Préface
des études islamo-chrétiennes
Vous trouverez dans cet ouvrage les textes d’un colloque sur «Les études islamo-
chrétiennes en question», qui s’est tenu à Beyrouth les 18 et 19 novembre 1999, organisé par
l’Institut d’Études Islamo-Chrétiennes de l’Université Saint Joseph de Beyrouth.
À première vue, l’expression «études islamo-chrétiennes» semble se référer aux
relations entre musulmans et chrétiens, au sens d’études qui visent à mieux cerner les relations
islamo-chrétiennes, d’approches scientifiques diverses qui cherchent à mieux situer le
dialogue et la convivialité entre musulmans et chrétiens, démarche nécessaire pour une plus
grande clarté, indispensable pour discerner les multiples éléments de telles relations. Et c’est
bien cette acception qui ressort de l’ensemble des interventions de ce colloque.
Cependant, le concept proprement dit des «études islamo-chrétiennes», que désigne-t-
il ? Dans quelle acception est-il employé ? Quelle est sa portée ?
L’adjonction de deux termes qualitatifs se référant tous deux à une appartenance
religieuse se retrouve très tôt dans l’histoire avec l’expression «judéo-chrétiens». Et
cependant si la construction est similaire, la signification est fort différente. En effet,
l’expression «judéo-chrétien» avait été fabriquée pour désigner aux premiers siècles du
christianisme, les convertis, venus du judaïsme et cependant toujours attachés à la loi
mosaïque et à l’observance de ses prescriptions. Quoiqu’il en soit de l’évolution de cette
communauté, ce qui importe ici est de préciser que le terme désignait des individus qui,
provenant d’un groupe religieux défini, adhèrent à un autre groupe sans vouloir se détacher
totalement du premier. La réalité signifiée est celle d’une double appartenance qualifiant un
groupe d’individus donnés.
Ce n’est pas du tout dans cette acception qu’est communément utilisée l’expression
«islamo-chrétien». Dans le cas où on voudrait évoquer des individus se trouvant dans une
situation semblable aux «judéo-chrétiens», on parlerait de musulmans christianisés ou de
chrétiens islamisés, mais on n’utiliserait pas cette expression qui tient les deux termes
ensemble et les relie par un trait d’union.
Ici la signification est essentiellement celle d’une relation dialogale reliant les deux
termes de l’expression. L’expression «islamo-chrétien» a été formée pour désigner
expressément toute activité, rencontre, échange, colloque, etc. à laquelle participent des
croyants de l’une et l’autre religion, chacun étant fermement résolu à maintenir nette et claire
son appartenance religieuse propre et, dans le même temps, cherchant à entrer en dialogue
avec l’autre. Il semble bien qu’elle ait été adoptée dans le mouvement généré par les
déclarations du concile Vatican II, notamment le décret Nostra Aetate, et qui a donné lieu à de
multiples initiatives de rencontre entre chrétiens et musulmans.
Dans une telle acception, on peut se demander ce que signifie cette expression
lorsqu’elle qualifie des “études” : que peut-on entendre par le terme «études islamo-
chrétiennes» ? La question a été soulevée durant le colloque, au cours d’un débat, mais pour
écarter pareil concept jugé sans validité épistémologique, et ce, à partir d’une certaine
interprétation : «Que sont les «études islamo-chrétiennes» ? Des études qui ont un objet
«islamo-chrétien» ? Il n’y a pas un objet islamo-chrétien. Il y a Islam et il y a Christianisme».
Mais, ce n’est pas seulement l’objet qui définit une démarche cognitive, c’est aussi le
chemin suivi et peut-être faut-il comprendre autrement l’expression à partir de
l’intentionnalité qui la porte. Quelle intention animait ceux qui ont créé l’institut de Beyrouth
et forgé l’expression «études islamo-chrétiennes».