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1960). Mais cet islamisme se développe séparément et avec des caractères en partie différents
dans le sunnisme et le chiisme.
Dans le sunnisme, son principal représentant est la « confrérie » des Frères
Musulmans, fondée en 1928 par un instituteur égyptien, Hassan Al-Banna. Il devient
rapidement un véritable mouvement de masse avec des écoles, des sections professionnelles
(une pour les enseignants, une pour les avocats, etc.), un mouvement de scouts, un
mouvement de femmes, etc. Il préconise une refonte totale de la société à partir d’un Etat
intégralement islamique (le slogan de base des Frères Musulmans est : « Le Coran est ma
constitution »). Après le coup d’Etat des « officiers libres » qui renverse la monarchie (1952),
les Frères Musulmans soutiennent le nouveau régime, mais ils entrent rapidement en conflit
avec Nasser qui n’hésite pas alors à les réprimer brutalement : ceux qui ne sont pas
emprisonnés se réfugient en Arabie Saoudite... C’est dans les prisons égyptiennes qu’un Frère
musulman, Sayyid Qutb, radicalise la doctrine du fondateur avant d’être pendu en 1966. Pour
lui, on peut déclarer mécréant un gouvernant, même s'il se déclare musulman, pour peu que
les principes qui fondent son action politique ne soient pas exclusivement islamiques. Et cet
anathème ne vise pas seulement les dirigeants de l'État : il s'étend aussi à leurs complices…
Contre eux, le djihad devient légitime. Ce qui n’est dans ses écrits qu’une position doctrinale
aura bientôt des applications pratiques : le président Sadate en fera les frais en 1981…
Chez les chiites, l’islamisme est plus directement lié au clergé (bien qu’il
existe au sein de celui-ci un courant « quiétiste », qui refuse de prendre des positions
politiques) et il se développe à la fois en Irak et en Iran (les deux grands pays pétroliers de la
région, avec l’Arabie Saoudite). En Irak, ce sont le parti al-Dawa (« l’Appel »), créé à la fin
des années 1950 à Najaf, et le réseau dit des « shirazistes » qui entrent en lutte contre Saddam
Hussein (et qui créent aussi des cellules au Liban, au Bahreïn, etc.). En Iran, c’est l’ayatollah
Khomeyni qui est l’opposant le plus en vue. Chassé d’Iran en 1964, il reste 14 ans en exil,
notamment à Nadjaf. C’est là qu’il élabore le projet d’une république islamique reposant sur
le principe du « velâyat-e faqih », terme que l’on peut traduire par « gouvernement du
théologien-juriste ». Il s’agit d’une sorte de théocratie constitutionnelle : les grandes
orientations seraient données par un religieux, choisi par ses pairs ; elles seraient mises en
œuvre par un Président de la République et une assemblée élue. Khomeyni agrémente cette
innovation programmatique par une exaltation de la lutte des « déshérités » contre les
« puissants », un thème qui est en phase avec le tiers-mondisme de l’époque.
Or il se trouve que, en 1978-79, une révolution populaire met à bas le régime
monarchique de l’Iran et chasse le souverain. Cette révolution est l’œuvre de tendances très
diverses (nationalistes bourgeois, parti Tudeh pro-soviétique, Moudjahidines du Peuple qui se
définissent comme islamo-marxistes), mais elle est rapidement accaparée par le clergé chiite
et par celui qui s’en est instauré le porte-parole, l’ayatollah Khomeyni qui revient en Iran
après un exil de 14 ans. Il proclame alors une « république islamique » dont la constitution
(approuvée par référendum) reflète les choix faits par Khomeyni à Nadjaf : elle attribue le
pouvoir suprême à un « guide suprême» choisi parmi les religieux (donc un régime
théocratique), mais en se dotant d’une façade démocratique avec des élections au suffrage
universel pour élire les députés et le président. Sa mise en place donne lieu à la création d’une
milice spéciale, les pasdaran (gardiens de la révolution), chargée de la répression des
opposants, en particulier des libéraux, des laïques et, en dernier lieu, des communistes.
Parallèlement, se produit la rupture avec les Etats-Unis, considérés comme le « Grand
Satan ». Elle se produit sous la pression des étudiants qui, en novembre 1979, prennent
d’assaut l’ambassade américaine de Téhéran et en retiennent les membres en otages pendant
plus d’un an : évènement qui provoque la démission du premier ministre (Bazargan, libéral
bourgeois) et qui donne au nouveau régime une coloration anti-impérialiste, bientôt doublée
d’une hostilité ouverte à l’Etat d’Israël.