Texte, conception, réalisation : Magali & Claude CHARPENTIER, Michèle GOZARD - Edition 2004
Le géant Encelade enterré sous l’Etna.
Gravure du 17e s.
DU VOLCAN ET DES HOMMES
Poètes, chroniqueurs et savants ont depuis toujours témoigné de l’histoire de l’Etna,
qui fascine et qui fait peur.
L'ETNA , HAUT LIEU DE LA MYTHOLOGIE
Les Grecs y ont situé les forges du dieu du Feu, Héphaïstos, le disgracié, rejeté par
sa mère Héra et qui, habile et ingénieux, forge à coup de marteau sur l’enclume la
foudre de Zeus et les armes des héros de légende.
C’est aussi la demeure des Cyclopes, ses compagnons (géants dont l’oeil unique et
rond rappelle le cratère de l’Etna) qui hurlent et lancent des rochers (cf.“L’Odyssée”).
Chaque fois qu’ils battent le fer dans leur fournaise,le feu jaillit du volcan.
Selon Virgile, le géant Encelade,qui s'était révolté contre les dieux, fut enterré sous
l'Etna par Athéna. Les séismes sont ses soubresauts, les grondements sa voix et les
éruptions sa respiration brûlante.
CHRISTIANISME ET SUPERSTITION
Il y a en Sicile une relation magique avec l’Etna, craint et vénéré encore aujourd’hui,
et la fertilité extraordinaire de la terre des plaines environnantes n’explique peut-
être pas tout l’attrait qu’il exerce. Pour se protéger des colères du géant, les hom-
mes établis au pied du volcan ont recours à leur saint patron. Des processions,
empreintes de superstition, sont plus où moins suivies d’effet : ainsi Catane fut épar-
gnée en 253, un an après son martyre, sur la présentation des reliques de sainte
Agathe, mais en 1669, le miracle ne se renouvela pas ; pas plus qu’en 1928 la statue
de saint Léonard n'arrêtera la coulée qui détruisit Mascali, sur la pente Est.
L’ETNA ET LA SCIENCE
Dès le 5e s. av JC des hommes ont tenté d’expliquer les phénomènes volcaniques.
C’est le cas d’Empédocle pour qui le monde est régi par quatre éléments : l’eau, l’air,
la terre et le feu souterrain. C’est pour étudier ce dernier qu’il serait monté sur
l’Etna ; sans réponse à ses questions, il se serait jeter dans le cratère...
Des Romains comme Lucrèce, Ovide,Vitruve ont chacun donné leur interprétation
de l’activité de l’Etna (rappelons qu’à leur époque le Vésuve n’avait pas encore fait
parler de lui !).
Il faut attendre le 17e siècle pour que les observations deviennent plus rigoureuses.
De nos jours l’Etna est un véritable “volcan laboratoire” pour des volcanologues du
monde entier qui viennent y tester leurs techniques d'analyse et de prévisions.
ETNA ET TOURISME
La fascination qu’exerce l’Etna sur les hommes se traduit aussi dans le domaine tou-
ristique.
Dès le 17e siècle, l’ascension de l’Etna pour assister au lever du soleil est l’une des
étapes obligées du voyage en Italie. Goethe, Alexandre Dumas, Maupassant, entre
autres, l’ont effectuée.
De nos jours des randonnées permettent de découvrir le vaste parc naturel créé il y
a une quinzaine d’années pour protéger l’ensemble du massif en altitude.
Vivre près d’un volcan change-t-il la
façon de concevoir la vie ?
“Ces trois volcans (Etna, Vulcano, Stromboli),
dont l’activité est continue et d’où, de
temps à autre jaillit une éruption meurtriè-
re, non seulement ont excité l’imagination
des Anciens et alimenté leurs mythes (les
forges d’Héphaïstos, la mort d’Empédocle,
l’enlèvement de Perséphone, les royaumes
souterrains de Pluton), ils influent aussi,
par le profil trop bien découpé de leur cône,
par le panache qui en couronne en perma-
nence leur faîte, sur la manière de sentir et
de penser des Siciliens. Ajoutons à cette
menace incessante la crainte des tremble-
ments de terre [...], et l’on admettra que
l’insécurité géologique de l’île n’est pas
sans conséquence sur le tempérament, la
“psychologie” des habitants.
Conviction que la vie, toute vie, est précaire
; goût de l’émotion vive, qui s‘épuise dans
l’instant ; difficulté à construire, à prévoir,
à tirer des plans sur l’avenir ; répugnance à
l’épargne ; hâte à dépenser ; intensité dans
la jouissance du présent ; goût de l’orne-
mentation voyante ; attrait pour un art, le
baroque, qui exalte le précaire, le fugace,
l’instable : il n’y a rien, dans le système éco-
nomique des Siciliens comme dans leurs pré-
férences esthétiques, qui ne puisse se ratta-
cher à la grande inquiétude tellurique dont
ils ne sont jamais quittes. A tout moment,
la terre risque de manquer sous leurs pieds,
ou le feu de se déverser sur leur tête. Quel
sentiment de l’existence peut-on avoir dans
ces conditions ? Dramatique, tourmenté,
excessif, explosif, volcanique, tout, sauf
bourgeois.”
Dominique FERNANDEZ,
Palerme et la Sicile,1998
UNE LUTTE INÉGALE
Le 15 décembre 1991, une fissure s’ouvre à 2300m dans la Valle del Bove. Deux jours
plus tard, la lave atteint les 1600 m. A Noël, la coulée menace le village de
Zafferana. Son débit est estimé à 1 million de m3par jour. Face à cette situation, les
autorités décident d’édifier une immense digue de terre pour détourner la coulée.
Quatre mois plus tard elle est engloutie. On construit d’autres barrages à la hâte.
On tente même d’obstruer le tunnel de lave avec de gros blocs de béton déposés par
hélicoptère ! Rien n’y fait, le volcan continue d’épancher sa lave. Le 30 mars 1993,
la coulée s’arrête enfin, faute d’être alimentée : on estime son volume à 240
millions de km3, ce qui en fait la plus abondante depuis 300 ans.
Cette intervention humaine, la première d’une telle ampleur, fut très critiquée.
Camions, pelleteuses, création de pistes, hélicoptères, abattage d’arbres, déplace-
ment de beaucoup de terre, etc. ont crée beaucoup de dégâts, sans doute plus que
la coulée elle-même. Et ils ont coûté bien plus cher !
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