Exploration des pathologies ostéo-articulaires des personnes âgées

Exploration des pathologies ostéo-articulaires des personnes âgées
590 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9
Correspondance : Fabrice Rezungles
Centre Radio-isotopique du Tarn - Centre Hospitalier - 22 bd Sibille - 81013 Albi Cedex
Exploration des pathologies ostéo-articulaires des personnes âgées :
un vaste champ d'investigation en médecine nucléaire.
Fabrice Rezungles Centre radio-isotopique du Tarn - Centre Hospitalier - Albi
Résumé
La démographie explique la part prépondérante des personnes âgées admises dans les
établissements de santé ou traitées en ambulatoire, toutes les spécialités médicales étant largement
concernées par leur prise en charge.
En pathologie ostéo-articulaire, le diagnostic ou le critère d’évolution peuvent s’avérer
particulièrement difficiles du fait de tableaux cliniques complexes chez des malades aux antécé-
dents parfois multiples.
La médecine nucléaire apporte une aide précieuse aux cliniciens par la réalisation de
scintigraphies osseuses, d'ostéodensitométrie et grâce à la radiothérapie métabolique des métasta-
ses osseuses hyperalgiques.
L’objet de cet article n’est pas de refaire une étude exhaustive des indications des scinti-
graphies osseuses, mais de s’intéresser aux particularités de la prise en charge de ces personnes
âgées dans un service de médecine nucléaire.
La contribution de la médecine nucléaire pour ces patients demeure importante et incon-
tournable.
Gériatrie / Scintigraphies osseuses / Ostéodensitométrie / Radiothérapie métabolique
F. Rezungles
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 591
!Les pathologies ostéo-articulaires
sont fréquentes et augmentent
significativement avec l’âge ; il en va
de même, si ce n’est davantage, des
plaintes douloureuses. Ces douleurs
sont parfois en relation avec une lé-
sion rapidement objectivée mais les
cliniciens sont bien souvent confron-
tés à des plaintes multiples, confuses,
pour lesquelles l’étiologie est difficile
à identifier sur le seul examen soma-
tique complété ou non par des radio-
graphies standards.
La grande sensibilité de la scintigra-
phie osseuse, exploration non inva-
sive du corps entier, offre une capa-
cité d’orientation et d’évaluation dia-
gnostique puissante, facile à manier
par le médecin prescripteur qu’il soit
spécialiste ou généraliste. Ses indica-
tions chez les personnes âgées sont
identiques à celles des patients plus
jeunes, mais la fréquence et la com-
plexité du problème posé augmen-
tent avec l’âge.
La radiothérapie métabolique à visée
antalgique des métastases osseuses,
fréquemment proposée aux patients
porteurs d’un cancer primitif prosta-
tique ou mammaire ou autres,
s'adresse aussi à une population âgée
(Figure 1Figure 1
Figure 1Figure 1
Figure 1).
La réalisation d’ostéodensitométrie
biphotonique dans de nombreux ser-
vices de médecine nucléaire est aussi
majoritairement prescrite à des sujets
âgés quelle que soit l’indication.
De ce fait, les services de médecine
nucléaire accueillent de nombreuses
personnes âgées et doivent adapter
leurs protocoles, mais les résultats
fournis sont particulièrement pré-
cieux dans la prise en charge de ces
malades.
Nous ne développerons pas ici la
liste des indications qui a déjà été re-
censée et développée récemment
dans les numéros de novembre 2003,
février et décembre 2004 de la revue
"Médecine Nucléaire" [1-4] pour ne
parler que de la revue francophone,
mais nous aborderons plus spécifi-
quement l’intérêt et les contraintes
directement liés aux personnes
âgées.
ADAPTATION DES PROTOCOLES
SCINTIGRAPHIQUES
AUX PERSONNES AGEES
!La médecine nucléaire permet l’ex-
ploration fonctionnelle d’un organe
ou d’un tissu ; les modalités de réali-
sation des examens se sont adaptées
à l’état physiologique des patients in-
téressés. La qualité de la scintigraphie
dépendant du meilleur rapport signal
sur bruit, les conditions de protocole
doivent être optimisées en fonction
du problème clinique posé et des
patients examinés.
Le temps de fixation
!La biodistribution du diphospho-
nate technétié est liée au débit san-
guin squelettique et à l’activité du re-
modelage. Le turn over se ralentissant
au fil des années, l’obtention d’une
distribution osseuse de bonne qua-
lité sera plus longue à obtenir que
chez un jeune adulte.
Ainsi , le délai de fixation qui est op-
timal entre 2 à 5 heures, devra être
choisi dans sa fourchette haute, en
tout état de cause jamais avant 3 heu-
res, 4 heures étant le délai habituelle-
ment recommandé. Cette longue at-
tente doit évidemment être expliquée
aux patients et souvent à leurs fa-
milles ; elle est parfois vécue diffici-
lement et leur paraît interminable,
d’autant qu’ils voient passer avant eux
des patients arrivés bien plus tard, ce
qu'ils peuvent vivre comme une in-
justice (on m’a oublié !!).
Ce long séjour dans le service nous
impose d’aménager des salles d’at-
tente confortables et de prévoir une
surveillance spécifique de la part du
personnel du service avec des traite-
ments à administrer régulièrement
dans le cadre du suivi thérapeutique
en cours.
Le bruit de fond
!Le rapport signal sur bruit est con-
ditionné par une boisson suffisante
pour obtenir une qualité d’imagerie
optimale et pour limiter l’irradiation
des patients, seuls 60% de l'activité
injectée étant fixés sur l’os dans le
meilleur des cas. Boire abondamment
dans un laps de temps donné n’est
pas une tendance naturelle pour une
personne âgée. Cela nécessite de lon-
gues explications et surtout une sur-
veillance et des encouragements ré-
guliers de la part du personnel du
service. Une miction efficace doit
également être réalisée avant l’instal-
lation sous la gamma-caméra, et là
aussi son obtention, ni automatique
ni rapide, parfois échoue, ce qui im-
pose des adaptations d’acquisition et/
ou de traitement d’image (tomogra-
phies, masquage, …).
L’installation
!Le temps d’acquisition est toujours
relativement long, de 15 à 30 minu-
tes, temps pendant lequel le patient
ne doit pas bouger intempestivement.
Du fait de la douleur ou de leur anté-
cédent, la position peut-être difficile
à trouver puis à maintenir.
La prise en charge de ces personnes,
dont les mouvements sont souvent
très limités et dont l'autonomie est
réduite nécessite l’aide des techni-
ciens pour les installer ; le manipula-
teur a besoin de l’aide de ses collè-
gues, les manipulations étant plus ra-
pides et moins douloureuses à deux
aussi bien pour le patient que pour
le personnel même si l’utilisation du
tapis de transfert (ou rollbord) est
d’une aide précieuse. Le temps né-
cessaire à l’installation totale de ces
patients comme le temps nécessaire
à les libérer avec précaution de la ta-
ble d'examen se trouve considérable-
ment allongé et consommateur de
temps en personnel.
La radioprotection
!Les services de médecine nucléaire
sont soumis aux nouvelles normes
de radioprotection et responsables de
la gestion de leurs déchets, qu’il
s’agisse de déchets produits à l’inté-
rieur ou à l'extérieur du service
comme les couches souillées par
Exploration des pathologies ostéo-articulaires des personnes âgées
592 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9
Figure 1 - Patient de 75 ans, porteur d’un adénocarcinome prostatique connu depuis 7 ans, actuellement en échappement hormonal
avec la présence de métastases osseuses douloureuses notamment fémorales droite. Etude de la bio distribution six heures après
l’administration d’une injection de Samarium 153.
75-year-old man with a known prostate adenocarcinoma since 7 years, currently in hormonal exhaust with the presence of painful
bone metastases, in particular in the right side. Distribution of samarium-153 at six hours after injection.
F. Rezungles
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l'éli
mination urinaire du radiophar-
maceutique, qui suivent le circuit
intra hospitalier.
Cela nécessite la mise en place de
protocoles, l’établissement de fiches
d’information, et l’organisation de
circuit de ramassage de ces déchets.
Cette organisation particulière nous
impose une attention permanente et
une information des patients et de
l'entourage, mais également du per-
sonnel hospitalier ou privé en dehors
du service de médecine nucléaire, in-
formation souvent difficile à faire
comprendre et à harmoniser sans sus-
citer de réticence.
Les adaptations sont lourdes
pour le personnel
!L’ensemble de ces adaptations in-
dispensables à une prise en charge
correcte et adéquate des personnes
âgées est au total particulièrement
consommatrice en temps de person-
nel, que ce soit lors de l'injection du
radiopharmaceutique, de la réalisation
de la scintigraphie ou dans le suivi
des procédures de sortie du service
de médecine nucléaire. Ainsi nous
avons réalisé plusieurs chronométra-
ges de la réalisation d’une série de
scintigraphies osseuses en comparant
des séries de quinze explorations où
les personnes âgées prédominent et
d’autres équivalentes où prédomi-
nent des patients plus jeunes en am-
bulatoire.
La différence de temps peut être es-
timé à 15 % d’augmentation. Ce phé-
nomène qui n’est pas pris en compte
dans la cotation de l'acte, n’est donc
pas anodin dans la structure organi-
sationnelle d’un service, et reste
un facteur influent au moment de la
prise de rendez-vous et dans l’orga-
nisation du planning.
Il en va de même de la radioprotec-
tion pour le personnel du service, les
manipulations des patients étant net-
tement plus longues, au contact di-
rect des malades ; les doses absorbées,
restant habituellement faibles, ont ten-
dance à s’élever, phénomène qui est
bien mis en évidence par la mise en
place de la dosimétrie opérationnelle.
En tout état de cause, ces soins né-
cessitent un effort de la part du per-
sonnel.
INTERET DE LA SCINTIGRAPHIE
OSSEUSE
!Il n'en demeure pas moins que l’in-
térêt de la réalisation d’une scintigra-
phie osseuse est particulièrement
grand chez les personnes âgées de-
vant de nombreuses situations clini-
ques courantes et reste un moyen
d’orientation diagnostique précieux,
rapide, apprécié par les cliniciens
prescripteurs.
Toutes les indications classiques de
la scintigraphie osseuse se retrou-
vent, qu’elles soient rhumatologi-
ques, traumatiques (algoneurodys-
trophie, ostéomyélite ou ostéïte, re-
cherche de fracture, ostéonécrose,
maladie de Paget, enthésopathie d’in-
sertion, recherche de fracture de fati-
gue) ou oncologiques (diagnostic de
métastases osseuses des cancers
ostéophiles et le suivi de leur évolu-
tion).
Exploration corps entier
! L’exploration corps entier systéma-
tique est la règle chez une personne
âgée, en n’hésitant pas à utiliser plu-
sieurs contrastes pour faciliter l’inter-
prétation sur les différents segments
du squelette (en général deux échel-
les de contraste sont nécessaires).
Les lésions de découverte fortuite ou
les lésions associées à la pathologie
recherchée sont plus fréquentes chez
ces personnes et il est bien dommage
de ne pas les rechercher même si
l’étude centrée répond à la question
posée par le clinicien ; bien sûr les
études en deux ou trois phases, les
acquisitions tomographiques habi-
tuelles ou tomographiques hybrides
TEMP-TDM sont réalisées dans les
mêmes conditions que pour l’ensem-
ble des malades, mais la réalisation
d’une étude corps entier demeure
incoutournable et ce d’autant que les
gamma-caméras multi-détecteurs
nous le permettent désormais très
facilement.
Les prothèses
douloureuses [5-7]
!La scintigraphie osseuse en deux
ou trois phases est une indication cou-
rante devant une prothèse doulou-
reuse, qu’elle soit mise en place de
façon assez récente (en respectant les
délais de deux à trois mois post chi-
rurgicaux) ou au contraire très an-
cienne.
Elle peut être couplée à une scinti-
graphie utilisant les leucocytes mar-
qués ou les anticorps antigranulo-
cytes dans les cas de suspicion de
sepsis (Figure 2Figure 2
Figure 2Figure 2
Figure 2).
Cette dernière scintigraphie et ses
modalités ont fait l’objet de travaux
présentés au cours du précédent col-
loque de l’ACOMEN à Toulouse qui
montrent bien sa grande contribution.
Il faut signaler la fréquence significa-
tive estimée selon les équipes de 10
à 15 % de lésions détectées par la
scintigraphie osseuse, qui ne sont pas
en rapport direct avec le matériel
prothétique mais avec des lésions
sus ou sous jacentes (Figure 3Figure 3
Figure 3Figure 3
Figure 3).
Le cas le plus fréquent est la présence
de lésions mécaniques type ar-
throsique lombaire à l’origine d’une
sensation de prothèse de hanche
douloureuse, mais il peut également
s’agir d’une lésion fracturaire ou
pseudo fracturaire du bassin chez des
patients âgés en insuffisance osseuse
notoire. Ces anomalies sont souvent
très difficilement mises en évidence
radiologiquement (Figure 4Figure 4
Figure 4Figure 4
Figure 4).
Exploration des pathologies ostéo-articulaires des personnes âgées
594 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9
Figure 2 - Patient porteur d’une prothèse totale des genoux droit et gauche, présentant des douleurs sur les deux genoux avec un
syndrome infectieux et inflammatoire nettement significatif . Etude par le Leukoscan et distribution osseuse démontrant le très net
sepsis (staphylocoque doré à la ponction) du genou gauche, localisation indemne en ce qui concerne la prothèse du genou droit.
Patient with a total prothesis of the right and left knee with pain on both sides and with an acute infectious and inflammatory
syndrome. Leucoscan demonstrates a normal right knee and isolated sepsis of the left knee.
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