vessie
urètre
rectum
prostate
TEST SANTÉ 42 avril-mai 2001 33
QUAND LA PROSTATE FAIT DES SIENNES
LA PROSTATE
La prostate est une glande qui a un peu la
forme d'une châtaigne. Son rôle essentiel est
la sécrétion d'un liquide qui entre dans la
composition du sperme. Minuscule à la nais-
sance, la prostate connaît une forte crois-
sance à la puberté, pour atteindre un dia-
mètre de 3 à 4 cm. Vers 25 ans, elle
recommence progressivement à grossir.
Située devant le rectum, sous la vessie, la
prostate est traversée en son milieu par
l'urètre, le canal d'évacuation de l'urine. À la
longue, l'augmentation de volume de la
prostate peut comprimer l'urètre et exercer
une pression sur la vessie, d'où les troubles
urinaires si fréquents chez les hommes à par-
tir de la cinquantaine.
Un problème
d'homme
L'augmentation progressive du volume de la prostate
est un phénomène naturel, mais qui, à partir d'un
certain âge, peut provoquer des troubles urinaires.
Quelles sont les solutions possibles ?
Depuis peu, je dois me lever chaque
nuit pour uriner. Est-ce la prostate ?
Peut-être. Quel âge avez-vous ?
Tout juste 56 ans.
Alors, il est effectivement possible et
même probable que cela soit lié à votre
prostate. Beaucoup d'hommes
présentent de tels troubles à partir de la
cinquantaine. La raison en est une
augmentation du volume de la prostate,
appelée "hypertrophie bénigne de la
prostate" (HBP), laquelle peut provoquer
les fameux "problèmes de prostate". On
estime qu'un tiers des hommes entre 50
et 60 ans ont des symptômes d'HBP.
Chez les sexagénaires, cela toucherait
déjà près d'une personne sur deux.
Est-ce dangereux ?
L'HBP peut entraîner des symptômes
gênants, mais n'est normalement pas
dangereuse. Toutefois, dans de rares cas,
elle peut déboucher sur des
complications qui doivent faire l'objet
d'un traitement médical. Ainsi,
il arrive que l'HBP provoque une
rétention aiguë d'urine, l'impossibilité
d'uriner. Cela peut faire très mal et
nécessite une intervention rapide.
L'HBP peut aussi déboucher sur une
inflammation, d'où une sensation de
brûlure en urinant. Des calculs peuvent
se former dans la vessie, en raison de la
stagnation de l'urine. L'HBP peut même
provoquer une insuffisance rénale, avec
comme symptôme possible l'arrêt de
toute production d'urine. Mais, en règle
générale, l'HBP n'est pas dangereuse.
Elle n'augmente donc pas le risque
de cancer de la prostate ?
Pas du tout. Il s'agit de deux problèmes
différents. Ce sont deux affections dont
la fréquence augmente avec l'âge, mais
l'une ne favorise pas l'autre.
Peut-on prévenir l'HBP ?
On ne connaît pas de mesures
préventives, diététiques ou autres. On a
bien réalisé des études pour déterminer
si certains facteurs favorisent l'HBP
(alimentation, activité physique,
tabagisme, environnement...), mais, à ce
jour, aucune preuve de relation avec
l'HBP n'a pu être apportée. On ne peut
donc pas donner de conseils de
prévention. On sait qu'une castration
avant la puberté prévient l'augmentation
de volume de la prostate, mais ce n'est
pas une mesure que nous préconisons.
Quels sont les symptômes ?
L'augmentation de volume peut
provoquer une obstruction de l'urètre et
perturber le bon fonctionnement de la
vessie. Ce qui entraîne des problèmes
TEST SANTÉ 42 avril-mai 2001
34
urinaires divers : diminution de la force
du jet, besoin plus fréquent d'uriner,
sensation de vidange incomplète, jet
interrompu, gouttes "retardataires"...
Souvent, on doit se lever une ou
plusieurs fois par nuit pour uriner.
Parfois, on est pris d'un brusque et
pressant besoin et on doit se dépêcher
pour arriver à temps aux toilettes.
Dans la majorité des cas, de tels plaintes
chez un homme de plus de 50 ans sont
l'indice d'une hypertrophie bénigne de
la prostate. Toutefois, elles peuvent
aussi avoir d'autres causes : calculs dans
la vessie, infection bactérienne, cancer
de la prostate, etc. C'est pourquoi il faut
toujours consulter un médecin, même si
les symptômes sont peu gênants.
Et que fera le médecin ?
Pour orienter ses recherches, il
commencera par un interrogatoire
médical : état de santé, antécédents
médicaux, nature des plaintes...
Il aura aussi recours au questionnaire
standard recommandé par l'Organisation
mondiale de la Santé (voir ci-dessous).
Ce questionnaire évalue la sévérité des
symptômes et est utile au diagnostic. Si
vous avez des problèmes urinaires, vous
pouvez faire ce test avant de voir le
médecin, pour lui en présenter
immédiatement les résultats. Refaire
régulièrement le test permet aussi de
suivre l'évolution du problème, pour
voir s'il y a aggravation, stabilisation ou
amélioration.
Et les examens médicaux ?
Il est de rigueur d'effectuer un toucher
rectal, c.-à-d. de palper la prostate du
doigt. Cela permet au médecin
d'apprécier le volume de la glande, sa
consistance et sa forme. Il peut aussi
déceler certaines anomalies. Cela
l'aidera à orienter son diagnostic.
Une analyse de l'urine est également
recommandée, pour déterminer si elle
contient du sang, du pus, des cristaux
d'acide urique, du glucose ou d'autres
substances. Cela pour exclure certaines
maladies aux symptômes parfois
analogues à ceux de l'HBP.
Souvent, des analyses sanguines sont
réalisées pour vérifier le fonctionnement
des reins et mesurer le taux d'antigène
prostatique spécifique (un taux élevé
peut être l'indice d'un cancer).
Tous ces examens peuvent être réalisés
par le généraliste. Souvent, ils suffiront
pour poser un diagnostic fiable d'HBP.
Parfois, des examens complémentaires
sont requis : mesure du débit urinaire,
échographie de la vessie, échographie
transrectale de la prostate... Pour
certains de ces examens, le médecin
vous enverra auprès d'un spécialiste.
Une fois le diagnostic d'HPB confirmé, il
s'agit de décider du traitement.
Faut-il toujours traiter ?
Pas nécessairement. On estime que, si
on ne fait rien, la situation va s'aggraver
pour plus de la moitié des patients. Mais
dans environ 30% des cas elle va se
stabiliser et chez approximativement
15% des patients elle va même
s'améliorer. L'organisme a des facultés
d'adaptation étonnantes. Il n'est donc
pas a priori indispensable d'entamer
immédiatement un traitement. Souvent,
on se contentera d'une simple
surveillance, quitte à commencer un
traitement si l'on ne constate pas
d'amélioration spontanée ou si les
problèmes s'aggravent. La décision de
traiter ou non dépend de divers
facteurs, comme la sévérité des plaintes,
mais aussi la manière dont la personne
vit son problème. Les mêmes
symptômes ne gênent pas tout le monde
dans la même mesure.
Quels sont les traitements ?
Commençons par les médicaments. Ils
soulagent, mais ne guérissent pas. Si
l'on arrête le traitement, on se retrouve
au point de départ.
Il y a les alpha1-bloquants, qui ont un
effet relaxant sur les fibres musculaires
de la prostate : térazosine (Hytrin et
Uro-Hytrin), alfuzosine (Xatral) et
tamsulosine (Omic). Ils diminuent
l'obstruction urinaire. L'amélioration est
souvent rapide. Les alpha1-bloquants ne
sont cependant pas efficaces chez tous
les patients. Effets secondaires
possibles : vertiges, étourdissements,
faiblesse musculaire (fatigue), maux de
tête, sensation de nez bouché. Ils
peuvent aussi provoquer une chute de
tension quand on est debout. Le coût du
traitement avoisine 18 000 F par an.
Un autre médicament agit sur la
production hormonale pour réduire le
volume de la prostate. C'est le
finastéride (Proscar). Il est surtout
efficace lorsque la prostate est très
volumineuse. Généralement bien toléré,
le finastéride peut toutefois provoquer
des troubles sexuels, comme
Cerclez vos réponses et calculez votre score.
0 à 7 points = symptômes peu sévères
8 à 19 points = symptômes modérés
20 à 35 points = symptômes sévères
Faites le test avant de consulter le médecin et
soumettez-lui les résultats. Cela l'aidera dans
son diagnostic.
Au cours du mois écoulé, combien de fois avez-
vous eu la sensation que votre vessie n'était pas
complètement vide après avoir uriné ?
vos points ---------> 012345
PROBLÈMES DE PROSTATE ? FAITES LE TEST !
Au cours du mois écoulé, combien de fois,
après avoir uriné, avez-vous dû uriner à
nouveau dans les 2 heures ?
Au cours du mois écoulé, combien de fois avez-
vous eu des interruptions du jet d'urine (jet
discontu: démarrage, arrêt, redémarrage...) ?
Au cours du mois écoulé, combien de fois avez-
vous eu des difficultés à vous retenir quand
vous deviez uriner ?
Au cours du mois écoulé, combien de fois avez-
vous remarqué que votre jet d'urine était plutôt
faible ?
Au cours du mois écoulé, combien de fois avez-
vous dû forcer ou pousser pour commencer à
uriner ?
Au cours du mois écoulé, combien de fois par
nuit en moyenne avez-vous dû vous lever la
nuit pour uriner ?
jamais ± 1 fois
sur 5 ± 1 fois
sur 3 ± 1 fois
sur 2 ± 2 fois
sur 3 presque
toujours
jamais ± 1 fois
sur 5 ± 1 fois
sur 3 ± 1 fois
sur 2 ± 2 fois
sur 3 presque
toujours
jamais ± 1 fois
sur 5 ± 1 fois
sur 3 ± 1 fois
sur 2 ± 2 fois
sur 3 presque
toujours
jamais ± 1 fois
sur 5 ± 1 fois
sur 3 ± 1 fois
sur 2 ± 2 fois
sur 3 presque
toujours
jamais ± 1 fois
sur 5 ± 1 fois
sur 3 ± 1 fois
sur 2 ± 2 fois
sur 3 presque
toujours
jamais ± 1 fois
sur 5 ± 1 fois
sur 3 ± 1 fois
sur 2 ± 2 fois
sur 3 presque
toujours
jamais ± 1 fois
par nuit 2 fois
par nuit 3 fois
par nuit 4 fois
par nuit 5 fois
ou plus
TEST SANTÉ 42 avril-mai 2001 35
une diminution de la libido ou une
réduction du volume d'éjaculation. En
contrepartie, il fait... repousser les
cheveux (il existe une version spéciale
"repousse des cheveux", le Propecia !).
Il faut souvent plusieurs mois avant de
noter un effet. Parfois, le médicament se
révèle inefficace. Coût : ±20 000 F/an.
Y a-t-il un remboursement ?
Non. Les décideurs ont considéré qu'il
s'agit de médicaments de confort, qui ne
sont pas vraiment indispensables. Les
moyens disponibles étant limités, mieux
vaut rembourser des médicaments qui
sauvent des vies ou ont un impact plus
important sur la qualité de vie.
Pourtant, certains pensent que
rembourser ces médicaments
contribuerait au contraire à réaliser des
économies ! En effet, ils permettent
dans un certain nombre de cas d'éviter
ou de postposer le recours à la chirurgie.
Il se pourrait donc qu'il soit finalement
plus rentable de les rembourser, pour
que tous les patients puissent les utiliser.
On préviendrait ainsi des opérations
chirurgicales, qui reviennent fort cher.
Une hypothèse qui mérite examen.
Mais, pour l'instant, le patient paye
donc tout de sa poche.
Je croyais pourtant que le Hytrin...
Vous faites allusion à une récente étude
des Mutualités libres. Un des
médicaments précités, le Hytrin, est
remboursé quand il est prescrit pour
l'hypertension artérielle. Or, selon les
Mutualités libres, certains médecins
prescrivent le Hytrin pour une
hypertrophie bénigne de la prostate,
puis indiquent "hypertension" comme
raison officielle de la prescription. Le
médicament devient ainsi moins cher
pour le patient, mais la différence est
payée par l'Inami. Une pratique qui
satisfait sans doute les patients
concernés, mais qui coûterait des
millions à l'Inami...
Et les plantes médicinales ?
On utilise effectivement aussi des
préparations à base de plantes pour
l'HBP. La plante la mieux étudiée en ce
domaine est le palmier nain Serenoa
repens, appelé aussi chou palmiste nain
ou encore Sabal serrulata, et dont on
utilise les baies. Selon les études, une
dose de 320 mg/jour pourrait améliorer
les symptômes de l'HBP. En Belgique,
deux préparations avec 320 mg par
capsule sont enregistrées comme
médicament : Prostasérène et Prosta
Urgenin (sur prescription). Prix : 648 F
pour 30 capsules, soit 7 800 F/an.
C'est un traitement qui peut être
envisagé lorsque les symptômes ne sont
pas trop sévères. S'il n'y a pas
d'amélioration après 2 mois, mieux vaut
essayer autre chose. Comme seuls effets
secondaires, on note (rarement) des
troubles digestifs. Toutefois, des
questions subsistent quant à l'efficacité
et l'innocuité à long terme. Il faut aussi
rester attentif aux interactions possibles
avec des médicaments classiques.
Quid de la chirurgie ?
La chirurgie est parfois nécessaire, par
exemple en cas d'insuffisance rénale.
Mais cela reste rare. Normalement, on
n'y a recours que si les symptômes sont
sévères, gênent beaucoup le patient et
résistent aux médicaments. Il y a
différentes techniques, certaines encore
au stade expérimental. L'opération la
plus couramment pratiquée consiste à
introduire un instrument dans l'urètre et
à "raboter" l'intérieur de la prostate pour
enlever les tissus responsables de
l'obstruction. L'intervention dure
environ une heure et nécessite une
anesthésie. Le patient doit ensuite rester
4 à 5 jours à l'hôpital. Quand la prostate
est très volumineuse, on préfère opérer
de manière plus classique, au travers
d'une incision dans le bas-ventre.
La chirurgie donne une nette
amélioration dans près de 90% des cas.
Dans 70% des cas, les symptômes
disparaissent même tout à fait, souvent
définitivement. Un inconvénient est
que, malgré une érection et un orgasme
normaux, l'éjaculation peut ne plus se
produire : souvent, suite à l'opération, le
sperme n'est plus émis par la verge mais
se déverse dans la vessie. D'où une
infertilité du patient. Ce phénomène
d'éjaculation rétrograde toucherait au
moins 70% des personnes opérées. Et il
faut bien sûr aussi tenir compte des
éventuelles complications, toujours
possibles en chirurgie : risques liés à
l'anesthésie, hémorragies, infections...
Y a-t-il encore d'autres techniques ?
Oui, mais on y a moins souvent recours.
Dans certains cas on se contente par
exemple de dégager l'urètre en
pratiquant des incisions dans le col de la
vessie et la prostate. Cette technique est
surtout utilisée quand la prostate n'est
guère volumineuse, pour des patients
jeunes (elle ne perturbe généralement
pas la fertilité). D'autres techniques,
plus récentes, sont également
proposées, comme la thermothérapie
(destruction par la chaleur des tissus
formant obstruction), le laser ou les
ultrasons. Chaque technique a ses
avantages et inconvénients. Les
bénéfices réels et les effets à long terme
de ces nouvelles techniques sont
cependant encore mal évalués.
Y. Seré et M. Vanbellinghen
Opération par endoscopie, pour réduire de l'intérieur le volume de la prostate.
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