–Et qu’en est-il des traitements pour les stades avancés de la maladie de
Lyme ? En Suisse, il y a apparemment des médecins qui traitent des gens
négatifs aux tests avec beaucoup d’antibiotiques, de manière cachée…
C’est aussi le cas en France, et les médecins qui ne suivent pas les
recommandations sont poursuivis par le Conseil de l’Ordre des médecins et par la
caisse d’assurances maladie. Dans certains pays européens, c’est encore pire. En
Norvège par exemple, certains ont été interdits d’exercer, leurs licences ont été
supprimées, un chercheur qui avait reproduit les travaux d’Alan McDonald sur la
persistance des Borrelia a même été viré de l’université, avec interdiction de
communiquer. Il y a aussi le cas d’une chercheuse belge qui a failli être virée de son
université et que j’ai soutenue. Certains lui reprochaient de soutenir qu’il y a plus de
Lyme en Belgique et dans les pays Européens que ce qu’on pense.
Pour en revenir aux traitements : il existe des maladies chroniques, comme la
maladie de Whipple, une maladie d’origine encore inconnue il y a une vingtaine
d’années – quand j’étais interne on nous disait que c’était psychosomatique. Cette
maladie touche au système digestif et aux articulations notamment, et peut être
quelquefois grave. Il y a une vingtaine d’années, on a trouvé la bactérie
responsable: Tropheryma whipplei. Et maintenant les recommandations officielles
sont de prendre un an d’un antibiotique associé à un antiparasitaire qui agit sur les
bactéries. Il y a donc des maladies qu’on traite aux antibiotiques durant un an, et ce
sont les recommandations officielles. Alors que pour Lyme, si on traite au-delà de
trois semaines, on se fait traiter de charlatans. Et le problème est qu’il n’y a pas eu
de recherches, et que d’ailleurs la recherche n’est pas financée, et qu’on n’a donc
pas beaucoup de données… D’après mon expérience, je sais que les antibiotiques
seuls ne sont souvent pas suffisants, et qu’il faut aussi utiliser d’autres produits. Les
Borrelia restent probablement à vie chez une forte proportion de malades. La plupart
des gens que j’ai soignés, je les ai vus revenir quelques semaines, mois ou années
après. Je pense qu’il est nécessaire de recourir à des traitements d’entretien pour
prévenir les rechutes, mais pas forcément par antibiotiques. La phytothérapie, par
exemple, semble relativement efficace.
–Concrètement, que peuvent faire les gens testés négatifs, mais qui ont des
symptômes?
Il n’existe pour l’instant aucun traitement standardisé, il y a différentes «recettes» qui
fonctionnent. Mais le problème, j’en suis convaincu, est que souvent ces patients
n’ont pas que le Lyme, ils peuvent avoir aussi d’autres microbes associés, des co-
infections, donc ils ne réagissent jamais de la même façon à telle ou telle molécule.
Et pour faire une étude randomisée, il faut environ 1 million d’euros et 150 malades,
donc vous imaginez si on fait varier deux facteurs et qu’on prend en considération
deux molécules ! De telles études ne sont donc pas finançables par des fonds
publics, il n’y a donc les industriels qui s’y risquent, pour autant qu’ils soient sûrs d’un
retour sur investissement. Or, pour l’instant, les industriels ne veulent pas « jouer»
avec le Lyme, car ils sont persuadés que c’est une maladie rare et ne voient pas trop
quel bénéfice ils pourraient en tirer, et en plus c’est un sujet très polémique…
Pour répondre à votre question: pour trouver des médecins qui travaillent autrement
que selon le protocole officiel, c’est sans doute possible par le biais des associations
ou par le bouche à oreille. J’ai aussi quelques patients suisses qui viennent me voir.
En Allemagne, les recommandations officielles sont les mêmes qu’en France, mais il
n’y a pas de centralisation comme en France, en fait les médecins y ont une liberté
plus grande qu’en France par rapport aux recommandations officielles. Si bien que