Approche contingente autour du système d`audit interne en milieu

Approche contingente autour du système d’audit interne …
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Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : 3éme numéro : septembre 2014
Approche contingente autour du
système d’audit interne en milieu
des collectivités territoriales
marocaines
Driss EL KADIRI BOUTCHICH
Professeur à l’Ecole Supérieure de Technologie-Oujda
Laboratoire MADEO, FSJES-Oujda
Téléphone : 05.36.74.63.43
Courriel : [email protected]
Nizar GALLOUJ
Doctorant en Audit-Contrôle de gestion-Qualité
Laboratoire MADEO, FSJES-Oujda
Téléphone : 06.71.95.25.13
Courriel : [email protected]
Driss EL KADIRI BOUTCHICH & Nizar GALLOUJ
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Résumé
Approche contingente autour du système d’audit interne en milieu des
collectivités territoriales marocaines
Les innovations apportées par la nouvelle constitution de 2011 pour la
gestion des organisations publiques et l’alignement remarquable de ces
dernières sur les standards du New Public Management ont fait émerger le
besoin d’instaurer un système d’audit interne en leur sein.
Il est plus commode que, loin des visions standardisées, la conception du
système d’audit interne doit tenir compte des spécificités du contexte de
son implantation. Nous nous intéressons ici au contexte des collectivités
territoriales qui est une organisation publique et l’objet de notre étude.
L’objectif assigné à ce papier est de bien montrer, d’abord, les raisons
légitimant l’adoption du système d’audit interne, et de bien expliciter, par la
suite, les facteurs de contingence assurant sa contextualisation.
Mots clés : Audit interne, collectivités territoriales, contingence
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Introduction
La reddition des comptes constitue l’un des principes les plus marquants de
la gestion moderne de l’administration publique au Maroc. Ce principe qui prévaut
les discours politiques et académiques, trouve naturellement son essor dans la
nouvelle constitution de 2011, il part de l’idée que chaque responsable de la chose
publique est obligé de rendre ses comptes aux ayants droits. A ce principe, s’ajoute
l’alignement des administrations du secteur public sur les standards du secteur
privé très souvent développés par le New Public Management.
Vu sa compatibilité avec la reddition des comptes et son efficacité dans le
secteur marchand, l’audit interne s’avère plus que jamais indispensable pour les
établissements publics marocains. Mais, il n’en demeure pas moins que cette
pratique est quasiment absente dans les collectivités territoriales marocaines qui
n’osent pas, jusqu’aujourd’hui, l’adopter à leur profit. Cela tient surtout au fait que
l’adoption d’un tel système n’est jamais aisée dans le sens il exige un véritable
effort d’adaptation. Aussi, vouloir l’intégrer dans des structures telles que les
collectivités, nécessite a priori de prendre en considération les spécificités du
secteur public, si nous voulons nous inscrire dans une logique d’efficacité.
La mise en place d’un système d’audit
1
suscite d’emblée une analyse plus
profonde de l’organisation à travers les principes de contingence. Ces derniers
développent les facteurs pouvant influencer le choix du système d’audit interne en
milieu des collectivités territoriales
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tout en partant du principe qu’il n’existe pas
de structure idéale valable pour toutes les organisations. La structure dépend de la
situation particulière et d’un ensemble de facteurs à la fois internes et externes de
l’organisation. Autrement dit, il n’existe pas dans l’absolu de bons ou de mauvais
systèmes et que prime le contexte.
La littérature sur la théorie de contingence est très abondante concernant les
systèmes de gestion dans leur globalité (Lawrence et Lorsch 1973 ; Crozier et
Friedberg 1977 ; Mintzberg 1982). Elle est nombreuse quand il s’agit de la
contingence du contrôle de gestion (Chiapello 1996 ; Pariente 1998, 1999 ;
Germain 2004, 2005 ; Sponem 2010) de gestion de ressources humaines (Barrette
2005 ; Fabi 2010), ou même des systèmes d’information (Ghorbel 2012). Mais elle
est très insuffisante lorsqu’il s’agit des contingences des systèmes d’audit. De cette
insuffisance émerge l’objectif de notre papier. Ainsi, nous tenterons de mettre la
lumière sur l’influence des facteurs de la contingence sur l’adoption des systèmes
d’audit en milieu des collectivités territoriales.
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Un système désigne l’ensemble des éléments en interaction entre eux. L’audit interne désigne
l’activité qui donne à l’organisation l’assurance sur le degré de maitrise des activités et d’atteinte des
objectifs à travers l’évaluation du processus de management des risques. Le système d’audit interne
est l’ensemble des instruments et de la méthodologie qui sont en interaction pour l’atteinte des
objectifs de l’audit interne.
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Les collectivités territoriales désignent les régions, préfectures, conseils provinciaux, communes
urbaines, et rurales, les mairies et les unités de ville.
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Les facteurs retenus dans notre papier touchent surtout à : l’environnement
externe, la stratégie, l’organisation interne, la taille, la culture, les ressources
humaines et financières, la nature de la collectivité territoriale et son mode de
gestion des services publics.
Pour ce faire, les questions auxquelles nous souhaitons répondre sont les
suivantes : quelles sont les raisons légitimant l’adoption d’un système d’audit
interne au sein des collectivités ? Comment les facteurs de contingence peuvent-ils
guider le choix du système d’audit interne en milieu des collectivités territoriales?
Le traitement de ces questions s’effectue à travers un processus exploratoire
théorique visant la création de nouvelles articulations théoriques et l’établissement
de nouveaux liens entre les objets de la recherche (Benesrighe, 2011).
1. De la nécessité d’un système d’audit interne en milieu des collectivités
territoriales
Parmi les raisons qui ont légitimé et rendu nécessaire l’adoption d’un
système d’audit interne au sein des collectivités territoriales, à l’instar des autres
organisations publiques, nous trouvons : les raisons d’ordre gestionnel qui
résultent des règles, des principes et des standards du New Public Management
(appelé encore nouvelle gestion publique ou nouveau management public), et les
raisons d’ordre constitutionnel et réglementaire, qui proviennent de la nouvelle
constitution de 2011.
1.1. Impératifs gestionnels des collectivités territoriales : passage de
la bureaucratie au nouveau management public
Les premières esquisses du passage de la bureaucratie au nouveau
management public datent des années 80 avec l’adoption au Maroc du programme
d’ajustement structurel et l’accentuation du caractère libéral de l’économie
marocaine suivi du désengagement de l’Etat au profit des opérateurs privés.
Récemment, ce passage ne cesse pas de prendre une place importante dans
l’agenda des responsables marocains. La création du ministère de modernisation
du secteur public en 2002 dans le gouvernement de Driss Jettou en est une
meilleure illustration. A partir de cette date, le Maroc commence progressivement
et officiellement à poser les jalons du nouveau management public dans ses
différentes organisations publiques (Etat, collectivités territoriales, entreprises
publiques).
Au niveau de ce point nous allons mettre en avant les raisons émanant de la
logique managériale (NPM) qui manifeste davantage l’importance de l’audit interne
qui est en soi un outil de gestion et élément du NPM (Cohen 2012, p.37-38). Cela
ne veut pas dire que dans la logique traditionnelle l’audit était négligé, mais que
ses fondements ont primé la régularité et la gestion des deniers publics sur la
performance.
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1.1.1. Passage de la bureaucratie au NPM : quelle réalité dans
le contexte marocain?
La bureaucratie trouve son origine dans les travaux de Max Weber (1864-
1920) sur l’exercice de l’autorité, dans les organisations, qu’il a distinguée en trois
catégories: charismatique, traditionnelle et rationnelle (Bussenault et Pretet 1998,
p.25). La première tient au charisme du leader, la seconde incombe aux traditions
et usages qui font que l’héritage du pouvoir implique, systématiquement, le
transfert de l’autorité et la troisième s’exerce au travers des règles et procédures
bien définies. De ce dernier type d’autorité, découle la bureaucratie qui demeure la
forme de l’autorité la plus efficace et la plus moderne, à son époque.
A l’instar des autres types d’organisations, les organisations publiques ont
très souvent obéi à ce courant de management traditionnel qui se caractérise par la
lourdeur des tâches, le formalisme, la rigidité et la régularité, ce qui ne peut en
aucun cas conduire à la souplesse et à la rapidité demandée par les demandeurs
des services publics. Cette réalité est à l’origine de la perte ou de la baisse de
confiance entre les citoyens/usagers demandeurs de services publics et
l’administration publique en-soi (Fortier 2003, p.5). C’est en allant au-delà de ces
faiblesses que le New Public Management commence à voir le jour,
particulièrement, vers les années 80 au Royaume-Uni.
Au Maroc, quoique des efforts aient été déployés à travers la politique de
privatisation, l’administration électronique, les contrats programmes etc. ou du
projet de loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui cherche à donner un
fonctionnement managérial à l’Etat (Gallouj et Vidal 2009, p.6), l’alignement
remarquable des organisations publiques sur les fondements du nouveau
management public n’est pas concrétisé par une rupture totale avec les
fondements du management traditionnel (wébérien), puisque au cours de cette
mutation, des organisations continuent à adopter des principes chers à ce dernier.
Parmi lesquels, il y a le principe de transparence, en tant que culture
organisationnelle (Rouillard 2003, p.23), qui organise les missions des agents des
services publics (article 155 du Dahir n° 1-11-91).
Pour l’adoption des fondements du NPM dans le secteur des collectivités
territoriales marocaines, il y a lieu d’admettre que beaucoup de chemin reste
encore à parcourir. A titre d’illustration, la notion de satisfaction des clients qui doit
remplacer la satisfaction de l’usager est toujours aussi décevante, étant donné que
c’est l’intérêt général qui prévaut jusqu’alors. L’adoption des techniques de
management de la qualité, des ressources humaines, des nouvelles pratiques du
contrôle est également insuffisante, pour ne pas dire inexistante (Filali 2009, p.50-
55).
A l’inverse, des efforts de consécration du NPM ont été consentis à travers la
mise en place de nouveaux instruments d’information comptable (système de
gestion intégrée des dépenses, comptabilité générale, comptabilité analytique), le
léger passage de la régularité vers la performance (contrôle modulé de la dépense)
et l’adoption des plans communaux de développement. Ces efforts traduisent la
volonté du législateur et des collectivités territoriales de s’aligner sur les
1 / 25 100%

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