le
patient du fait de la déformation de la face et fonctionnellement dangereuse pour la cornée qui se trouve exposée en l’absence d’occlusion palpébrale.
La gravité de la paralysie est liée à son étiologie (cf. diagnostic d’une
PF), son stade clinique et le pourcentage de perte axonale déterminée par l’électromyographie (cf. chapitre électrophysiologie). Il existe, comme nous l’avons
vu (cf. grading de House et Brackman) différentes classifications au sein des
paralysies faciales, mais quel que soit le grade, cette pathologie demeure très
invalidante car elle affecte le visage, support de la personnalité, des émotions et
de la communication. Les répercussions psychologiques sont toujours importantes (1).
♦ Déficience, Incapacité, Handicap
La CIDIH (Classification Internationale des Déficiences Incapacités et
Handicaps) distingue :
- la déficience comme étant la conséquence d’une lésion anatomique sur
une fonction physiologique : un symptôme ;
- l’incapacité est la conséquence fonctionnelle de la déficience, ce que la
patient n’arrive plus à faire dans la vie quotidienne, incapacité à communiquer, à manger seul ;
- le handicap est la conséquence sociale d’une déficience ou d’une incapacité, le patient ne tient plus son rôle normal, il est inadapté. Cela correspond à la perte du travail.
Une révision de celle-ci a été votée et adoptée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en mai 2001 : la CIF (Classification Internationale du Fonctionnement du handicap). Selon cette nouvelle classification, « l’état de fonctionnement et de handicap d’une personne est le résultat de l’interaction
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dynamique entre son problème de santé (maladies, troubles, lésions, traumatismes) et les facteurs contextuels qui comprennent à la fois des facteurs personnels et environnementaux ». Elle propose cinq niveaux :
- Les fonctions organiques
- les structures anatomiques
- les activités
- les participations ou implications dans la vie réelle
- les facteurs environnementaux.
Cette classification a permis de positiver la notion de handicap basée sur
la notion de « bien-être ».
Rares sont les données de la littérature prenant en compte la qualité de vie
et la plainte des patients. La plupart des échelles existantes mettent en évidence
soit l’efficacité ou la non-efficacité d’une méthode de traitement. Pouvoir communiquer devient le préalable à l’insertion et surtout à l’intégration sociale. Une
étude de Kiese-Himmel, Laskawi et Wrede (2), en 1993 sur le comportement
des patients souffrant de paralysies faciales a montré que nombreux sont ceux
qui changent de travail ou arrêtent leur activité professionnelle. Bien souvent, la
joie de participer à la vie sociale diminue, les difficultés étant cependant moins
importantes au sein des familles ou des amis. Ils ont également constaté que les
troubles psychologiques semblent plus importants pour les paralysies consécutives à des chirurgies de neurinomes du VIII, sans pouvoir les expliquer.
♦ Patients et méthodes
Nous avons donc jugé intéressant de soumettre une échelle de qualité
de vie à ces deux populations (3, 4, 5) afin d’examiner le retentissement
d’une telle transformation. Il s’agit d’une évaluation de la communication
des patients dans leur vie quotidienne à partir de deux échelles que nous
avons créées (première échelle pour les patients présentant une PF et une
seconde échelle proposée AVANT et APRES anastomose dans laquelle est
inclue la notion de rééducation). Ces échelles, inspirées d‘une échelle écologique conçue et validée auprès de patients aphasiques (6), s’adressent aux
patients qui sont confrontés aux situations de communication de la vie quotidienne dans leur milieu de vie habituel.
Quinze patients âgés de 20 à 62 ans (âge moyen : 40 ans) porteurs d’une
paralysie faciale périphérique idiopathique et sept patientes (âge moyen : 51
ans) ayant subi une anastomose hypoglosso-faciale postexérèse d’un neurinome
de l’acoustique ont rempli ce questionnaire. 12 séances en moyenne ont été réa-
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lisées et 3/7 ont également bénéficié d’une rééducation de la déglutition tandis
que les patients avec PF ont rempli cette échelle lors de leur hospitalisation
c’est-à-dire à J + 2 en moyenne.
Ces échelles correspondent à un entretien semi-dirigé comportant 34
questions pour les PF (sans les questions concernant la rééducation) et 43 questions regroupées sous neuf rubriques : intention, expression, conversation, téléphone, achats, relations sociales, alimentation, rééducation, % de satisfaction)
pour les AHF. Chaque question est assortie de 4 propositions possibles (toujours, souvent, quelquefois, jamais).
Le questionnaire explore plusieurs niveaux : le niveau familial (famille et
proches) et le niveau extra-familial, l’alimentation, les répercussions psychologiques. Les questions qui composent l’échelle font appel à des exemples
concrets afin de permettre au patient d’évoquer une situation vécue ou de l’imaginer si elle ne s’est pas présentée. En voici deux exemples :
- Etes-vous allé(e) seul(e) faire des achats (pain, journal, courses...) ?
- Avez-vous supprimé certains aliments de votre alimentation ?
Les résultats sont représentés par un score total sur 120 pour les PF et 129
pour les AHF et un profil de communication permet une appréciation visuelle
rapide des domaines où la communication verbale ou non verbale est efficace et
de ceux où elle est plus altérée.
♦ Résultats
Dans le but d’une homogénéisation des scores, tous les résultats ont été
exprimés en % de réussite.
% de satisfaction à l’échelle
de qualité de vie des patients avec paralysie faciale
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L’échelle de qualité de vie présentée aux patients nous montre la gêne
entraînée par la paralysie. Le pourcentage de satisfaction n’excède pas 56 %. La
conversation téléphonique (94%) apparaît comme la situation la moins altérée
tandis que la catégorie « achats » obtient quant à elle un score plus faible de 53
% ce qui nous montre le retentissement sur la déformation et l’aspect physique
avant tout. Certains patients disent même devoir se cacher le visage pour sortir.
Les patients soulignent également une gêne importante au niveau de l’articulation et de la conversation (63% de satisfaction), phénomène majoré hors du
cadre familial.
Nous avons regroupé les résultats obtenus aux différentes sous-catégories
de l’échelle de qualité de vie en deux catégories principales : l’articulation et
l’expression faciale. Nous avons analysé le retentissement de la paralysie faciale
sur ces deux versants et avons constaté pour tous les groupes que la plainte est
plus importante pour l’expression faciale que pour l’articulation. Tous les grades
ont une satisfaction supérieure à 69 % concernant leur articulation, la gêne étant
plus marquée pour les patients de grade V et VI.
% de satisfaction pour l’articulation et l’expression faciale
Concernant l’expression, les intentions (pour lesquelles il s’agit du
regroupement des capacités expressives et du handicap esthétique), les relations
sociales et l’alimentation, les résultats oscillent entre 70 et 80 %.
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Lorsque l’on prend en considération le grade de la paralysie, on s’aperçoit que le grade est proportionnel à la gêne occasionnée. Les patients de grade
V et VI se plaignent des répercussions importantes de la paralysie faciale sur
leur qualité de vie (60 % de satisfaction pour ces deux groupes en moyenne).
Les sujets de grade IV présentent une gêne mineure par rapport à leur paralysie
avec 83% de satisfaction et les patients de grades II et III vivent leurs troubles
de la même façon, avec respectivement 73 et 70% de satisfaction.
% de satisfaction à l’échelle de qualité de vie en fonction du grade
Concernant à présent les patients ayant subi une anastomose hypoglossofaciale, on s’aperçoit que quel que soit le délai (distance entre l’intervention et
la passation de cette échelle - a1 : 10 mois, a4 : 44 mois), toutes les patientes
expriment une réelle satisfaction se justifiant par un gain de plus de 50 % pour
toutes les activités et ce pour chaque patiente.
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Résultats globaux obtenus en %
pour l’ensemble des catégories de l’échelle de satisfaction
Artic proches : articulation avec des proches
Artic inconnus : articulation avec des inconnus
A nouveau, les résultats des différents subtests composant cette échelle
confirment comme nous l’avons vu ci-dessus la satisfaction de l’intervention et
ce sur toutes les activités et plus spécifiquement celles liées à l’expression et à
l’articulation (articulations avec proches et personnes non familières, téléphone,
expression, intention), subtests que nous allons analyser ci-après.
Là encore, il s’agit d’une opposition entre d’une part l’usage ou non de la
parole. Manifestement il semble que ce facteur soit précurseur d’un lourd handicap si l’on se réfère aux résultats exprimés par les patientes en phase initiale très
sévèrement « marquées » par les difficultés liées à la paralysie faciale. En
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revanche, la différence entre les scores avant et après anastomose pour les
patientes est moins importante à distance de leur intervention.
Les gains obtenus après anastomose dans cette catégorie sont très nettement
mis en évidence par ces deux histogrammes. La gêne rencontrée semble être
majorée par le contexte (inconnus>famille) pour les patientes. Toutefois, une seule
patiente (38 ans ayant des enfants en bas âge) a manifestement rencontré beaucoup de difficultés face à son environnement familial. Comme nous l’avons souligné plusieurs fois, le facteur temps influence également les bons résultats. En
effet, un des sujets à 44 mois de son intervention affirme ne rencontrer plus
aucune gêne envers des personnes non familières. Notons, à juste titre, que cette
patiente, enseignante, a également repris son activité professionnelle.
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C’est donc au sein de cette catégorie que les résultats semblent être les
plus homogènes. En effet, toutes les patientes n’expriment à présent plus aucune
difficulté et obtiennent toutes un score maximal de 100 % de satisfaction après
l’intervention. A l’interrogatoire, toutes ont relaté qu’initialement les troubles
rencontrés étaient d’une part le refus de s’exprimer par peur de ne pas être comprise mais surtout par crainte de moqueries.
Au vu des résultats obtenus, nous avons décidé de séparer en deux (< et > à 12
mois de l’intervention) cette population.
Résultats globaux à l’échelle de satisfaction en fonction du temps écoulé
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Les résultats montrent une réelle satisfaction de l’intervention et ce sur
toutes les activités quotidiennes et manifestement pour les activités liées à l’expression et à la déglutition. Si l’on s’intéresse à présent à deux sous-groupes
c’est-à-dire d’une part lorsque l’AHF est réalisée dans un délai inférieur à 12
mois et d’autre part un délai supérieur à 36 mois, on s’aperçoit que la satisfaction est maximale (100%) en ce qui concerne les intentions, la conversation avec
les inconnus et seulement à 75 % avec les proches et le téléphone. Mais en
terme de pourcentage de satisfaction et malgré un gain observé entre PF et AHF
sur plusieurs domaines, le pourcentage de satisfaction reste plus bas pour les
AHF que pour les PF, ce qui pourrait apparaître comme étant la conséquence
d’une persistance d’une double atteinte faciale et linguale.
♦ Discussion
Lors de l’installation de la paralysie faciale, le pourcentage de satisfaction
émanant de l’échelle de qualité de vie est proportionnel au grade. On note une
amélioration de la gestion du trouble dans la vie de tous les jours entre J 0 et J+1
mois (4). La plainte principale concerne l’expression du visage. En effet, le regard
des autres est difficile à surmonter, les patients perdent confiance en eux et choisissent bien souvent de fuir les situations de communication (refus de faire des
courses, visage caché). La paralysie faciale périphérique engendre une blessure
narcissique avec des troubles de l’image et de l’estime de soi. Certains patients
décrivent des sentiments dépressifs, de culpabilité, d’anxiété et de rejet des autres.
L’adaptation au handicap ne varie pas forcément en fonction du degré de
séquelles mais en fonction de l’individu. Dans tous les cas, elle se fait le plus
souvent selon des processus dépressifs.
La plainte principale concerne la conversation et l’articulation. On note
également chez tous les patients une plainte récurrente concernant l’alimentation et que l’on peut encore une fois attribuer à la faiblesse du sphincter buccal
et au défaut de maintien du bol alimentaire. (3)
Lors de l’analyse de la qualité de vie en deux grands ensembles (l’articulation et l’expression faciale), nous constatons que la paralysie a également un
retentissement important sur l’expression faciale d’une manière générale.
Le confort de vie des patients augmente parallèlement à la récupération
fonctionnelle. Les patients se montrent tous plus satisfaits à J+3 qu’à J 0 (4).
Certains ne présentent d’ailleurs plus aucune plainte par rapport à leur paralysie.
Comme l’ont souligné plusieurs auteurs (7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16), notre étude confirme également que les troubles observés après AHF
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régressent avec le temps écoulé tant au niveau objectif en fonction des résultats
obtenus (cf. troubles de l’articulation) que subjectif si l’on s’intéresse aux résultats de l’échelle de satisfaction proposée.
Contrairement aux études de Kunihiro & al (17) et de l’Acoustic Neuroma Association (18), notre étude met en évidence une certaine satisfaction de
l’intervention, satisfaction beaucoup plus importante à distance (> 12 mois) de
l’intervention.
Si pour ces auteurs, l’absence de correspondance entre l’évaluation globale du résultat par le patient comparée aux tests pratiqués ou à l’évaluation
du chirurgien est manifeste, elle ne nous paraît pas pouvoir constituer un critère pertinent. En effet, les résultats obtenus à l’échelle de satisfaction corroborent tout à fait les productions et les performances réalisées par les patientes
au sein de notre étude. L’explication des conséquences fonctionnelles est donc
capitale mais pas uniquement pour les mouvements faciaux comme le souligne Kunihiro (17). Si certains patients comme l’ont décrit Kiese-Himmel,
Laskawi et Wrede présentent plus de difficultés psychologiques à la suite
d’une exérèse de neurinome, il pourrait s’agir de conséquences liées à la
double atteinte « facial-hypoglosse », difficultés plus importantes en phase
initiale comme le démontre notre étude mais s’estompant avec le temps, permettant ainsi une reprise d’activité professionnelle sans aucun problème pour
l’une de nos patientes, enseignante, ayant repris son poste 44 mois après l’intervention.
Peu d’études se sont intéressées à la qualité de vie et à la plainte subjective des patients, la plupart des échelles mettent en évidence l’efficacité ou la
non-efficacité d’une méthode de traitement (19). Darrouzet (10) s’est intéressé
aux conséquences de l’atrophie linguale et a montré une insatisfaction dans un
délai < 12 mois, Ross (20) s’est attaché à l’évaluation de la symétrie de la face
au repos, au déplacement volontaire et au degré de syncinésies. Frey & al (21),
quant à eux ont proposé une méthode en 3D afin de décrire le potentiel de réhabilitation (statut quantitatif) en fonction de la face tandis que Bajaj & coll (22)
proposent des quantifications sur vidéos des réponses motrices des muscles
faciaux.
♦ Conclusion
Cette étude, qualitative et quantitative, met donc en évidence une certaine
satisfaction concernant les tâches de la vie quotidienne et plus spécifiquement
concernant les tâches liées à l’expression et l’alimentation.
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Le handicap apparaît donc avec deux dimensions : l’une est représentée
par l’ensemble des aptitudes, l’autre par les « performances » qui se traduisent
en terme de « handicaps » s’il y a échec partiel ou total dans des situations bien
définies comme prendre le train, utiliser un téléphone… Les sections du nerf
hypoglosse entraînent quelques perturbations lors de la mastication (translation
des aliments), rapidement compensées après rééducation spécifique. Comme le
cite C. HAMONET (23) à travers la communication, le handicap a deux dimensions : celle de l’individu avec ses capacités et ses limites et celle des situations
sociales que ce même individu affronte. La rééducation est avant tout une rééducation fonctionnelle visant « à restaurer, reconstituer ou compenser des capacités de communication », sa finalité étant la réinsertion sociale.
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Évaluation de la qualité de vie après glossectomie partielle
Martine Smadja, Christophe Tessier, Lise Crevier-Buchman
Résumé
Les traitements des affections cancéreuses de la langue sont sources d’effets secondaires
qui peuvent avoir des répercussions sur les plans fonctionnel et esthétique et sur la qualité
de vie.
Objectifs : Les objectifs de cette étude étaient d’évaluer la qualité de vie dans ses dimensions objectives et subjectives après glossectomie partielle, et de rechercher d’éventuelles
corrélations entre les différentes dimensions qui constituent la qualité de vie afin de proposer une prise en charge réhabilitative.
Matériel et méthodes : Un questionnaire de qualité de vie a été soumis à 16 patients (5
femmes et 11 hommes), opérés d’une glossectomie partielle. Nous avons utilisé le questionnaire générique de qualité de vie adapté à la pathologie cancéreuse EORTC QLQC30 et son
module complémentaire spécifique H&N35 adapté aux cancers de la tête et du cou.
Résultats : Le taux moyen de satisfaction pour la qualité de vie globale atteignait 71%, pour
l’échelle de fonctionnement, il atteignait 83% et pour les symptômes génériques il atteignait
13%. Enfin les taux moyens de symptômes spécifiques « tête et cou » étaient très élevés
avec 76% de doléances. L’échelle témoignant de la qualité de vie globale déclarée par les
patients n’est pas corrélée avec le taux de symptômes spécifiques.
Conclusions : L’échelle de qualité de vie est un bon médiateur favorisant l’évocation par le
patient de ses difficultés. C’est un outil fiable et reproductible, permettant un suivi longitudinal des patients. Il permet de proposer une approche personnalisée et une prise en charge
adaptée à chaque patient.
Mots clés : qualité de vie, glossectomie partielle, échelle EORTC QLQC30, échelle EORTC
H&N35
Rééducation Orthophonique - N° 224 - décembre 2005
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Evaluation of the quality of life after partial glossectomy
Abstract
Treatments of cancerous conditions of the tongue are a source of side effects which can
have repercussions of a functional and aesthetic nature and on the quality of life.
Objectives : The purpose of this study was to evaluate quality of life in its objective and subjective dimensions after partial glossectomy, and to seek possible correlations between those
various features which make up quality of life, in order to recommend rehabilitative care.
Material and methods : A quality of life questionnaire was given to 16 patients (5 women
and 11 men), who had undergone a partial glossectomy. We used the standard quality of life
questionnaire adapted for cancerous conditions, EORTC QLQC30, and its specific complementary module, H&N35, adapted for cancers of the head and neck.
Results : The average level of satisfaction for global quality of life reached 71%; it reached
83% on the functional scale; and for nonspecific symptoms it reached 13%. Finally, average
rates of specific “head and neck” symptoms were very high with 76% of complaints. The
scale measuring the global quality life declared by patients is not correlated with the level of
specific symptoms.
Conclusions : The quality of life scale is a useful tool for getting patients to talk about their
difficulties. It is a reliable and replicable tool, permitting longitudinal follow-up of patients. It
makes it possible to offer a personalized approach and care adapted to each patient.
Key Words : quality of life, partial glossectomy, scale EORTC QLQC30, scale EORTC H&N35
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Martine SMADJA 1
Orthophoniste
Christophe TESSIER 1
Orthophoniste
Lise CREVIER-BUCHMAN 1&2
Médecin ORL phoniatre, PH
1. Unité d’exploration Voix, Parole,
Déglutition
Service d’ORL et de Chirurgie CervicoFaciale
2. Hôpital Européen Georges Pompidou
20 rue Leblanc
75015 Paris
Courriel : [email protected]
L
es traitements des affections cancéreuses de la tête et du cou ont considérablement progressé au cours des trente dernières années et la guérison est
désormais de l’ordre du possible (1, 2, 3, 4). S’ils sont efficaces d’un point
de vue carcinologique, les traitements restent encore trop souvent inconfortables
et sources d’effets secondaires réversibles pour certains, irréversibles pour
d’autres (5, 6, 7, 8). Dans le cadre des cancers de la tête et du cou, les traitements
(exérèses chirurgicales, radiothérapie, et chimiothérapie) ont souvent des répercussions importantes sur le plan fonctionnel et esthétique pouvant altérer la qualité
de vie (9, 10, 11, 12). La qualité de vie est une notion multifactorielle et très personnelle qui ne dépend pas entièrement de l’altération ou de la perte de certaines
fonctions et cela, tout particulièrement dans le cas d’une pathologie telle que le
cancer de la langue (13, 14, 15, 16, 17, 18).
Après une revue de la littérature concernant la qualité de vie et les évaluations fonctionnelles après glossectomie (2,3,19), nous avons orienté notre étude
sur le recueil de données au travers d’un questionnaire de qualité de vie proposé
à une population de 16 patients ayant subi une glossectomie partielle par voie
endo-buccale. L’étude repose sur un auto-questionnaire de qualité de vie
EORTC-QLQ-30 et son module H&N35 spécifique aux cancers de la « tête et
du cou » (20). Ce questionnaire permet au patient d’estimer successivement sa
qualité de vie globale, sa qualité de vie en relation avec ses capacités fonctionnelles, puis de quantifier ses symptômes génériques (symptômes communs à
toutes les pathologies cancéreuses) et ses symptômes spécifiques (symptômes
spécifiques des cancers de « la tête et du cou »).
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Notre objectif était de faire le constat de la qualité de vie déclarée par les
patients, dans ses dimensions subjectives et objectives. Au terme du recueil des
données, nous avons recherché les corrélations existant entre les résultats des différentes évaluations, afin d’interpréter les profils de patients en prenant en compte au
même titre les composantes subjectives et objectives. Considérant l’impact négatif
de l’exérèse d’une partie de la base de langue sur la déglutition et le rôle négatif
d’une perte importante de substance linguale sur la parole et la phase orale de la
déglutition (5, 6, 21, 22, 23, 24), notre démarche visait, à terme, une meilleure
compréhension multidimensionnelle des conséquences du cancer de la langue et de
ses traitements, afin de proposer une prise en charge la plus globale possible et une
rééducation orthophonique adaptée à chaque patient.
♦ Matériel et Méthodes
La population
L’étude a porté sur 16 patients, venus en consultation ORL pour le suivi
postopératoire entre octobre 2002 et mai 2003. Ils n’ont pas été convoqués spécifiquement pour l’étude mais évalués lors de la consultation. La population étudiée se composait de 5 femmes et 11 hommes âgés de 26 à 82 ans avec une
moyenne d’âge respective de 52 ans pour les femmes et 58,4 ans pour les
hommes (Tableau 1).
Les patients concernés par cette étude ont été opérés d’un cancer de la
langue mobile et/ou de la base de langue par voie endo-buccale (glossectomie
partielle) suivie ou non d’une reconstruction et/ou de radiothérapie. La répartition des patients selon la classification TNM était la suivante : 1 patient était
classé T1 N0 M0, 9 patients étaient classés T2 N0 M0, 3 patients étaient classés
T2 N1 M0, 1 patient était classé T3 N0 M0, 1 patient était classé T4 N0 M0, et
1 patient était classé T4 N2 M0 (Tableau 1).
Les critères d’exclusion étaient les suivants : patients non francophones,
patients atteints d’une pathologie neurologique (maladie dégénérative, accident
vasculaire cérébral…), patients ayant subi une seconde exérèse en lien avec une
seconde localisation cancéreuse dans la sphère O.R.L (par ex : laryngectomie),
patients présentant un handicap physique ou mental inné ou acquis, en lien avec
une autre étiologie que le cancer.
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Légende : (1) LM =Langue Mobile
thérapie (4)loge = loge amygdalienne
(2)
(5)
BdL = Base de Langue
ZJ = zone de jonction
(3)
∞ = radio-
Tableau 1 : Présentation de la population
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Le protocole
Les données ont été recueillies grâce à un auto-questionnaire de qualité de
vie rempli par les patients, en présence de l’orthophoniste. Les délais postopératoires étaient de 2 à 13 mois après l’intervention chirurgicale, selon les patients.
Le questionnaire de qualité de vie utilisé était celui de l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer). Cette organisation
internationale a été fondée en 1962. Cette échelle a été développée en 1983, par
Aaronson & al. (20) dans le cadre de l’EORTC. Notre choix s’est porté sur la
dernière version du questionnaire générique central EORTC QLQ-C30 version 3
datant de 1993 et son module spécifique « tête et cou » QLQ-H&N35 parce
que nous pouvions avoir accès à une base de données chiffrées des résultats
d’une population de 279 patients ayant eu un cancer de la cavité orale nous permettant de comparer les résultats de notre étude aux données obtenues auprès
d’une population plus importante. Le questionnaire est disponible et validé en
langue française et comprend un questionnaire générique QLQ-C30 adapté à
toutes les pathologies cancéreuses, complété par un questionnaire spécifique
adapté au cancer des VADS : le H&N35 (« Head and Neck »).
Présentation des échelles du QLQ-C30
Ce questionnaire générique central s’adresse à tout patient atteint d’un cancer, il
comprend 3 échelles.
Santé et qualité de vie globale
Cette échelle comporte 2 questions. Les réponses induites par les questions sont qualitatives et unipolaires de type : « pas du tout », « un peu »,
« assez », « beaucoup », la gradation extrême « beaucoup » correspond à
l’état optimal.
Un score élevé témoigne d’un taux de satisfaction jugé élevé par le patient.
L’échelle de fonctionnement
Cette échelle comporte 15 questions. Elle aborde le fonctionnement sous les 5
aspects suivants :
• physique
• activité quotidienne
• émotionnel
• cognitif
• social.
Les réponses induites par les questions sont aussi qualitatives et unipolaires, la
gradation extrême « beaucoup » correspond à l’état optimal.
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Un score élevé témoigne donc d’un taux de satisfaction jugé élevé par le
patient concernant son fonctionnement.
L’échelle de symptômes génériques
Cette échelle comporte 13 questions. Elle aborde les symptômes génériques en
lien avec le cancer quelle que soit la localisation s’exprimant au travers
des 9 thèmes suivants :
• la fatigue
• les nausées et vomissements
• la douleur
• la dyspnée
• l’insomnie
• la perte d’appétit
• la constipation
• la diarrhée
• les difficultés financières.
Les réponses induites par les questions diffèrent de celles des 2 échelles
précédentes. Pour cette échelle de symptômes, elles sont qualitatives et unipolaires, mais inversées.
Cela signifie que le grade extrême « beaucoup » correspond ici, au taux
de symptôme maximum, et doit donc être considéré comme participant de
façon majeure à l’altération de la qualité de vie.
Alors que l’état normal d’absence de symptôme, facteur positif en termes
de qualité de vie, est dans ce cas, la réponse « pas du tout ».
Un score élevé témoigne donc d’un taux important de difficultés
(indice de mécontentement).
Présentation des échelles spécifiques du QLQ-H&N35
Ce module spécifique s’adresse à une large population de patients atteints spécifiquement d’un cancer de la « tête et du cou », quels que soient le stade et les
modalités de traitement (chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie).
Comme pour l’échelle de symptômes présentée ci-dessus, les réponses
induites par les questions sont qualitatives et unipolaires, mais inversées.
Un score élevé, indique donc la présence d’un grand nombre de symptômes spécifiques, agissant comme des facteurs de détérioration de certains
aspects de la qualité de vie.
Le module comprend 35 questions, évaluant à la fois les symptômes et effets
secondaires du traitement, la fonction sociale, la perception de l’image de soi et
la sexualité.
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Ces questions abordent les dimensions et domaines spécifiques qui peuvent
être altérés dans les cas de cancers des VADS, tels que :
• douleur
• problème de déglutition, de goût et d’odorat
• problème de parole
• problème pour manger en société
• problème de contacts sociaux, sexualité
• problème de dents, d’ouverture buccale, de bouche sèche, de salive collante
• problème de toux
• se sentir malade, prise d'anti-douleur
• prise de supplément nutritionnel, utilisation d’une sonde de nutrition
• perte de poids, prise de poids.
Traitement statistique
Les données recueillies ont fait l’objet d’un traitement statistique en utilisant
des tests non paramétriques (N<25). Le degré de la significativité de la relation
entre les variables a été mesuré au moyen de la « corrélation de Spearman »
pour un risque d’erreur = 0,01.
♦ Résultats
Les résultats du questionnaire de qualité de vie EortcQLQ-C30
Santé et qualité de vie globale
Les résultats de notre étude sont présentés en % de satisfaction dans le tableau 2
et comparés à la moyenne de la base de données de l’EORTC. Nos patients présentent un score de santé et de qualité de vie globale de 71%, alors que la population de référence de la base de données est à 68,60%. Notons l’existence
d’une dispersion très importante de la population autour de la moyenne, l’écart
type s’élevant à 27,32%. Une majorité de 11 patients (soit 68,75 % de la population étudiée) présente un score de satisfaction supérieur ou égal à 50% concernant la qualité de vie globale.
Tableau 2 : Moyenne de « l’échelle Santé et Qualité de vie globale » de
l’EORTC QLQ-C30. Comparaison population de l’étude/ population EORTC
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Les résultats de notre étude sont présentés en % de satisfaction dans le
tableau ci-dessus et comparés à la moyenne de la base de données de l’EORTC
Échelle de fonctionnement
Les résultats de notre étude sont présentés en % de satisfaction dans le
tableau 3 et sont comparés à la moyenne de la base de données de l’EORTC. La
moyenne des 5 scores de fonctionnement (physique, émotionnel, cognitif, social
et activité quotidienne) de notre population est à 83% et la population de référence est à 82,38%. Nous remarquons une dispersion importante des scores de
fonctionnement obtenus par la population de notre étude, les écarts types allant
de 18% à 27% selon les domaines de fonctionnement. Nous notons que les
écarts types de la population de référence sont eux aussi élevés et vont de
17,42% à 24,34%. Malgré un écart type élevé, il se dégage cependant une majorité de 13 patients (soit 81,25 % de la population étudiée), présentant un score
de satisfaction situé entre 80% et 100%, concernant leur fonctionnement global.
Tableau 3 : Moyennes de « l’échelle fonctionnement » de l’EORTC QLQC30. Comparaison population de l’étude/population EORTC
Les résultats de notre étude sont présentés en % de satisfaction dans le
tableau ci-dessus et comparés à la moyenne de la base de données de l’EORTC
Échelle de symptômes génériques
Cette échelle est composée de 13 questions qui abordent 9 dimensions
dans lesquelles des symptômes sont fréquemment retrouvés chez les patients
atteints d’un cancer, et cela, quelle que soit la localisation. Les résultats sont
présentés dans le tableau 4. Nous avons obtenu un % de doléance pour chaque
dimension explorée, et un taux moyen de symptômes génériques de 13% pour
l’ensemble de l’échelle. Les résultats sont comparés à ceux de la moyenne de la
base de données de l’EORTC qui est à 15,6%. La population de notre étude est
très dispersée. Les écarts type varient, selon la dimension, de 15% à 34%.
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Tableau 4 : Moyennes de « l’échelle de symptômes génériques» de l’EORTC
QLQ-C30. Comparaison population de l’étude/population EORTC
Les résultats de notre étude sont présentés en % de mécontentement dans le
tableau ci-dessus et comparés à la moyenne de la base de données de l’EORTC
Les résultats du questionnaire de qualité de vie EORTC H&N35
Échelle de symptômes spécifiques « tête et cou » EORTC H&N35
Cette échelle est composée de 35 questions, abordant les domaines dans lesquels des symptômes spécifiques sont fréquemment retrouvés chez les patients
atteints d’un cancer de la « tête et du cou ». Nous obtenons une moyenne de 23
% de doléance avec un écart type moyen de 19%. (Tableau 5). Nous constatons
une grande hétérogénéité dans la population que nous avons étudiée avec des
écarts types extrêmes allant de 13% à 47%.
Tableau 5 : Moyenne de « l’échelle de symptômes spécifiques » de l’EORTC H&N35.
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Les résultats de notre étude sont présentés en % de mécontentement dans le
tableau ci-dessus.
(pour cette échelle, il n’existe pas de base de données permettant une comparaison de la population de notre étude avec une population de référence)
Étude des corrélations entre les différentes échelles du questionnaire
Nous avons souhaité vérifier s’il existait une corrélation entre l’échelle de
qualité de vie globale et les trois autres échelles du questionnaire de qualité de
vie, c'est-à-dire fonctionnement, symptômes génériques et spécifiques. L'analyse de ces données nous a conduit à calculer les indices de corrélation entre les
différentes échelles.
a. Corrélation entre l’échelle de qualité de vie globale et l’échelle de
fonctionnement
Nous avons utilisé le coefficient de corrélation de Spearman. Pour N =16, r
(rho) = 0,674 ce qui correspond à une corrélation statistiquement significative
pour a=0,01 entre l’échelle de qualité de vie globale et l’échelle de fonctionnement (graphe 1). Si le patient se sent limité dans les domaines qui concernent le
fonctionnement (cognitif, social, activité quotidienne, émotionnel...), il le ressent alors en terme d'altération de sa qualité de vie globale.
Graphe 1 : corrélation de Spearman : qualité de vie globale/ fonctionnement
Pour N =16, r (rho) = 0,674 ce qui correspond à une corrélation statistiquement
significative pour a=0,01
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b. Corrélation entre l’échelle de qualité de vie globale et l’échelle de
symptômes génériques
Nous avons utilisé le coefficient de corrélation de Spearman. Pour N =16,
r (rho) = 0,631 ce qui correspond à une corrélation statistiquement significative
pour a=0,05 entre l’échelle de qualité de vie globale et l’échelle de symptômes
génériques (graphe 2)
Graphe 2 : corrélation de Spearman : qualité de vie globale /symptômes génériques
Pour N =16, r (rho) = 0,631 ce qui correspond à une corrélation statistiquement
significative pour a=0,05
c. Corrélation entre l’échelle de qualité de vie globale et l’échelle de
symptômes spécifiques
Nous avons utilisé le coefficient de corrélation de Spearman. Pour N =16,
r (rho) = 0,369 ce qui correspond à une absence de corrélation entre l’échelle de
qualité de vie globale et l’échelle de symptômes spécifique (graphe 3).
Malgré un nombre important de symptômes, les patients de l’étude semblent pouvoir s’adapter aux troubles qu’ils engendrent et juger globalement leur
qualité de vie satisfaisante.
Ce constat pourrait s’expliquer par une capacité d’adaptation au trouble, ou une
modification des valeurs personnelles des patients.
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Graphe 3 : corrélation de Spearman : qualité de vie globale / symptômes spécifiques
Pour N =16, r (rho) = 0,369 ce qui correspond à une absence de corrélation
♦ Discussion
Dans la littérature, peu d’études se sont penchées sur la qualité de vie
après glossectomie en dehors des glossectomies totales avec reconstruction (3,
21, 22, 23). Ces interventions sont considérées comme les plus mutilantes et
présentant de fait, des conséquences fonctionnelles plus graves, pouvant avoir
une répercussion majeure sur la qualité de vie.
Les exérèses partielles de la langue mobile et/ou partielles de la base de
langue n'ont pas fait l'objet de questionnaires de qualité de vie, sans doute parce
que sur le plan fonctionnel elles sont apparues comme génératrices d'altérations
jugées « mineures ».
L’évaluation fonctionnelle après glossectomie partielle (2, 5, 6) représente néanmoins un élément objectif qui peut être une première approche de la
qualité de vie du patient. Les études dont nous disposons (5, 6, 21, 22, 23, 24,
25) n'abordent pas directement la notion de qualité de vie, et s'intéressent généralement à l'intelligibilité de la parole (5, 21, 22, 23, 24), l’efficacité de la déglutition (25), et/ou à l'état de santé psychologique (13, 14, 15) des patients. Ces
études mettent en relief les difficultés fonctionnelles concernant la parole et la
déglutition, fréquemment présentes après une glossectomie partielle de la
langue mobile et/ou de la base de langue. Il convient de relever que ces études
portent parfois sur des populations relativement réduites et assez souvent hétérogènes. Ceci reflète la complexité des structures anatomiques concernées par le
cancer de la langue, l'hétérogénéité des sites et des extensions tumorales ainsi
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que les difficultés de recrutement des populations et de suivi à long terme de ces
populations atteintes de pathologies à pronostic sévère.
La qualité de vie ne peut s'apprécier que par la perception qu'en a l'individu concerné lui-même, et comprend à la fois des éléments subjectifs et des
éléments objectifs. C'est un concept évolutif et dynamique, qui comprend plusieurs dimensions, en lien avec le contexte culturel, social, psycho-affectif, et
pathologique.
Dans notre étude, nous avons émis l’hypothèse que la qualité de vie après
glossectomie partielle peut ne pas être en adéquation avec les capacités fonctionnelles et les symptômes présentés par les patients. En effet, existe-t-il une
adéquation entre les résultats fonctionnels et la qualité de vie globale ? Autrement dit : « être intelligible, n’avoir aucune gêne fonctionnelle, pouvoir s’alimenter correctement, suffit-il à avoir une bonne qualité de vie après glossectomie partielle ? ».
L’autre question que nous avons posée est relative à la prise en charge
orthophonique. Dans quels cas propose-t-on la rééducation orthophonique ?
Cette proposition de prise en charge est-elle systématique ou fréquente ? et
quelles orientations peuvent être induites par la prise en compte de la mesure de
la qualité de vie ?
Intérêt des patients pour le Questionnaire de Qualité de vie
Les patients ont accueilli favorablement le questionnaire de qualité de vie. Aucun
de nos patients n'avait encore eu l'occasion de remplir un questionnaire de ce
type. Les patients dans leur très grande majorité, ont apprécié ce support qui leur
a permis d'exprimer ce qu'ils n'ont « pas le temps de dire au cours d'une consultation chez le médecin... ou dont on n'ose pas parler parce que c'est hors sujet ».
Certains ont perçu l'intérêt des informations qu'ils nous délivrent ainsi « ça permet de mieux nous comprendre, il n'y a pas que l'opération... même si on est
guéri, la vie est différente... les gens autour de nous ne comprennent pas ».
Le support écrit s'avère être un bon médiateur. Il permet au patient d'évoquer de façon assez exhaustive les dimensions qui participent à sa qualité de vie.
Ceci évite ainsi au thérapeute de passer à côté de la problématique propre à
chaque patient soit par des questions orales trop ciblées (et par nécessité très
limitées en nombre), soit par des questions influencées par sa subjectivité personnelle. Ce support écrit et formalisé est reproductible, on peut donc envisager
la comparaison des profils obtenus par un patient dans le temps, ce qui permet
d'avoir une idée juste de l'évolution et de l’adaptation du patient à son trouble.
Enfin, un tel support aborde des sujets tels que celui de la sexualité, que les
patients n'osent pas évoquer spontanément et qui pèsent dans leur appréciation
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de la qualité de vie. Ainsi, un patient a commenté la question et a semblé être
« rassuré » par la présence de cet item, sous-entendant que si la question est
posée, cela signifie, comme il le dit, qu'il « n'est pas le seul à avoir ce type de
problème».
Intérêt de la prise en charge orthophonique
La démarche de la prise en charge orthophonique consiste à faire une évaluation
détaillée des capacités altérées, préservées ou compensées du patient, et de
recueillir des informations sur le vécu de la maladie, les séquelles, les effets
secondaires, et d’élaborer avec le patient un plan de rééducation avec des objectifs, de réajuster la rééducation à l'évolution des plaintes et des attentes formulées. Cette évaluation orthophonique peut être complétée par l'utilisation d'un
questionnaire de qualité de vie tel que l'EORTC QLQ-C30 et son module spécifique « tête et cou » QLQ-H&N35.
Cette prise en charge orthophonique est à la fois préventive en débutant à
la suite des traitements chirurgicaux et radiothérapiques pour éviter les réactions
de retrait et de refus de communication du fait de l'altération de la parole et prévenir les conséquences dramatiques de la malnutrition du fait des difficultés de
déglutition. Elle est aussi réhabilitatrice en visant l'amélioration de la qualité de
vie du patient dans les domaines de l'intelligibilité de la parole, de la communication, et de la déglutition.
Il existe une proportion extrêmement faible de prescription pour une prise
en charge orthophonique, malgré des altérations praxiques (notamment des difficultés d'alimentation et de déglutition) et des distorsions de la parole (taux
moyen 45%). On peut expliquer cet état de fait par la pauvreté de la littérature
sur les résultats de la rééducation orthophonique chez des patients ayant subi ce
type d'exérèse.
Dans le cadre de notre étude, et suite à ces évaluations, la proposition
d'une prise en charge orthophonique serait souhaitable pour les patients présentant un abaissement des scores fonctionnels et/ou un taux élevé d'altération de la
parole, ainsi que pour les patients ne présentant pas d'altération majeure, mais
une gêne fonctionnelle ou exprimant une demande d'aide. Il existe notamment
une méconnaissance des patients concernant la possibilité de prise en charge des
troubles de la déglutition.
Les limites de notre étude
Nous avons interrogé 16 patients sur une courte durée de 7 mois. La taille de
l'échantillon évalué était faible et notre population était hétérogène aussi bien en
âge, que par la taille de l’exérèse, ainsi que pour les délais postopératoires.
Enfin, il s’agissait d’une étude ponctuelle qui mériterait de se poursuivre avec
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une évaluation à long terme de la qualité de vie et du bénéfice de la prise en
charge orthophonique.
♦ Conclusions
Les résultats obtenus au questionnaire de qualité de vie ont mis en évidence des profils très différents et soulignent l’hétérogénéité des patients face à
la notion de handicap dans ce type de pathologie. Le questionnaire de qualité de
vie s’est avéré être un bon médiateur pour permettre aux patients d’évoquer des
difficultés liés à leur pathologie et/ou à son traitement, qui ne sont pas systématiquement abordées dans le cadre des consultations de suivi postopératoire.
Nous avons constaté que la qualité de vie dans son acception globale « ne
se résume pas à la santé » ni même aux capacités fonctionnelles, c’est un
concept très personnel et plus large comme le précise l’OMS dans sa définition
de la qualité de vie (1993).
La diversité des profils obtenus nous incite à considérer que la qualité de
vie comprend une part importante de subjectivité pour laquelle chaque sujet est
son propre témoin, c’est la raison pour laquelle il serait souhaitable de mettre en
place un suivi longitudinal de la qualité de vie afin de prendre chaque individu
comme sa propre référence. Ce suivi permettrait, en complément des traitements
ciblant le cancer, d’orienter les patients vers des prises en charge visant une
réhabilitation ou une adaptation fonctionnelle ou relationnelle, selon les difficultés exprimées par le patient au travers de ses réponses au questionnaire.
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Evaluation du handicap communicationnel
dans la maladie de Parkinson : développement
et prévalidation d'une échelle d'auto-évaluation des troubles communicationnels.
Coralie Pace, Danielle Robert, A Loundou, JP Azulay,
T Witjas, A. Giovanni, P. Auquier
Résumé
Les troubles de la communication sont fréquents chez le patient parkinsonien au bout de
quelques années d’évolution de la maladie et s’aggravent au cours du temps. L’atteinte de
la communication orale, écrite et/ou gestuelle peut constituer un véritable handicap dans la
vie sociale des patients. L’objectif de cette étude vise à élaborer et à valider un questionnaire d’auto-évaluation permettant de mieux décrire et de mieux cerner la gêne de chaque
patient vis-à-vis de ces troubles. Un questionnaire de trente-trois items (appelé SAID) a été
obtenu à partir de l’analyse d’entretiens semi-directifs et en tenant compte de la littérature
se rapportant aux troubles étudiés. Le SAID a été soumis à une étude métrique dont les premiers résultats vont en faveur d’une bonne qualité de l’instrument.
Mots clés : Parkinson, communication, questionnaire, auto-évaluation
Assessment of communication disability due to Parkinson’s disease:
Development and preliminary validation of a self-evaluation scale of
communication difficulties.
Abstract
A few years after the beginning of Parkinson’s disease, communication disorders become
frequent and grow in intensity as the pathology develops. Impaired oral, written, or physical
skills may greatly hinder the patient’s social life. The aim of this study is to prepare and validate a questionnaire of self-assessment to better describe and understand how these difficulties effect patients. Semi-directive interviews were carried out with Parkinson’s disease
patients; the analysis of their own descriptions of communication difficulties and knowledge
of previous studies addressing these problems led us to draw up a thirty-three item questionnaire, called SAID. Preliminary statistical results tend to show that SAID is a reliable and
useful scale.
Key Words : Parkinson’s disease, communication, questionnaire, self-assessment
Rééducation Orthophonique - N° 224 - décembre 2005
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Coralie PACE1
Danielle ROBERT1
A. LOUNDOU4
JP. AZULAY2
T. WITJAS3
A. GIOVANNI1
P. AUQUIER4
1
Laboratoire d'Audio-Phonologie,
Fédération ORL CHU Timone Bd Jean
Moulin 13395 Marseille CEDEX5
2
Service de Neurologie et maladies NeuroMusculaires CHU Timone Bd Jean Moulin
13395 Marseille CEDEX5
3
Service de Neuro-Chirurgie CHU Timone
Bd Jean Moulin 13395 Marseille CEDEX5
4
Laboratoire de Santé Publique APHM
Faculté de Médecine Bd Jean Moulin
13005 Marseille
Correspondance : Coralie PACE,
Orthophoniste, 36 rue André de Richaud
84330 Caromb
Courriel : [email protected]
L
a maladie de Parkinson (MP) est la pathologie neurodégénérative la plus
fréquente après la maladie d’Alzheimer. Sa prévalence est de l’ordre de
100 à 200 cas pour 100 000 habitants (Tanner & coll, 1999). Le syndrome akinéto-hypertonique caractéristique de la MP est à l’origine d’une atteinte motrice
responsable de multiples troubles, y compris de troubles affectant la qualité et la
quantité de la communication des malades. Ce syndrome entraîne une réduction
de l’amplitude des mouvements automatiques observable notamment dans la
marche mais aussi dans d’autres actes automatiques tels que la parole, l’écriture et
la communication gestuelle.
Les troubles de la communication orale, écrite et gestuelle sont fréquents
chez le patient Parkinsonien au bout de quelques années d’évolution de la maladie. Bien souvent, les difficultés provoquées par ces troubles sont ressenties
comme un véritable handicap par les patients qui sont amenés petit à petit à se
retirer de leur vie sociale.
Les traitements chirurgicaux et médicamenteux ainsi que la rééducation
orthophonique peuvent avoir un effet sur certains de ces troubles. A l’heure
actuelle, l’impact de ces différents traitements sur les troubles de la voix et de la
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parole est principalement exploré à l’aide d’hétéro-évaluations (mesures objectives et perceptives) ; on évalue peu la façon dont les patients perçoivent euxmêmes leurs troubles en matière de communication et par conséquent on a du
mal à estimer la nature et l’ampleur des changements ressentis à la suite d’une
rééducation ou d’un traitement.
Afin d’évaluer les traitements et de mieux cerner la gêne et les attentes
personnelles de chaque patient dans sa communication, une étude a été menée
au CHU de la Timone à Marseille pour élaborer et valider un questionnaire
d’auto-évaluation des troubles communicationnels spécifiques à la MP (Pace,
2004). Ce questionnaire, le SAID (de l’anglais « Self-Assessment of Interactions Disorders ») comprend trente-trois items explorant quatre dimensions : la
voix, la parole, l’écriture et les interactions sociales.
♦ Description des troubles communicationnels dans la MP
Atteinte de la communication orale
Dans la maladie de Parkinson, le versant oral de la communication peut
être atteint, aussi bien au niveau qualitatif qu’au niveau quantitatif.
Une étude d’Andelis réalisée en 1997, estime que 70 à 85 % des individus
avec la MP seraient affectés par des troubles de la voix et de la parole. L’ensemble de ces troubles, dus à une atteinte des noyaux gris centraux, est désigné
sous le terme de dyarthrie hypokinétique ou dysarthrie parkinsonienne. L’akinésie et la rigidité sont essentiellement responsables de la dysarthrie parkinsonienne (Barat & coll, 1992). Cette dysarthrie est dite « hypokinétique » car
elle se caractérise par des mouvements réduits des organes articulatoires et phonatoires.
Comme le décrivent Viallet et Gentil (2001), la dysarthrie hypokinétique
est le résultat d’un dysfonctionnement pouvant affecter tous les éléments de la
chaîne parlée : la respiration, la phonation et l’articulation ainsi que leur coordination.
On observe principalement les troubles suivants :
Une imprécision articulatoire : L’articulation du parkinsonien est gênée
par l’hypokinésie et l’hypertonie qui affectent les praxies bucco-faciales. Les
organes de la parole sont mobilisés avec difficulté pour réaliser les mouvements
rapides et on observe une restriction articulatoire (ouverture insuffisante des
lèvres et de la mandibule) qui se traduit par une diminution de la différentiation
entre les consonnes et les voyelles. Selon Ackermann et Ziegler (1991), l’imprécision dans la prononciation de consonnes (particulièrement des occlusives)
serait la caractéristique du trouble articulatoire.
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Une dégradation de la parole avec des variations de débit, d’intensité, de
fréquence et de rythme qui altèrent la prosodie du discours. On utilise le terme
d’« aprosodie » pour caractériser la parole des parkinsoniens. Ce terme impliquant une absence de variations ou une diminution des variations de mélodie et
d’intensité, ainsi que des anomalies du débit du discours aboutissant à une perception de parole monotone. La parole des parkinsoniens peut donc être ralentie
(bradylalie), avec un rythme irrégulier. Il arrive que l’hypertonie provoque une
difficulté au démarrage avec parfois un silence insurmontable et des hésitations
souvent accompagnées d’émissions vocaliques discontinues, d’une répétition
rapide de syllabes et de mots (palilalie). Il arrive aussi d’observer une accélération progressive du débit de la parole (tachylalie) ; en effet, certains patients
parkinsoniens ressentent le besoin de dire le plus de mots possible le plus vite
possible pour s’assurer d’arriver au bout de leur phrase.
Des troubles de la voix : plusieurs études, dont celle de Holmes menée
en 2000 auprès de 90 patients, observent que la voix des patients parkinsoniens
se caractérise par une diminution des variations de hauteur et d’intensité, une
voix soufflée et rauque ainsi qu’une hypophonie. On note également une élévation de la fréquence du Fo chez les hommes, une baisse des variations du Fo
chez les femmes et un jitter anormalement élevé. Pour ce qui est du timbre des
parkinsoniens, il est qualifié de pauvre par Uziel (1975), avec un caractère soufflé, parfois un nasonnement. Enfin, on observe aussi un tremblement qui peut se
surajouter aux troubles vocaux et atteindre le larynx.
Holmes souligne bien le fait que ces troubles au niveau de la voix et de la
parole ont inévitablement un impact sur l’efficacité de la communication
(Holmes 2000).
Face aux difficultés qui viennent d’être exposées il arrive que les parkinsoniens réduisent volontairement leur communication orale soit à cause d’une
lassitude engendrée par les efforts excessifs de concentration et d’application
qui doivent être fournis pour produire une parole intelligible, soit parce qu’il est
difficile pour eux d’accepter le caractère « invalidant » de leur voix et/ou de
leur parole. Une étude menée auprès de parkinsoniens observe même que 29 %
d’entre eux considèrent que leurs difficultés de parole représentent leur problème majeur (Hartélius & Swensson, 1994).
Atteinte de la communication écrite
Avec le vieillissement, les fonctions physiologiques des différents
organes se détériorent à une vitesse variable en fonction de chaque individu.
La performance motrice semi-automatique requise pour écrire fait appel au
bon fonctionnement du cerveau ainsi qu’à l’activation du système neuromus-
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culaire et du système visuel, et cela de façon coordonnée. Ces systèmes se
détériorent, dans une certaine mesure, chez toutes les personnes âgées mais
ce phénomène est d’autant plus important quand ces personnes ont une maladie neurologique. Cette dégradation affecte tout particulièrement les individus atteints de la MP car les zones du cerveau qui sont touchées dans cette
maladie (locus niger et ganglions de la base) sont des structures du cerveau
connues comme étant impliquées dans le processus de l’écriture (Walton,
1997 ; Petit & coll, 1995).
Selon une étude menée par Mc Lennan, l’écriture du parkinsonien serait
sévèrement perturbée dans plus de 30 % des cas (1997). Un trouble du graphisme peut même précéder de plusieurs années l’apparition des autres symptômes de la maladie. L’aspect caractéristique est la micrographie terminale : le
patient est incapable au début de maintenir l’amplitude normale du graphisme
au delà de quelques phrases ou vers la fin de la ligne, puis pour quelques mots,
puis pour la simple signature de son nom et ceci, même sous l’effort de la
volonté (Barat & coll, 1992).
La forme du graphisme n’est cependant pas grossièrement perturbée et la
fin du message écrit, s’il est observé à la loupe, répond aux caractéristiques
propres du malade ; cependant l’écriture perd progressivement son « délié »
et devient plus raide avec réduction du nombre de lettres curvilignes et rondes.
A un stade tardif, l’écriture peut devenir difficile et lente avec des jambages irréguliers, des blocages et des redémarrages la rendant quasi-illisible. La micrographie ne semble pas nettement corrélée aux autres symptômes de la maladie et
notamment à la rigidité et au tremblement (Mc Lennan & coll, 1997). Cependant, il arrive que l’écriture soit parasitée par le tremblement s’il y a une composante de tremblement d’attitude ou si le tremblement de repos est d’une intensité
telle qu’il se poursuit au cours de l’action (Boisseau & coll, 1987). Pour beaucoup de malades, la lenteur d’écriture est le symptôme le plus net et la mesure
du temps mis pour écrire une phrase type ou une adresse est un bon test de surveillance de l’évolution spontanée ou sous traitement.
La gêne occasionnée par ce trouble entrave l’autonomie des malades qui
sont parfois dans l’incapacité de traiter les formalités administratives courantes.
Atteinte de la communication gestuelle
La gestualité segmentaire et faciale est un facteur de communication profondément altéré chez les individus atteints de MP : l’akinésie, les dyskinésies,
les fluctuations et les effets « on/off », l’amimie et son faciès inexpressif sont
autant d’éléments qui ôtent au malade la possibilité de compenser ses troubles
de la communication orale. L’amimie, ou la perte progressive de la mobilité
faciale donne au visage une apparence de masque figé (Katsikitis et Pilowsky,
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1988). Rinn (1984) observe que ces patients sont capables de bouger volontairement les muscles faciaux mais totalement incapables de réagir avec des gestes
expressifs spontanés. Plusieurs études (Pentland & coll, 1988 ; Pitcairn & coll,
1990) ont relevé le fait que ce manque d’expressivité gestuelle au niveau facial
et segmentaire donne une impression très négative à l’interlocuteur. L’étude de
Pitcairn (1990) affirme même que ce manque d’expression verbale amènerait
l’interlocuteur à considérer le malade parkinsonien comme une personne inhibée, aboulique, sans élan vital, anxieuse et méfiante voire démente. Ces troubles
au niveau de la gestualité altèrent donc profondément l’activité relationnelle des
malades qui tendent à s’isoler de plus en plus.
Dégradation des interactions sociales
Face aux difficultés communicationnelles provoquées par la maladie,
l’ensemble de l’activité relationnelle des patients parkinsoniens se trouve profondément altérée. Dans l’étude de Kuopio (2000) visant à examiner la qualité
de vie des patients avec la MP, il a été observé que le fonctionnement social se
dégradait avec l’avancée de la maladie, ceci étant dû en partie aux difficultés de
mouvement mais aussi à une tendance à se retirer des contacts sociaux lorsque
la maladie progresse. Les patients sont effectivement freinés dans leur communication à cause des difficultés qu’ils rencontrent : pour être compris, ils doivent déployer des efforts constants et bien souvent ils sont embarrassés par le
caractère imparfait de leur parole, ce qui rend les échanges délicats. De plus,
nombreux sont les malades qui ont du mal à se faire comprendre par téléphone
(Scott & Caird, 1983).
La qualité des échanges est aussi dégradée à cause de l’impression
négative ressentie par l’interlocuteur face à certains troubles caractéristiques
de la MP ; la dégradation gestuelle de la communication (amimie) et le
caractère aprosodique du discours du malade ont particulièrement un impact
négatif chez l’interlocuteur. La prosodie est en effet très importante dans un
discours car elle permet de faire percevoir des changements subtils de sens
(indépendamment du choix des mots ou de la syntaxe) tout en véhiculant une
grande part du contenu émotionnel du discours. Scott et Caird (1984) observent même dans leur étude que le caractère aprosodique du discours des
patients parkinsoniens donne l’impression à l’interlocuteur que le patient est
dément, dépressif, apathique ou froid !
Troubles majorant les difficultés communicationnelles
Les troubles cognitifs : dans la MP, il n’est pas rare d’observer une bradyphrénie et d’autres troubles neuropsychologiques tels que des troubles mnésiques (les fonctions de rappel étant essentiellement perturbées) et des troubles
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du langage, qui peuvent avoir un impact négatif sur la communication (Petit &
coll, 1995). Ces troubles du langage se manifestent par une diminution du
contenu informatif du langage spontané et quelques difficultés dans la construction des phrases avec toutefois une compréhension normale.
Les troubles dépressifs : l’humeur dépressive de nombreux parkinsoniens
ne peut s’expliquer par le seul fait d’une maladie chronique devenant progressivement invalidante. Diverses études ont prouvé que ce symptôme pouvait être
considéré comme un signe important de la MP. La prévalence de la dépression
de la maladie de Parkinson est d’environ 40 % (Petit & coll, 1995). Son intensité est variable, de légère à modérée et elle n’est pas en relation ni avec l’intensité de la maladie, ni avec l’âge ou le sexe, ni avec la thérapeutique.
Cette humeur dépressive a un effet négatif considérable sur l’ensemble de
l’activité relationnelle des malades qui ont tendance à se retirer un peu plus de
la communication.
Les troubles des capacités pragmatiques de communication : les capacités pragmatiques de communication font référence à des compétences conversationnelles telles que savoir communiquer une quantité appropriée d’informations dans un contexte social approprié et au moment approprié, savoir
comment commencer un conversation, la poursuivre et la finir, savoir comment
formuler des requêtes socialement appropriées, savoir comment raconter des
éléments cohérents et pertinents faisant référence à notre vécu, etc. McNarma et
Durso (2003) trouvent dans leur étude que ces capacités s’affaiblissent significativement chez les patients parkinsoniens à cause d’un dysfonctionnement du
lobe frontal. De plus, il semblerait que les patients n’aient pas conscience de
l’ampleur de leurs problèmes à ce niveau, ce qui aggraverait la dégradation de
leur communication.
♦ L’auto-évaluation des troubles communicationnels
Auto-évaluation des troubles de la communication orale
Plusieurs questionnaires ont été mis au point pour évaluer les sensations,
les symptômes et les comportements des patients ayant une pathologie vocale
(Murry & coll, 2000). Ces échelles mesurent les troubles vocaux et leurs
impacts au niveau de la communication et de la qualité de vie et cela dans différentes pathologies.
Dans le cadre des cancers laryngés, les troubles vocaux peuvent être
explorés à l’aide de plusieurs échelles, notamment celles de Llewellyn-Thomas
(1984), de List (1990) et de Karnell (1999). Il existe aussi d’autres échelles spé-
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cifiques comme celle de Epstein (1997) concernant les patients avec des dysphonies spasmodiques, ou celle de Hogikyan (1999).
Pour les patients dysphoniques trois questionnaires d’auto-évaluation
peuvent être utilisés : le questionnaire de Scott (1997), le VAPP (« Voice Activity and Participation Profile ») de Ma et Yu (2001) et le VHI (« Voice Handicap Index ») de Jacobson (1997).
Ces questionnaires explorent les aspects multidimensionnels de la voix
(domaines fonctionnel, émotionnel et physique) mais aucun d’eux n’explore les
caractéristiques des troubles de la parole, de l’écriture et de la gestualité qui font
aussi partie de la communication.
Auto-évaluation des troubles communicationnels dans la maladie de Parkinson
Actuellement, il n’existe aucune échelle d’auto-évaluation des troubles
communicationnels chez les malades atteints de Parkinson. Cependant, plusieurs questionnaires de qualité de vie spécifiques à la MP contiennent des items
explorant la gêne communicationnelle éprouvée par les patients, et cela à différents niveaux :
- L’ISAPD : « Intermediate Scale for Assessment of Parkinson’s Disease »,
conçue par Martinez-Martin en 1995.
- Le PIMS : « Parkinson’s Impact Scale », conçu par Calne en 1996.
- Le PDQL-37 : « Parkinson’s disase quality of life questionnaire », conçu
par Boer en 1996 et traduit en français (Marquis & coll, 1998), qui
contient cinq items relatifs à la communication (deux sur les interactions
sociales, deux sur l’écriture et un sur la parole).
- Le PDQ-39 : « Parkinson’s disease questionnaire », conçu par Peto en
1995 et validé en version française en 2002 par Auquier, qui contient
quatre items sur la communication (un sur la communication orale, un sur
la communication écrite et deux sur les interactions).
- Le PDQUALIF : « Parkinson’s disease quality of life scale », conçu par
Welsh en 2003 qui contient trente trois items dont trois relatifs aux interaction sociales, un sur la communication orale et un sur la communication
écrite.
Ces questionnaires fournissent des éléments d’information sur la communication mais aucun d’eux n’explore de façon précise tous ses aspects. De plus,
les difficultés engendrées par les troubles vocaux et gestuels ne sont jamais
abordées dans leurs items.
Plusieurs études (Jenkinson & coll, 1995 ; Martinez- Martin, 1998) s’accordent à dire que l’aggravation de la MP est associée à une gêne grandissante
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dans le domaine de la communication avec une impression de dégradation de la
vie sociale (interactions). Les patients se retirent peu à peu de leurs activités
sociales, et finissent par s’isoler, ce qui dégrade considérablement leur qualité
de vie. Les problèmes communicationnels ont donc un retentissement très négatif sur la vie du patient et sur son humeur. Une évaluation précise de l’ensemble
des troubles de la communication semble donc nécessaire d’une part pour
mieux connaître l’effet des différents traitements sur la gêne communicationnelle des patients et d’autre part pour mettre en place une prise en charge écologique qui tienne compte de la plainte du patient, de ses attentes, de ses difficultés et de l’évolution de ses troubles.
Afin de créer une échelle répondant à ces attentes, une étude à été menée
au CHU de la Timone à Marseille durant l’année universitaire 2003-2004
auprès de patients porteurs d’une maladie de Parkinson.
La première phase de notre travail a porté sur la génération des questions
à partir de l’étude de la littérature et sur l’analyse du contenu d’entretiens semidirectifs réalisés avec les patients au cours de consultations ou d’hospitalisations
dans les services d’ORL et de neurologie de l’hôpital.
La deuxième phase de notre travail a porté sur l’étude des propriétés
métriques du questionnaire constitué.
♦ Méthodologie
Elaboration et validation d’un questionnaire
L’élaboration d’un questionnaire repose sur quatre phases :
- La phase de génération des items : une fois que l’objet et les finalités de
l’étude sont clairement définis, un travail de réflexion nourri par des lectures
théoriques (sur les troubles explorés) et par une approche qualitative par entretiens conduisent à l’élaboration d’une première version du questionnaire. La
rédaction des questions ainsi que la structuration du questionnaire doivent être
élaborées en respectant un certain nombre de procédés et de règles définis pour
la création d’échelles d’auto-évaluation (Singly, 2001 ; Fenneteau, 2002).
- La phase d’acceptabilité : avant d’entreprendre la phase de tri d’items il
est conseillé de mettre en œuvre un test de compréhension du questionnaire
auprès d’un certain nombre de patients.
- La phase de tri d’items : cette phase qui consiste à identifier les items
les plus pertinents et les différentes dimensions aboutit à la proposition d’un
questionnaire réduit.
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- La phase de validation : cette phase vise à étudier les propriétés métrologiques d’une échelle. Un outil ne peut être considéré comme fonctionnel que
s’il présente des qualités de mesure suffisantes (Auquier & coll, 2002) :
La validité est la capacité d’un instrument à bien mesurer ce qu’il est
censé mesurer. La validité du contenu consiste à juger si le jeu de questions
sélectionnées représente bien toutes les facettes du concept à mesurer. La validité de structure interne explore la cohérence de l’agencement interne de
l’échelle, notamment par l’analyse des corrélations des réponses aux questions
entre elles ou par la mise en œuvre de techniques d’analyse de données. La validité de structure externe repose soit sur l’étude des corrélations de cette mesure
avec une autre échelle faisant référence, soit sur l’étude des liaisons avec
d’autres descripteurs externes.
La fidélité de l’instrument est principalement appréciée par deux
critères : la cohérence interne mesurée par le calcul du coefficient alpha de
Cronbach (des valeurs au-delà de 0,70-0,80 sont souhaitables) et la reproductibilité qui est sa capacité à reproduire des scores comparables lorsque la mesure
est répétée, alors que l’état de l’individu est stable.
La sensibilité au changement est la capacité de l’instrument à mettre en
évidence une variation jugée comme pertinente par les experts.
Méthodes
Notre but étant de créer un questionnaire capable de cerner et d’évaluer la
gêne communicationnelle des patients parkinsoniens, nous avons dans un premier temps cherché à connaître quels étaient les différents troubles parkinsoniens qui pouvaient avoir pour effet d’altérer la communication. Pour cela, nous
avons mené d’une part une recherche dans la littérature, et d’autre part une préenquête auprès des personnes atteintes par la maladie de Parkinson (ces deux
démarches visant à nous aider à formuler des questions pertinentes). Dix-sept
patients ont été interrogés lors d’entretiens semi-directifs pour recueillir des
informations concernant leur gêne communicationnelle, tant au niveau de l’expression orale (voix et parole) que de l’expression écrite et gestuelle. Au total,
les patients ont formulé une centaine de plaintes qui se rapportaient à leur voix,
à leur parole, à leur écriture et à leurs interactions sociales. Les informations
recueillies à ce stade ont fortement orienté le choix des questions contenues
dans la version initiale du questionnaire.
Pour la rédaction du questionnaire nous avons choisi d’utiliser des questions fermées et de proposer cinq réponses aux patients pour quantifier la fréquence de leurs troubles : Jamais Rarement Parfois Souvent Toujours.
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Au niveau de la structuration du questionnaire, il a été décidé de regrouper les questions par thèmes en raison du nombre important d’items. Quatre
dimensions ont été définies : une première explorant les troubles de la voix, une
deuxième explorant les troubles de la parole, une troisième explorant ceux de
l’écriture et une quatrième dimension explorant les troubles des interactions
sociales. La version initiale comprenait quarante-deux items visant à explorer
l’ensemble des troubles mentionnés.
Lors de la phase d’acceptabilité nous avons repéré les items qui étaient
mal compris ou compris de façon différente par les patients et nous les avons
reformulés pour plus de clarté. De plus, cette phase nous a permis de nous
rendre compte que les patients ne se sentaient pas concernés par certains items.
A ce stade, nous avons pu observer que le temps moyen de remplissage pour le
questionnaire était de vingt minutes.
A l’issue de la phase de tri des items un questionnaire réduit avec
trente-trois items a été obtenu et c’est cette version qui a été soumise aux analyses statistiques de la phase de validation. En effet, suite aux premières analyses qualitatives des réponses et aux observations faites lors la phase d’acceptabilité, nous avons décidé de supprimer neuf items au questionnaire initial :
• Six items relatifs à la gêne ressentie au niveau vocal ont été supprimés
car les patients avaient du mal à percevoir certaines nuances explorées alors que
celles-ci semblaient facilement observables par les professionnels de la voix :
ces nuances concernaient le caractère aigu ou grave de la voix, la présence d’un
nasonnement ou d’un tremblement vocal et l’aspect rauque ou soufflé de la voix.
• Deux items explorant l’impact des troubles au niveau professionnel ont
été supprimés à cause d’un taux de non réponse trop élevé du fait que la plupart
des patients n’exerçait plus d’activité professionnelle. De même, un item
concernant la pratique d’une activité vocale (chorale etc.) a été supprimé car peu
de patients étaient concernés.
La version soumise à la phase de pré-validation comprenait donc trentetrois items : six items dans la dimension « voix », douze dans la dimension
« parole », sept items dans la dimension « écriture », huit items dans la dimension « interactions sociales » (annexe1).
La phase de pré-validation : la validité de contenu du questionnaire initial a été assurée par le jugement du docteur Robert, ORL et phoniatre à l’hôpital de la Timone à Marseille.
La validité de structure interne a été évaluée par l’étude des corrélations
inter-items, item-dimension, inter-dimension et l’analyse factorielle.
La validité de structure externe a été explorée de la façon suivante : on a
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d’abord observé le degré de corrélation des réponses données à notre questionnaire (le SAID) avec les mesures obtenues à l’échelle Hoehn & Yahr (correspondant au stade d’évolution de la maladie) et avec la durée d’évolution de la
maladie. Les stades Hoehn & Yahr de chaque patient ont été évalués par les
médecins neurologues de la Timone, qui suivaient les patients admis dans notre
étude. Puis on a évalué les corrélations existant entre le SAID et d’autres questionnaires déjà validés qui servaient de référence, l’hypothèse étant que les
dimensions qui mesurent des concepts identiques ou voisins doivent être fortement corrélées entre elles. Pour notre étude nous avons choisi deux questionnaires de qualité de vie : le SF-36 qui est largement utilisé et validé et le PDQ39 qui offre l’intérêt d’être un questionnaire conçu spécifiquement pour évaluer
les symptômes parkinsoniens ayant un impact sur la qualité de vie et qui explore
certains troubles de la communication.
La fiabilité interne a été évaluée avec le calcul du coefficient a de Cronbach.
La reproductibilité a été étudiée à partir de deux administrations du questionnaire. Lors de la première administration qui avait lieu à l’hôpital nous laissions
au patient un second formulaire avec la consigne de le remplir et de nous le renvoyer quinze jours plus tard environ. Une lettre accompagnant le deuxième formulaire demandait au patient de remplir le questionnaire dans des conditions
proches de la première administration et en tenant compte de l’heure de prise
des médicaments. Les analyses de la reproductibilité ont reposé sur le calcul de
coefficients de corrélations intra-classe (ICC).
La sensibilité au changement n’a pas été pas évaluée pour ce questionnaire
initial car nous ne disposions pas d’assez de temps, dans le cadre de cette étude
pour observer des changements significatifs au niveau de l’état des patients.
Population d’étude
Pour l’étude de pré-enquête dix-sept personnes atteintes par la maladie de
Parkinson ont été interrogées lors d’entretiens semi-directifs pour recueillir des
informations concernant leur gêne communicationnelle, tant au niveau de l’expression orale (voix et parole) que de l’expression écrite et gestuelle. Il s’agissait de douze hommes et de cinq femmes âgés de 46 à 80 ans (62 ans en
moyenne), sept d’entre eux avaient subi une intervention chirurgicale avec pose
d’un stimulateur du noyau sous thalamique (SNST). La plus grande partie des
entretiens s’est déroulée à la Timone et cinq malades ont été interrogés lors
d’une réunion de l’association France Parkinson à Marseille.
Pour l’étude de validation du questionnaire 41 patients âgés de 50 à 82
ans ont rempli la version initiale du questionnaire ; parmi eux il y avait 26
hommes (âge moyen : 64 ans et 6 mois) et 15 femmes (âge moyen : 65 ans). Il
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s’agissait de patients présentant un diagnostic de maladie de Parkinson idiopathique hospitalisés à la Timone et évalués par les médecins neurologues de l’hôpital, aucune limite d’âge n’était imposée. Les critères de non inclusion concernaient les patients présentant des troubles cognitifs pouvant constituer un
obstacle à la bonne compréhension des items ainsi que les patients présentant un
trouble dépressif majeur risquant de biaiser les résultats. Pour s’assurer de l’absence de ces troubles les patients ont été évalués à l’aide de trois tests : le
MMS, la MATTIS et l’échelle de Beck. Afin de recueillir les informations dans
des conditions similaires pour chaque patient, les patients traités par L.Dopa ont
tous rempli le questionnaire en phase « on ».
Lors de la passation du questionnaire initial, le patient remplissait aussi
deux autres questionnaires : le PDQ-39 et le SF-36. Le PDQ-39 est une échelle
spécifique à la maladie de Parkinson constituée de 39 items mesurant la qualité
de vie suivant 7 dimensions : la mobilité, les activités de la vie quotidienne, le
bien-être affectif, la gêne psychologique, le soutien social, la communication,
l’inconfort physique. Le SF-36 est une échelle générique de qualité de vie
constituée de 36 items décrivant 7 dimensions : les activités physiques, les limitations dues à l’état physique, les douleurs physiques, la vitalité, la santé perçue,
la vie sociale, les limitations dues à l’état physique et à la santé psychique. Le
temps de passation pour ces trois questionnaires a été de 50 minutes en
moyenne.
A la fin de la passation du premier questionnaire un second questionnaire
a donc été donné aux patients pour l’étude de reproductibilité. Au total, 32 questionnaires ont été renvoyés.
♦ Résultats
Les résultats de l’étude métrique vont en faveur d’une bonne validité de
structure interne : les premiers résultats témoignent d’une bonne cohérence de
l’agencement interne du questionnaire. On observe une bonne répartition des
réponses à chaque modalité d’un item ; les items sont bien corrélés entre eux et
avec chaque dimension à l’exception de certains items de la dimension
« parole » ; les quatre dimensions du SAID sont statistiquement corrélées les
unes avec les autres et l’analyse factorielle fait bien apparaître les quatre dimensions de notre questionnaire.
L’étude de la validité de structure externe qui consiste à confronter
notre échelle à d’autres échelles existantes (et validées) a permis de constater
que les scores obtenus à notre questionnaire étaient fortement corrélés avec les
concepts voisins explorés par le SF-36 et le PDQ-39. L’étude de corrélation des
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résultats du SAID avec d’autres mesures permet de faire plusieurs observations :
Tout d’abord, on note une corrélation entre l’importance de la gêne dans
la communication (et cela dans les quatre dimensions étudiées) et la durée de la
maladie. Ceci allant dans le sens de l’étude de Kuopio qui relève que les
troubles communicationnels, en plus des troubles cognitifs sont les seuls à évoluer constamment avec l’augmentation de la durée de la maladie (Kuopio,
2000).
On note aussi que les patients opérés (SNST) estiment avoir plus de difficultés que ceux non opérés au niveau de leur parole et de leurs interactions
sociales. Ces premiers résultats mériteraient d’être explorés sur un plus grand
nombre de patients sachant qu’à l’heure actuelle les études menées pour évaluer
l’impact de la SNST sur la voix et la parole ne s’accordent pas dans leurs observations.
On relève des différences entre hommes et femmes : les hommes semblent se sentir plus gênés au niveau de leur voix et de leur parole, ainsi que dans
leurs interactions sociales.
Enfin, les premiers résultats recueillis semblent faiblement corrélés aux
stades d’évolution de la maladie mesurés par l’échelle de Hoehn et Yahr (à l’exception de la dimension « interactions sociales ») ; ces résultats sont cependant
à nuancer car l’analyse descriptive révèle que la plupart des patients inclus dans
notre étude étaient à un stade relativement peu avancé de la maladie (environ
70% présentaient un stade d’évolution de la maladie inférieur au stade correspondant à une évolution moyenne) ce qui a certainement biaisé les résultats.
Au niveau de l’étude de la fiabilité on relève des résultats très encourageants : le calcul des coefficients alpha de Cronbach indique une forte cohérence de l’outil. De plus, l’étude de corrélation des mesures obtenues au test et
au re-test indique que le SAID fournit une bonne stabilité de mesure ce qui
laisse présumer de bonnes qualités de reproductibilité.
♦ Conclusion
Cette étude, qui pourrait être considérée comme une pré-validation, a permis de donner une première idée sur la qualité de notre questionnaire. Les résultats rapportés par le SAID sont cohérents et tout à fait encourageants. Pour valider notre outil, cette pré-validation mériterait d’être renforcée par la
confrontation à d’autres résultats obtenus sur une population plus importante
avec des profils cliniques différents. Nous espérons que l’étude sera poursuivie
car l’évaluation de l’atteinte communicationnelle pour une maladie chronique
comme la MP présente de nombreux intérêts.
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La Recherche Clinique consacre aujourd’hui de nombreuses études pour
mieux évaluer l’impact des différents traitements sur la qualité de vie des
patients et le SAID est un outil qui rentre parfaitement dans cette optique en
apportant une analyse complémentaire plus centrée sur les attentes du patient.
Les impressions du patient, tout autant que les mesures cliniques et objectives,
méritent une écoute et un intérêt tout particuliers.
Le SAID pourrait aussi être intégré au bilan orthophonique des patients
parkinsoniens : ce questionnaire offre l’intérêt de représenter un équilibre entre
l’investigation de l’orthophoniste sur le patient et la partie d’échange avec le
patient. La passation du SAID donnerait l’occasion de faire le point sur les
objectifs de la rééducation en tenant compte des attentes du patient et en l’informant sur les améliorations qui peuvent être obtenues (en particulier sur l’intensité et la précision articulatoire).
Pour finir, la passation du SAID offrirait la possibilité de bien apprécier la
motivation du patient pour une prise en charge au niveau orthophonique,
sachant que celle-ci ne pourra être bénéfique que si le patient estime lui-même
avoir des difficultés au niveau des différents paramètres explorés. La décision de
suivre une rééducation appartient au patient et ne devrait pas seulement
dépendre de l’entourage, de l’orthophoniste ou bien de mesures capables d’objectiver les troubles.
La qualité de communication étant une donnée très subjective, l’auto-évaluation est le seul mode d’évaluation qui permette d’écouter et de cerner les
besoins et les difficultés de chacun pour orienter les efforts des chercheurs et
des praticiens impliqués dans la maladie de Parkinson. Au-delà de l’étude
objective des troubles, l’autoévaluation permet de connaître le trouble qui gêne
réellement le patient, celui qui crée un handicap.
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WELSH M, Mc DERMOTT MP, HOLLOWAY RG, PLUMB S, PFEIFFER R, HUBBLE J and The Parkinson Study Group. (2003). Development and testing of the Parkinson’s Disease Quality of Life
Scale. Mov. Dis., 18, 6, 637-645.
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♦ Sites
Site de l'EORTC concernant une base de données sur la qualité de Vie
http://www.eortc.be/home/qol/modules.htm
Site français de l'Organisation Mondiale de la Santé
http://www.OMS.fr
Sites et documents francophones
http://www.chu-rouen.fr/ssf/anthrop/qualitevie.html
Site de l'International Society for Quality of Life Research
http://www.isoqol.org/
Guide des chercheurs pour choisir les instruments de mesure de la qualité de
vie en médecine
http://www.qlmed.org/medico.html
Site du questionnaire FACT
http://www.facit.org/
Site français de l'OMS sur la classification internationale du handicap
http://www.who.int/mediacentre/news/releases/release27/fr/
Site américain : V-RQOL (même genre que le VHI) en ligne
http://www.entlink.net/news/voicedisorderstest.cfm
Site dédié à la voix, (en anglais) :
http://voicecenter.upmc.com/VoiceHandicapIndex.htm
♦ Ouvrage
LEPLEGE Alain, 1999, Les mesures de la qualité de vie, n° 3506,
128 pages, Que sais-je ?, PUF
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