Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 À l’occasion des vingt ans de la création d’ACTIRIS, l’Observatoire bruxellois de l’Emploi synthétise dans ce document les principales évolutions de l’emploi et du chômage à Bruxelles. Ce document met en évidence les transformations du contexte socioéconomique ainsi que ses incidences sur le marché de l’emploi. Il relève en particulier les défis liés à un chômage important et à une dualisation sociale marquée. La situation de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC) est spécifique dans la mesure où elle est simultanément l’une des trois régions du pays et une ville-région, ce qui fait d’elle l’une des plus petites régions d’Europe avec une très grande densité de population. Bruxelles est également la capitale de la Belgique, des Communautés française et flamande. Elle accueille aussi en son sein de nombreuses institutions européennes ainsi que de multiples organisations internationales. Ces différents rôles ont des répercussions importantes sur les caractéristiques de l’emploi et l’attrait qu’elle exerce sur une main-d’œuvre provenant d’horizons variés. Le fait que le territoire de la Région bruxelloise soit limité entraîne des liens économiques et sociaux très étroits entre la Région et son hinterland. Les limites institutionnelles de Bruxelles ne correspondent donc pas à ses limites socioéconomiques. Dès lors, on s’intéressera tantôt à l’entité politique et administrative de la Région de BruxellesCapitale, tantôt à la zone urbaine élargie, englobant la Région bruxelloise et sa banlieue, soit la zone métropolitaine bruxelloise (ZMB). Paradoxe urbain : dichotomie entre l’évolution économique et l’évolution sociale La situation de la zone métropolitaine bruxelloise illustre le phénomène qu’on appelle le « paradoxe urbain ». En effet, les grandes métropoles européennes, dont Bruxelles, sont redevenues les moteurs de la croissance de l’Union européenne. Néanmoins, cette richesse créée ne se traduit pas nécessairement dans la réduction de la fracture sociale. Malgré une forte concentration des emplois en ville, une partie importante des résidents peut être exclue de cette richesse. En effet, la Région de Bruxelles-Capitale compte parmi les régions les plus riches d’Europe en termes de PIB par habitant et affiche, simultanément, un taux de chômage très élevé (17,1%, cf. page 5) contribuant à la paupérisation d’une part croissante de sa population. Ce paradoxe de la ville, productrice de richesse et de pauvreté, est encore plus accentué en Région de Bruxelles-Capitale lorsqu’on examine les clivages socioéconomiques en son sein. Au cours des dix dernières années disponibles (19972006), le taux de croissance économique dans la zone métropolitaine bruxelloise a été de 2,8% par an (avec cependant une croissance davantage marquée dans la périphérie), soit une performance supérieure à celle observée en Flandre (2,1%) et en Wallonie (1,9%). À partir de la seconde moitié des années nonante, la zone métropolitaine bruxelloise a connu un essor économique important sous les effets conjugués des facteurs suivants : Ð le développement des secteurs d’activité les plus qualifiés de l’économie (services aux entreprises, finances, haute administration, services non marchands, …) ; Ð l’élargissement de l’Union européenne à 27 États membres, renforçant sa vocation internationale ; Ð le développement très marqué de sa périphérie ; Ð les dynamiques démographiques qui ont entraîné une hausse importante de la population. Néanmoins, ces bonnes performances économiques ont eu peu d’impact sur la résorption du chômage en Région bruxelloise, en particulier au sein de ses quartiers centraux. Le marché du travail bruxellois se distingue donc par l’effet des dynamiques démo- graphiques et économiques qui minorent les performances réelles de la région au bénéfice de sa périphérie, sous les effets conjugués de la navette entrante et de l’exode urbain. Encadré 1 : Dynamisme économique En 2006, Bruxelles contribue pour 19,1% de la valeur ajoutée du pays. En termes de richesse produite par habitant, elle constitue de loin la première région du pays et une des premières régions d’Europe. Elle occupe, parmi les régions européennes, la troisième position au classement du PIB par habitant. Il convient de noter cependant que le niveau du PIB par habitant est fortement influencé par les flux de navettes. Les arrivées nettes de navetteurs accroissent la production à un niveau qui ne pourrait être atteint par la seule population active résidante. Le graphique ci-dessous indique qu’entre 2004 et 2007, le taux de croissance du nombre de nouvelles entreprises est systématiquement plus élevé en Région bruxelloise que dans les deux autres régions du pays. Figure 1 : Taux de croissance du nombre de nouvelles entreprises par Région 20 15,8 en % 15 13,1 11,2 12,5 10 11,6 9,7 7,0 10,1 10,1 9,0 9,8 5,9 5 0 2004 2005 Région de Bruxelles-Capitale 2006 Région flamande 2007 Région wallonne Sources : Unizo, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Le baromètre des « villes d’affaires européennes » (Cushman & Wakefield) indique qu’en 2008 Bruxelles se positionne en 4e position parmi les métropoles les plus attractives d’Europe, après Londres, Paris et Francfort. Bruxelles occupe une position stratégique par rapport aux autres grandes villes européennes. Premier bassin d’emploi du pays : 680.000 emplois Le poids relatif de la région dans l’emploi intérieur national est très important puisqu’il s’élève à près de 16%, soit 680.000 emplois, alors qu’un peu moins de 10% de la population belge habite la région et que celle-ci représente 0,5% de la superficie du pays. En considérant la zone métropolitaine, on comptabilise un volume total de 1.170.000 emplois, représentant 26,7% de l’emploi du pays tandis que 23,2% de la population y réside. La notion d’emploi intérieur se rapporte donc à l’ensemble des emplois situés en Région de BruxellesCapitale, qu’ils soient ou non occupés par des résidents bruxellois. Cette notion d’emploi intérieur est à distinguer de la notion de population active occupée bruxelloise qui informe, quant à elle, de 2 l’occupation des Bruxellois indépendamment de leur lieu de travail. Ces deux concepts, ainsi que le phénomène de la navette, sont éminemment cruciaux dans la problématique de l’emploi à Bruxelles. Le schéma suivant reprend ces deux notions. L’emploi intérieur s’élève donc à 680.000 postes de travail, dont plus de la moitié est occupée par des résidents des deux autres régions (soit un taux de navette entrante de 52,7%). En s’intéressant à l’ensemble de la zone métropolitaine, le taux de navette entrante passe de 52,7% à 25%. D’autre part, la population active occupée bruxelloise s’élève à 377.000 personnes dont 84% travaillent en Région bruxelloise, 10,5% en Région flamande et 4,3% en Région wallonne. Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 Figure 2 : Emploi intérieur et population active occupée : Région de Bruxelles-Capitale (1989-2007) Emploi intérieur Navette entrante Population active occupée bruxelloise Postes de travail en RBC 1989 : 602.000 2007 : 680.000 + 12,9% Bruxellois occupés en RBC 1989 : 281.000 2007 : 321.000 + 14,2% Navette sortante 1989 : 32.000 2007 : 56.000 + 78,3% 1989 : 321.000 2007 : 359.000 + 11,7% Sources : SPF Économie – DGSIE (EFT), calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Encadré 2 : Région de Bruxelles-Capitale et zone métropolitaine bruxelloise Dans le cadre de ce document, la zone métropolitaine bruxelloise comprend la Région bruxelloise, la province du Brabant flamand et celle du Brabant wallon. La zone urbaine élargie couvre donc l’ancienne province du Brabant. Plus fréquemment, on considère que la métropole bruxelloise correspond plutôt aux territoires de la Région bruxelloise, du Brabant wallon et de l’arrondissement d’Hal-Vilvorde (partie de la province du Brabant flamand). Néanmoins, le découpage provincial offre l’avantage de couvrir une zone dans laquelle un plus grand nombre de données sont disponibles auprès d’Eurostat (Nuts-2), permettant des comparaisons internationales. Figure 3 : Indicateurs socioéconomique de la Région bruxelloise et de sa zone métropolitaine UE 27 Superficie : 4.376.780 km² Pop. : 495.000.000 hab. Emploi : 219.000.000 Taux d’emploi : 65,4% Taux de chômage : 7,1% Belgique Superficie : 30.528 km² Pop. : 10.584.534 hab. Emploi : 4.380.278 Taux d’emploi : 62,0% Taux de chômage : 7,5% Région de Bruxelles-Capitale Superficie : 161 km² (0,5%) Pop. : 1.031.215 hab. (9,7%) Emploi : 679.889 (15,5%) Taux d’emploi : 54,8% Taux de chômage : 17,1% Zone métropolitaine bruxelloise Superficie : 3.358 km² (11%) Pop. : 2.454.142 hab. (23%) Emploi : 1.170.466 (26,7%) Taux d’emploi : 60,6% Taux de chômage : 9,6% Sources : Eurostat, carte Institut Géographique National, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 3 Des emplois très exigeants en termes de qualification La désindustrialisation de Bruxelles et le développement d’une économie axée sur les services ont eu comme répercussion une accentuation de la spécialisation spatiale de la région. Le tertiaire représente aujourd’hui près de 90% de l’emploi. Plus de la moitié des emplois à Bruxelles sont occupés par des personnes ayant un diplôme d’études supérieures ou universitaires (53%). À titre de comparaison, la part de ces emplois s’élève à 38% au niveau de la Belgique et à 26% au niveau de l’UE. Ce phénomène de la hausse de la qualification se retrouve également dans la plupart des régions européennes, mais est plus accentué dans les grandes villes à caractère international. La proportion d’emplois occupés par des travailleurs diplômés du supérieur s’élève à 55% dans Inner-London, correspondant au noyau urbain (46% pour le grand Londres) 43% pour l’Île-deFrance et 42% à Berlin. Figure 4 : Proportion de diplômés du supérieur dans l’emploi - 2007 5 5 ,0 % Inner-Lo ndo n 5 3 ,0 % RB C 4 8 ,0 % ZM B 4 3 ,0 % P aris B erlin 4 2 ,0 % B elgique 3 7 ,9 % UE-27 2 5 ,9 % 0% 20% 60% Sources : Eurostat, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Figure 5 : Évolution de l’emploi intérieur selon le niveau de qualification entre 1989 et 2007 (en milliers) 400 360 300 202 200 + 62% 222 200 178 119 100 Entre 1989 et 2007, le nombre de travailleurs à faible qualification a diminué en Région bruxelloise de 41% alors que le nombre de travailleurs à certification élevée a augmenté de 62%. Les secteurs d’activité les plus qualifiés de l’économie ont connu une hausse marquée à Bruxelles. 40% - 4 1% 0 1989 Inférieur 2007 M o yen Supérieur Sources : SPF Économie -– DGSIE (EFT), ONSS, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Recomposition de l’emploi Les cinq secteurs d’activité qui regroupent le plus de main-d’œuvre en Région bruxelloise sont, par ordre décroissant : l’administration publique (15,9%), les services aux entreprises (12,7%), les activités financières (10,2%), le commerce (9,4%) et le secteur de la santé et de l’action sociale (9,4%). Ces cinq secteurs représentent près de 60% de l’emploi. Si la croissance de l’emploi a été plus modérée en Région de Bruxelles-Capitale que dans sa périphérie ou dans le reste du pays, on a néanmoins assisté à une recomposition importante de celui-ci. Trois secteurs 4 d’activité ont connu une diminution conséquente de l’emploi salarié : l’industrie, la construction et le commerce de gros (sous la pression de la délocalisation de ces activités en périphérie). Par contre, les secteurs constituant les principaux moteurs de la croissance de l’emploi bruxellois sont, par ordre décroissant : la santé et l’action sociale, l’hôtellerie et la restauration, les services collectifs, l’administration, les services aux entreprises, les activités financières, les télécommunications et l’éducation. Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 Figure 6 : Caractéristiques de l’emploi intérieur en Région de Bruxelles-Capitale - 2007 2007 En % Var. 1997-2006 % Femmes Niveau d’études Faible Moyen Élevé 19,8 29,8 50,4 % Bruxellois Industrie 44 321 6,5 -20,1 31,0 Construction 26 751 3,9 -6,6 10,7 40,7 40,8 18,4 63,2 33,7 Commerce 64 050 9,4 -3,9 47,1 30,5 40,8 28,7 53,4 Hôtellerie et restauration 26 548 3,9 +31,8 38,7 35,6 42,0 22,5 73,4 Transports et communications 49 991 7,4 +8,9 26,2 20,7 37,4 41,9 33,0 Activités financières 69 082 10,2 +1,5 45,7 6,0 25,4 68,6 24,6 Services aux entreprises 97 213 14,3 +12,7 43,8 15,6 21,1 63,3 54,9 Administration publique 108 063 15,9 +14,4 46,2 16,6 37,0 46,4 35,4 Éducation 49 959 7,3 +11,5 68,1 9,3 16,5 74,1 52,6 Santé et action sociale 63 781 9,4 +33,7 70,9 12,5 24,0 63,4 59,9 Services collectifs 41 630 6,1 +24,9 44,3 16,1 26,5 57,4 54,4 Divers 38 498 4,7 .. 50,5 8,9 17,9 73,2 61,3 Total 679 889 100,0 +8,2 45,5 17,5 29,5 53,0 47,3 Sources : SPF Économie – DGSIE (EFT), ONSS, Calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Le chômage en Région bruxelloise : un défi De nombreuses villes européennes sont confrontées à une augmentation importante des disparités économiques et sociales sur leur territoire : aggravation du chômage, accroissement de la pauvreté, confinement de groupes sociaux défavorisés dans des zones de pauvreté… Figure 7 : Évolution du taux de chômage en RBC, dans la ZMB, en BE et dans l’UE-27 20 16 17 ,1 Un taux de chômage de 17,1% en Région bruxelloise, mais de 9,6% pour la zone métropolitaine 13 ,9 12 9 ,2 8 4 circonstanciée du chômage. La comparaison brute avec d’autres régions, si elle satisfait au cadre institutionnel, n’en est pas moins d’une pertinence limitée au vu des spécificités de la Région bruxelloise. Le rôle institutionnel de Bruxelles, le caractère exigu et extrêmement ouvert du marché de l’emploi bruxellois ainsi que l’attrait qu’exerce Bruxelles sur les travailleurs a pour effet que les employeurs recrutent fréquemment en dehors de ses frontières. 9 ,6 7 ,5 7 ,2 8 ,1 7 ,0 0 2000 2001 2002 RB C 2003 ZM B 2004 2005 BE 2006 2007 UE-27 Sources : Eurostat, EFT, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Remarque : Il s’agit du taux de chômage Eurostat, établi à partir de l’Enquête sur les Forces de Travail fournissant des données sur le chômage au sens BIT et permettant les comparaisons internationales La Région bruxelloise n’y échappe pas. Entre 2000 et 2007, le nombre de chômeurs BIT a augmenté de 40%. En termes de taux de chômage BIT, la Région bruxelloise est passée de 13,9% à 17,1%. Les particularités socioéconomiques de la zone métropolitaine bruxelloise plaident pour une analyse Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 En examinant le chômage dans l’ensemble de la zone métropolitaine bruxelloise, on constate des écarts importants entre Bruxelles et sa périphérie. En 2007, le chômage bruxellois frappe 17,1% de la population active alors qu’en périphérie, le taux de chômage s’élève à 4,3% (3,4% dans le Brabant flamand et 7,0% dans le Brabant wallon). Cette différence très marquée indique une polarisation socio-spatiale importante entre Bruxelles et sa périphérie. En outre, cette ségrégation spatiale se retrouve également au sein même de la Région bruxelloise (cf. encadré 5). Le taux de chômage BIT pour l’aire métropolitaine bruxelloise se situe donc à un niveau intermédiaire, soit à 9,6% ou à deux points de la moyenne nationale (7,5%). 5 Encadré 3 : Chômage administratif et comparaison entre les grandes villes belges À côté des données issues de l’Enquête sur les Forces de Travail (Eurostat), qui fournit des données sur le chômage au sens BIT permettant des comparaisons internationales, on dispose également de données obtenues à partir de l’inscription des personnes auprès des organismes régionaux de placement. Dans le cas de la Région de BruxellesCapitale, il s’agit des personnes inscrites auprès d’ACTIRIS en tant que demandeurs d’emploi inoccupés (DEI). Ces données ne permettent pas de comparaisons internationales, mais bien au niveau de la Belgique et sont, en outre, plus précises et plus récentes. En moyenne annuelle 2008, on enregistre 92.114 demandeurs d’emploi inoccupés (DEI) en Région bruxelloise, correspondant à un taux de chômage administratif de 19%. Le nombre de DEI a diminué de 1,7% en 2008 par rapport à 2007. La diminution est plus prononcée chez les jeunes DEI (-4,5%) ainsi que dans les classes d’âge intermédiaire c’est-à-dire parmi les 25 à 50 ans (-2,9%). Le graphique suivant donne les variations annuelles du chômage selon les principales classes d’âge. Les données toutes récentes de 2009 indiquent quant à elles une recrudescence du chômage en Région bruxelloise suite aux effets de la crise économique. En février 2009, on enregistre une hausse de 5% des DEI en variation annuelle. Figure 8 : Évolution du nombre de chômeurs en RBC selon la classe d’âge - 2000 à 2008 (variation annuelle en %) 15 10 5 0 -5 -10 -15 2000 2001 2002 2003 2004 < 25 ans 2005 25-49 ans 2006 2007 2008 2009 50 ans et + Sources : ACTIRIS, ONEM, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Remarque : Chômeurs de plus de 50 ans = DEI de plus de 50 ans (ACTIRIS) + chômeurs âgés (ONEM) Le graphique suivant montre que le chômage est également un phénomène plus préoccupant dans les autres grandes villes belges. En 2008, le taux de chômage administratif s’élève à 12,2% à Anvers et 10,2% à Gand (6% en Flandre). Ce taux s’établi à 26,9% à Liège et à 26,7% à Charleroi (16% en Wallonie). Figure 9 : Taux de chômage administratif dans les grandes villes belges - moyenne 2008 30 25 20 15 10 5 0 26,9 26,7 19,0 12,2 Anvers Gand 16,0 10,4 10,2 6,0 Liège Charleroi Région bruxelloise Région flamande Région wallonne Belgique Sources : ACTIRIS, FOREM, VDAB, Steunpunt WSE, BNB, SPF économie - DGSIE (EFT), Calculs Observatoire 6 Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 Comparaisons entre Bruxelles et des grandes villes européennes Le tableau suivant donne le taux de chômage BIT pour la Région bruxelloise, sa zone métropolitaine, ainsi que Berlin, Londres (Inner-London) et Paris (Île-de-France) selon les principales caractéristiques, à savoir le sexe, l’âge, le niveau de qualification, la durée d’inactivité (proportion de chômeurs dont la durée d’inactivité est supérieure à un an) et la nationalité (résidents étrangers de l’Union européenne et hors Union européenne). Les données d’Eurostat (Enquête sur les Forces de Travail) ne permettent généralement pas de comparer les villes européennes entre elles. En effet, les territoires couverts par ces données sont généralement bien plus larges que le noyau urbain et correspondent davantage à une superficie plus proche de la zone métropolitaine bruxelloise. En ce qui concerne Berlin et Londres (Inner-London), il s’agit également du noyau urbain. Par contre, pour Paris (Île-de-France), il s’agit d’un territoire trois fois plus grand que la zone métropolitaine bruxelloise et comportant plus de 11,5 millions d’habitants. Figure 10 : Taux de chômage BIT en 2007 RBC Total Hommes Femmes Jeunes (moins de 25 ans) Faiblement qualifiés Moyennement qualifiés Hautement qualifiés Chômage de longue durée UE NUE 17,1 17,2 16,9 34,4 29,8 18,6 8,7 57,5 11,5 34,1 ZMB 9,6 9,6 9,6 25,3 18,8 14,9 5,1 53,6 BE 7,5 6,7 8,4 18,8 12,9 7,6 3,8 50,4 9,8 29,6 Berlin 16,3 18,2 14,2 21,2 37,3 15,5 7,5 63,2 Londres 9,2 8,6 8,0 22,2 18,1 10,7 3,8 33,0 Paris 8,1 8,6 8,3 17,7 12,6 7,4 6,2 42,8 UE-27 7,2 6,6 7,9 15,6 10,6 6,9 3,9 43,2 8,4 14,4 Sources : Eurostat, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Principales caractéristiques du chômage bruxellois Certaines catégories socioprofessionnelles sont, en Région bruxelloise, particulièrement confrontées à ce phénomène d’exclusion. En comparaison avec le reste du pays, la Région bruxelloise enregistre plus de demandeurs d’emploi peu qualifiés, de demandeurs d’emploi avec une durée d’inactivité élevée et de demandeurs d’emploi de nationalité étrangère. Le taux de chômage des jeunes est également préoccupant dans la mesure où il dépasse les 30%. Chômage des jeunes Pour l’ensemble de la Belgique, le taux de chômage des jeunes est supérieur à la moyenne de l’Union européenne (18,8% en Belgique, contre 15,6% pour l’UE-27). En Région bruxelloise, le taux de chômage des jeunes s’élève à 34,4%, soit un niveau deux fois plus élevé que la moyenne de l’UE. Les données administratives indiquent une tendance à la diminution du chômage des jeunes Bruxellois au cours de ces trois dernières années. Cette amélioration ne doit cependant pas faire illusion, le Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 chômage des jeunes restant toujours à un niveau très élevé. Le taux élevé de chômage des jeunes s’explique en partie par des facteurs liés à la formation, tels que l’échec scolaire, la dualisation de l’enseignement à Bruxelles mais aussi par le rallongement de la durée des études. En effet, les jeunes universitaires terminent leurs études en moyenne à 24 ans. Néanmoins, l’explication du chômage des jeunes ne peut pas se limiter uniquement à un problème de qualification. Les causes sont multifactorielles. On peut souligner également l’importance des phénomènes de discrimination ethnique à l’embauche. Plus encore que le chômage global, celui des jeunes suit les lignes de fracture socio-territoriale de la Région, la surconcentration du chômage des jeunes frappant directement les communes de la première couronne et d’urbanisation plus ancienne. De nombreux jeunes Bruxellois d’origine étrangère en sont les victimes. 7 Encadré 4 : Polarisation de la main-d’œuvre En ce qui concerne les qualifications, la Région bruxelloise se caractérise par une grande polarisation de sa maind’œuvre. On y constate dans le même temps un taux très élevé de diplômés de l’enseignement supérieur et de personnes infra-qualifiées. En effet, 41% de la population de 25 à 64 ans est diplômée de l’enseignement supérieur, ce qui situe la Région à un niveau bien supérieur à la moyenne européenne ou belge et à un niveau proche de Londres. Par ailleurs, une proportion importante est également infra-qualifiée dans la mesure où l’on constate que 32% de la population de 25 à 64 ans n’est pas diplômée de l’enseignement secondaire supérieur. Figure 12 : Part de la population de 25 à 64 ans Figure 11 : Part de la population de 25 à 64 ans faiblement qualifiée (en %) disposant d’un diplôme du supérieur -(en %) 45% Londres ZM B RBC RBC 32% 42% BE 32% 4 1% UE-27 39% Î le-de-France Berlin Î le-de-France 28% ZM B 27% 34% 32% Belgique UE-27 10% 22% Londres 23% 0% Berlin 20% 30% 29% 40% 50% 0% 16 % 10% 20% 30% 40% 50% Sources : Eurostat, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Malgré le fait que la durée des études tende à s’allonger et que les niveaux de scolarité atteints soient plus élevés qu’auparavant, la Région bruxelloise est particulièrement confrontée à une dualisation importante de son enseignement (en particulier dans l’enseignement technique et professionnel). en Belgique, le retard scolaire et le décrochage scolaire sont plus répandus à Bruxelles que dans les deux autres régions. Ces phénomènes sont en lien avec la concentration des populations défavorisées au plan socioéconomique dans les grands centres urbains. En 2007, 28,3% des jeunes de 20 à 24 ans à Bruxelles n’ont pas terminé l’enseignement secondaire supérieur. Ce qui est supérieur à la moyenne belge (17,4%) et à la moyenne de l’UE (21,9%). Chômage des faiblement qualifiés Malgré une hausse des niveaux de qualification de la main-d’œuvre en Région bruxelloise, y compris parmi les chercheurs d’emploi, on constate toujours une proportion importante de chômeurs faiblement qualifiés (environ deux tiers). Le taux de chômage des personnes faiblement qualifiées est trois fois plus élevé que celui des chômeurs les plus qualifiés. Le taux de chômage à Bruxelles pour le niveau d’études le plus bas est de 29,8% alors que, pour les diplômés du supérieur, il est de 8,7%. Néanmoins, il y a lieu de remarquer que les taux de chômage sont systématiquement plus importants, pour tous les niveaux d’études, à Bruxelles que dans le pays. L’explication du taux de chômage élevé à Bruxelles ne peut donc se limiter uniquement à un problème de qualification, comme le montre bien le niveau de chômage également élevé pour les diplômés de l’enseignement supérieur à Bruxelles. Figure 13 : Taux de chômage selon le niveau de qualification en 2007 40 30 20 29,8 RBC 18,8 12,9 10 18,6 10,6 ZMB BE UE-27 14,9 7,6 6,9 8,7 5,1 3,8 3,9 0 Faiblement qualifié Moyennement qualifié Supérieur Sources : Eurostat, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi 8 Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 Chômeurs de longue durée La proportion de chômeurs de longue durée (Eurostat 12 mois et plus) s’élève à 57,5% en 2007. Cette proportion est de 50,4% en Belgique et de 43,2% pour l’UE-27. La probabilité de sortir du chômage est, en moyenne, deux fois moins importante pour les chômeurs de longue durée que pour les chômeurs nouvellement inscrits. Ces données soulignent l’importance de la composante structurelle du chômage et la faible résorption du chômage de longue durée. Figure 14 : Évolution du chômage de longue durée - 2000 à 2007 60,0 57,5 55,0 53,6 50,4 50,0 45,0 43,2 40,0 2000 2001 2002 2003 RBC 2004 ZMB BE 2005 2006 2007 UE-27 Sources : Eurostat, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Remarque : Il s’agit de la proportion de chômeurs de longue durée (durée d’inactivité supérieur à 1 an) parmi l’ensemble des chômeurs BIT. Chômage et discriminations La problématique de la discrimination à l’embauche est particulièrement préoccupante à Bruxelles, ville multiculturelle. Si le chômage touche invariablement tous les individus, les personnes issues de l’immigration cumulent les obstacles. En effet, les niveaux de formation, les réseaux sociaux, l’accès à l’information, l’origine sociale, le manque d’expérience professionnelle, le manque de connaissance du néerlandais autant que la discrimination ethnique à l’embauche sont des déterminants qui expliquent que l’entrée des populations d’origine étrangère sur le marché du travail est caractérisée par un chômage et une précarité de l’emploi plus forts. L’obtention d’un diplôme de l’enseignement secondaire supérieur ou de l’enseignement supérieur représente, pour ces populations, un avantage moindre pour l’insertion sur le marché du travail dans la mesure où, à qualification identique, ces personnes sont confrontées à un risque plus élevé de chômage. La Région bruxelloise connaît la concentration la plus forte d’étrangers du pays : 38,5% des ressortissants des pays tiers à l’Union Européenne résident à Bruxelles, alors qu’on ne recense sur son territoire que 7,8% de la population de nationalité belge. De plus, on a assisté ces dernières années à une augmentation très significative du nombre de naturalisations. Si ces personnes sont devenues belges d’un point de vue légal, elles n’en demeurent pas moins des victimes potentielles de mécanismes discriminatoires sur le marché du travail. Les changements de nationalité ont modifié de manière très significative la composition de la population au cours de ces dernières années. De 1989 à 2006, près de 200.000 naturalisations ont eu lieu en Région bruxelloise. Plus de 90% des naturalisations à Bruxelles concernent des pays extra-communautaires. Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 9 Encadré 5 : Ségrégation socio-spatiale La Région de Bruxelles-Capitale souffre d’une dualisation sociale très marquée entre les différentes communes la composant, mais également, au sein de celles-ci, entre les différents quartiers. Parmi toutes les régions urbaines belges, c’est à Bruxelles que les contrastes socio-spatiaux sont les plus marqués. Plus d’un quart des habitants de Bruxelles habitent des quartiers où le chômage dépasse la barre des 25%. De manière plus générale, on estime que 36% de la population et 39% des ménages de la Région bruxelloise vivent dans ces quartiers en difficulté. La Région bruxelloise se caractérise donc par des concentrations très fortes de pauvreté et de précarité dans certains quartiers centraux, en particulier le long du Canal, qui correspond au vieil axe industriel bruxellois, et à proximité du Pentagone. En effet, les populations bruxelloises ne sont pas équitablement réparties. La carte ci-dessous met en évidence la surconcentration de populations défavorisées souvent issues de l’immigration dans le « croissant pauvre », tandis que les populations de milieux aisés s’établissent préférentiellement dans les quartiers plus riches du sud-est. Figure 15 : Part des demandeurs d’emploi dans la population en âge de travailler en Région bruxelloise (%) Sources : SPF Économie - DGSIE (Service Démographie), ACTIRIS, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Principaux facteurs d’explication du chômage en Région bruxelloise Bien plus que dans les autres régions, on observe à Bruxelles un faible niveau de corrélation entre le développement de l’emploi et la résorption du chômage. Il s’agit là d’un aspect essentiel du paradoxe bruxellois qui peine à concilier progrès social et croissance économique. Cette relative déconnexion résulte d’un ensemble de facteurs, dont certains sont spécifiquement prégnants à l’échelle de la Région. Succinctement, on évoquera : 10 Ð les exigences en termes de qualification très élevées à Bruxelles, alors qu’une partie importante de la réserve de main-d’œuvre est faiblement qualifiée (déficit structurel d’emplois à faible qualification et à qualification intermédiaire) ; Ð l’échec scolaire et la dualisation scolaire ; Ð le faible niveau de bilinguisme des demandeurs d’emploi bruxellois, alors que les exigences en termes de connaissances linguistiques sont fréquentes pour de nombreuses fonctions, y compris pour certains postes à faible qualification (par exemple, dans les secteurs de l’horeca, du Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 Ð Ð Ð Ð commerce…). La connaissance insuffisante du néerlandais à Bruxelles complique l’insertion professionnelle ; la pression concurrentielle très élevée sur le marché du travail bruxellois, due à l’étendue du bassin d’emploi (taux de navette de 53%) ; la délimitation administrative des 19 communes et les distorsions évaluatives qu’elle génère ; en corollaire principal, l’exode urbain, majoritairement le fait d’actifs occupés ; l’importance des phénomènes de discrimination à l’embauche, en particulier liés à l’origine ethnique. Ces discriminations sont particulièrement préoccupantes dans une région multiculturelle comme Bruxelles où de nombreux jeunes sont issus de l’immigration (26,3% des habitants n’ont pas la nationalité belge et on a assisté à près de 200.000 naturalisations à Bruxelles entre 1989 et 2006) ; la ségrégation résidentielle qui frappe les habitants des quartiers socio-économiquement défavorisés, en se conjuguant fréquemment aux discriminations liées à l’origine ; Ð des nouveaux entrants sur le marché du travail : environ 8% de la population active bruxelloise a immigré récemment (cf. encadré 6) ; Ð des facteurs démographiques : l’augmentation de la population à Bruxelles s’observe dans les tranches d’âge plus jeunes qui sont plus durement frappées par la hausse du chômage dans un contexte conjoncturel défavorable. De manière générale, la population d’âge actif a augmenté, entre 1997 et 2008, de 13,7% en Région bruxelloise, de 3,7% en Flandre et de 5,2% en Wallonie. Le chômage bruxellois apparaît donc comme le résultat d’un enchevêtrement multifactoriel de mécanismes interagissant selon des liens complexes. Encadré 6 : Évolution démographique – flux migratoire – rajeunissement de la population La Région bruxelloise est caractérisée par un accroissement très marqué de sa population, en particulier dans les tranches d’âge inférieures à 45 ans. Après une décroissance importante de la population bruxelloise jusqu’au début des années 90, la Région bruxelloise connaît un accroissement marqué de sa population. Cet accroissement s’explique principalement par le solde migratoire externe positif (c’est-à-dire, les migrations internationales), mais également par le solde naturel positif (excédent des naissances par rapport aux décès). Figure 16 : Évolution de la population en Région bruxelloise -1980 à 2008 + 100 369 1060 000 1040 000 1020 000 1048 491 - 60 593 1008 715 1000 000 970 501 980 000 960 000 948 122 940 000 920 000 900 000 2008 07 06 05 04 03 02 01 2000 99 98 97 96 95 94 93 92 91 1990 89 88 87 86 85 84 83 82 81 1980 880 000 Sources : SPF Économie - DGSIE (Service Démographie), calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi Évolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale : 1989-2009 11 La Région de Bruxelles-Capitale constitue la principale porte d’entrée de la migration internationale. Environ 8% de la population active bruxelloise est issue d’une immigration dite récente. La notion d’immigration récente couvre ici les personnes de nationalité étrangère résidant depuis moins de cinq ans en Belgique. 60% de ces nouveaux immigrés proviennent de l’UE et 40% sont issus de pays extra-communautaires (NUE). Si les immigrés récents provenant de l’UE ont un taux d’emploi élevé (65%), il est par contre bien plus faible chez les nouveaux immigrés NUE (37%). Il est à souligner que 50% des nouveaux immigrants NUE sont faiblement qualifiés, alors que ce pourcentage est de moins de 20% chez les nouveaux immigrants de l’UE. À l’inverse, les migrations interrégionales sont toujours défavorables à la Région bruxelloise sur l’ensemble de la période. Bruxelles joue un rôle moteur dans les migrations internes de la Belgique. Le solde des migrations internes se fait principalement au bénéfice de l’arrondissement d’Hal-Vilvorde (près de 50%) et de la province du Brabant wallon (environ 21%). Ce phénomène de périurbanisation est principalement caractérisé par les migrations de personnes d’âge intermédiaire, avec enfant(s), disposant de revenus moyens ou supérieurs. En termes de perspectives démographiques Selon les nouvelles projections démographiques, la population devrait continuer à croître de manière prononcée en Région bruxelloise. D’ici 2020, la population devrait atteindre 1,2 millions d’habitants sous l’effet des flux migratoires extérieurs, mais également de la natalité nettement plus élevée que dans les deux autres Régions. Si l’on observe un vieillissement de la population en Belgique, il n’en est pas de même en Région bruxelloise, où le remplacement des personnes en âge de partir à la retraite par les nouveaux arrivants restera très soutenu. En guise de conclusion Un des aspects essentiels du paradoxe bruxellois est la difficulté de concilier le progrès social et la croissance économique. En effet, de nombreux facteurs expliquent la faible corrélation à Bruxelles entre le développement économique et la résorption du chômage. À partir des pages qui précèdent, on peut mettre en évidence une série de défis que la Région bruxelloise devra relever, à savoir : l’accroissement de la population, le chômage des jeunes, la lutte contre les discriminations, l’insertion des nouveaux migrants, la dualisation spatiale, l’apprentissage des langues, la dualisation de l’enseignement (en particulier de l’enseignement professionnel et technique), le déficit d’emplois à faible qualification, la collaboration entre la Région bruxelloise et sa périphérie dans le cadre d’un développement intégré de la zone métropolitaine. Observatoire bruxellois de l’Emploi Boulevard Anspach 65, 1000 Bruxelles http://www.actiris.be, rubrique Observatoire Éditeur responsable : E. COURTHEOUX D/2009/57.47/1 - Bruxelles, mars 2009