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Jésus, l’homme et le fils
de Dieu
Michel QUESNEL
Paris, Flammarion, 2004, 231p
Résumé par Lucien Lemieux
Publié du 19 décembre 2010 au 27 février 2011
Introduction
Tout change en ce qui concerne un personnage tel que Jésus. Des documents
nouvellement mis à jour permettent de se faire une idée inédite du judaïsme au Ier
siècle de notre ère. À une histoire événementielle se substitue une histoire des cultures
et des mentalités. Les critères d’historicité, utilisés pour dessiner les traits du
personnage de l’an 30, ne sont plus ce qui était mis encore en valeur en 1995. Et
pourtant le fait de se référer mondialement à la présumée date de naissance de Jésus
pour le calendrier actuel, habitude prise au VIIe siècle dans les îles britanniques et
répandue progressivement par la suite, n’est-il pas un signe de l’importance de ce
personnage?
1. Approche historique
1.1 Les sources chrétiennes
Des sources littéraires chrétiennes ressortent les vingt-sept livrets de la Bible, dits ceux
de la Nouvelle Alliance. Entre la plus proche de Jésus : l’épître de Paul aux
Thessaloniciens en l’année 50 et la plus éloignée : la seconde épître attribuée à Pierre
entre 125 et 130, s’insère l’Évangile quadriforme, particulièrement centré sur Jésus.
Marc, disciple de Pierre, aurait rédigé son texte à Rome vers l’année 70. Il fait
ressortir Jésus comme Christ, c’est-à-dire le Messie d’Israël, et comme Fils de
Dieu.
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Matthieu s’est adressé, entre 80 et 85 à un milieu judéo-chrétien, c’est-à-dire à
des chrétiens d’origine juive. « Il distribue l’essentiel de l’enseignement de Jésus
en cinq grands discours », rappelant le pentateuque, les cinq premiers livrets de
l’Ancienne Alliance.
Luc, à la même époque que Matthieu, a écrit l’histoire du christianisme des
années 30 à 60 en deux tomes, le second étant les Actes des apôtres. Juif
hellénisé, compagnon de saint Paul, il a composé son texte évangélique en Asie
Mineure ou en Grèce.
Jean, pas nécessairement l’un des Douze, a terminé sa présentation de
l’Évangile à Éphèse ou à Patmos vers 90-95; il révèle l’intimité de Jésus avec
Dieu.
Des textes évangéliques apocryphes dans lesquels n’a pas été reconnue « la règle de la
foi », incluent des documents du IIe siècle : l’Évangile selon Pierre, selon Thomas, des
Nazaréens, des Hébreux, des Ébionites. D’autres sont plus tardifs. Ce qui les caractérise,
c’est la description de certains événements relatifs à Jésus, incluant sa résurrection,
souvent de façon imaginative sinon fantaisiste. Il importe d’ajouter une seconde vague
littéraire chrétienne, postérieure ou concomitante aux livrets de la Nouvelle Alliance,
c’est-à-dire entre 95 et 150 : l’épître de Clément de Rome aux Corinthiens en 95, la
Didache (Instruction des Apôtres) vers 100, sinon vers 150, les épîtres attribuées à
Ignace d’Antioche; il n’y est cependant fait qu’allusion à Jésus le Christ, car il est plutôt
question de sujets d’actualité ecclésiale.
1.2 Les sources non chrétiennes
L’historien juif Flavius Josèphe (+100) dans son livre Antiquités judaïques, XVIII, 63-64,
fait allusion à Jean le Baptiste, à Jésus et à Jacques, frère de Jésus. Comme le texte
original n’a pas été trouvé, il s’agit de citations rapportées ultérieurement par des
auteurs chrétiens;, ces derniers ont sans doute coloré l’original en faveur de Jésus et de
sa résurrection. Trois auteurs latins de religions dites païennes : Pline le Jeune, Tacite et
Suétone ont écrit entre 110 et 120 à propos du christianisme. Ce mot est dit procéder
du Christ, « livré au supplice par le procurateur Ponce Pilate sous le principat en Tibère
». Il y est ajouté que cette « superstition d’origine orientale n’a guère eu la faveur des
intellectuels ni des patriciens romains ». Des découvertes archéologiques, tels les restes
d’un crucifié du début du Ier siècle, nommé Johanan, à Jérusalem en 1968, une barque
en bois d’il y a vingt siècles, retrouvée en 1986 au nord-ouest du lac de Tibériade, un
ossuaire du Ier siècle, trouvé en 2000 à Jérusalem et portant le nom de « Jacques, fils de
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Joseph et frère de Jésus », mots ayant pu cependant être écrits plus tard, ajoutent une
certaine crédibilité aux écrits évangéliques.
1.3 Traitement des sources
Toutes les sources mentionnées dans le semainier de dimanche dernier sont des
interprétations de la réalité. Il est heureux que depuis le XVIe siècle la Bible fasse l’objet
de notes marginales placées à côté du texte, en même tempos qu’elle fut peu à peu
traduite en langues vernaculaires. L’avènement de l’histoire critique ne viendra que
dans la seconde moitié du XIXe siècle. Après une « première quête » qui se déroule
jusqu’au début du XXe siècle, une deuxième est apparue en 1920, l’accent étant mis sur
les genres littéraires des 46 livrets de l’Ancienne Alliance. Depuis 1980, une troisième
quête de sens concerne la figure historique de Jésus, grâce à une approche du « cadre
juif qui fut celui de sa vie. »
La recherche historique exige d’abord une critique textuelle, puis une étude
comparative des sources, avant que l’on ne procède à l’écriture d’un texte amélioré.
Ainsi, une vie de Jésus en ressort renouvelée, pour autant que l’on prenne en compte
les critères d’historicité suivants :
le nombre de fois qu’une expression est employée, par exemple « les premiers
seront les derniers »; plus elle est répétée, plus elle peut être véridique;
la cohérence ou la convergence d’évènements; par exemple à propos de
l’attention aux personnes exclues, souvent mentionnée;
la dissemblance ou la dimissilitude, par exemple le fait que Jésus ne sache pas
quand va arriver la fin du monde, ce qui est un aveu de son ignorance qui
s’oppose à l’omniscience de ressuscité entretenue par ses disciples quarante ans
après sa mort; c’est plus réaliste;
la plausibilité, par exemple la contestation de Jésus par rapport au sabbat, ce qui
montre de sa part une certaine proximité avec les pharisiens, et ce contre les
sadducéens et les grands-prêtres; les événements rapportés dans l’Évangile sont
alors analysés à partir de leurs liens avec le milieu historique de Jésus.
Grâce à la combinaison de ces critères, une personne spécialisée en histoire dispose
d’outils assez fiables pour écrire la vie de Jésus, tout en se rappelant que l’histoire n’est
pas une science rigoureusement exacte.
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1.4 Un Galiléen du Iersiècle
Jésus a été un homme de son temps. À cette époque, la date de la mort était la plus
importante à retenir. À part quelque roi ou prince, la naissance de quiconque n’était pas
consignée. Comme les calendriers étaient multiples et souvent locaux, il est opportun de
se fier sur le fait que Jésus n’aurait pas été crucifié le jour même de la Pâque juive, par
attention à cette plus grande fête religieuse en judaïsme. Par prudence, il était
préférable que ce soit la veille, donc le vendredi 14 nisan (le nom d’un mois du
calendrier juif), ce qui correspondrait au vendredi 7 avril de l’an 30 selon le calendrier de
notre ère, et ce après de nombreux calculs appropriés. Ainsi la Cène a eu lieu jeudi,
l’avant-veille de la pâque juive, (un samedi, le jour du sabbat).
Le lieu de la naissance de Jésus demeure pour sa part douteux. Les évangélistes
Matthieu et Luc mentionnent Bethléem, mais il peut s’agir de la portée symbolique de
cet endroit, car elle était la ville de David et de son clan. Au VIIe siècle avant Jésus, le
prophète Michée avait écrit : « Bethléem… de toi sortira celui qui doit gouverner Israël
». Pour sa part, selon l’évangéliste Jean, Jésus serait Galiléen de naissance (Jn 7, 41-42 et
1, 45-46).
Si l’on doute du lieu de naissance, il est sûr que Jésus est né cinq ou six ans avant l’ère
en cours, dite chrétienne. L’historien juif Flavius Josèphe situe le recensement en l’an 6
de notre ère, soit une dizaine d’années après la mort d’Hérode le Grand. Ainsi, Jésus
serait décédé à 24 ans. Matthieu et Luc mentionnent clairement que Jésus est né au
temps d’Hérode, ce qui est le plus vraisemblable. La principale erreur est celle du moine
Denys le Petit (+545), qui fut le premier à faire un calendrier à partir de la naissance de
Jésus. En optant pour le mois de décembre de l’an 753 après la fondation de Rome, il le
faisait naître trois ans après la mort d’Hérode le Grand, ce qui est contradictoire avec
une naissance qui aurait eu lieu quelques années avant le décès de ce dernier, donc en
747 ou 748 du calendrier julien. De toute façon, le nombre de 33 ans n’est
historiquement confirmé d’aucune façon; Jésus serait plutôt décédé à 35 ou 36 ans.
Seul Jean, pourtant l’évangéliste le plus spirituel, laisse entendre que Jésus aurait
commencé sa mission en public à l’automne de l’année 27 de notre ère, ayant donc 33
ou 34 ans, ce qui coïnciderait avec Luc : « Jésus avait environ trente ans » (3, 23), le mot
« environ » étant le plus important. Jésus serait allé à Jérusalem lors de la pâque de
l’année 28, alors qu’il aurait rencontré Nicodème (Jean 3, 1-21). La multiplication des
pains aurait eu lieu avant la pâque de 29. À la fin de décembre 29, Jésus serait monté à
189 Jérusalem pour la fête de la Dédicace. Puis, il serait revenu pour la pâque de l’an 30.
Ainsi, Jésus a beaucoup plus circulé en Palestine que ne le laisse entendre Luc, qui ne
relate qu’un voyage principal entre la Galilée et la Judée, en mentionnant à peine un
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arrêt en Samarie, jugée hérétique et schismatique par les Juifs des deux autres
contrées.
Quant à la vie antérieure de Jésus, qui peut être certain de la connaitre? La bourgade de
Nazareth n’est jamais mentionnée dans les 46 livrets de l’Ancienne Alliance et un
chercheur récent a laissé entendre qu’elle n’existait pas encore au temps de Jésus. De
toute façon, la Galilée, région dont fait partie le présumé hameau, est alors considérée
de bas étage par les habitants de la Judée, au sud, là où se trouve Jérusalem. « De
Nazareth… peut-il sortir quelque chose de bon? » (Jn 1, 46). En Galilée, terre de passage
pour toutes sortes de commerçants, les adeptes du judaïsme sont influencés par des
pharisiens, traditionnellement fort respectueux des principales règles de la pureté
physique. Cependant, le fait d’être loin de Jérusalem leur permettait d’être distants des
grands-prêtres du temple de Jérusalem et des sadducéens, qui pensaient tout savoir,
alors que le passage d’étrangers les ouvrait à d’autres peuples et cultures. Il semble bien
que Jésus a appartenu à une famille d’artisans. Il pouvait travailler, à l’occasion, dans sa
région selon les besoins, par exemple à Sepphoris et à Tibériade. La Galilée était
relativement paisible à cette époque, car Hérode Antipas y fut souverain de l’an 4 avant
notre ère à 39 après. Jésus fréquentait sans doute la synagogue. Bien que parlant
quotidiennement l’araméen, il y entendait les lectures en langue hébraïque officielle.
Comme le grec, en son dialecte koinh, était la langue populaire de l’empire romain dont
faisait partie la Palestine, Jésus en saisissait probablement certains mots. Selon certains
livrets de la Nouvelle Alliance, Jésus aurait eu quatre frères : Jacques, Joseph, Simon et
Jude. Les noms de ses sœurs ne sont pas mentionnés. Trois interprétations subsistent :
ils seraient des cadets de Jésus et enfants de Marie et de Joseph, ce qui est
retenu en Église protestante;
ils seraient des enfants de Joseph, nés d’un mariage antérieur, ce qui est retenu
en Église orthodoxe;
ils seraient des cousins et des cousines de Jésus, ce qui est retenu en Église
catholique romaine.
Ce qui est sûr, c’est que Jésus a été éduqué dans un milieu familial élargi et non dans le
cadre d’un couple avec un enfant.
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