Le vieillissement comme maladie ou comme non-maladie

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Le vieillissement comme maladie ou comme non-maladie
L'opposition entre l'approche scientifique et l'approche sociale
Plan de l’exposé
1. Constatation d’un débat et d’un malaise de société
a. Les tendances en faveur des thèses opposées :
le vieillissement est une maladie
le vieillissement n’est pas une maladie
b. Quelques distinctions fondamentales
c. La place du vieillissement dans la Classification statistique
internationale des maladies et des problèmes de santé connexes
2. Qu’est ce qui rendrait le vieillissement différent des maladies ?
3. Vers une définition de la maladie
4. Emergence du concept de “non-maladie”
5. Pourquoi ne pas admettre que le vieillissement est une maladie ?
6. D’une anthropologie du sportif
à une anthropologie de l’homme vieillissant
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Le vieillissement comme maladie ou comme non-maladie
L'opposition entre l'approche scientifique et l'approche sociale
1. Constatation d’un débat et d’un malaise de société
a. Dégageons quelques tendances
En faveur de la thèse « le vieillissement n’est pas une maladie »
Acteurs politiques pour la dignité des personnes âgées
Milieux féministes qui veulent “dédramatiser” le fait du vieillissement
Milieux sensibles au problème de l’explosion des coûts de la santé (caissesmaladie, médecine sociale, gériatres, cliniciens)
En faveur de la thèse « le vieillissement est une maladie »
Chercheurs (biologistes généralement)
« Vendeurs de pilules »
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Le vieillissement n’est pas une maladie
Fossel, M. (2002) Cell Senescence in Human Aging and Disease, Ann NY Acad Sci;
959: 14-23.
Henrard, J.-C. Les défis du vieillissement : la vieillesse n'est pas une maladie!,
Paris : La Découverte , 2002, 234 p. (monographie).
Le vieillissement n'est pas une maladie. Coordonnées Adresse : Initiative de la
FFGZ - Feministisches Frauen Gesundheits Zentrum e.V. (Centre
féministe de la santé féminine) à Berlin.
Martin, J. (2001). La vieillesse est-elle une maladie ? La mort est-elle toujours
l’ennemie du soignant. Médecine&Hygiène, 2367, 2201-2202.
Moynihan, R., Heath, I. & Henry, D. (2002). Selling sickness : the pharmaceutical
industry and disease mongering. British Medical Journal, 324, 886-891.
Stephenson, H., Zeldes K. Norsigian, J. (2005). Our Bodies, Ourselves : A New
Edition for a New Era, Boston Women's Health Book Collective,
Chapitre I : Aging is not a disease.
Sur le site de la Kassenärztliche Vereinigung Berlin : Altern ist keine Krankheit.
Jean Martin (2001, p. 2201) définit le vieillissement comme « un processus physiologique sur lequel se greffent des polypathologies »
(Martin, J. (2001). La vieillesse est-elle une maladie ? La mort est-elle toujours l’ennemie du
soignant. Médecine&Hygiène, 2367, 2201)
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Le vieillissement est une maladie
Two key theories had emerged : the mutation-accumulation theory and the
pleiotropy or trade-off theory. In the light of these evolutionary theories, we
can see that ageing has evolved as a late-onset genetic disease that affects us
all.
(Partridge, L. & Gems, D. (2002a). Mechanisms of ageing : public or private. Nature reviews/ Genetics, 3, 166.)
Deux théories clef avaient émergé : la théorie du fardeau mutationnel et la
théorie du gène pléiotrope ou de la compensation. A la lumière de ces théories
évolutionnistes, nous pouvons voir que le vieillissement a évolué comme une
maladie génétique à manifestation tardive qui nous affecte tous.
(notre traduction)
Si vous vivez encore vingt-cinq ans, vous pourrez vivre pour l’éternité... Si vous
le voulez ! La plupart des gens acceptent la mort mais cette génération est la
dernière à mourir...
(Gary Prater, gérant de magasin à la Life-extension Foundation, Martino,
(1998), Enquête d’immortalité, p. 15)
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b. Quelques distinctions fondamentales
Vieillissement et vieillesse
Vieillissement normal et pathologique
Maladie, ensemble de maladies, pathologie, syndrome...
Voici la définition que le Dictionnaire de la médecine Flammarion donne du mot
« syndrome » pour le distinguer de celui de « maladie » :
Ensemble de symptômes (ou de signes) constituant une individualité clinique
mais non étiologique. Le syndrome se distingue donc traditionnellement de la
maladie par l’absence de cause spécifique.
[…].
Santé et maladie
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c. La Classification statistique internationale des maladies
et des problèmes de santé connexes
R54
Asthénie sénile
Débilité ;
Sénescence
sans mention de psychose
Vieillesse
Syndrome de glissement
A l’exclusion de : psychose sénile (F03)
(OMS (1993). Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de
santé connexes (CIM-10), (10e révision) Genève, p. 935)
“R” correspond au chapitre : Symptômes, signes et résultats anormaux d’examens
cliniques et de laboratoire, non classés ailleurs.
N.B. Les syndromes d'Hutchinson-Gilford et de Werner (vieillissement accéléré)
sont classés sous Autres troubles endocriniens (E34), E étant le chapitre des Maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques.
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2. Qu’est ce qui rend le vieillissement différent des maladies ?
Selon Bernard Strehler (1925-2001)
Le caractère intrinsèque signifie qu’une manifestation du vieillissement ne dépend
jamais de facteurs externes. On ne peut l’éliminer en modifiant l’environnement de
l’individu en question, c’est pourquoi il apparaît aussi en milieu protégé. Cependant, c’est aussi une caractéristique de la plupart des maladies génétiques et des
troubles du métabolisme.
La progressivité s’oppose à la brutalité des manifestations pathologiques. Toutefois, les maladies dégénératives sont aussi progressives. Par ailleurs, dans la mesure
où les techniques les plus modernes parviennent à remédier à certaines dégénérescences, le vieillissement n’est plus totalement progressif.
La nocivité permet d’éliminer certains effets de l’âge – rides, calvitie – qui paraissent n’augmenter en rien la vulnérabilité.
Seule l’universalité distinguerait le vieillissement des maladies.
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3. Vers une définition de la maladie
« Maladie » ne se définit pas seulement en fonction de critères médicaux, mais aussi en fonction de critères sociaux.
Chaque civilisation définit ses propres maladies. Ce qui est maladie dans l’une
pourrait être malformation chromosomique, crime, sainteté ou péché dans une
autre.
(Illich, I (1976), Limits to medicine, cité par Smith, R. (2002). In search of non-disease,
BMJ, 324(7342), p. 884)
La maladie requiert deux conditions :
- constatation de dysfonctionnements organiques
- reconnaissance sociale de ce dysfonctionnement
- intérêt de la société
- intérêt de l’individu
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Protection :
contre la
Reconnaissan contagion ou
ce sociale des autres dangers
maladies
Nécessité
existentielle :
recouvrer son
autonomie ou
guérir d’une
maladie
mortelle
tuberculose
troubles
Intérêt élevé :
retrouver des psychiatriques
dangereux
conditions de
pour les
vie normales
autres :
schizophrénie
Intérêt
relatif :
affections
supportables
Aucun
intérêt :
exclusion
sociale, perte
de droit
pyromanie,
cleptomanie,
lèpre dans
certains pays
pauvres
Investissement:
permettre à une
personne d’être à
nouveau
productive
fractures à la
suite d’un
accident
Intérêt
relatif :
affections sans
gravité ou
prise en charge
d’une
personne qui
ne peut plus
travailler
opération suite
à une fracture
chez une
personne âgée
dépression,
troubles du
sommeil
grippe
Peu
d’intérêt :
soins trop
coûteux à
fonds perdus
ou manque de
traitement
efficace connu
cancer chez
une personne
de plus de 80
ans
dépression
chronique,
fatigue
chronique
allergies
légères,
acné
obésité,
maux de tête
poches sous
les yeux,
vieillissement,
calvitie,
cheveux
grisonnants
N.B. Les zones grises plus ou moins foncées indiquent les situations où les troubles
de santé ont le moins de probabilité d’être reconnus comme pathologiques.
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4. Emergence du concept de “non-maladie”
By « non-disease » we meant « a human process or problem that some have
defined as a medical condition but where people may have better outcomes if
the problem or process was not defined in that way ».
(Smith, 2002, p. 885)
Par « non-maladie » nous entendons « un processus humain ou un problème
que certains ont défini comme une condition médicale mais pour lequel les
gens auraient avantage à ce que le problème ou le processus en question ne
soit pas défini de cette manière ».
(notre traduction)
Ce concept émergerait lorsqu’il y aurait opposition entre :
- la constatation de dysfonctionnements organiques
- la reconnaissance sociale de ce dysfonctionnement
Ex. Vieillissement
soit entre :
- intérêt de l’individu pour une reconnaissance sociale
- intérêt de la société pour une reconnaissance sociale
Ex. Dépression chronique,
Irritable bowel syndrome
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5. Pourquoi ne pas admettre que le vieillissement est une maladie ?
Raisons financières
Résistance au charlatanisme des « vendeurs de pilules »
Malentendus d’ordre sémantique : vieillesse et vieillissement
Raisons sociologiques et anthropologiques, car
la mode, c’est d’être jeune.
Andrews (1999) argued that redefining old age as youthful is a subtle form of
ageism, whereby people do not see old age as a future extension of themselves or a
description of their present selves but as something totally detached from
themselves.
(Öberg, P. & Tornstam, L. (2001). Youthfulness and Fitness-Identity Ideals for All Ages ?
Journal of Aging and Identity, 6(1), 15-28., p. 17)
Andrews (1999) argumente que la définition de la vieillesse comme jeunesse est une
forme subtile d’âgisme, par laquelle les gens ne voient pas la vieillesse comme une
extension future d’eux-mêmes ou comme une description de leur moi actuel, mais
comme quelque chose de totalement détaché d’eux-mêmes.
(notre traduction)
Pourquoi est ce que la mode c’est d’être jeune ?
Notre anthropologie occidentale contemporaine est centrée sur le corps et ne
peut se résoudre à considérer le vieillissement comme une maladie.
Selon une telle conception, la santé apparaît comme un idéal supérieur à tout
autre ideal.
La possibilité apparaît de ne plus accepter le corps tel qu’il a été fourni par la
nature ; le sujet ne vit plus le corps comme une fatalité, mais comme un moyen au
service d’une finalité : le corps doit devenir ce qui est voulu par le sujet, son image
et son expression.
Andrieu, B. (1994). Les cultes du corps. Paris : L’Harmattan.
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6. D’une anthropologie du sportif à une anthropologie de l’homme vieillissant
La santé est un état relatif, un état d’équilibre de notre organisme
Sur la base de choses qui ne sont pas spéculatives mais que l’on sait, une cellule privée de facteurs de croissance – un facteur de croissance pour une cellule, c’est un type de contact avec le monde extérieur – eh bien une cellule qui
est privée de contact avec les cellules environnantes, en fait elle meurt.
Un enfant qui n’est pas en contact avec d’autres humains, ce qui représente un
apport positif, mais aussi un stress parce que toute relation représente un
stress, eh bien cet enfant il est en état de « désafférentation » et il ne va pas se
développer. Donc on peut se dire que notre développement harmonieux en fait
dépend de notre environnement, des humains qui nous entourent, et donc du
stress qu’ils nous imposent.
Le cocon, s’il peut être régénérateur à court terme, est certainement délétère à
long terme. Le fait de se mesurer à différents types de stress est certainement
un des moteurs essentiels de la vie humaine.
(Martino, B. (1998), Enquête d’immortalité, p. 188)
Biologiquement la santé parfaite n’existe pas, c’est pourquoi la santé est, en
dernière analyse, un état subjectif.
Nous sommes naturellement des malades qui savons nous soigner, plutôt que
des êtres à la santé de fer.
La question n’est pas de savoir si le vieillissement est une maladie,
mais plutôt :
- quel genre de maladie est le vieillissement ?
- ne peut-il exister de maladies incurables par nature ?
- la médecine pourra-t-elle guérir un jour toutes les maladies ?
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