Annales FLSH N° 19 (2015)
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philosophie est une systématisation et prise de conscience de la
pensée intuitive, et enfin donner une appréciation critique.
1. LA PHILOSOPHIE DU LANGAGE D’ALEXIS KAGAME
1.1. Considérations d’ordre historique : orientation de la philosophie
de Kagame
A titre de rappel, le père Placide Tempels fait figure de
pionnier à partir de son chef d’œuvre sur la philosophie Bantu. A.
Kagame et d’autres l’ont suivi. Mais cette problématique sur
l’existence de la philosophie africaine, était au centre de plusieurs
polémiques. C’est pour quoi, selon Bwanga Wa Mbenga, cette
tendance débutait une grande bataille théorique entre deux camps :
« ceux qui affirment l’existence de la philosophie africaine
(Tempelsiens) et les négateurs de l’existence de cette même
philosophie » (BWANGA WA MBENGA, 1981, p.21).
Tempels avait eu le mérite d’émettre pour la première fois son
hypothèse de l’existence d’une philosophie bantu. C’est à ce titre
qu’il passe pour le pionnier de la philosophie africaine. Pour
Bwanga, « A. Kagame confirme d’ailleurs l’existence d’une
philosophie bantu intuitive, c'est-à-dire l’agir humain sous la
conduite des principes rationnels, à travers toute son œuvre
philosophique » (BWANGA WA MBENGA, 1981, p.21). Ceci revient
à dire que le souci de Kagame, c’est de distinguer la philosophie
bantu de la philosophie en tant que métaphysique. Cela étant, dans
l’ethno philosophie des bantu, Kagame commence par les
considérations d’ordre historique : il parle des bantu et de leurs
langues. Le mot bantu, écrit-il, « évoque un groupe humain qui
peuple à peu près les tiers du continent africain » (A. KAGAME,
1975, pp. 93-111). C’est pourquoi nous estimons que malgré que les
bantu n’appartiennent pas une même race, ils partagent cependant les
éléments généraux d’une même civilisation. Car le critère de leur
unité culturelle est le système de langues à classes.
Les substantifs de ces langues, dont les racines restent
généralement inchangées, comportent un élément linguistique se
plaçant immédiatement avant la racine du mot. Cet élément que
Kagame nomme « classificatif », note Bwanga, a deux formes :
« l’une identifie le singulier et l’autre le pluriel » (BWANGA WA
MBENGA, a. c, p.26). Autrement dit, dans toute la zone bantu, le
substantif comporte un élément linguistique qui se place avant la
racine du mot. Cet élément s’appelle classificatif ou préfixe qui
comporte deux genres, dont l’un singulier et l’autre le pluriel, tandis