
traumatismes et de deuils multiples [8] ; ou bien encore, du
côté des médecins, au risque de subir un stress lié aux effets
toxiques des thérapeutiques, aux risques d’erreurs ou bien
encore au moment difficile de la décision d’arrêt des traite-
ments. Les acteurs de la cancérologie clinique s’exposent
alors à des risques d’épuisement, parfois insidieux, d’autant
que les contraintes de leur métier ne leur permettent pas, le
plus souvent, d’être disponibles comme ils le souhaiteraient,
avec de possibles désillusions, voire des sentiments de
culpabilité [9].
L’expérience de la plupart d’entre nous révèle combien,
de plus en plus, les diverses catégories de soignants (méde-
cins, infirmières, manipulateurs en radiothérapie, etc.) solli-
citent les psycho-oncologues présents à leurs côtés dans les
équipes. S’il arrive que ce soit encore dans un contexte infor-
mel que s’opèrent des « signalements » et que se formulent
des demandes à rencontrer un patient ou famille, c’est désor-
mais le plus souvent dans un cadre formalisé (RCP soins
de support, secrétariat d’unité de psycho-oncologie) que
s’organise, en urgence ou non, l’intervention des psycho-
oncologues. Le dernier congrès de la SFPO, au Mans, en
décembre 2014, a pu souligner la diversité des modes
d’intervention des psys, parfois originaux, pour aider les soi-
gnants et prendre compte leurs difficultés, voire leur souf-
france psychique [10,11]. On rappellera que ces dispositifs
groupaux, inspirés de Balint, existaient depuis longtemps en
cancérologie [12,13], bien avant que ces questions ne se
trouvent envisagées par les institutions et les différents
partenaires, en termes de prévention des risques psychoso-
ciaux [14] et de démarche participative [15].
Une psycho-oncologie « embarquée » :
évolutions et « révolutions » des soins
et des techniques en cancérologie !
La cancérologie française a vécu, depuis le début des
années 2000, au rythme des plans cancers successifs qui,
chacun, ont émis diverses recommandations concernant la
psycho-oncologie. Le premier, en 2003, par la mesure 40,
avait instauré le « dispositif d’annonce », dans lequel il était
recommandé une investigation assez systématique de l’état
psychologique du malade avec, quand cela semblait néces-
saire, une orientation vers un psycho-oncologue. La généra-
lisation du DA fut assez rapide grâce à la mobilisation d’une
grande majorité des équipes de cancérologie et, aussi, avec le
soutien de la LNCC, au niveau du financement et du comité
de suivi. Les données comparées de l’enquête DRESS « deux
ans après », publiée en 2004, et l’enquête VICAN2, en 2014,
semblent néanmoins indiquer que beaucoup resterait à
faire, puisque alors que 34 % des patients seulement avaient
bénéficié d’un tel dispositif dans les premières années et
62 % en 2014, les jugements subjectifs de ceux-ci sur les
conditions de l’annonce restaient presque identiques !
(19 % versus 18 % jugent l’annonce trop brutale !) [16].
La mesure 42 de ce même plan confortait la place de la
psycho-oncologie, en recommandant de faciliter l’accès à
des consultations psycho-oncologiques de soutien, par le
recrutement de psychologues dans les établissements spécia-
lisés (150 postes étaient prévus) et par un financement pos-
sible de trois à cinq consultations auprès de professionnels
libéraux, formés à la psycho-oncologie…Il reste cependant
que l’articulation entre les psycho-oncologues et les acteurs
du « dispositif d’annonce » demeure souvent assez aléatoire,
tant elle exige une logistique et des moyens assez lourds. Les
nombreux résultats d’études réalisées dans des contextes très
divers semblent indiquer une moyenne assez stable dans le
temps, de 12 à 15 % de patients contactant un psy selon cette
procédure [17]. Dans l’étude DRESS « deux ans après » :
11 % l’ont fait, 18 % l’auraient souhaité et deux ans après,
seulement 5,6 % étaient suivis et 9,3 % l’auraient souhaité.
Une telle orientation au moment de l’annonce se révèle légi-
time, puisque selon l’étude VICAN2, ce sont les personnes
ayant rencontré un psy à cette étape qui, deux ans après, ont
les scores de qualité de vie « mentale » les plus favorables
(OR : 1,57), et que dans l’étude DRESS, les hommes ayant
bénéficié d’une telle consultation rapportent un renforce-
ment positif de leur vie de couple (OR : 1,8).
Ainsi, les psycho-oncologues collaborent de plus en plus
avec ces métiers qui assurent ces missions nouvellement
créées : infirmières d’annonce, infirmières coordinatrices
des parcours de soins (Plan cancer n
o
2, mesure 18) ou bien
encore accompagnateurs de santé dans les ERI. On pourrait
aussi citer les attachés de recherche clinique, qui au vu du
nombre de patients inclus dans des essais thérapeutiques,
deviennent souvent des interlocuteurs privilégiés. Dans ces
rencontres souvent assez longues où sont évalués les diffé-
rents aspects de la qualité de vie, la sévérité des toxicités
dues aux nouvelles molécules, mais où les ARC se trouvent
confrontés aux inquiétudes et aux questions existentielles,
liées à l’inclusion dans les protocoles et à l’attente des résul-
tats. Mais, la charge mentale qu’ils sont amenés à supporter,
sans véritable cadre protecteur (au téléphone, dans un cou-
loir ou dans un espace de rencontre ouvert à tous les vents),
les expose à des difficultés sur le plan émotionnel ou rela-
tionnel, qui nous impose, à nous, supposés spécialistes, de
reprendre cela avec eux, en les écoutant et en transmettant
une part de notre savoir-faire. En effet, dans une organisation
où le Parcours personnalisé de soins (PPS) est devenu une
référence, voire un idéal, la multiplicité des acteurs fait aussi
des patients ou de leurs proches, des partenaires « responsa-
bilisés », messagers de diverses péripéties, et notre propre
action ne peut alors que se développer à plusieurs, en équipe
et/ou en réseau [18]. Même les entretiens « psy » sont des
colloques de moins en moins singuliers, car ils tendent
à concerner plus de monde que les seules personnes en
Psycho-Oncol. (2015) 9:267-275 269