LA FEUILLE ROUGE - N°552 avril 2009
Comité de rédaction : E. Molva, J. Planès (DIR), P. Dalmas de Réotier (SPSMS), L. Dubois (SCIB), S. Lyonnard (SPRAM),
G. Prenat (SPINTEC), R. Vallcorba (SBT), P. Warin (SP2M) - Mise en page : M. Benini (DIR) tél. 04 38 78 36 33
INSTITUT NANOSCIENCES ET CRYOGÉNIE
Commissariat à l’Énergie Atomique - Direction des Sciences de la Matière - Centre de Grenoble - inac.cea.fr/feuille_rouge
Une des pistes de recherche les plus fasci-
nantes pour l’électronique du futur vise à utiliser
les électrons non plus pour leur charge élec-
trique mais pour leur spin. Ce spin, qui forme
un système quantique à deux niveaux, pourrait
en effet se prêter à un traitement quantique de
l’information. Alors que les charges électriques
sont sujettes à l’interaction électrostatique à
longue portée (interaction de Coulomb), les
spins électroniques interagissent moins entre
eux. Leur temps de cohérence est donc relative-
ment long, ce qui en fait des candidats promet-
teurs pour des qubits.
A ce jour, les expériences ont principa-
lement concerné des boîtes quantiques d’ar-
séniure de gallium. Cependant, du fait d’un
couplage spin-orbite relativement fort et d’effets
de relaxation induits par un couplage du spin
de l’électron avec les spins des noyaux de Ga
et d’As, le temps de cohérence reste assez court
(environ 30 ns). Nous nous sommes donc tour-
nés vers le SiGe pour lequel le couplage avec
les spins nucléaires est bien plus faible. Avant
d’agir sur le spin des électrons, il est nécessaire
de préparer une boîte quantique de ce maté-
riau, et d’y adjoindre un dispositif permettant
de contrôler le nombre de porteurs de charge
qu’elle contient.
Ilots auto-assemblés de SiGe
Le silicium et le germanium ont des para-
mètres de maille suffisamment différents pour
qu’un film mince de Ge déposé par épitaxie sur
un substrat de Si ne soit pas stable. Le système
minimise son énergie élastique en fabriquant
spontanément des îlots de SiGe à la surface.
C’est ainsi que nos échantillons sont fabriqués
à l’institut Max Planck de Stuttgart.
Pour contrôler le nombre d’électrons dans
la boîte quantique que constitue l’îlot, il faut
déposer des électrodes - ici en aluminium - qui
formeront le drain et la source d’un transistor
(Fig. 1). Cette opération est effectuée à la
Plateforme Technologique Amont. Pour la grille,
nous avons emplo une méthode originale
qui remplace les dépôts successifs d’un isolant
et d’un conducteur au-dessus de la boîte. Le
substrat de croissance des îlots est un silicium
sur isolant (SOI) qui sert aussi de grille arrière
(la tricouche Si/SiO
2
/Si sur le schéma de la
Fig. 1). Notre SOI est préparé spécialement par
le Leti à partir de silicium fortement dopé, car le
SOI standard est insuffisamment conducteur à la
température de fonctionnement du dispositif.
Diamants de Coulomb
Ces mesures doivent en effet être effec-
tuées à basse température afin que l’agitation
thermique des porteurs de charge, qui sont ici
des trous, ne vienne pas brouiller les résultats.
La figure 2 montre la conductance entre drain
et source en fonction de la tension drain-source
et de la tension de grille. Il s’agit en fait de
la conductance différentielle mesurée autour
d’une tension de polarisation donnée entre
drain et source. La figure obtenue, qui dessine
les diamants de Coulomb, est la signature du
phénomène de blocage de Coulomb (encart).
A partir du centre de la figure, le franchissement
d’une ligne de haute conductance correspond
à l’ajout ou au retrait d’un porteur de charge
dans l’îlot. Ces mesures donnent également
accès aux niveaux d’énergie des porteurs dans
la boîte quantique. La prochaine étape, qui
ouvrira la voie pour la manipulation des spins,
consistera à mesurer précisément le facteur de
Lande ces niveaux.
Contact : Georgios Katsaros – SPSMS [email protected]
information quantique
TRANSPORT DE TROUS DANS UNE BOÎTE QUANTIQUE DE SiGe
A partir d’un îlot auto-assemblé de SiGe, nous avons fabriqué un dispositif dans lequel nous contrôlons précisément le nombre de porteurs
de charge. Grâce aux propriétés du matériau utilisé, ce dispositif va nous permettre de manipuler le spin de ces porteurs dans des conditions
inégalées.
Blocage de Coulomb
Le blocage de Coulomb est à la répulsion
coulombienne que ressent, par exemple, un
électron lorsqu’il s’approche d’un objet de petite
dimension déjà chargé négativement. Il s’ob-
serve lorsque l’énergie nécessaire pour rajouter
un électron dans cet objet est grande, et plus
précisément supérieure à l’énergie thermique.
Compte tenu des dimensions de nos boîtes, nous
devons nous placer à basse température pour
observer cet effet.
Fig. 1. Image en microscopie électronique à balayage
du dispositif. L’îlot de 80 nm de diamètre, constituant
la boîte quantique, est connecté à des électrodes en
aluminium (barre d’échelle : 200 nm).
Fig. 2. Conductance différentielle de
notre dispositif, mesurée à 16 mK, en fonc-
tion des tensions drain-source et de grille.
Le fond très sombre correspond à une
conductance nulle, les zones colorées à
une conductance élevée. Fixons la tension
de grille à 5,3V (flèche jaune); la conduc-
tance différentielle reste très faible tant que
la tension de polarisation drain-source
est inférieure à 15mV environ. Pour cette
valeur un porteur passe de l’îlot à l’élec-
trode ou réciproquement.
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