L’art de comprendre la lumière, l’un des plus grands ateliers de la création scientifique Libero Zuppiroli et Marie-Noëlle Bussac Auteurs du Traité de la lumière, et du Traité des couleurs. Du rayon lumineux à l’onde Les problèmes que pose la lumière dans les zones de l’espace où elle est invisible Ibn Sahl (985) Loi de Descartes ou de Snell ? • 1011-1021 Ibn al-Haytham, al Mamazir • Début du 13e siècle traduction latine, de Aspectibus. • 1572 Bâle, traduction latine, Opticae Thesaurus. • 1604, Kepler. • 1637, Descartes Dioptrique. • 1704, Newton Optiks. • 1er siècle, Héron d’Alexandrie Loi de la réfraction La démonstration de l’Arabe Alhazen, reprise par Kepler, Descartes puis Newton est fausse. Elle suppose en effet que la lumière voyage plus vite dans les « corps denses » que dans les « corps rares». En 1662, Pierre de Fermat démontre la « bonne » loi de la réfraction en utilisant « le principe si commun et si établi que la nature agit toujours par les voies les plus brèves. » • • • • • La nature ne fait rien en vain, Héron d’Alexandrie (1er siècle) La nature agit toujours de la façon la plus brève possible, Robert Grosseteste (1170-1253) Tout ce qui est superflu déplait à Dieu et à la nature, Dante (1265-1321) Ô merveilleuse nécessité, toi dont la raison suprême oblige tous les effets à dériver directement de leurs causes, toute action naturelle t’obéit par la voie la plus brève, en vertu d’un principe irrévocable, Leonardo da Vinci (14521519) Enfin dans cette étude du mouvement accéléré nous avons été conduits comme par la main, en observant la règle que suit habituellement la nature dans toutes ses opérations où elle a coutume d’agir en employant les moyens les plus ordinaires, les plus simples, les plus faciles, Galileo Galilei (1638) Principe du moindre temps La démonstration de Pierre de Fermat fonctionne, elle est pourtant basée sur « le principe si commun et si établi que la nature agit par les voies les plus brèves » qui est faux, comme le montre le contrexemple cicontre. Pour comprendre la démonstration de Fermat, il nous faudrait supposer un effet de mémoire Pour que la lumière réfractée puisse être identifiée à un mobile qui passe par deux milieux différents et cherche à achever son mouvement le plus tôt qu’il pourra, il faut supposer qu’en tous points de son parcours la lumière transporte avec elle une information qui intègre tout son mouvement passé. Cette information n’apparaît nulle part dans la théorie des rayons (elle fut identifiée plus tard comme la phase de l’onde). De plus au principe de moindre temps il faudra substituer l’hypothèse de la phase stationnaire. Née avec Hooke (1665) Huygens (1690) et Euler (1746), la théorie ondulatoire proprement dite a dû se confronter au fait que la lumière se propage en ligne droite alors que le son, bien connu comme onde mécanique est capable de prendre des virages. Ces virages existent bien pour la lumière, mais ils sont difficiles à voir dans la vie courante. Voir Grimaldi (1665). Diffraction au voisinage des dents d’une scie (Maurice Françon) Trois disques de quelques dizièmes de millimètres de diamètre (Maurice Françon) En lumière blanche, la diffraction révèle d’étranges phénomènes colorés Figure 446 du traité de Thomas Young: Lectures on Natural Philosophy de 1802 En lumière blanche, diffraction (et interférences) révèlent d’étranges phénomènes colorés Retour sur le « principe »de Fermat • Tous les parcours lumineux possibles qui vont d’un point à un autre sont accompagnés d’ondes qui interfèrent entre elles. • On montre que toutes ces interférences sont destructives, sauf le long des parcours de phase stationnaire, qui, dans les cas simples, correspondent au temps de parcours extrémal (temps minimal ou maximal). • Le rayon lumineux transporte donc bien une mémoire de sa propagation: c’est la phase de l’onde. • En fait l’hypothèse de Fermat n’est pas un principe mais une conséquence du « principe » de Huygens-Fresnel qui contient l’optique des rayons dans la limite des faibles longueurs d’ondes (Traité de la lumière pp. 441-443). « Il y encore à considérer dans l’émanation de ces ondes, que chaque particule de la matière dans laquelle une onde s’étend, ne doit pas communiquer seulement son mouvement à la particule prochaine, qui est dans la ligne droite tirée du point lumineux ; mais qu’elle en donne nécessairement à toutes les autres qui la touchent et qui s’opposent à son mouvement. De sorte qu’il faut qu’autour de chaque particule il se Fasse une onde dont cette particule soit le centre. » Christiaan Huygens, Traité de la lumière (1690) Le principe de Huygens de 1690 contient quelques difficultés que même Fresnel n’a pas réussi à démêler En partant d’une équation d’onde, même avec un champ scalaire classique, Kirchhoff démontre en 1882 une équation de la diffraction plus générale que celle de Fresnel. Les difficultés concernant le rayonnement émis vers l’arrière disparaissent. Par la même occasion Kirchhoff démontre que le principe de Huygens n’est pas un principe, mais une simple conséquence de l’équation d’onde et des conditions aux limites (Traité de la lumière, pp. 438 à 440). « Ces signes auraient-ils été tracés par la main d’un Dieu? » Citation de Ludwig Boltzmann à propos des équations de Maxwell écrites en 1865 pour décrire la propagation d’un champ électromagnétique dans l’éther (ici sans charges ni courants). Le caractère particulièrement exceptionnel de ces équations provient du fait qu’elle sont valables à toutes les échelles, ainsi que dans tous les repères. (Photographie Christiane Grimm) En 1892, Lorentz développe un modèle moléculaire de la matière avec charges et courants. Il démontre que, moyennés sur un volume grand par rapport aux distances moléculaires, les champs microscopiques vérifient les équations macroscopiques sans charges ni courants. Lorentz ne renonce pas pour autant au concept d’Ether (Traité de la lumière pp. 375-381). Monde microscopique avec charges et courants Monde macroscopique : équations de l’optique dans un milieu matériel Les effets de la polarisation du champ électromagnétique (photographie Christiane Grimm) De l’onde lumineuse au photon Les problèmes que pose la lumière là où elle interagit avec la matière • Les échanges énergétiques entre lumière et matière ne peuvent avoir lieu que par quanta (Planck (1900), Einstein (1905), Bohr (1913)). Ces quanta sont-ils des photons, c’est-à-dire résultent-ils de la quantification du champ électromagnétique ? • Les théories de l’absorption optique ou de l’émission stimulée ne demandent pas la quantification du champ. Un champ classique introduit comme paramètre dans un hamiltonien quantique de la matière, suffit à rendre compte de l’absorption ou de l’émission résonante par quanta. • Seule l’émission spontanée nécessite la quantification du champ électromagnétique c’est-à-dire l’apparition de fluctuations de point zéro des différents modes du champ. L’exemple du cristal photonique (Yablonovitch,1987) et de l’effet Casimir (1948) en apportent des preuves flagrantes. (Traité de la lumière 58, 245-248, 388-406) Conclusion : les sources de la créativité en sciences de la lumière. • • • • • • • • • • Ibn al Haytham (1015) s’est trompé, Kepler (1604) s’est trompé, Descartes (1637) s’est trompé, Fermat (1662) s’est trompé, Huygens (1690) s’est trompé, Newton (1704) s’est trompé, Fresnel (1815) s’est trompé, Maxwell (1865) s’est trompé, Kirchhoff (1882) s’est trompé, Lorentz (1892) s’est trompé,etc. Le principe de Fermat, n’en est pas un, celui de HuygensFresnel non plus et les quanta de lumière proviennent principalement de la quantification de la matière.