Qui de nous n’a jamais commis d’erreur de français ? Même les grands auteurs en commettent et ce n’est pas pour rien que les maisons d’édition emploient des correcteurs. Personnellement, il m’est arrivé de commettre des erreurs que je n’avouerais pour rien au monde, même sous la torture ! Enfin, façon de parler: sous la torture je crois que j’avouerais tout, même ce que je n’ai pas fait ! Mais trêve de plaisanterie : Voici une liste, nécessairement non exhaustive, des erreurs de français les plus fréquentes chez les Marocains (et pour certaines, même chez les Français). Parmi ces erreurs, j’ai choisi celles qui m’ont paru les plus intéressantes… ou les plus drôles ! On peut les classer, avec plus ou moins de pertinence, en plusieurs catégories : erreurs d’orthographe, de prononciation, erreurs dues à une méconnaissance du lexique ou de certains usages linguistiques et erreurs de syntaxe (Je ne suis pas sûr que mon classement soit toujours pertinent, certaines erreurs relèvent parfois de deux catégories en même temps). Pour ne pas insister sur les erreurs, ce sont les formes correctes qui sont en gras. Les formes erronées sont précédées, comme le veut l’usage, d’un astérisque (*). Orthographe : - - - * Douleureux à la place de douloureux. (+ prononciation !). Quand on présente ses félicitations, on écrit souvent ce mot au singulier alors qu’il est, en français moderne, toujours au pluriel. De même pour « Toilettes » et « Soldes », souvent écrits incorrectement, au singulier, sur les portes des lieux d’aisance ou dans les magasins. (Soldes est dans ce sens féminin : soldes importantes.) Davantage/d’avantage : ces deux mots sont souvent confondus et on écrit souvent d’avantage à la place de davantage. Exemples corrects : Il faut travailler davantage (= plus). Il n’ya pas d’avantage réel à travailler de cette façon (=pas d’intérêt). Pour beaucoup, l’abréviation de Monsieur s’écrit Mr, or c’est l’abréviation de l’anglais Mister; en français on écrit simplement M. Le verbe régner est souvent écrit « *reigner ». Prononciation : - - Le son [t] : Selon un ancien collègue français, le son [t] est le même, que ce soit dans le mot « table » ou dans le mot « tiens » mais les Marocains distinguent les deux [t], en référence aux deux sons arabes : ﻁet ﺕ. Ceci ne pose pas de problème particulier, sauf quand il s’agit de mots comme « tous » ou « Toulouse »… que beaucoup de nos compatriotes prononcent ت وس, ! ت ول وزJ’avais même un étudiant qui disait ! مات يمات يك « grenouille » est souvent prononcé « *greunwiy » ! « esclave » est souvent prononcé «* eksklav » . « master » est souvent prononcé «* mastr ». « cinquante » est prononcé «* ceykante ». « seize » est prononcé «* seyz » au lieu de « sez ». « etc » est prononcé « eksétéra » au lieu d’ « etcétéra ». « y » est prononcé « * igreg » au lieu d’ « i grec ». Et il y a aussi les erreurs que même les Français commettent: - «* l’handicap, les (z) handicapés » alors qu’on doit dire « le handicap », « les handicapés » (sans liaison). «* l’harcèlement », «* il m’harcèle » au lieu de « le harcèlement », « il me harcèle »… « gageure » est souvent prononcé « gajeur » alors qu’on doit dire « gajur ». La lettre « e » est là pour indiquer que la consonne « g » ne doit pas être prononcée « g » comme dans « gare » mais « j » comme dans « geôle » (qu’on doit prononcer « jole » et non «* jéole »). Méconnaissance du lexique ou de certains usages linguistiques : - - - - - 81, 91 : à ces chiffres (quatre-vingt-un, quatre-vingt-onze) la plupart des Marocains ajoutent allègrement, et ô combien incorrectement, un « et » après « vingt »! On entend souvent dire «* le un janvier » (ou février …) alors qu’il faut dire « le premier janvier »… Sur les vitrines ou dans la bouche de certaines personnes, on trouve la formule «* haute gamme » alors qu’il s’agit de « haut de gamme », en opposition au « bas de gamme » . On doit dire ou bien « l’autre » ou bien « autrui » (sans article), or beaucoup de gens disent «* l’autrui ». «* Mettre sur un même pied d’égalité » est pléonastique, on doit dire plutôt « mettre sur un pied d’égalité ». Prêt à/ près de : on confond souvent ces deux expressions, le plus souvent en disant ou écrivant «* prêt de », or l’adjectif prêt (ready en anglais) s’emploie avec la préposition à, alors que l’adverbe près (proche) s’emploie avec la préposition de : Il n’est pas près d’oublier cette mésaventure (= il en est encore loin). « Faute de » est souvent confondu avec « à cause de » ; ainsi on dira, incorrectement : * Il a échoué faute de sa paresse. Or, « faute de » indique toujours un manque, une absence : « Je n’ai pas pu achever ce travail faute de temps » (non pas « à cause du temps » mais « par manque de temps »). Autre exemple, moins ambigu : Il n’a pas été condamné, faute de preuves. On vit « au jour le jour » et non «* le jour le jour », comme on l’entend souvent dire. « Ce n’est pas faisable » indique qu’une chose n’est pas concrètement réalisable (Fabriquer une bibliothèque en deux jours ? Non, désolé, ce n’est pas faisable.) et non un jugement moral sur un comportement répréhensible; dans ce cas on doit dire : ça ne se fait pas (Cracher devant les autres! Cela ne se fait pas!) Deux choses diffèrent et non «* se diffèrent », comme le disent certains. De même, on doit dire « Ma tête va exploser » et non «* va s’exploser ». Et, bien sûr, les choses changent et non «* se changent » ! Se changer signifie changer de vêtements : « Je vais me changer et je reviens ». Le verbe pallier s’emploie sans la préposition à, qu’on lui ajoute souvent abusivement : Il faut de toute urgence pallier ce défaut. « Beaucoup » doit être suivi de la préposition « de » et non de l’article « des » : J’ai vu beaucoup de films et non * beaucoup des films. Sauf s’il désigne une partie d’un tout : Beaucoup des films dont tu m’as parlé sont introuvables. «Je, tu, nous, vous » sont souvent employés avec « se » alors que celui-ci doit être employé avec les pronoms de la troisième personne : « Nous allons nous interroger… » et non «* s’interroger ». Même remarque pour «* J’arrive à s’exprimer correctement », dont la véracité est aussi douteuse que la correction ! - - « Quelque chose » est du genre masculin ; ainsi on parle de « quelque chose d’expressif » et non de «* quelque chose expressive ». « Différents » s’emploie sans préposition : « J’ai rencontré différentes personnes » et non «* de différentes personnes ». Comme « si » s’élide devant « il » (s’il) beaucoup croient qu’il en est de même avec « elle », or «* s’elle » est incorrect, il faut écrire : si elle… «* C’est de cela dont il s’agit », «* C’est de ça dont je parle » sont incorrects à cause de la répétition de la préposition « de », reprise par le pronom relatif « dont » ; il est plus correct de dire : c’est de cela qu’il s’agit. «* Il faut mieux… » doit être remplacé par « Il vaut mieux… » Dans «* Vas-y comprendre ! », «* Vas-y savoir ! » le pronom « y » est inutile ; il faut dire : Va comprendre ! Va savoir ! Pécuniaire, pénitentiaire sont incorrectement transformés en pécunier , pénitencier quand ils sont accolés à un mot masculin ; or ces adjectifs sont, comme alimentaire ou judiciaire, invariables en genre : des problèmes pécuniaires, un établissement pénitentiaire. Dans le cas de ce dernier adjectif, l’erreur peut être imputée au fait que le mot pénitencier existe, mais il ne s’agit pas d’un adjectif mais d’un substantif, qui désigne une prison ou un « prêtre qui tient d’un évêque le pouvoir d’absoudre certains cas réservés ». Syntaxe, conjugaison… : - - - - - - Une erreur fréquente, et difficile à expliquer à ceux qui la font, consiste à employer le conditionnel pour parler d’une action future qu’on veut présenter comme non sûre ; on dira ainsi «* Je viendrais demain » pour indiquer qu’on ne viendra peut-être pas. Le conditionnel ne suffisant pas tout seul dans ce contexte pour exprimer le doute ou l’incertitude, il faut plutôt dire: « Je viendrai peut-être demain ». « Comme si » doit être suivi de l’imparfait ou du plus-que-parfait (ou, dans un registre très soutenu, du plus-que-parfait du subjonctif): Il parlait comme s’il avait la science infuse. Il la regarda comme s’il ne l’avait jamais vue. Elle le traitait comme s’il eût été son propre fils. «* C’est moi qui va le faire » est incorrect, il faut dire : « C’est moi qui vais le faire ». Ou encore : « C’est moi qui suis responsable… » Au sortir d’un examen, on vous posera peut-être la question : «* C’était bien passé ? ». Il faut plutôt dire « Cela s’est bien passé ? » puisque, ici, c’est la forme pronominale du verbe qui doit être utilisée. «* A quoi sert ? », cette question, souvent posée avec indignation, ne comporte pas de sujet. Corrigeons donc : « A quoi ça sert ? », « A quoi cela sert-il ? » ou « A quoi sert de fournir tant d’efforts ? ». «* Je me sens que je suis gêné » : il faut dire : « Je me sens gêné » ou, à la rigueur, « Je sens que je suis gêné ». « Ainsi » est souvent employé à la place de la conjonction « et » : «* Il mit dans sa valise des vestes, des chemises, ainsi des pantalons. ». On doit dire « ainsi que ». «* Une fois le spectacle est terminé, on sort ». Avec « une fois » il faut ou bien employer un participe passé (sans l’auxiliaire être) : « Une fois le spectacle terminé, on sort» ou bien ajouter « que » : « Une fois que le spectacle est terminé, on sort ». «* La question qui se pose : faut-il abolir la peine de mort ? ». Ici, il faut ajouter une expression du genre : « est la suivante » avant les guillemets. - - - - «* Je vais vous expliquer de quoi s’agit-il », ici l’inversion du sujet n’est pas justifiée : « Je vais vous expliquer de quoi il s’agit». « Très » est souvent utilisé à la place de « plus » : «*Il est très grand que son frère ». «* Malgré que » est déconseillé par les puristes, il faut lui préférer « bien que ». «* Or que » (qui n’existe pas en français) est souvent injustement préféré à « alors que ». « Espérer » doit être suivi d’un verbe à l’indicatif et non au subjonctif. « Après que » aussi est suivi d’un indicatif, contrairement à ce qu’on entend ou lit souvent. Beaucoup disent « Il y en a » à la place d’ « il y a ». « Il y en a » n’est correct que si le pronom en est là pour reprendre un mot cité avant : Vous cherchez des crayons de couleur ? Il y en a sur le bureau. «* C’est pour ça on ne comprend pas », il manque le « que » : « C’est pour ça qu’on ne comprend pas ». A l’inverse, on ajoute souvent un « que » inutile et incorrect à « C’est pourquoi ». A l’écrit, « peut-être » doit être suivi de « que » ou d’une inversion : Peut-être qu’il est malade. Peut-être est-il malade. «* Son père le conseille d’aller voir un médecin », il faut dire « lui conseille ». «* En tant qu’un professeur… ». En tant que est suivi d’un substantif qui ne doit pas être précédé d’un article : en tant que professeur… en tant qu’écrivain… «* J’aime bien devenir écrivain », ici c’est le conditionnel qu’il faut employer, puisqu’il s’agit d’un souhait: J’aimerais bien devenir écrivain. Par contre, «J’aime bien le chocolat » est correct. «* C’est plus pire » est une erreur très fréquente. Pire est synonyme de « plus mauvais » et « le pire » indique le degré le plus mauvais que l’on puisse atteindre, donc ajouter « plus » à « pire » est un pléonasme. Le verbe se départir est souvent conjugué ainsi au présent : « *il se départit», or il se conjugue sur le modèle du verbe partir : je me dépars, tu te dépars, il se départ… « D’où », exprimant la conséquence, doit être suivi d’une phrase nominale : «L’épidémie se propage ; d’où la nécessité de prendre des mesures d’urgence . » et non: «* L’épidémie se propage ; d’où il est nécessaire de prendre des mesures d’urgence .» « D’où » peut être suivi d’une phrase verbale s’il indique la provenance : « Il est entré dans un bar, d’où il est ressorti quelques heures plus tard, ivre ». « D’où » peut aussi être suivi d’une tournure impersonnelle exprimant le résultat ou la conséquence: d’où il résulte que… d’où il s’ensuit que…