Pour une stratégie de produits dérivés

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Pour une stratégie de produits dérivés : compte rendu de la recherche effectuée
par la SMQ
Katy Tari, Orange Kiwi
Chargée de projet
1. Mise en contexte
La Société des musées québécois (SMQ) s’intéresse à la problématique des produits dérivés
depuis quelques années. En effet, deux formations offertes en 1999 puis en 2002 ont révélé
l’intérêt des participants, particulièrement des petites et moyennes institutions muséales. En
2004, la SMQ s’est penchée de nouveau sur ce dossier en menant une réflexion plus en
profondeur. Nous voulons partager ici les faits saillants de cette démarche.
Depuis les années 1980, on assiste dans le monde muséal à une diversification des services
offerts par les musées se traduisant, entre autres, par :
¾ Le développement des boutiques;
¾ La production de produits dérivés;
¾ La création d’un marché propre aux musées.
Par ailleurs, une transition déterminante s’opère en passant de comptoirs de vente à de
véritables boutiques. Ainsi :
¾ Les musées optent pour un espace de vente le plus visible possible;
¾ Il s’agit d’un nouvel enjeu consistant à anticiper les besoins du public;
¾ Les boutiques offrent des gammes complètes de produits en lien avec l’institution, la
collection, l’exposition ou la thématique.
Cette démarche s’inscrit dans une volonté de la part des musées d’aller au-devant d’une
demande du public, les visiteurs manifestant leur goût pour les « objets de musée » tous aussi
variés les uns que les autres.
MÉTHODOLOGIE
La SMQ a voulu comprendre et définir cette problématique afin de préciser le potentiel d’une
démarche auprès des boutiques de musées du Québec.
Pour y parvenir, plusieurs études ont été menées en collaboration avec divers organismes afin
de recueillir les données nécessaires à la compréhension des besoins et des marchés :
¾ Sondage d’opinion réalisé par la firme Léger & Marketing auprès de 1015 Québécois sur
leur opinion et leurs habitudes de consommation dans les institutions muséales du
Québec;
¾ Enquête interne auprès des gestionnaires de boutique de musée sous la forme d’un
sondage sur les pratiques de vente des musées québécois (88 répondants sur 270
institutions membres);
¾ Sondage sur l’édition de produits de métiers d’art réalisé par le Conseil des métiers d’art
(CMA);
¾ Formation sur l’édition de produits dérivés;
¾ Consultation auprès de spécialistes en marketing et en marketing culturel;
¾ Conception graphique d’une éventuelle ligne de produits.
L’ensemble des travaux, à l’exception du sondage du CMA, a pu être réalisé grâce aux
financements du Programme d’aide aux musées de Patrimoine Canada (PAM) et du Fonds de
stabilisation et de consolidation des arts et de la culture du ministère de la Culture et des
Communications.
OBJECTIFS ET STRATÉGIES
Les objectifs de la démarche visent à :
• Affermir la stabilité économique des institutions muséales en maximisant les ventes de
leurs boutiques;
• Améliorer leur positionnement afin d’élargir leurs publics;
• Susciter l’intérêt et augmenter la demande dans les boutiques de musées;
• Refléter la diversité et la singularité des collections et des thématiques.
Les stratégies pour atteindre ces objectifs sont :
• Faciliter le développement et la commercialisation des produits par le développement
d’un portefeuille de produits;
• Encourager la mise en place d’une ligne de produits dérivés « Musées »;
• Favoriser les réseaux et les partenariats entre les institutions muséales;
• Développer les partenariats avec le milieu de production des métiers d’art et celui des
fournisseurs commerciaux;
• Élargir l’offre actuelle des boutiques de musées.
Dans notre étude, le terme boutique est inclusif et comprend tout espace délimité dans le
musée, destiné à la vente de produits inventoriés, qu’il s’agisse d’un comptoir de vente ou d’une
boutique proprement dit.
2. Le potentiel muséal
On dénombre au Québec 431 institutions muséales qui ont reçu 12,4 millions de visiteurs en
2003 pour une population de sept millions d’habitants; ce qui représente un excellent ratio.
RÉPARTITION DU NOMBRE DE MUSÉES ET D’INSTITUTIONS MUSÉALES
Type d’institution
Qté
Musées d’art (beaux-arts,
art décoratif)
Musées d’histoire,
d’ethnologie et
d’archéologie
Musées de sciences
20
25
Centres d’exposition
61
Nombre de visiteurs
Nombre
d’institutions
8 millions de visiteurs
123 musées
656 000 visiteurs
61 centres
78
Lieux d’interprétation en
179
histoire, en ethnologie et
3,8 millions de visiteurs
221 lieux
en archéologie
d’interprétation
Lieux d’interprétation en
42
science
Source : Statistiques en bref, Observatoire de la culture et des communications, no. 6,
mai 2004.
Pour une stratégie des produits dérivés : compte rendu de la recherche effectuée par la SMQ
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Parmi les institutions répondantes du sondage interne de la SMQ, 46 % sont des comptoirs de
vente. Or, selon l’enquête Léger Marketing, l’espace est au cœur de l’attrait exercé sur la
clientèle et par conséquent, du comportement d’achat. Les visiteurs de musées s’arrêtent plus
souvent dans les boutiques (34 % des visiteurs) qu’aux comptoirs de vente où ils s’attardent peu
(5 %)!
En 2001, les dépenses culturelles au Québec étaient, en moyenne, de 1 196 $ par ménage
tandis que les dépenses dans les musées et les expositions s’établissaient en moyenne à 18 $
(dans une fourchette allant de 3 $ à 33 $ selon les revenus des ménages). Ces dépenses dans
les musées traduisent, par rapport à 1997, une baisse des dépenses qui étaient de 23 $ alors
que les dépenses globales culturelles ont augmenté.
L’ensemble de ces données indique clairement qu’il existe un potentiel de développement du
marché que les boutiques n’exploitent pas totalement.
Une autre problématique vient s’ajouter à ce constat : celle de la fréquentation saisonnière des
musées essentiellement concentrée durant l’été (juillet à septembre = 44,6 % des visiteurs) puis
l’automne (octobre à décembre = 26,8 %). Or, près de 40 % des institutions ouvrent leurs portes
uniquement durant l’été (de la mi ou fin juin à septembre).
En somme, les clientèles des boutiques se déclinent généralement ainsi :
¾ 73 % sont québécoises;
¾ 62 % sont individuelles;
¾ 78 % sont de passage;
¾ 81 % sont des femmes;
¾ 45 % sont âgées entre 35 et 49 ans;
¾ 32 % sont âgées entre 50 et 64 ans.
3. Qu’est-ce que le produit dérivé muséal?
À l’origine, les produits dérivés « dérivent » d’une œuvre artistique originale, première et souvent
unique. Aujourd’hui, cette notion a évolué et s’est diversifiée, le produit dérivé se définit
désormais comme une diversification de l’œuvre originelle.
Devenu aujourd’hui une réalité économique incontournable, le « produit dérivé est un produit,
un concept ou un service utilisant la notoriété d’une œuvre originale, d’un patrimoine, d’une
marque, d’un personnage réel ou de fiction, pour des exploitations commerciales secondaires.
Ce principe peut s’appliquer à tout concept, toute idée, toute marque ayant un potentiel au-delà
de son domaine originel ».1
Typologie du produit dérivé :
¾ Reproduction stricte;
¾ Copie ou reproduction sur un autre support que l’original;
¾ Produit dérobé (par exemple un collier dérobé d’une peinture);
¾ Produit inspiré de ou adapté;
¾ Objet labellisé (portant le nom de la marque);
¾ Recréation;
¾ Création.
1
Elke Germain-Thomas, Formation SMQ, « Les produits dérivés musées », février 2001.
Pour une stratégie des produits dérivés : compte rendu de la recherche effectuée par la SMQ
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L’achat du produit dérivé :
¾ Témoigne de l’appartenance à un groupe social;
¾ Confirme un lien affectif et cristallise un souvenir;
¾ Prolonge l’expérience de visite.
D’où l’importance d’assurer la cohérence entre le site et les produits. La boutique de musée doit
se distinguer des autres types de boutiques et viser le prolongement de l’expérience muséale
(ambiance visuelle et sonore, portefeuille de produits).
La sélection d’un portefeuille de produits
Cette opération est centrale puisque l’éventail de produits suscitera le comportement d’achat
chez le visiteur/consommateur. Les intentions d’achat de ce dernier sont directement
proportionnelles à l’offre.
Plusieurs critères permettent de les qualifier :
¾ Qualité du produit;
¾ Originalité;
¾ Design;
¾ Rappel de la visite;
¾ Extension de l’expérience de visite.
…et de les répartir entre :
¾ Les produits dérivés;
¾ Les produits griffés;
¾ Les produits de revente au nom de la marque.
4. Que se passe-t-il dans nos musées?
Les boutiques s’avèrent un service très rentable pour un bon nombre d’institutions muséales
canadiennes (selon une enquête menée par l’Association des musées canadiens, AMC, en
2004). Or, au Québec, cela est rarement le cas pour les petites et moyennes institutions
muséales bien que l’on note une tendance au renouvellement des équipements et à la
professionnalisation de la pratique des gestionnaires de boutique.
Pour les musées du Québec, les volumes de ventes se traduisent très différemment en fonction
de la taille de l’institution et du nombre de ses visiteurs.
RÉPARTITION DU VOLUME DE VENTE EN FONCTION DU NOMBRE DE VISITEURS
Nombre de
visiteurs
Musées
répondants au
sondage
interne SMQ
(total = 88)
Ventes
approximatives
Moyenne des
ventes par
musée
> 100 000
11 musées
75 000 à
100 000
2 musées
50 000 à
75 000
1 musée
30 000 à
50 000
9 musées
65 musées
8 747 163 $
353 000 $
500 000 $
778 000 $
622 800 $
795 198 $
176 500 $
500 000 $
86 444 $
9 582 $
Pour une stratégie des produits dérivés : compte rendu de la recherche effectuée par la SMQ
< 30 000
4
Source : Sondage interne SMQ, 2004
Dans ce contexte, les musées ayant une plus grande notoriété manifestent généralement peu
d’intérêt à adhérer à un projet commun de développement de produits dérivés.
Pour les petites et moyennes institutions, une telle initiative est envisagée avec plus d’ouverture
et d’intérêt. Elles y voient une occasion pour :
¾ Diminuer les coûts de production;
¾ Obtenir un meilleur pouvoir d’achat;
¾ Générer des revenus;
¾ Augmenter leur rayonnement muséal;
¾ Offrir des produits de qualité;
¾ Bénéficier d’une meilleure marge de profit.
Ce qui se vend le mieux dans les musées selon l’enquête interne de la SMQ :
1. Publications et catalogues;
2. Papeterie et objets souvenirs;
3. Produits de l’artisanat.
Les articles recherchés par les clientèles selon le sondage Léger Marketing :
1. Produits de l’artisanat;
2. Objets décoratifs;
3. Catalogues et publications.
Il se dessine un décalage entre l’offre et la demande. Une visite dans les grandes boutiques
muséales permet de constater qu’elles ont très bien intégré la notion de l’offre assortie,
répondant aux besoins des clientèles. Une telle approche devrait être encouragée dans les
petites et moyennes institutions n’ayant pu amorcer ce virage. La nécessité d’accroître l’offre et
de constituer un portefeuille de produits en adéquation avec la thématique de l’institution ou des
collections est alors nécessaire.
D’ailleurs, les institutions elles-mêmes manifestent leurs besoins dans ce sens. Elles souhaitent
en effet :
¾ Obtenir de l’aide pour le développement de leurs boutiques;
¾ Diversifier leurs produits;
¾ Attirer une nouvelle clientèle;
¾ Avoir un réseau de distribution rapide dans les musées du Québec.
5. Les tendances du marché dans les musées
Les reproductions classiques ne font plus recette. Le principe du renouvellement de l’offre pour
susciter une demande oblige à élaborer des produits dérivés dans une approche « actualisée ».
Dès la fin des années 1980, et particulièrement depuis les événements du 11 septembre 2001,
les comportements d’achat ont notablement évolué vers la maison et les produits de confort
(émergence de produits de soins, livres et décoration pour la maison : textile, bougies, senteurs,
cadres, vases).
En revanche, on note une baisse des ventes des produits haut de gamme au profit des objets
moyens de gamme, une baisse probablement due à la diminution du flot touristique provenant
des États-Unis ou de l’Europe. Ces acheteurs sont à la recherche de produits d’appel et plus
chers. Un ajustement de l’offre a par conséquent été nécessaire dans plusieurs boutiques.
Pour une stratégie des produits dérivés : compte rendu de la recherche effectuée par la SMQ
5
De son côté, le Conseil des métiers d’art (CMA) a observé, auprès des consommateurs, une
tendance réelle pour les objets et les produits de qualité « de plus en plus recherchés, reflétant
un retour à la production artisanale de qualité (par exemple, les fromages et autres produits
alimentaires). Cette tendance, sur laquelle ils [les membres du CMA] ont décidé de miser,
s’associe à un discours politique : se procurer des produits artisanaux de qualité, qui proposent
une différence majeure avec ceux offerts dans les grandes surfaces commerciales, des produits
qui respectent également une philosophie écologique »2.
De plus, l’une des tendances semble aller vers la « démocratisation du luxe » en offrant des
produits dont les prix se déclinent pour rejoindre un plus grand nombre de consommateurs. Une
autre tendance observée dans les boutiques muséales consiste à en faire des « destinations
cadeaux » en élargissant considérablement le portefeuille des produits. Par conséquent, plus
une boutique offre un vaste portefeuille (merchandising), plus elle augmente son potentiel de
vente. Le positionnement de la boutique, que ce soit au centre-ville, en ayant pignon sur rue ou
en s’inscrivant dans le parcours touristique, est un facteur supplémentaire d’augmentation des
ventes.
Le vieillissement démographique et l’amélioration des conditions socio-économiques laissent
présager d’importants changements en matière de consommation. Plus instruits, plus aisés, en
meilleure santé, les acheteurs sont plus nombreux et deviendront des consommateurs assidus.
Nous pouvons prévoir une augmentation de la consommation culturelle de la part de ce
segment de la population qui consacrera plus de temps aux loisirs et aux explorations
culturelles.
6. Réflexion sur le développement d’une ligne de produits dérivés et d’un bureau d’achat
En s’interrogeant sur la pertinence et la possibilité de développer une ligne de produits dérivés
pour les musées, la SMQ visait à contribuer au développement de l’assortiment de produits de
qualité.
Les défis d’une ligne de produits sont multiples. Elle doit :
¾ Plaire;
¾ Atteindre un volume suffisant pour abaisser les coûts de fabrication;
¾ Offrir la ligne à des prix abordables pour, en retour, générer les volumes nécessaires;
¾ Maintenir des produits d’appel et développer la ligne selon ce principe.
Pour ce faire, deux modalités de fabrication ont été envisagées :
¾ Par des artisans, vecteurs de produits inspirés pour le haut et possiblement le moyen de
gamme. Il serait alors possible de mettre en marché des produits personnalisés inspirés
des collections muséales. D’ailleurs, le sondage du CMA a révélé l’intérêt d’un certain
nombre d’artisans membres du CMA à réaliser des produits dérivés pour un musée. On
constate qu’ils sont deux fois plus nombreux à avoir réalisé des cadeaux corporatifs
plutôt que des produits pour les musées. Le travail des artisans est généralement
coûteux et non compétitif sur le marché des objets manufacturés.
¾ Par des intermédiaires industriels dont les productions sont plus rentables et
compétitives pour des produits moyens ou bas de gamme. Les tirages seraient limités
selon les produits.
2
Claudine Auger et Laurent Lapierre, L’industrie des métiers d’art au Québec, Cours de marketing, HEC, 2004,
http://www.managementculturel.com/seminaire.asp?page=5&section=6&seminaire=lapierre5.
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La SMQ s’est également interrogée sur la pertinence d’un bureau d’achat afin de déterminer le
fonctionnement le plus opérationnel pour l’ensemble des intervenants. Le regroupement des
commandes laisse présager à première vue un meilleur pouvoir de négociation. Le bureau
d’achat offrirait des services développés autour de deux axes possibles :
¾ Le développement d’une marque avec plusieurs lignes;
¾ L’approvisionnement des boutiques en lignes de produits.
Les ressources de la SMQ ne lui permettent pas d’assurer un tel service à court terme. Le
bureau d’achat géré en impartition donnerait la responsabilité des achats à une entreprise
extérieure. Une telle collaboration nécessiterait une association avec des spécialistes en
marketing et en développement de produits dérivés. L’avantage de l’impartition reposerait sur
l’identification de fabricants (artisanaux et industriels) et le développement de partenariats avec
eux. De plus, la collaboration avec les gestionnaires de boutique serait nécessaire pour
l’élaboration d’un portefeuille de produits cohérent et correspondant aux goûts du marché.
Pour élaborer une stratégie de mise en marché, la SMQ aurait besoin d’approfondir l’analyse
des chiffres des boutiques de musée afin d’élaborer de manière détaillée des prévisions de
vente, le potentiel et la mise en marché des produits. Tous les scénarios, que ce soit celui du
développement d’une ligne de produits dérivés, la création d’un bureau d’achat en impartition ou
à l’interne de la SMQ, impliquent une participation financière d’une masse critique d’institutions
qui, si minime soit elle, pose problème dans le contexte actuel de sous-financement.
Conclusion
La SMQ a réalisé, en menant ce projet de recherche, une avancée importante. En effet, elle
n’avait jamais cumulé autant d’informations et de données qui lui fournissent une vue
d’ensemble du secteur plus juste qu’auparavant. Elle est parvenue à prendre le pouls des
gestionnaires de boutiques, des producteurs de produits et des consommateurs.
Cependant, malgré les multiples signaux positifs recueillis, la précarité du contexte actuel des
musées diminue leur capacité d’investissement pour développer une ligne de produits dérivés.
Ils ne disposent pas pour le moment de la marge de manœuvre nécessaire pour aller de l’avant
avec ce projet. Les perspectives d’action de la SMQ sont donc limitées à court terme, d’autant
plus qu’elle doit recueillir l’adhésion d’un nombre suffisant de musées et recevoir un mandat clair
en ce sens de leur part. Bref, dès que les institutions muséales québécoises pourront passer en
mode de « développement », la SMQ pourra envisager une mise en application des résultats de
l’étude menée en 2004.
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