. A2 LA PRESSE MONTRÉAL MARDI 28 DÉCEMBRE 2004 llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll TSUNAMIS LE BILAN S’ALOURDIT PHOTO AFP Le sud-ouest du Sri Lanka a été particulièrement touché par les tsunamis du week-end dernier. Le bilan s’établit à près de 6000 morts. L’Amérique est-elle menacée? ÉRIC CLÉMENT Un tsunami, comme celui qui a semé la mort et la dévastation dans toute une région de l’Asie du SudEst en fin de semaine, est-il une menace pour l’Amérique, les Antilles, l’Afrique du Nord, la Grande-Bretagne et le Portugal ? C’est la question que se posent des experts depuis plusieurs années. En effet, une des îles volcaniques des Canaries situées au large du Maroc et du Sahara-Occidental présente une caractéristique particulière qui pourrait générer un problème d’envergure international, selon un chercheur britannique. Pour le géologue britannique Simon Day, du Benfield Hazard Research Centre, le volcan La Cumbre Vieja (le Vieux Sommet), entré en éruption en 1949 et en 1971 dans l’île de La Palma est... un danger public. Selon lui, le flanc ouest du volcan de 2000 mètres d’altitude risque de plonger dans l’océan à la prochaine grosse éruption. Si ce flanc de 20 km3 pesant 500 milliards de tonnes tombe d’un seul coup, il pourrait générer un puissant tsunami multidirectionnel qui atteindrait notamment le Sahara en moins d’une heure et Boston en sept heures. Le phénomène géologique n’est pas nouveau. Les glissements de terrains et les écroulements rocheux sont choses courantes et normales dans l’histoire des îles volcaniques de la Terre. Ils provoquent depuis des millions d’années des tsunamis d’importance diverse. Une île comme Hawaii, par exemple, est entourée de centaines de milliards de tonnes de roches résultant de glissements de terrains vieux comme le monde. L’île de la Réunion, dans l’océan Indien, légèrement touchée par la catastrophe de same- chute de 20 km3 ne s’est jamais produite. C’est un peu exagéré. » M. Paris pense qu’une chute instantanée d’un volume de roches basaltiques 10 fois moindre, soit d’environ 2 km3 , ferait beaucoup de dégâts, avec un tsunami qui atteindrait sans problèmes les côtes américaines. Mais, observe-t-il, la stabilité des Le flanc ouest du volcan La Cumbre Vieja (îles îles Canaries, considérée à l’échelle de la Terre, est asCanaries) risque de plonger dans l’océan lors de la sez grande. « Elles ont connu moins d’une dizaine de prochaine grosse éruption et de générer un puissant déstabilisations massives tsunami multidirectionnel qui atteindrait le Sahara en (quelques dizaines de km3) en deux millions d’années, explique-t-il. Cela nous moins d’une heure et Boston en sept heures. donne du temps pour nous submergée par une vague haute de cheur au CNRS, se méfie de la préparer et mieux connaître les 200 pieds, plus haute que la colon- thèse du géologue britannique. phénomènes des grands glissene Nelson, balayant tout sur son « C’est vrai que le risque zéro ments volcaniques et les tsunapassage sur plus de 20 km à l’inté- n’existe pas, dit-il. Mais il n’y a mis engendrés. » rieur des terres, affirmait-il. La ville aucune raison pour que le flanc COURRIEL de Boston serait frappée la premiè- du volcan bouge actuellement. De re, suivie par New York puis par plus, les volumes pris en compte Pour joindre notre journaliste par M. Day sont effarants. Une [email protected] Miami, les Caraïbes et le Brésil. » di, a connu un tel écroulement massif il y a quelque 4000 ans. Plus tôt cette année, Simon Day a affirmé au London Daily Express que cet éventuel tsunami traverserait l’océan Atlantique à la vitesse de 700 km/h en moins de sept heures. « Toute la côte est américaine serait Selon l’universitaire britannique, des millions de personnes pourraient être tuées. « Il ne s’agit pas de savoir si le volcan va s’écrouler, mais quand il va s’écrouler », avait dit Simon Day. Mais le spécialiste français des tsunamis, Raphaël Paris, cher- llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll Des «vagues de port» ÉRIC CLÉMENT Q R Qu’est-ce qu’un tsunami ? Le mot tsunami signifie en japonais « vague de port ». Un tsunami est constitué d’une série de grosses vagues générée dans un océan par une perturbation dont les ondes récurrentes provoquent un déplacement vertical et soudain d’une grosse masse d’eau. Cette perturbation peut être le résultat d’un tremblement de terre sousmarin lié à la déformation de l’écorce terrestre (séisme tectonique), d’un glissement de terrain ou d’une éruption volcanique, voire de l’impact d’une météorite. La série de vagues se forme lorsque la masse d’eau déplacée, qui agit sous l’influence de la gravité, essaie de regagner son équilibre. Un tsunami peut être déclenché lorsque de grandes régions du fond sous-marin s’élèvent ou s’abaissent. Q Le tsunami frappe-t-il toujours très fort ? R Tout dépend de l’onde provoquée, de l’éloignement de la côte par rapport à la source de la perturbation, de la forme de la côte, de la profondeur de l’eau ou encore du niveau de la marée lors de son arrivée sur la côte. La vague peut atteindre 700 km/h et une hauteur de 30 m. Les tsunamis peuvent voyager sur de grandes distances transocéaniques avec des déperditions d’énergie limitées. En effet, si sa vitesse diminue toujours en même temps que la profondeur, le flux d’énergie du tsunami reste presque constant. En conséquence, quand sa vitesse diminue en s’approchant de la côte, sa hauteur augmente. Ainsi, un tsunami à peine perceptible en mer peut atteindre plusieurs mètres de hauteur près de la côte et déferler sur plusieurs centaines de mètres du bord de mer. plaques continentales de l’écorce terrestre. Ce phénomène, dit de subduction, provoque aux limites de ces plaques, appelées des failles, des tremblements de terre qui, eux-mêmes, génèrent des tsunamis. Q R Y a-t-il déjà eu des tsunamis au Canada ? Pourquoi y a-t-il des tsunamis surtout dans l’océan Pacifique ? Oui, en Colombie-Britannique. En 1964, un gros tremblement de terre qui a eu lieu en Alaska a provoqué un tsunami qui a endommagé la côte Pacifique jusqu’en Californie, et notamment à Port Alberni, dans l’île de Vancouver. La zone de subduction dite de Cascadia est une faille descendante qui s’étend du milieu de l’île de Vancouver jusqu’au nord de la Californie. Un nouveau plancher océanique est en train de se former au large des côtes des États de Washington et d’Oregon. Ce plancher est poussé dans la direction et au-dessous du continent nordaméricain. L’océan Pacifique est constitué, sur ses bords, de plaques océaniques plus denses qui glissent sous les Q Q R Un tsunami du type de celui de Sumatra est-il possible en Colombie-Britannique ? R Oui, les experts estiment que les séismes de la zone de subduction de Cascadia sont actuellement les plus grands séismes au monde, et peuvent avoir, comme celui d’Asie, une magnitude de 9,0 sur l’échelle de Richter. La magnitude des séismes est proportionnelle à l’étendue de la faille, et la zone de subduction de Cascadia est une faille inclinée de grande longueur. Q R Comment peut-on se protéger contre les tsunamis au Canada ? Les alertes de tsunami dans les bassins du Pacifique sont sujettes à un protocole international établi en 1946 par la Commission océanographique intergouvernementale (COI) des Nations unies. Le système d’avertissement de tsunami, exploité par le United States Department of Commerce, National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), est conçu afin de détecter les tsunamis et d’assurer une prompte notification à toutes les nations en bordure de l’océan Pacifique. En Colombie-Britannique, le Provincial Emergency Program (PEP) reçoit les alertes et les avertissements à partir du West Coast Alaska Tsunami War- ning Center et transmet ces alertes et ces avertissements (avec des changements pour la côte et les conditions de marée canadiennes) à la population en danger. Les tsunamis provoqués par des séismes sont beaucoup moins probables sur la côte est canadienne, compte tenu du « calme tectonique » de l’océan Atlantique. Q R Que faire pour détecter un tsunami et s’en protéger ? L’arrivée d’un tsunami peut être détectée près d’une plage par la sensation que la terre tremble sous vos pieds. Cela peut arriver de jour comme de nuit. La mer qui se retire soudainement, beaucoup plus que d’ordinaire, peut être un signe qu’un tsunami est imminent. Il faut alors se réfugier le plus rapidement possible sur des reliefs élevés et attendre que la tempête se calme. La première vague n’est pas toujours la plus importante et le danger peut durer plusieurs heures. Une vague de tsunami peut charrier d’immenses blocs de pierre et des débris de toute sorte. Il est donc primordial de se protéger, d’éviter les abords des rivières côtières, des ports et des marinas. .