Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 3ème partie
VII-3 : DYSFONCTIONNEMENTS VISUELS ASSOCIÉS À
QUELQUES MALADIES PÉDIATRIQUES MÉTABOLIQUES,
SYSTÉMIQUES et NEUROLOGIQUES. Apport du bilan
électrophysiologique
Troisième partie
Florence Rigaudière
Eliane Delouvrier
Pour citer ce document
Florence Rigaudière et Eliane Delouvrier, «VII-3 : DYSFONCTIONNEMENTS VISUELS
ASSOCIÉS À QUELQUES MALADIES PÉDIATRIQUES MÉTABOLIQUES, SYSTÉMIQUES et
NEUROLOGIQUES. Apport du bilan électrophysiologique», Oeil et physiologie de la vision
[En ligne], VII-Electrophysiologie pédiatrique, mis à jour le 18/06/2013, URL :
http://lodel.irevues.inist.fr/oeiletphysiologiedelavision/index.php?id=242,
doi:10.4267/oeiletphysiologiedelavision.242
Plan
Myéline, myélinisation et pathologies de la myéline
Formation de la myéline
Système nerveux central
Système nerveux périphérique
Rappel succinct du rôle de la myéline
Maladies de la myéline
Maladies dysmyélinisantes, démyélinisantes : terminologie
Leucodystrophies, neuropathies myéliniques : définition
Maladies dysmyélinisantes : quelques exemples
Maladie de Pelizaeus Merzbacher
Maladie de Pelizaeus Merzbacher avec manifestations apparues vers l’âge de 4-5 mois : exemple
Evolution visuelle : exemple d’un enfant âgé de 7 ans
Comparaison des PEV à l’âge de 3 ans et 7 ans
Maladie de Pelizaeus Merzbacher avec dystrophie rétinienne : un exemple rare
Maladie de Pelizaeus Merzbacher : conductrice obligatoire
Maladie de Pelizaeus Merzbacher-like disease 1 (PMLD1)
Maladie de Pelizaeus Merzbacher-like : exemple
Leucodystrophies dysmyélinisantes et atrophie des voies visuelles
Syndrome CACH (Childhood Ataxia with Central nervous system Hypomyelination)
Syndrome CACH : exemple
Remarque sur la classification maladies dys/démyélinisantes
Maladies démyélinisantes
Neuromyélite optique de Devic
Neuromyélite optique de Devic avec fluctuation de l’acuité visuelle : exemple
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 3ème partie
Texte intégral
Remerciements : Dr Paolo Milani, neurologue, hôpital Lariboisière
Myéline, myélinisation et pathologies de la myéline
Formation de la myéline
La myélinisation commence vers le 4ième mois de gestation, d’abord dans le système
nerveux périphérique puis dans le système nerveux central. Elle est très active durant les
deux premières années de la vie, mais se poursuit jusqu’à l’adolescence.
Système nerveux central
Les oligodendrocytes sont à l’origine de la myélinisation du système nerveux central.
Leurs prolongements s’enroulent en spirale autour des différents axones. Ils participent
activement à l’organisation de la surface axonale et du cytosquelette à l’aide des
protéines de la myéline. Leur le est aussi important dans l’organisation de la structure
de l’axone, de sa fonction et de sa survie, que dans la formation et le maintien de la
myéline internodale (Raymond, 2011).
Durant la myélinogenèse, les oligodendrocytes doivent synthétiser une grande quanti
de lipides et de protéines. En effet, la myéline du système nerveux central est composée
d’environ 70 % de lipides (phospholipides, cholestérol, glycolipides dont le
galactocérébroside et le sulfatide) et d’environ 30 % de protéines. Parmi ces protéines,
on trouve environ 50 % de protéolipides PLP1 et DM20, 30 % de protéines basiques de la
myéline (MBP) et quelques pourcents de Myelin Associated Glycoprotein (MAG) (Pham-
Dinh D., 1998).
Le processus de myélinisation dépend de la qualité de la myéline
synthétisée (composition en protéines et lipides) mais aussi de facteurs de contrôle qui
régulent ° la différentiation des oligodendrocytes (Huang, Zhao, Zheng & Qiu, 2013 ) et
° l’épaisseur de la myéline (Ishii, Fyffe-Maricich, Furusho, Miller & Bansal, 2012), cette
dernière dépendant aussi du diamètre des axones (Raymond, 2011)(p. 25).
Il existe une étroite coopération entre oligodendrocytes et astrocytes pour la
myélinogenèse entre autres.
Système nerveux périphérique
Les cellules de Schwann sont responsables de la myélinisation du système nerveux
périphérique. La myéline du système nerveux périphérique a une composition protéique
différente de celle de la myéline du système nerveux central ; les protéines les plus
abondantes sont la protéine P zéro (P0) et les protéines basiques MBP, mais aussi
d’autres moins nombreuses, comme la Peripheral Myelin Protein-22kDA (PMP22) ou en
proportion mineure comme la connexine 32 (CX32) qui sont cependant impliquées dans
des maladies génétiques spécifiques de la myéline.
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 3ème partie
Rappel succinct du rôle de la myéline
Elle augmente la rapidité de la propagation de l’influx nerveux le long de l’axone.
Entre chaque section myélinisée -non conductrice- de l'axone se trouve un nœud de Ranvier, zone non
myélinisée et conductrice. L'influx nerveux se propage d'un nœud de Ranvier à l'autre le long de l'axone, par
une conduction dite saltatoire qui permet de parcourir un même trajet en un temps réduit. Dans le corps
humain, on trouve ce mode de conduction partout l’influx doit être transmis rapidement comme, par
exemple, le long des nerfs commandant les muscles squelettiques.
La myéline est le siège ° d’un métabolisme actif avec renouvellement des lipides et des
protéines qui la composent, ° de nombreuses activités enzymatiques. Sa membrane
contient aussi de nombreux récepteurs ou enzymes lui permettant de réagir à des
neurotransmetteurs ou à des hormones (Pham-Dinh D., 1998).
Maladies de la myéline
De nombreuses mutations de gènes de la myéline sont à l’origine de différentes
pathologies de la myéline ; il s’en suit le plus souvent une dégénérescence axonale
secondaire, progressive et d’importance variable.
Maladies dysmyélinisantes, démyélinisantes : terminologie
Si ces maladies touchent la formation de la myéline, ce sont des maladies
dysmyélinisantes ; si elles affectent la stabilité de la myéline ou participent à l’involution
de la myéline, il s’agit de maladies démyélinisantes (Turpin JC., Gray F., De Baecque C.,
Escourolle R. & Baumann N., 1983), (Pham-Dinh D., 1998). Certaines maladies peuvent
combiner les deux processus.
Leucodystrophies, neuropathies myéliniques : définition
Les leucodystrophies sont des affections de la substance blanche du système nerveux
central et les neuropathies myéliniques celles du système nerveux périphérique. Elles
forment un groupe de maladies hétérogène. Elles peuvent être ou non d’origine
génétique (Pham-Dinh D., 1998).
Powers JM (2004 - cité par (Raymond, 2011)) définit les leucodystrophies comme des
maladies connues ou présumées avoir (1) une cause génétique, (2) une évolution
clinique progressive, (3) une implication de la substance blanche prédominant au
système nerveux central, (4) une lésion primaire de la myéline ou des cellules
myélinisantes qui peut se manifester par une perte de la substance blanche ou un trouble
de son développement en relation avec des anomalies biochimiques ou moléculaires de la
cellule myélinisante (Powers, 2004).
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 3ème partie
Maladies dysmyélinisantes : quelques exemples
Nous présentons quelques exemples de leucodystrophies dysmyélinisantes avec
hypomyélinisation du système nerveux central. Elles ont des caractéristiques cliniques,
physiopathologiques et génétiques différentes :
° trois exemples de maladie de Pelizaeus Merzbacher (mutation du gène PLP1) : l’une à
l’âge de 3 ans avec des signes de dystrophie des voies visuelles, l’autre, à l’âge de 7 ans
avec des signes d’atrophie optique, les fonctions rétiniennes étant normales. La troisième
montre l’existence d’une rétinopathie associée chez un enfant âgé de 14 ans, fait
actuellement non documenté dans la littérature. Le quatrième exemple est celui d’une
femme conductrice obligatoire d’une maladie de Pelizaeus Merzbacher (liée à l’X) dont les
résultats électrophysiologiques sont complexes.
° un exemple de maladie de Pelizaeus Merzbacher-like : mutation du gène GJC2 (GJA12).
Maladie de Pelizaeus Merzbacher
C’est une leucodystrophie hypomyélinisante liée à l’X, de prévalence environ
1/400.000 (Boespflug-Tanguy O., 2002).
Génétique
Le gène PLP1 code pour une des principales protéines composant la myéline, la protéine
protéolipidique 1 (PLP1). La maladie de Pelizaeus Merzbacher est due à une expression
anormale de la protéine PLP. La plupart des maladies de Pelizaeus Merzbacher
correspondent à une duplication hétérogène en taille du chromosome Xq22 qui comprend
le gène PLP1. On trouve aussi des délétions, triplications ou points de mutations de PLP1
(Woodward, 2008) avec fabrication en excès de protéine protéolipidique 1 (PLP1).
Physiopathologie
La protéine PLP1 en excès s’accumule dans les oligodendrocytes au lieu d’aller à leur
surface pour former la myéline ; cet excès est toxique pour les oligodendrocytes qui
dégénèrent à divers degrés et ne fabriquent alors plus de myéline en quantité suffisante.
Il s’en suit une hypomyélinisation du système nerveux central (Menache CC., Haenggeli
Ch-A. & Safran AB., 2004), (Garbern J., 2009).
Signes cliniques
Ils varient selon l’âge d’apparition de la maladie. La maladie de Pelizaeus Merzbacher se
présente schématiquement sous deux formes (Lyon G & Evrard Ph, 2000), (Lyon G,
Kolodny EH & Pastores GM, 2006).
La forme néonatale débute dans les premières semaines de la vie par des mouvements
oculaires anormaux souvent accompagnés de secousses de la tête. Un stridor laryngé est
précoce également. Puis surviennent des mouvements choréo-athétosiques des
membres, des signes pyramidaux ; le retard de développement psychomoteur devient
manifeste. La maladie est létale en quelques années.
La forme classique est un peu plus tardive ; elle débute à quelques mois de vie par le
même nystagmus avec secousses de la tête et stridor laryngé, mais l’évolution est plus
lente et l’apparition d’autres signes est plus tardive.
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-3. 3ème partie
Selon le Pr Boespflug-Tanguy « le diagnostic de trouble primitif de développement de la
myéline du système nerveux central (pour la maladie de Pelizaeus Merzbacher) repose
sur l’association 1- d’un trouble majeur des conductions intracérébrales des potentiels
évoqués auditifs, somesthésiques et visuels contrastant avec des conductions
périphériques normales, 2- d’un hypersignal T2 diffus de la substance blanche à l’IRM
contrastant avec un signal T1 normal » cité d’après (Boespflug-Tanguy O., 2002).
Dysfonctionnements visuels
Le nystagmus est caractéristique de la maladie (Trobe, Sharpe, Hirsh & Gebarski, 1991).
Il s’agit d’un nystagmus pendulaire irrégulier, comportant une composante elliptique et
une composante verticale battant vers le haut. Associé à des hochements de tête, il peut
évoquer à tort un spasmus nutans. Il diminue avec l’âge et disparaît dans 30 % des cas
entre 2 et 5 ans. La fonction visuelle ne semble pas atteinte au début de la maladie ; le
fond d’œil est normal. Une atrophie optique ne se développe qu’à un stade plus tardif. Le
nystagmus diminue souvent au cours de l’évolution voire disparaît.
Le nystagmus pendulaire acquis s’observe dans les maladies affectant la myéline centrale telles les maladies
peroxysomales, mais aussi la sclérose en plaque, l’intoxication au toluène. Son mécanisme en est discuté (Leigh
& Zee, 2006).
Maladie de Pelizaeus Merzbacher avec manifestations apparues
vers l’âge de 4-5 mois : exemple
Histoire clinique
B. est à 39 semaines d’aménorrhée avec un poids et une taille supérieurs à 1DS,
Apgar 10/10. Son adaptation à la vie extra-utérine est bonne ainsi que l’allaitement sans
problème de succion. Vers l’âge de 4-5 mois apparaissent des mouvements oculaires
rapides anormaux de type nystagmus horizonto-rotatoire, suivis d’un retard des
acquisitions psychomotrices. Vers l’âge de 14 mois, le neuropédiatre trouve une ataxie
franche du tronc et de la tête et des tremblements à l’exécution des mouvements
volontaires, également présents à l’âge de 2,5 ans. On observe une cassure de la courbe
staturo-pondérale vers l’âge de 15 mois malgré un bon appétit. A l’âge de 18 mois,
l’enfant se met assis seul et debout avec aide, il se déplace le long des meubles et peut
faire une dizaine de pas avec une aide bilatérale. L’enfant est souriant, mais ne dit que
quelques mots à 2,5 ans.
Le bilan psychométrique pratiqué à l’âge de 3 ans 4 mois montre un retard psychomoteur
le situant pour ses acquisitions motrices, à un niveau de développement correspondant à
l’âge d’environ 13 mois et, sur le plan du langage, à un niveau correspondant à l’âge
d’environ 2 ans. Il a une prise en charge par kinésithérapie, orthophonie et
psychomotricité.
IRM
L’IRM réalisée à l’âge de 10 mois trouve un retard de myélinisation, puis à l’âge de
22 mois, une absence de myélinisation de la substance blanche évoquant une
leucodystrophie de type PLP.
Biologie moléculaire
Elle montre que l’enfant est porteur d’une duplication complète du gène PLP1 (présence
de deux copies des exons 1 à 7), sa mère est porteuse d’une triplication du gène PLP1
(présence de trois copies des exons 1 à 7) à l’état hétérozygote, confirmant le diagnostic.
Bilan visuel
A l’âge de 3 ans, on constate un strabisme convergent alternant, un nystagmus
horizontal de faible amplitude, une hypermétropie forte et des fonds d’yeux normaux.
L’acuité visuelle n’est pas chiffrable.
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