Intérêts hydrologiques et écologiques: comment évaluer les fonctions des zones humides? Bernard Clément Maître de Conférences, HDR Université de RENNES 1 UFR Sciences de la Vie et de l’Environnement Ecosystèmes, Biodiversité, Evolution IFR 90 – Centre Armoricain de Recherche en Environnement La gestion à l’interface des 3 pôles caractérisant l’écosystème zone humide ETATS FONCTIONS F. hydrologiques F. biogéochimiques F. écologiques - Géomorphologie - Hydrologie - Faune, Flore - Végétation, sols GESTION ET AMENAGEMENT VALEURS ET USAGES V. Patrimoniale U. Récréatifs V. Culturelle Ressource eau U. Agricoles Réservoir biodiversité Modèle de hiérarchisation des zones humides Zone humide effective potentielle efficace • ZH effective : végétation naturelle caractéristique de zones humides • ZH potentielle : absence de végétation naturelle mais quelques caractères pédologiques et hydrologiques rémanents • ZH efficace : définie par rapport à une fonction donnée (si n fonctions = n zones humides efficaces) Modifications introduites par l’arrêté du 1/10/2009 unes m m o es c n i a RPN ert S c C r Possibilité d’exclusion par le préfet u Pou vis d a s de région è Apr Réductisols Histosols Zones humides arrêté du 24/06/2008 Zones humides arrêté du 01/10/2009 Source : classes d’hydromorphie du Groupe d’Etude des Problèmes de Pédologie Appliquée (GEPPA, 1981) Terres non humides Fossé de drainage Terres humides drainées Zone Humide potentielle Terres humides Zone humide effective Redoxisols Classes V, IV ou III Cours d’eau temporaire Réductisols VI et/ou Redoxisols (V) et/ou Histosols H Cours d’eau permanent Modèle d’organisation des terres humides en tête de bassin versant (typologie des sols : GEPPA, 1981) (B. Clément, inédit) Sols : Indicateurs physico-chimiques + Sols minéraux : - drainés - rédoxisols Indicateurs du fonctionnement (évaluation) : - réductisols - hydrodynamique - planosols - flux de carbone (puits/source) + Sols organo-minéraux + Histosols : - tourbe saprique - tourbe mésique - tourbe fibrique - tourbe liquide + Sols composés/complexes ex. : Histosol saprique recouvert d’un rédoxisol ++++++ - type de végétation - type de gestion historique Evolution de la saturation en eau à la surface du sol de la zone humide en fonction des saisons (et du cumul de pluies associé) Source : Territ’Eau (http://agro-transfert-bretagne.univ-rennes1.fr/Territ_Eau/CONNAISSANCES/Zones_humides/definition.asp) Cartographie de l’état rédox (que l’on peut assimiler à l’absence d’oxygène) de l’horizon 0-20 cm du sol de la zone humide du Mercy (Bidois, 1999) Source : Territ’Eau (http://agro-transfert-bretagne.univ-rennes1.fr/Territ_Eau/CONNAISSANCES/Zones_humides/fonctions.asp) Végétation : Indicateur biologique - Hydrodynamique surface - Hydrodynamique hypodermique - Type de sol : niveau 0-30 (50) cm - Nature chimique des eaux : - minéralité / acidité - trophie (disponibilité N et P) - Type de perturbations (récurrentes) +++++ Evaluation - Productivité biologique - Flux de carbone (puits / source) - Dynamique du système - Diversité biologique / fonction habitat - Type de gestion / non gestion Indicateurs opérationnels : Critères d’état Sol + Végétation Référentiel / Typologie + Evaluation fonctionnelle - Eléments de fonctionnement du système - Dynamique du système - Eléments de valeur patrimoniale: - biologique - culturelle - éducative / récréative + Détermination des seuils et des risques par rapport aux aménagements et aux usages envisagés/ souhaités par le gestionnaire + Couplage avec indicateurs socio-économiques passés, présents et conditionnels Fonctions des zones humides •Fonctions hydrologiques - Rétention eau bassin versant Ecrêtement des crues Soutien d’étiage Recharge des nappes … •Fonctions biogéochimiques - Dynamique de l’azote Prélèvement plantes Dénitrification bactérienne - Dynamique du phosphore Piégeage phosphore particulaire Déphosphatation Fixation sur substrat organique - Dynamique du carbone Fonction « puits » •Fonctions écologiques - Production de biomasse Ressources nutritives Macrohabitats Microhabitats … Les différents écoulements en interaction avec la zone humide ETP P R NS D ZH H N R ZH NS N D H P ETP Ruissellement (eau de pluie et exfiltration) Ecoulement de nappe : nappe affleurante de la zone humide Ecoulement de nappe : nappe superficielle de versant Ecoulement de nappe : nappe profonde Ecoulement par débordement du réseau hydrographique Ecoulement dans le réseau hydrographique Pluie Evapo-transpiration potentielle Un exemple : la fonction puits de carbone CO2 CO2 CO2 CH4 Fixation de carbone (photosynthèse) Plantes (Roseaux, Carex, …) Chaîne trophique herbivore Tourbe aérobie Bactéries, champignons aérobies Méthanotrophie Piégeage du carbone dans la tourbe Méthanogenèse L’épaisseur des flèches est proportionnelle à l’intensité des flux Tourbe anaérobie Archaea Bactéries anaérobies CO2 Décroissance des teneurs en nitrates de la périphérie vers le centre de la zone humide (et en surface) (Pleine Fougères, Clément, 2000) Source : Territ’Eau (http://agro-transfert-bretagne.univ-rennes1.fr/Territ_Eau/CONNAISSANCES/Zones_humides/fonctions.asp) Schéma récapitulatif des zonations verticale et transversale que l’on peut identifier dans une zone humide par rapport à la fonction de dénitrification (Adapté de Regimbeau, 1999 et Clément, 2001) Source : Territ’Eau (http://agro-transfert-bretagne.univ-rennes1.fr/Territ_Eau/CONNAISSANCES/Zones_humides/fonctions.asp) Biodiversité 30% des espèces végétales protégées ou en danger du territoire métropolitain se développent dans les zones humides qui occupent environ 3% du territoire (rapport 10 / 1) La Swertie (Swertia perennis) La Potentille fraise (Potentilla palustris) La gentiane (Gentiana asclepiadea) La Sphaigne de la Pylaie (Sphagnum pylaisii) Délimitation des unités hydro-géomorphologiques Concept des Unités Hydrogéomorphologiques Espace non homogène, déterminé par des états et des fonctions différentes BRINSON (1993) : Zones Humides – USA Concept hydrogéomorphic unit – HGMU MALTBY et al. (1996) : Zones Humides (cas des Z. H. riveraines) européennes Définition : . Une unité hydrogéomorphologique est un élément du paysage caractérisé par un type géomorphologique et un régime hydrologique uniforme, présentant un même type de sol Procédure opérationnelle : 3 étapes successives : - Délimiter : cartographie/S.I.G. - Caractériser : critères d’état - Evaluer : fonctions - hydrologiques - biogéochimiques - écologiques - socio-économiques Délimitation des unités hydro-géomorphologiques 2a 2b 5 1b 3 1a 4 Evaluation fonctionnelle d’unités spatialisées pour trois fonctions Unités hydro-géomorphologiques Fonctions H1 H2 H3 H4 H5 H5’ H6 Dénitrification bactérienne 0/+ ++ 0/+ +++ ++ + + Prélèvement d’azote par les plantes ++ ++ + +++ ++ + +++ ++ + +++ + + +++ 0/+ Biodiversité Niveaux d’efficacité relative: Activité biogéochi-mique (azote) faible Biodiversité élevée +++ = maximale, ++ = moyenne, + = faible et 0 = nulle Valeur fonctionnelle intermédiaire Activité biogéochi-mique (azote) forte Biodiversité faible Zone non humide Caractérisation automatique des fossés par approche orienté-objet Typologie fossé : Type 1 : profondeur 0 à 20 cm, n’induit pas de variation entre la végétation du lit et la parcelle attenante, fossés dit de « drainage » Type 2 : profondeur 20 à 50 cm, induit une variation entre la végétation du lit et la parcelle adjacente, fossés dit de « circulation » Type 3 : profondeur >50 cm, induit de grandes variations entre la végétation du lit et parcelle adjacente, fossés dit « d’évacuation » Type 4 : profondeur >50 cm et largeur > 1 m, larges canaux Référentiel ELLENBERG Chaque espèce est qualifiée par une valeur ou indice de 1 à X dans différents gradients . Humidité du substrat (F) . Disponibilité en azote (N) . Etc… Mais : Valeur ou indice = preferendum plasticité écologique ! Gradient écologique ou écocline + Ex: gradient d’humidité Espèces ß 1 2 3 4 5 6 7 8 9 3, 5, 4 (1) Assemblage d’espèces à Communauté végétale à ? A 6, 7, 4, 8 8, 4, 7, 9 B C ? Amplitude écologique ou expression de la plasticité phénotypique de l’espèce Préferendum (/optimum) écologique (ici valeur indicatrice d’Ellenberg) Solution : Communauté – Association végétale Valeur ou indice plus restreint sur le gradient : Meilleure délimitation Pas d’a priori, base inductive via calcul Quelle procédure ? Valeur Indicatrice d’Ellenberg à Europe centrale à zone atlantique (Ellenberg et al.,1991) (Hill et al., 1999) Lum L 12 9 Indice spécifique pH R Sel S 9 9 9 1 1 1 à 1 1 F Humidité N Azote Indice d’humidité (du substrat) (adapté d’après Ellenberg, 1992) 1 – Plantes adaptées à la survie sur substrat extrêmement sec 3 – Plantes tolérantes des sols à déficits hydriques temporaires et réguliers 5 – Plantes préférant les sols frais, bien alimentés en eau et bien aérés 7 – Plantes tolérantes aux sols humides à hydromorphie temporaire (rédoxisols) 9 – Plantes adaptées aux sols saturés en eau et mal aérés (réductisols) 10 – Plantes adaptées aux milieux régulièrement ou occasionnellement submergés et sols mal aérés en phase d’exondation (plantes amphibies) 11 – Plantes enracinées sous l’eau et saisonnièrement exposées hors de l’eau (plantes amphibies) 12 – Plantes constamment submergées (plantes aquatiques strictes) Procédure opérationnelle : Propositions de mise en œuvre in situ Etape 1 : Réalisation de relevés phytosociologiques = Echantillon + homogénéité du milieu + surface > aire minimale (cercle de 3 pas de rayon) + Inventaire des espèces (+ : présence) Etape 2 : Tableaux de 1 à X relevés ou échantillons . Calcul de la fréquence des espèces Etape 3 : Report des indices d’Ellenberg/espèces Etape 4 : Calcul d’1 indice d’Ellenberg/communauté Etape 5 : Identification du niveau du gradient écologique . Position sur l’écocline Questions : . Définir les seuils Eau/ZH et ZH/terre . Limites d’application - saisonnalité - présence de végétation - validité en zone méditerranéenne - influence perturbations Discussion : . Quels seuils ? . Prévision sur la procédure (ex. : nombre d’échantillons) . Vers la caractérisation des HGMU’s ou Unités Hydrogéomorphologiques WWW.ceh.ac.uk/products/publications/ untitled.html Rechercher : « ECOFACT 2a technical annex- Ellenberg’s indicators values for British Plants » Gestion des zones humides de bas-fonds en vue de l’abattement des nitrates - 2 processus interviennent : A. dénitrification bactérienne favoriser la diffusion des intrants via des fossés peu profonds et à faible débit avec débordement si possible proscrire fossés drainant de la zone source à la rivière à proscrire sur habitat prés maigres et landes (inefficacité et destruction de l’habitat) B. assimilation par les plantes B1. En milieu riche en nutriments (N et P), favoriser pâturage et fauche avec exportation proscrire pâturage sur sol détrempé (Jonc diffus !) B2. En milieu pauvre en nutriments (caractère oligotrophe) fauche avec exportation ou ne rien faire ! Gestion par fauche (avec exportation) Effets : - pas d’accumulation de litière - réduit effet négatif des plantes dominantes Réponses : - réduit effet de la compétition des plantes sociales - maintien ou réduction du niveau des nutriments Limites : - mécanisation (accès) - portance sol Bilan : - biodiversité maintenue ou accrue mais homogénéisation possible - à recommander pour prés maigres* (oligotrophes) *paradoxe : pauvre/riche ! Pâturage (extensif !) et parcours Différentes modalités et différents broûteurs Effets : - pas d’accumulation de litière - réduit effet négatif des plantes dominantes - recyclage partiel des nutriments - piétinement (micro vs macro) Réponses : - réduit effet de la compétition - microsites pour augmentation biodiversité - risque de destruction des espèces sensibles et rares Limite : - portance du sol très humide (printemps) et envahissement par Jonc diffus Bilan : - à recommander pour prairies en friches et prés riches (méso-eutrophes) Et pourquoi pas préconiser la non-intervention ? FAUCHE ET PATURAGE GESTION TRADITIONNELLE Système durable (+ microdiversité ; - compétition PRAIRIE HUMIDE ABANDON - COUPE (maintien des espèces peu compétitives Contraintes et perturbations Dynamique des espèces ligneuses (refus) SUCCESSIONS PRE - FRICHE Impact Compétition + Dominance ABANDON DU PATURAGE Var. méso eutrophe FRICHE ET FOURRE MEGAPHORBIEE ROSELIERE Si dominance Grandes herbes (Forbes) Si dominance des Graminoïdes Si espèces ligneuses Var. oligotrophe FOURRES ET BOIS HYGROPHILES PRAIRIES A TOURADONS PARVOROSELIERES Ici dominance de graminoïdes Ici dominance de graminoïdes STABILITE VERSUS DYNAMIQUE DE LA VEGETATION DES SYSTEMES HERBACES Active dirches Hydrological processes Abandonned dirches River S1 Discharge from adjacent area S1 Ground water level fluctuation Recharge only Long flooding Overland flow F3 Run-off F1 F2 F1 Communautés végétales F4 HGMUs: F: flood plain; S: slope F1: flood plain (main level) F2: slight elevation I II III or IV V VII F3: moderate elevation F4: slight depression S1: gentle slope Bloc-diagramme résumant les usages, l’hydrologie au sein des unités hydrogeomorphologiques (HGMUs) et des communautés végétales : I: Juncus meadows; II: Filipendula stands; III: Molinia meadows; IV: Myrica scrubs; V: Potentilla rafts; VII: Festuca meadows. Bilan global si arrêt des usages Dimension spatiale : • Augmentation diversité paysagère (diversité γ) Ø via dynamique naturelle des communautés biologiques Ø via changement de l’hydrodynamique du système alluvial, ex recréation de communautés pionnières du fait de la rétention d’eau (rupture du drainage, comblement des fossés) Dimension temporelle • Réponses fonctionnelles sur des pas de temps plus ou moins longs Ø Baisse diversité α puis augmentation ultérieure Ø Fixation du carbone et de l’azote organique dans les sols via augmentation de la saturation en eau du substrat Ø Capacité dénitrification bactérienne augmentée (diffusion ralentie) Des capacités de restauration et de réappropriation – l’exemple du marais du Mesnil Marais du Mesnil en phase inondée au printemps Dispositif du contrôle des niveaux d’eau Un exemple de compatibilité des usages : Aménagement du marais grâce à un contrat nature : en vue d’optimiser la reproduction du brochet au début du printemps et assurer la production herbagère de ces communaux. Le marais en fin de printemps Choix de gestion dépendra d’un diagnostic via Procédure Evaluation Fonctionnelle Opérationalité La spatialisation (cartographie) Caractérisation des unités hydro-géomorphologiques - Le fonctionnement Evaluation des fonctionnalités et des processus - Définition des objectifs à atteindre et des opérations et techniques à mettre en œuvre - Recherche des moyens - techniques/usagers - financiers/partenaires - Mise en œuvre et évaluation de l’efficacité des procédures Maltby & al., 2009 : Woodhead publishing limited Un outil d’aide à la décision à destination des gestionnaires projets de recherche PROJETS EUROPÉENS 1991-1996. FAEWE "Functional Analysis of European Wetland Ecosystems" 1996-1999.PROTOWET "Procedural operationalisation of techniques for the FAEWE" 2000-2004. EVALUWET "European Valuation and Assessment tools supporting Wetland Ecosystem Legislation" 2004-2009. EUROLIMPACS "To evaluate the impacts of Global Change on European Freshwater Ecosystems" PROJETS NATIONAUX 1997-2000. Programme Recréer la Nature : "Réhabilitation de la Tourbière de BAUPTE" 1998-2001. PNRZH Ty-Fon: "Typologie Fonctionnelle des zones humides de bas-fonds" 1998-2001. PNRZH Tourbières de France "Fonctionnement hydrologique et diversité biologique" www.uhb.fr/gstb PROJETS LOCAUX 1991-2000. Restauration de la tourbière de Landemarais C. G. 35 1998-2000. Restauration de la zone humide de la Glaume C. C.de Châteaugiron 35 2000-2002. Restauration de la vallée humide du Bois Ainaux C. C. de Monthault-Louvigné 35 www.envam.org Exemple de fiche de sortie du logiciel Fap’s donnant les scores pour chaque fonction Exemple de graphique extrait du logiciel Fap’s pour les Services écosystémiques. Vue de la carte SIG permettant d’obtenir directement les scores pour chaque fonction avec le logiciel Arcgis Préserver le caractère OLIGOTROPHE des milieux Pourquoi ? - Diversité des espèces rares et menacées - Diversité des assemblages d’espèces / syntaxons - Fragmentation et isolement des habitats - Flux des diaspores limité et sites d’accueil improbables - Limite d’aire géographiques (en latitude et en altitude) - Capacité de restauration des milieux oligotrophes pratiquement impossible (cf cycle du Phosphore / boucle microbienne)