Le transporteur d`iode (NIS) : nouvelles perspectives en oncologie

Th. Pourcher et al.
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°4 237
Correspondance : Thierry Pourcher
Unité TIRO, - CEA-UNSA, Faculté de Médecine - 28 Av de Valombrose - 06300 Nice
Tél. 0493377712 - Fax : 0493377717 - Email : [email protected]
Le transporteur d’iode (NIS) :
nouvelles perspectives en oncologie nucléaire
Th. Pourcher, S. Lindenthal,
C. Basquin, O. Ferhat, R. Marsault,
P. Carrier, M. Koulibaly, F. Bussière
et J. Darcourt
Unité TIRO - Commissariat à l’Energie Atomique
et Université de Nice Sophia Antipolis - Faculté de Médecine - Nice
Résumé
Le symporteur Na/iode (NIS) est une protéine membranaire qui catalyse les accumula-
tions d’iode dans la thyroïde et d’autres organes comme l’estomac ou les glandes salivaires. Le
clonage du gène codant pour le NIS a permis son expression dans différents types cellulaires en
utilisant des techniques de thérapie génique. La présence du transporteur permet d’induire des
accumulations d’iode dans des cellules cibles. Le NIS peut alors être utilisé comme rapporteur
en imagerie non invasive. Le NIS est aussi à l’origine d’une nouvelle stratégie permettant de
détruire des cellules cancéreuses d’origines diverses. Les techniques d’imagerie et de radiothéra-
pie métabolique, utilisées avec les cellules thyroïdiennes en médecine nucléaire, seront alors
utilisables pour visualiser et détruire les tumeurs d’origines diverses. De nombreux essais sur
des cellules in vitro et sur des animaux ont été menés : ils ont déjà permis d’établir les avantages
de cette approche d’irathérapie génique. Des études récentes effectuées sur des myélomes multi-
ples implantés dans des souris et des hépatocarcinomes chez le rat, ont abouti à des rémissions
importantes des tumeurs. Toutefois, des études, sur la compréhension des régulations post-
transcriptionnelles du NIS ou l’utilisation de divers radio-isotopes substrats du NIS, doivent être
effectuées pour améliorer cette approche très prometteuse.
Symporteur sodium iode / Thérapie génique / Gène rapporteur en imagerie / Radiothérapie
INTRODUCTION :
LE SYMPORTEUR D’IODE
OU NIS
!L’iode est un élément essentiel à la
synthèse des hormones thyroïdien-
nes et donc à la fonction thyroïdienne.
Cet élément étant rare dans la bios-
phère, les mammifères ont développé
des moyens pour concentrer l’iode
dans la thyroïde. Il a été clairement
établi que cette accumulation est ca-
talysée par le symporteur sodium
iode (NIS pour Natrium Iodide
Symporter) (voir revue [1]). L’identi-
fication moléculaire du NIS a été réa-
lisée par le clonage de l’ADNc du NIS
de rat à partir d’une lignée de
thyrocyte [2]. Ce clonage a permis
l’identification de la séquence hu-
maine [3] et plus tard de celui de la
souris dans notre laboratoire [4]. Le
NIS est localisé dans la membrane
basolatérale des thyrocytes. Il co-
transporte un ion iodure avec deux
ions sodium, et le gradient électro-
Le transporteur d'iode (NIS) : nouvelles perspectives en oncologie nucléaire
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chimique de sodium est utilisé
comme énergie pour accumuler
l’iode dans la cellule. Le NIS est à l’ori-
gine d’accumulation d’iode dans la
thyroïde, les glandes salivaires, l’es-
tomac et la glande mammaire pendant
la lactation.
Au niveau de la thyroïde, l’expres-
sion du NIS est essentiellement sous
le contrôle de la TSH et de l’iode cir-
culant (voir également revue [1]). Ces
régulations se traduisent par des
modifications des niveaux d’ARNm
codant pour le NIS. Mais des varia-
tions du profil de phosphorylation et
de la localisation de protéine au ni-
veau de la membrane plasmique se-
raient également impliquées dans les
régulations physiologiques de la ca-
pacité de transport de l’iode dans la
thyroïde [5]. Dans des cellules thy-
roïdiennes normales, ces différences
seraient également associées à la pré-
sence d’une protéine régulatrice en
interaction [6, 7]. Au niveau de la
glande mammaire, l’expression du
NIS est induite pendant la période de
lactation mais les hormones impli-
quées (prolactine ou ocytocine) dans
cette activation doivent être préci-
sées.
L’EXPRESSION DU SYMPORTEUR
D’IODE DANS LES CANCERS
Le symporteur d’iode et les
cancers thyroïdiens
!La capacité d’accumulation d’iode
dans la thyroïde a permis l’essor de
la médecine nucléaire dans le dia-
gnostic scintigraphique et le traite-
ment par radiothérapie métabolique
des cancers différenciés de la thy-
roïde. D’une part, la transformation
tumorale des thyrocytes entraîne des
pertes de capacité d’accumulation
d’iode qui expliquent qu’elles appa-
raissent scintigraphiquement comme
une zone "froide" en scintigraphie (à
l’iode 123 ou au pertechnétate de
technétium 99m). D’autre part, les
métastases de ces cancers conservent
des capacités d’accumulation d’iode
réduites mais qui sont mises à profit
pour leur élimination par radiothéra-
pie métabolique à l’iode 131. Ce trai-
tement est aussi utilisé pour éliminer
les éventuels résidus thyroïdiens post-
opératoires. Ce sont alors les capaci-
tés de concentration des thyrocytes
normaux qui sont mises à profit.
L’identification du NIS a permis de
fournir des bases moléculaires sus-
ceptibles d’expliquer les variations
des capacités d’accumulation d’iode
dans les cancers thyroïdiens. Ainsi,
d’importantes variations d’expression
du NIS ont été observées dans les
différents types de tumeurs thyroï-
diennes. Plusieurs études ont mis en
évidence une diminution d’expres-
sion des ARNm du hNIS dans la plu-
part des carcinomes thyroïdiens [8-
10]. Parallèlement, des diminutions
d’expression de la protéine ont été
retrouvées par immunodétection
dans certaines études [11]. Néan-
moins, certains travaux ont apporté
des résultats contradictoires en mon-
trant des surexpressions des transcrits
et de la protéine NIS dans certains
carcinomes, non corrélées à une ac-
tivité de transport d’iodure dans ces
tumeurs [12]. De plus, des études
d’immunohistochimie ont montré un
marquage essentiellement localisé
dans le cytoplasme et pratiquement
absent au niveau de la membrane
plasmique [13-15]. Des travaux com-
plémentaires sont encore requis
pour comprendre ces dérégulations.
Le symporteur d’iode
et les cancers du sein
!Dans des tumeurs mammaires, un
fort pourcentage de prélèvements
testés expriment NIS [16-19]. Le NIS
a été immunodétecté à la surface des
cellules tumorales mammaires mais
aussi à l’intérieur des cellules [17].
Des capacités d’accumulation d’iode
ont été observées avec les fibromes
[16]. Des accumulations d’iode ont
été également observées par scinti-
graphie sur des tumeurs mammaires
[19-21]. Toutefois, les capacités d’ac-
cumulation obtenues sont trop fai-
bles pour envisager, dans l’état, un
traitement par radiothérapie métabo-
lique à l’iode 131. Pour développer
une telle approche, il serait nécessaire
d’augmenter les capacités d’accumu-
lation d’iode de ces tumeurs. Dans
ce contexte, des travaux ont montrés
sur des lignées tumorales mammai-
res que l’acide rétinoïque induisait
l’expression du NIS [22]. Une
meilleure connaissance des régula-
tions transcriptionnelles mais égale-
ment post-transcriptionnelles du NIS
dans les cellules tumorales mammai-
res serait souhaitable pour pouvoir
induire de fortes accumulations
d’iode.
Le symporteur d’iode et les
autres cancers
!Une étude récente indique l’exis-
tence d’expressions spontanées du
NIS dans de nombreux cancers [18] :
de la prostate, des ovaires, des pou-
mons, du colon... Des études sup-
plémentaires sont nécessaires pour
confirmer ces expressions et pour
mesurer les accumulations d’iode
qu’elles pourraient induire.
LE SYMPORTEUR D’IODE
ET LA THÉRAPIE GÉNIQUE :
NOUVELLE STRATÉGIE
ANTI TUMORALE
!Le clonage du gène de structure
(ADNc) du NIS permet son transfert
via des vecteurs plasmidiques ou vi-
raux dans tous les types de cellule.
Son expression donne alors la capa-
cité à ces cellules d’accumuler de
l’iode. Cette possibilité permet d’une
part une nouvelle approche thérapeu-
tique que l’on peut appeler "irathé-
rapie génique" et d’autre part l’utili-
sation d’un nouveau rapporteur en
imagerie médicale (revue [23, 24]).
Le symporteur d’iode
en irathérapie génique
anticancéreuse
!Plusieurs études visent à analyser
l’utilisation du NIS afin d’induire des
accumulations d’iode dans des cel-
lules tumorales avec comme objec-
tif de les détruire par irathérapie. Ces
captations d’iode permettent égale-
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Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°4 239
ment de suivre les cellules exprimant
le NIS, une fois réimplantées dans des
animaux, par des techniques d’ima-
gerie. L’imagerie est associée à ces
travaux en permettant de suivre tou-
tes les étapes de l’irathérapie génique.
Les études limitant l’utilisation du NIS
uniquement à un rôle de gène rap-
porteur feront l’objet du chapitre sui-
vant. La stratégie utilisée comporte
plusieurs étapes : le transfert du gène
NIS, les tests d’accumulation d’iode
in vitro ou par imagerie in vivo pour
suivre l’expression du NIS après
transfert de son gène NIS et les essais
de radiothérapie métabolique.
De nombreux essais de transfert du
gène du NIS dans des lignées cellu-
laires cancéreuses d’origines très di-
verses ont été effectués : de la peau
[25, 26], de la prostate [26-32], du co-
lon [25, 29, 32-35], des ovaires [25,
26], du foie [25, 30, 36, 37], de la thy-
roïde [34, 38-40], du sein [26, 29, 41,
42], du col de l’utérus [29], de cellu-
les gliales [34, 43-48], du poumon
[29, 49, 50], du rein [26], du pancréas
[51], de cellules myélomateuses [52]
et du pharynx [53]. Dans la majorité
des travaux publiés, le transfert du
gène NIS a été effectué sur les cellu-
les cultivées in vitro et les cellules
modifiées ont été implantées chez
l’animal. Dans des travaux plus ré-
cents, la vectorisation du gène NIS a
été effectuée vers des lignées dérivées
de myélome multiple après injection
intraveineuse de virus recombinant
dérivés du virus de la rougeole [52].
De même, le transfert du gène NIS a
été réalisé sur des hépatocarcinomes
induits chimiquement par injection
des particules virales dans la veine
porte [54]. Le contexte de ces der-
nières expériences est plus proche
d’une éventuelle thérapie génique
chez l’homme puisque les cellules
tumorales étaient préalablement im-
plantées chez l’animal et modifiées
pour l’expression du NIS in vivo dans
une seconde étape.
Afin d’introduire le gène du NIS dans
les cellules cibles, des techniques de
transfection in vitro suivies de la sé-
lection de clone exprimant de façon
stable le transporteur ont été souvent
utilisées [27, 28, 33-35, 37-39, 41, 43,
45, 47, 49, 51, 55]. Toutefois, des par-
ticules virales recombinantes portant
le gène du NIS ont été rapidement
élaborées. Dès 1999, Mandel et ses
collaborateurs ont publié un travail
utilisant un rétrovirus recombinants
pour dériver des clones stables ex-
primant le NIS [25]. En 2000, Boland
et ses collaborateurs ainsi que Cho
et son équipe ont montré que des
adénovirus recombinants permettent
d’induire des expressions transitoi-
res du NIS dans des cellules [29, 44].
D’autres travaux ont mis à profit des
rétrovirus [26, 30-32, 36, 40, 46, 48,
50] ou des adénovirus [32, 35, 42,
53, 54] recombinants pour vectoriser
le gène du NIS. Plus récemment, l’uti-
lisation de virus recombinants de la
rougeole a permis de cibler plus spé-
cifiquement la vectorisation vers un
type cellulaire [52].
La transcription du gène du NIS in-
troduit, dans la plupart des expérien-
ces, était sous le contrôle d’un pro-
moteur induisant un haut niveau
d’ARNm dans la plupart des types
cellulaires. Toutefois, dès 1999,
Spitzweg et ses collaborateurs ont
publié un premier travail utilisant un
promoteur spécifique des cellules de
la prostate [27] et plus récemment un
autre promoteur a été utilisé pour
cibler l’expression dans cet organe
[56]. Un promoteur spécifique a été
également utilisé pour des lignées
dérivées de cancers neuro-endocri-
nes du pancréas [51]. Un travail ré-
cent illustre aussi la possibilité de
mettre à profit des systèmes CRE/lox
pour obtenir des systèmes d’expres-
sion permettant à la fois d’obtenir une
haute spécificité et d’induire de forts
niveaux d’expression [57].
Des capacités d’accumulation ont été
ainsi induites et mesurées in vitro. En
fonction du type cellulaire dans le-
quel est exprimé le NIS, d’importan-
tes variations de la capacité d’accu-
mulation d’iode ont été observées [25,
26, 29, 34]. Ces différences résultent
probablement de l’existence de ré-
gulations, agissant sur l’expression du
NIS, variables d’une lignée à une autre.
Ces régulations peuvent intervenir au
niveau des différentes étapes de la
synthèse du NIS. D’une part, au ni-
veau transcriptionnel, par des ni-
veaux d’ARNm moins élevés consé-
cutifs à une efficacité variable suivant
la cellule hôte du promoteur contrô-
lant le gène du NIS. D’autre part, des
résultats expérimentaux indiquent
que le NIS subit d’importantes régu-
lations au niveau post-transcrip-
tionnel. Ces régulations modulent
notamment sa présence à la mem-
brane plasmique de la cellule et cette
localisation est essentielle pour sa
fonction de transport. Dans ce con-
texte, une publication récente a mon-
tré que le NIS de rat induisait une
accumulation d’iode supérieure à
celle induite par le NIS humain quand
il était exprimé avec les mêmes vec-
teurs dans les mêmes cellules tumo-
rales [26]. Les deux protéines sont
très proches, mais nous avons mon-
tré que l’expression de la protéine
de rongeur induisait chez différents
types cellulaires de plus hauts ni-
veaux de transporteur actif que la
protéine humaine (données non pu-
bliées). Malgré l’ensemble de ces fac-
teurs de variabilité, les accumulations
obtenues sont souvent suffisan-
tes pour détruire les cellules in vitro
[25, 28, 29, 31, 35, 37, 47, 51].
Dans la plupart des essais réalisés sur
des animaux, des lignées cellulaires,
dérivées de cellules tumorales et dans
lesquelles l’expression du NIS a été
introduite, ont été implantées chez
des souris. Les accumulations d’iode
catalysées par ces cellules ont pu être
visualisées sur l’animal vivant par
imagerie à l’aide de gamma-caméras.
Les origines des lignées tumorales
sont diverses.
Ces mesures ont été suivies d’expé-
riences de radiothérapie métabolique
chez l’animal. Des lignées cellulai-
res de différentes origines ont été tes-
tées : thyroïdiennes [55], du col de
l’utérus [29], prostatiques [28, 32],
pulmonaires [49], du pharynx [53], de
cellules myélomateuses et hépati-
ques [37]. Les premières expérien-
ces réalisées n’ont généralement pas
aboutit à une réduction de la masse
des cellules implantées [29, 55]. To u-
tefois, celles réalisées sur des lignées
dérivées de la prostate publiées en
2000 par Spitzweg et ses collabora-
teurs ont permis d’obtenir des réduc-
tions des cellules implantées [28]. Il
doit être toutefois noté que la dose
Le transporteur d'iode (NIS) : nouvelles perspectives en oncologie nucléaire
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utilisée de 111 MBq (3 mCi) d’iode
131 par souris était disproportionnée
par rapport aux doses utilisées en thé-
rapie clinique. La dose utilisée par
Boland et ses collaborateurs était de
1,1 à 2,2 MBq (30 à 60 µCi) par ani-
mal, correspond davantage à la quan-
tité utilisée chez l’homme en respec-
tant un même rapport radioactivité/
poids, mais aucune réduction des
tumeurs n’a été observée [29]. Des
analyses complémentaires sur chaque
modèle sont probablement nécessai-
res pour établir la dose adaptée à une
irathérapie génique à l’iode 131. Il
faudrait en particulier en étudier les
effets secondaires. Cette étude pour-
rait bénéficier des analyses actuelle-
ment menées sur les traitements par
irathérapie des carcinomes thyroï-
diens (voir [58]). De plus, des aug-
mentations du temps de survie des
animaux ont été rapportées après ra-
diothérapie métabolique à l’iode 131
(3 fois 148 MBq (3x4 mCi)) sur des
cellules gliales implantées dans le cer-
veau [46]. Dans une publication plus
récente, la même équipe a montré
que les augmentations de survie
étaient dépendantes de la dose utili-
sée et a observé de façon surprenante
que la substitution partielle l’iode 131
par de l’iode 125 entraînait les mê-
mes effets. Ils montrent aussi que l’uti-
lisation du 188ReO4 (voir ci-dessous)
est plus efficace [48]. Plus récemment,
Gaut et ses collaborateurs [53] ont
publié des résultats intéressants ob-
tenus sur des cancers du pharynx. Ils
ont obtenu la régression des cellules
exprimant le NIS et implantées dans
des souris après une dose de 37 MBq
(1 mCi) d’iode 131. De même,
Mitrofanova et ses collaborateurs [32]
ont implanté des cellules d’une li-
gnée dérivée de la prostate dans une
souris. Ils ont injecté, directement
dans la tumeur formée, des adénovi-
rus recombinants (NIS est sous con-
trôle d’un promoteur non spécifique
fort) puis ils ont administré à l’ani-
mal 111 MBq (3 mCi) d’iode 131. Ce
dernier traitement a entraîné un arrêt
de l’accroissement de la tumeur et
une augmentation de la survie des
animaux [32]. Des résultats remarqua-
bles ont été également obtenus sur
des lignées de myélome multiple par
Dingli et ses collaborateurs [52].
Après implantation des cellules dans
des souris, le gène du NIS a été trans-
féré en utilisant des vecteurs viraux.
Des régressions complètes des tu-
meurs ont été observées en utilisant
une dose unique de 37 MBq (1 mCi).
Ce résultat très encourageant est at-
tribué en partie à la grande radiosen-
sibilité de ces cellules tumorales.
Cette étude laisse présager que
l’irathérapie génique utilisant le NIS
semble rapidement utilisable contre
les tumeurs radio-sensibles. Enfin,
Faivre et ses collaborateurs [54] ont
également montré que la stratégie
semble particulièrement adaptée aux
hépatocar-cinomes. De telles tu-
meurs ont été provoquées par traite-
ment chimique chez des rats. L’ex-
pression du NIS dans les cellules du
foie (normales et tumorales) a été
induite après transfert du gène du NIS
à l’aide d’adénovirus recombinant
injecté dans la veine porte. Des temps
de rétention importants de l’iode
dans le foie ont été observés et une
dose de 666 MBq (18 mCi) entraîna
une complète réduction des métas-
tases. Il a été remarqué un effet sé-
lectif sur les cellules tumorales par
rapport aux cellules normales. Ce
phénomène pourra être sans doute
accentué par l’utilisation de promo-
teurs spécifiques des cellules tumo-
rales. La dose utilisée reste élevée,
mais il faut rappeler que les rats pos-
sèdent une masse corporelle nette-
ment plus élevée que les souris. Il
semble important de comprendre la
raison de la longue rétention de
l’iode dans les hépatocytes.
Il est important de noter que la thy-
roïde peut être protégée de l’irathé-
rapie par un prétraitement hormonal
[21, 46, 54].
Une des limitations souvent citée
dans les publications réside dans le
temps de rétention des radioisotopes
[25, 28-30, 39, 44-48, 49, 51, 53-55,
59-61]. Ce temps de rétention est es-
timé in vitro sur des cellules en cul-
ture par des mesures de l’efflux
d’iode ou par imagerie sur des cellu-
les tumorales implantées. Certains
auteurs ont montré qu’il était possi-
ble de ralentir la vitesse d’efflux de
l’iode à l’aide de lithium in vitro [33]
et sur des cellules implantées dans
des souris [40]. Pour la plupart des
mesures effectuées in vitro, les cellu-
les étalées sur la boite sont incubées
en présence d’iode qui est accumu-
lée dans la cellule. Pour mesurer la
vitesse de sortie de l’iode (efflux), le
milieu des cellules est rapidement
changé par la même solution ne con-
tenant pas iode. De telles conditions
ne correspondent pas aux variations
de concentration externe auxquelles
vont être confrontées des cellules
tumorales dans un organe. Des tra-
vaux indiquent que des différences
dans l’organisation tridimensionnelle
des cellules tumorales modifient l’ef-
ficacité de l’irathérapie métabolique
in vitro : des cellules organisées en
structure 3D sont plus sensibles que
les mêmes cellules en monocouche
[31]. Une preuve de la différence des
temps de rétention observés in vitro
et ceux obtenus dans l’organe est
fournie par les résultats de Faivre et
collaborateurs sur les hépatocarcino-
mes chimiquement induits chez le rat
[54].
Des équipes ont tenté d’augmenter
le temps de rétention intra-cellulaire
de l’iode radioactif en co-exprimant
le NIS avec la thyropéroxidase dans
les cellules, mais les résultats ont été
plus [49] ou moins [59] convaincants.
Toutefois, cette stratégie pose le pro-
blème lié à l’activité de l’enzyme ex-
primée dans les cellules. De façon
plus surprenante, Zhang et ses colla-
borateurs ont également constaté sur
une lignée dérivée de cellules tumo-
rales du poumon et modifiée pour
exprimer le NIS et la thyropéroxidase,
que l’ajout d’iode non radioactif en-
traînait une apoptose des cellules et
inhibait la croissance de cellules im-
plantées chez la souris [50].
Une autre perspective d’amélioration
consiste à utiliser des substrats du NIS
autres que l’iode 131 (T1/2 = 8 jours,
émetteur β- de 0,13 MeV), comme le
rhénium 188 (T1/2 = 16,7 heures,
émetteur β- de 0,76 MeV) sous la forme
de perrhénate (37, 48, 62) ou comme
l’astate 211 (T1/2 = 7,2 heures, émet-
teur α de 6,8 MeV) émetteur alpha
de haute énergie [34, 45, 47]. Ces
substrats du NIS ont des périodes
physiques plus courtes (compatibles
avec des temps de rétention plus ré-
duit que dans la thyroïde) et des
émissions de plus haute énergie que
Th. Pourcher et al.
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°4 241
l’iode 131. Ils ont déjà permis de
potentialiser l’effet de l’irathérapie
génique utilisant le NIS dans les étu-
des réalisées et devraient aboutir à
une meilleure efficacité thérapeuti-
que. Le rhénium-188 peut être pro-
duit dans un générateur 188W/188Re.
L’astate 211 est plus délicat à mani-
puler, nécessite l’utilisation d’un cy-
clotron.
Le symporteur d’iode comme
rapporteur en imagerie
!Dans les stratégies mettant à profit
la thérapie génique utilisant des gè-
nes suicides par exemple, il est im-
portant de pouvoir suivre le transfert
des gènes. De même dans les straté-
gies de thérapie cellulaire, il est né-
cessaire d’avoir un moyen de suivre
les cellules implantées et leur viabi-
lité. Le NIS permet l’utilisation de
méthodes d’imagerie isotopique non
invasive utilisables chez des rongeurs
et l’humain : scintigraphie en projec-
tion, tomographie d’émission
monophotonique (TEMP) ou tomo-
graphie par émission de positons
(TEP). De nombreux exemples dé-
crits dans le paragraphe ci-dessus il-
lustrent l’utilisation du NIS en image-
rie dans des stratégies anti-tumorales
associées à l’irathérapie. Plus spécifi-
quement, certaines études ne mettent
à profit que l’utilisation du NIS
comme rapporteur.
Ainsi, un travail par imagerie TEMP
réalisé chez le chien pour obtenir
une résolution suffisante par rapport
aux organes de l’animal illustre le po-
tentiel de l’utilisation du NIS comme
rapporteur [63] et la possibilité d’ef-
fectuer des mesures quantitatives
(64). Une étude a été réalisée chez la
souris sur des métastases pulmonai-
res formées par injection de cellules
tumorales d’origine pancréa-tique
[65]. L’utilisation de techniques
d’imagerie TEMP a permis la détec-
tion de tumeurs d’un diamètre de 3
mm. La localisation des tumeurs a
été réalisée par double marquage :
iode 125 pour l’activité du NIS et
99mTc-MAA (macro-agrégas d’albu-
mine) pour la perfusion pulmonaire.
Un travail récent indique également
qu’un transfert de gène dans le coeur
par injection directement dans l’or-
gane d’adénovirus recombinant peut
être suivi par l’expression du NIS
[66].
Il a été aussi montré que l’injection
d’adénovirus recombinant (induisant
l’expression du NIS utilisé comme
protéine rapporteur en imagerie par
tomographie par émission de positon
(TEP) utilisant l’iode 124) dans la cir-
culation sanguine induit l’expression
du transporteur essentiellement dans
le foie et les glandes surrénales mais
également à un niveau plus faible
dans les poumons, le pancréas et la
rate [67, 68]. Le transfert de gène par
des adénovirus au niveau des pou-
mons a été également étudié en utili-
sant le NIS et des techniques d’ima-
gerie (TEMP avec du 99mTcO4 et TEP
avec de l’iode 124) [69].
Récemment, Niu et ses collaborateurs
[42] ont montré qu’il était possible
de suivre des accumulations d’iode
sur des cellules en culture par diffé-
rentes approches d’imagerie : par
autoradiographie en utilisant de
l’iode 125 ; par scintigraphie gamma
avec du 99mTcO4 ; par TEP avec du
brome 76.
Enfin, afin de suivre l’activité des
télomérases par imagerie, le gène du
NIS a été placé sous le contrôle du
promoteur des ARN de la télomérase
(hTR) ou d’un de ses composés cata-
lytiques (hTERT) dans des adénovi-
rus recombinants. Les expériences
réalisées montrent qu’il a été possi-
ble d’étudier l’activité de ses deux
promoteurs chez l’animal par tomo-
graphie par émission de positon. Ce
travail constitue un des premiers
exemples des multiples possibilités
envisageables avec NIS comme gène
rapporteur en imagerie TEP ou TEMP.
DISCUSSION
!Les avantages de l’utilisation du NIS
en thérapie anti-cancéreuse sont
nombreux. Les techniques et les
équipements nécessaires sont déjà
présents dans les services de méde-
cine nucléaire. La radiothérapie mé-
tabolique utilisant des isotopes de
l’iode est bien maîtrisée. Il sera pos-
sible d’estimer le pourcentage de
cellules exprimant le NIS exogène et
son niveau d’expression par un sim-
ple examen scintigraphique permet-
tant également d’évaluer la dose de
radioactivité spécifique qui sera re-
çue par les cellules ciblées. De plus,
la radiothérapie métabolique permet
d’induire un effet ciblé sur les cellu-
les tumorales qui sont parfois plus
radiosensibles [52]. Une des limites
de toutes les approches en thérapie
génique dirigées contre des cellules
tumorales est liée à la vectorisation
d’un gène tueur qui n’atteint pas 100
% des cellules cancéreuses. Le béné-
fice est donc très relatif si seules les
cellules exprimant le gène transféré
sont tuées. Avec l’utilisation associée
du NIS et de la radiothérapie, les cel-
lules adjacentes à celles exprimant le
NIS dans un foyer de cellules tumo-
rales par exemple, sont également
atteintes par les β- émis par les cellu-
les voisines (effet bystander). Cette
approche rend possible une efficacité
complète du traitement alors même
que le transfert génique ne serait que
partiel.
L’expression du NIS dans des cellu-
les permet son utilisation comme rap-
porteur en imagerie. Il existe d’autres
rapporteurs utilisables sur des ani-
maux vivants. Par exemple, l’expres-
sion de thymidine-kinase du virus de
l’herpès (HSV1-tk) entraîne des accu-
mulations de sonde [70] qui peuvent
être visualisées par imagerie TEP [71,
72]. Il est vrai que cette approche
permet d’effectuer, pour l’instant, des
mesures avec une plus grande sensi-
bilité et de manière théoriquement
plus "quantitatives". Toutefois, il s’agit
d’une imagerie beaucoup plus lourde
et la synthèse des substrats utilisés
nécessite des moyens beaucoup plus
importants (cyclotron et radiochi-
mie).
Une autre stratégie utilisant l’expres-
sion de la luciférase dans les cellules
qui permet la production de lumière
suivie par des caméras CCD est de
plus en plus utilisée en imagerie du
petit animal. Mais cette technique a
quelques limitations notamment pour
la transmission de la lumière au tra-
vers de certains tissus et elle est pour
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