La dynamique du manteau terrestre

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19112005
La dynamique du manteau terrestre
Le manteau terrestre s'étend depuis la base de la croûte (quelques kilomètres de
profondeur) jusqu'au noyau liquide (2900 km de profondeur). Il est constitué de
roches solides, qui ne fondent que très localement, près de la surface, et en petite
quantité.
Toutefois, ce manteau solide a un comportement fluide à l'échelle des temps
géologiques (plusieurs millions d'années) : il se déforme avec des vitesses typiques
de l'ordre du cm/an, ce qui engendre par exemple la tectonique des plaques en
surface.
Le Phénomène Physique : La Convection Thermique
Principe général
Un fluide dilatable soumis à un chauffage suffisant se met en mouvement : c'est la
convection thermique. L'exemple le plus simple est celui de l'eau que l'on fait bouillir
sur une plaque chauffante : au voisinage de celle-ci, le fluide se réchauffe, devient
plus léger et se met à monter, tandis qu'à la surface, au contact de l'air, il se refroidit,
devient plus lourd et se met à descendre.
Deux types de structure peuvent alors apparaître : des rouleaux correspondant à un
mouvement circulaire du fluide sur toute l'épaisseur du système, ou des panaches,
conduits très étroits qui apparaissent au niveau des limites chaudes et froides du
système et se dirigent vers la limite opposée.
Un unique paramètre suffit pour caractériser l'existence et l'intensité de la convection
: le nombre de Rayleigh (Ra). Il est égal au rapport entre le phénomène moteur du
mouvement (la poussée d'Archimède) et les phénomènes résistants (diffusion de
chaleur et frottements visqueux). Lorsque Ra est inférieur à une valeur critique Rac
de l'ordre de 1.000, l'énergie apportée au système est insuffisante : le fluide demeure
immobile. Mais lorsque Ra est supérieur à la valeur critique Rac, le fluide se met en
mouvement : le système convecte.
La seule étude du nombre de Rayleigh permet donc de caractériser la dynamique
d'un système. Dans le manteau terrestre, ce nombre de Rayleigh est de l'ordre de
100 millions, très largement supérieur à la valeur critique : bien que constitué de
roches solides, le manteau convecte donc.
Les difficultés inhérentes au manteau
Il s'avère cependant difficile d'appliquer les lois théoriques simples au système
complexe terrestre. Tout d'abord, les conditions aux limites du manteau sont très
différentes suivant que l'on se trouve sous un continent ou un océan. Par ailleurs, les
propriétés physiques du manteau (par exemple la viscosité) varient fortement avec la
profondeur. Il existe de plus des transitions à l'intérieur du manteau dont l'influence
sur la convection est encore mal connue : par exemple, à 670 km de profondeur, les
roches du manteau subissent une réorganisation, marquant la séparation entre le
manteau "supérieur" et le manteau " inférieur ".
Enfin, les roches du manteau contiennent des éléments radioactifs, entraînant un
chauffage interne, qui n'est pas homogène sur tout le manteau.
La dynamique convective du manteau est donc très compliquée, et les
géophysiciens s'appuient sur différentes observations géochimiques et géophysiques
pour parvenir à une modélisation satisfaisante.
Les Observations
Tectonique de plaques et points chauds
La dynamique du manteau constitue le moteur de la tectonique des plaques, et est
donc à l'origine des séismes et d'une grande partie du volcanisme. En suivant le
modèle physique simple de la convection, les dorsales océaniques correspondent à
la montée de matériel chaud, et les zones de subduction à la descente de matériel
froid, formant ainsi dans le manteau un certain nombre de cellules de convection.
Cette vision simple est toutefois insuffisante. En effet, certains volcans (comme ceux
de Hawaii ou le Piton de la Fournaise à la Réunion) apparaissent au milieu des
plaques, indépendamment de toute structure tectonique. Ces points chauds sont
interprétés comme la trace en surface de panaches convectifs provenant des
profondeurs du manteau. Un second type de structure convective vient donc se
superposer aux grandes cellules mises en évidence par la tectonique des plaques.
Géochimie
Les géochimistes analysent les laves émises à la surface de la Terre et utilisent les
éléments radioactifs de celles-ci comme traceurs pour remonter à la composition
initiale de leurs sources dans le manteau. Ils distinguent principalement deux types
de laves.
Les laves émises au niveau des dorsales océaniques appelées MORB (Mid Océan
Rift Basalt) qui présentent une composition relativement constante sur l'ensemble de
la planète. Ces laves proviennent donc d'un réservoir relativement homogène,
occupant la partie supérieure du manteau.
Les laves des points chauds appelées OIB (Oceanic Island Basalt) qui présentent
une composition variable, mais systématiquement plus riche en éléments primitifs et
en gaz : il semble que ces laves proviennent d' une seconde couche plus profonde,
demeurée isolée de la surface pendant des milliards d'années.
La morphologie et la profondeur de ces deux réservoirs ne sont cependant pas
contraintes. La seule certitude est que la partie supérieure du manteau, d'où
proviennent les laves appelées MORB, ne peut occuper plus de la moitié du
manteau total.
Sismologie
a sismologie permet de réaliser un "scanner" de l'intérieur de la Terre. Les images
tomographiques, présentant une image tridimensionnelle des variations des vitesses
sismiques dans le manteau, nous offrent en effet une coupe verticale de celui-ci : les
zones de vitesses sismiques rapides correspondent en première approximation à des
zones froides, et les zones de vitesses sismiques lentes à des zones chaudes).
Ces images montrent en particulier que l'on peut suivre la subduction de certaines
plaques océaniques jusqu'à 2.900 km de profondeur : il existe des mouvements à
l'échelle du manteau tout entier. Le problème est donc d'expliquer comment générer
une dynamique à l'échelle globale sans toutefois mélanger le manteau, de manière à
conserver deux réservoirs distincts.
Modèles de Convection
Convection à une couche
Dans ce modèle, le manteau convecte dans son intégralité, et est donc entièrement
mélangé. Ce modèle satisfait la sismologie puisque les plaques océaniques plongent
jusqu'à la base du manteau, mais ne respecte pas les bilans géochimiques puisqu'il
ne dispose pas d'une couche primitive suffisamment importante.
Convection à deux couches
Dans le modèle à deux couches, le manteau est divisé en deux parties qui
convectent séparément, sans échange de masse important (par exemple, manteau
supérieur et manteau inférieur). Ce modèle satisfait la géochimie puisqu'il fait
apparaître deux couches bien différenciées, mais ne respecte pas les données
sismiques puisque dans ce contexte, les plaques océaniques demeurent bloquées à
la transition entre les deux couches.
Modèle évolutif
La tomographie est un outil très intéressant pour observer la dynamique du manteau,
mais il faut se rappeler qu'elle ne propose qu'un cliché instantané des structures
actuelles, et ne résout donc pas le problème de l'évolution sur des échelles de temps
géologiques.
La géochimie quant à elle propose une vision à plus long terme. Une manière de
réconcilier ces observations est donc de supposer que le manteau était initialement
stratifié de manière à conserver 2 réservoirs distincts, et que depuis quelques
centaines de millions d'années seulement il évolue vers un régime à une couche.
La convection thermochimique. Une autre manière de réconcilier les données est de
supposer que le manteau terrestre est bien constitué de deux réservoirs différents,
mais de densités très voisines. Dans ce cas, on peut imaginer que sous l'effet de la
convection, l'interface entre ces deux réservoirs se déforme, sans toutefois aboutir à
un mélange complet. Un tel modèle satisfait donc la géochimie puisque l'on dispose
de deux couches séparées et isolées sur des périodes très longues, ainsi que la
sismologie puisque la subduction peut s'opérer sur toute l'épaisseur du manteau,
l'interface étant défléchie par les plaques océaniques plongeantes.
Ce modèle semble prometteur, mais doit encore être étudié plus précisément pour
être validé. La convection dans le manteau est donc aujourd'hui encore un thème de
recherche important pour les géophysiciens.
Pour voir quelques images de convection analogique dans le manteau :
Laboratoire de Dynamique des Systèmes Géologiques
Quelques films d'expériences de convection thermique dans un fluide visqueux
hétérogène. Michaël Le Bars, Janvier 2003
Pour en savoir plus :
Le Manteau Terrestre en cuve. Christophe Sotin. La Recherche, 330, 24-25, Avril
2000
La Physique et la Terre. Sous la direction de Henri-Claude Nataf et Joël Sommeria,
Belin, CNRS Editions, 2000
Résumé de la thèse "Convection thermique dans un fluide visqueux hétérogène :
phénoménologie, lois d'échelle et applications aux systèmes terrestres" par Michaël
Le Bars, Janvier 2003.
Source :
Futura-Sciences Crédits Photos :
Google
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