Douleurs chroniques et travail
Les phénomènes de dysfonction dans la maîtrise des troubles
comme entraves à la réadaptation
Thomas Knecht
Psychiatrische Klinik, Münsterlingen
CABINET Forum Med Suisse 2008;8(42):797–802 797
Les psychiatres sont parfois accusés de délivrer
trop généreusement des certificats d’incapacité
de travail et d’encourager cette évolution néfaste.
En fait, ces dernières années, le corps médical et
la jurisprudence ont effectué un certain réajuste-
ment, chacun de son côté, notamment sous la
pression de l’endettement croissant de l’assu-
rance-invalidité.
Kissel et Mahnig [1], du Centre d’observation mé-
dicale de l’AI (COMAI) de Suisse centrale, remar-
quaient en 1998 encore, que presque 80% de
leurs patients fibromyalgiques étaient à considé-
rer comme ayant une incapacité de travail de
50%. Il faut remarquer que cette affirmation
concerne des troubles dont la prévalence en Eu-
rope peut atteindre 6%.
A l’opposé, un arrêt du Tribunal fédéral des as-
surances de Lucerne précise aujourd’hui qu’un
trouble somatoforme n’est pas en soi une raison
suffisante d’invalidité. Toutefois, le fait qu’un
large domaine du syndrome de la fibromyalgie
se recouvre avec les troubles somatoformes
douloureux persistants n’est aucunement mis en
doute.
Selon la CIM-10 [2], les troubles somatoformes
sont caractérisés par l’apparition de symptômes
physiques, associés à une quête médicale insis-
tante; ceci en dépit de bilans négatifs répétés et
de déclarations faites par les médecins selon les-
quels les symptômes ne peuvent être (entière-
ment) expliqués par un trouble organique.
La perturbation liée à ces troubles provient
d’une «certaine restriction dans les fonctions fa-
miliales et sociales, résultant du type de symp-
tômes et du comportement qu’ils induisent»
(CIM-10).
De façon concrète, cela signifie souvent que le pa-
tient cesse son activité professionnelle, et que
dans de nombreux cas, il ne la reprend plus,
même si l’évaluation du médecin traitant établit
qu’une telle reprise serait envisageable et sup-
portable. Dans ces cas, les dossiers des patients
montrent fréquemment des discordances entre
les éléments d’anamnèse objectivables et les pro-
blèmes exposés; dès lors apparaît un doute au su-
jet de la légitimité du droit du patient à bénéficier
(aussi longtemps) de privilèges en tant que ma-
lade.
Introduction
Un nombre rapidement croissant de rentiers AI
présente des troubles psychosomatiques chroni-
cisés; leurs principaux symptômes sont des dou-
leurs diffuses, difficiles à évaluer, qui affectent
surtout l’appareil locomoteur et constituent un
sérieux problème pour le système des assurances
sociales.
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 785 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Quintessence
Les problèmes posés par le diagnostic, la thérapeutique et la réintégration
professionnelle des patients souffrant de douleurs chroniques ont une impor-
tance énorme pour la santé publique et les assurances sociales.
Des expertises peu plausibles sont souvent à l’origine de litiges longs et pé-
nibles. Bien que les patients se déclarent comme souffrant sur le plan physique,
c’est souvent l’opinion d’un psychiatre qui sera demandée comme ultime avis.
La plupart du temps, il n’y a pas de réels troubles psychiques ayant valeur de
maladie à diagnostiquer; par contre, on est confronté à une discordance nette
entre la capacité de travailler pouvant être requise et celle effectivement réa -
lisée, ainsi qu’entre les constatations médicales objectives et les plaintes du
patient.
Il existe un certain nombre de phénomènes cliniques et de concepts psycho-
logiques qui peuvent souvent être utiles pour expliquer ces discordances.
Summary
If the pain patient doesn’t work.
Factors in dysfunctional symptom control as obstacles
to rehabilitation
The problems of diagnosis, treatment and rehabilitation of patients with
chronic pain syndromes are of major importance for public healthcare and social
insurance.
Expert opinions of low validity often give rise to wearisome litigation. Even
though these patients declare themselves physically ill, psychiatrists are often
called in as the last in a long line of medical experts.
In many cases no genuine psychiatric disorder of clinical significance is to
be found. On the other hand, there are often wide discrepancies between a
patient’s assessed and actual working capacity, and between the symptoms
presented and the objective findings.
A number of clinical factors and psychological constructs have proven of
assistance in closing such gaps in the assessment of work incapacity.
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Aggravation
Aggravation (du latin gravis, lourd): augmenta-
tion de la gravité des symptômes d’une mala-
die [3].
Alors que dans la simulation le patient fait croire
qu’il est affecté d’un trouble en réalité inexistant,
le patient aggravant son cas présente l’intensité
de ses troubles et/ou la gravité de son problème
sous une forme exagérée que des considérations
objectives ne peuvent pas nécessairement expli-
quer à partir de la pathologie de base existante.
Un penchant tendancieux, parfois manipulateur,
est souvent perceptible.
La tendance à l’explication exagérée repré-
sente une forme atténuée d’aggravation. Nous y
sommes confrontés lorsqu’un patient exagère, à
fins de démonstration, les troubles et les pro-
blèmes existants. Dans ces cas, une question dé-
licate se pose souvent à l’expert: où placer la li-
mite entre une présentation des symptômes
appuyée, éventuellement quelque peu exagérée
mais légitime, et une tentative consciente de
tromperie?
La seule réponse possible est qu’il n’existe pas de
critère différenciateur unique. Par conséquent,
l’évaluation d’ensemble doit être établie à partir
d’une palette élargie de données provenant des
examens cliniques et de l’anamnèse.
Amplification des symptômes
(ou encore: «amplification secondaire progres-
sive»)
Il est question d’amplification des symptômes
lorsqu’on constate une augmentation successive
et retardée des troubles et des problèmes, ainsi
que de leurs conséquences sociales, augmenta-
tion qui n’est pas compatible avec les connais-
sances cliniques sur la pathologie de base (il faut
bien sûr soigneusement exclure toutes les com-
plications).
Selon Oliveri et al. [4], l’amplification des symp-
tômes se manifeste sur cinq plans distincts:
la description des symptômes,
le handicap fonctionnel,
le rôle social des symptômes: ceux-ci jouent un
rôle toujours plus grand dans la vie du patient
et celle de son entourage 3profit tiré de la
maladie,
le niveau (réduit) de participation,
l’incohérence (entre l’anamnèse, les plaintes
et le comportement).
Autolimitation
Ce terme général peu spécifique s’applique tou-
jours dans les cas où prédomine l’impression cli-
nique de se trouver face à un patient qui ne pousse
pas l’effort jusqu’à ses vraies limites, alors que
Si la suspension de toute activité professionnelle
persiste, une évaluation du droit à l’assurance so-
ciale devient inévitable.
Aux côtés des rhumatologues, des orthopédistes
et des neurologues, les psychiatres sont de plus
en plus souvent sollicités pour une expertise,
qu’elle soit monodisciplinaire, lorsque l’anam-
nèse préalable est suffisante sur les plans soma-
tique et médical, ou encore bidisciplinaire, en col-
laboration avec les spécialistes des disciplines de
la médecine somatique impliquées, lorsqu’une
détermination holistique s’avère nécessaire pour
aboutir à une évaluation consensuelle. Lors d’un
examen psychiatrique approfondi, il est souvent
impossible de diagnostiquer une réelle maladie
psychiatrique en dehors des troubles douloureux,
de formes souvent très diverses. Selon la CIM-10,
il faut envisager le diagnostic d’un «trouble so-
matoforme douloureux chronique» lorsque les
douleurs chroniques présentent les caractéris-
tiques suivantes: elles ne peuvent pas s’expliquer
(entièrement) par un problème d’ordre soma-
tique mais elles apparaissent en relation avec des
conflits émotionnels ou des problèmes psychoso-
ciaux graves, ce qui pourrait suggérer que ces
derniers jouent un rôle causal. Cependant,
comme nous l’avons vu plus haut, ce diagnostic
ne constitue pas en soi une raison d’invalidité et
ne donne pas droit à des indemnités.
Dans ces cas, il n’est pas possible d’attribuer le
non travail du patient à des problèmes ou des
handicaps provenant directement d’un change-
ment de l’état mental, comme dans le cas d’un
état résiduel schizophrénique grave ou lors d’une
lésion organique du cerveau. L’anamnèse et le
tableau clinique de ces patients présentent
fréquemment des phénomènes que l’on pourrait
considérer comme des dysfonctions de la capa-
cité de maîtriser des problèmes ou des douleurs;
ces phénomènes peuvent néanmoins constituer
un sérieux obstacle dans le processus de réadap-
tation.
Les phénomènes considérés
individuellement
La suite de cet article présente une liste non
exhaustive de phénomènes et de mécanismes qui
s’observent avec une certaine régularité lors des
expertises faites à la demande des assurances
sociales chez des patients souffrant de douleurs
chroniques (somatoformes); suivant leur constel-
lation, ces éléments sont susceptibles de livrer
une explication psychologique à l’insuffisance de
la participation des demandeurs de rentes. Les
concepts introduits seront brièvement expliqués
afin d’établir un glossaire.
Ces concepts comprennent aussi bien des termes
techniques clairement définis et lexicalisés que
des expressions bien établies dans le jargon des
cliniciens et des experts.
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comberaient actuellement et par un repli vers un
stade antérieur de son développement personnel.
Il en résulte une dépendance qui nécessite de
l’aide extérieure sous diverses formes. Dans le
cas extrême, un homme adulte peut se trouver
incapable de s’habiller ou d’assurer son hygiène
intime après un traumatisme mineur.
Lhamon et ses collaborateurs attirent l’attention
sur le fait que la régression de la personnalité
peut se développer de façon partielle et spéci-
fique, sans que la personnalité entière ne soit
infantilisée. L’individu, qui n’est pas une unité
fonctionnelle homogène peut, par exemple, ré-
gresser sur le plan végétatif afin de soulager l’état
psychique interne des fonctions psychologiques
supérieures, assurant ainsi une stabilisation du
reste de la personnalité, ou empêchant son ef-
fondrement.
Kinésiophobie
Plutôt qu’une phobie au sens classique, ce terme
décrit une attitude antalgique accentuée, impré-
gnée d’angoisse, qui cherche à éviter tout mouve-
ment et aboutit ainsi à une fixation de la restric-
tion de mouvement.
Le patient anticipe la sensation de douleur possi-
ble de façon phobique et excessive et interrompt
déjà le mouvement dans une phase précoce, au
sens d’une autolimitation ciblée.
Des moyens de saisie spécifiques ont même été
développés afin de pouvoir quantifier la kinésio-
phobie: échelle K, échelle de kinésiophobie de
Tampa (EKT), TSK-11 (version réduite de l’EKT).
Cogniphobie
Ce concept signale une phobie de la cognition,
empreinte d’angoisse anticipative et antalgique,
se caractérisant par une participation réduite, in-
terrompue, ou totalement refusée aux tests
(neuro-)psychologiques; ces divers degrés de ré-
ticence sont motivés par la crainte des céphalées
ou des douleurs semblables que l’effort intellec-
tuel pourrait provoquer.
Il en résulte habituellement des tests d’une mau-
vaise qualité par ailleurs inexplicable et des pro-
tocoles de tests inachevés. Toutefois, l’observa-
tion d’un comportement autolimitant en situation
de test peut aussi livrer des précisions utiles pour
le diagnostic. Ici aussi, une échelle permet de
quantifier les résultats: l’échelle C fut présentée
par Martelli et al. en 1999.
Déconditionnement
(physique/psychique)
Au sens strict, «déconditionnement» signifie «éli-
mination d’un conditionnement»; dans un sens
cela serait possible du point de vue de sa forme
physique et de son état psychique de base. Cela
peut se constater dans le comportement quoti-
dien, lors de tests, au cours de l’évaluation de la
capacité fonctionnelle (ECF) ou à l’occasion d’une
tentative de reprise du travail.
Manque de coopération
Ce concept doit s’appliquer uniquement lorsque
la conclusion s’impose – à partir de plusieurs ob-
servations différentes et conclusives – que le pa-
tient s’applique de façon consciente et volontaire
à faire échouer les efforts de réadaptation.
Il s’agit d’une notion très ouverte, qui peut s’ex-
primer sous diverses formes: non comparution
aux examens médicaux, dissimulation d’infor-
mations significatives, déclarations manifeste-
ment fausses, ou encore le refus de passer des
tests, de reprendre le travail ou une activité pro-
fessionnelle adaptée.
En fin de compte, par ces manœuvres contre-pro-
ductives, le patient en réadaptation se met dans
son tort en ne satisfaisant pas à son «obligation
de réduire le dommage», ce qui représente un
principe juridique non écrit mais applicable dans
le domaine des assurances.
Comportement dont la finalité
est l’obtention d’une indemnité
La fixation sur un droit à l’indemnité était autre-
fois aussi qualifiée du terme trompeur de «né-
vrose de rente». Ce phénomène apparaît claire-
ment lorsqu’un patient s’investit entièrement ou
presque dans la lutte pour l’obtention d’un dé-
dommagement matériel (d’habitude une rente),
au lieu de chercher à reprendre au plus vite une
activité professionnelle. Dans ce cas, toute son
ambition l’éloigne des objectifs de la réadapta-
tion, et il se focalise sur les prestations financières
des assurances, ce qui mène à une rupture avec
toute réinsertion professionnelle.
Les professionnels de la santé sont chargés d’éva-
luer le degré d’aptitude du patient à la réinser-
tion, et de lui indiquer un chemin concret pour y
aboutir. Plus ce degré est élevé, plus il faut prêter
sérieusement attention aux signes indicateurs
d’un comportement fixé sur l’obtention d’une in-
demnité.
Régression de la personnalité
Ce concept concerne la psychologie des profon-
deurs et provient de la psychanalyse; il s’est plus
largement répandu vu qu’il est très proche des
phénomènes cliniquement observables.
La «régression» se caractérise par un recul du pa-
tient devant les tâches qui normalement lui in-
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légitimité du droit du patient à bénéficier des
privilèges liés à la maladie.
Insuffisance musculaire
L’insuffisance musculaire est le résultat final du
processus de déconditionnement au niveau de
l’appareil musculaire; ses conséquences sont dé-
sastreuses, surtout dans la musculature profonde
du dos en cas de rachialgie. Cette musculature as-
sure la stabilité de la colonne vertébrale qui, sans
ce maintien, est une structure plutôt instable. Au
niveau du dos, de nombreuses douleurs diffuses
proviennent de la faiblesse d’une musculature
rapidement épuisée, qui entraîne à son tour une
surcharge des ligaments, entre autres.
Insuffisance subjective
de la performance
Il s’agit d’une entrave au niveau psychologique,
qui est généralement difficile à surmonter dans
la pratique. Le patient capitule trop rapidement
face aux exigences imposées par l’environne-
ment concret sur le lieu de travail, se privant ainsi
de l’effet stimulateur que procure un premier suc-
cès. Cette attitude s’associe souvent à un pronos-
tic subjectif défavorable. Cette incapacité à mo-
biliser toutes ses forces peut être renforcée par
des problèmes résiduels ainsi que par le décon-
ditionnement psychique.
Naturellement, un trouble dépressif peut aug-
menter cette tendance à évaluer négativement
son propre potentiel de performance. Il faut soi-
gneusement différencier cette possibilité lors de
l’examen clinique.
Style associé à la perception
intéroceptive
L’intéroception est la perception de stimulus pro-
venant de l’organisme lui-même.
Les patients à perception intéroceptive pronon-
cée s’observent eux-mêmes de manière intense,
avec une préoccupation angoissée. Ils ont une
propension à interpréter tout signal somatique
désagréable comme un signe de maladie. Cet
autocontrôle, renforcé par une «cascade de sti-
mulations intéroceptives», peut favoriser l’appa-
rition de troubles somatoformes.
Style associé à une perception
amplificatrice/catastrophiste
En 1962 déjà, Mechanic [6] avait attiré l’attention
sur le fait que les différents individus géraient les
mêmes troubles de manière parfois extrêmement
différente. Ces différences concernent avant tout
plus large, ce concept s’applique lors d’une perte
partielle ou complète de la condition physique
et/ou psychique présente antérieurement. Chez
les demandeurs de rente, un tel déconditionne-
ment découle fréquemment d’une longue inter-
ruption de l’exercice des aptitudes profession-
nelles, qu’il s’agisse de processus mentaux ou de
séries de gestes spécifiques. En effet, toute acti-
vité professionnelle prolongée conditionne celui
qui la pratique de façon très spécifique; une in-
terruption de longue durée du travail conduit
précisément à la perte des facultés acquises par
l’entraînement. Par conséquent, le décon di tion -
nement découle inévitablement de toute attitude
antalgique prolongée.
Attitude antalgique:
fixation et exagération
La tendance à cette conduite n’est pas en premier
lieu pathologique; elle correspond plutôt à un
comportement d’autoprotection (sickness beha-
vior) ancestral, commun à tous les pluricellu-
laires mobiles. Dans le domaine médical, ce com-
portement est habituellement pris en compte de
façon généreuse. Il est toutefois indiscutable
qu’une immobilisation trop longue peut avoir des
effets négatifs sur l’appareil musculosquelettique
(atrophie musculaire, raideurs). Ainsi, en cas de
problèmes de dos, il est conseillé d’engager rapi-
dement une thérapie active d’entraînement pour
éviter d’autres pertes, en force, en stabilité, en
mobilité et en endurance. Le patient qui ne tient
pas compte des conseils médicaux et s’obstine à
vouloir se ménager trop longtemps, contrevient
donc d’une certaine manière à son obligation de
réduire le dommage.
Persistance dans le rôle de malade
Selon Parsons [5], la société concède à ses mem-
bres malades une phase de ménagement qui ne
comporte pas seulement des privilèges, mais
aussi certains devoirs. Le malade doit:
tout mettre en œuvre pour retrouver au plus
vite l’usage de ses forces,
accepter l’aide de la part des professionnels
compétents,
participer autant que possible au processus de
traitement.
Il est donc exigé du malade qu’il renonce dès que
possible, éventuellement de manière progres-
sive, aux privilèges liés à sa maladie. Le choix du
moment le plus propice peut être l’objet d’opi-
nions plus ou moins divergentes, selon les inté-
rêts représentés. Lorsque le bénéfice tiré de la
maladie est élevé (voir plus bas), le malade peut
s’obstiner à prolonger de façon outrancière la du-
rée de son rôle. Le médecin se trouve dès lors
régulièrement confronté avec la question de la
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signation générale des avantages objectifs et sub-
jectifs dont un sujet tire profit en vertu de sa ma-
ladie. Ce concept admet la distinction suivante:
bénéfice primaire de la maladie: il s’agit des
avantages internes et directs, comme par exem-
ple de la possibilité, offerte par la maladie, d’évi-
ter un conflit et les tensions qu’il entraîne.
bénéfice secondaire de la maladie: il com-
prend les avantages extérieurs liés à la mala-
die, dont le sujet affecté peut tirer un avantage.
Exemple: gain d’attention et d’égards, libéra-
tion de certaines tâches fastidieuses, indem-
nités, attribution d’une rente, etc.
bénéfice tertiaire de la maladie: il comporte
les avantages pour l’environnement social du
malade. Il faut assurément distinguer ici en-
tre les bénéfices matériels et les bénéfices non
matériels. Ainsi les soins apportés par des
proches peuvent-ils être ressentis comme un
enrichissement. Par contre, le bénéfice est
matériel lorsque l’allocation d’une rente,
éventuellement complétée par une indemnité
pour impotent, profite à toute la famille. Il est
clair que les bénéfices tirés de la maladie, quel
que soit leur genre, tendent plutôt à faire per-
sister un état de souffrance ou à stabiliser un
système familial qui s’est organisé autour d’un
porteur de symptômes, si l’on n’y contrevient
pas par des mesures très énergiques favori-
sant la réadaptation.
Le complexe du syndrome psychogène
selon Schröder et Täschner [8]
Le syndrome décrit par ces auteurs est en grande
partie homogène et non spécifique à une maladie
précise; il s’observerait fréquemment chez les
demandeurs de rente issus avant tout de pays mé-
diterranéens. Il comprend essentiellement les
symptômes suivants:
– douleurs,
– vertiges,
atonie musculaire,
oublis fréquents,
– irritabilité,
manque d’énergie,
troubles du sommeil.
Les raisons suivantes sont invoquées pour expli-
quer l’apparition de ce trouble:
des conditions de travail difficiles,
une situation conflictuelle non résolue,
un désir de prise en charge.
L’impression de souffrir d’une pathologie soma-
tique, par exemple suite à un traumatisme banal,
se déclenche plus facilement.
Considérations finales
La réadaptation des patients souffrant de dou-
leurs chroniques ne peut réussir que si tous les
la perception,
l’évaluation,
l’expression dans le mode de vie des troubles
et des restrictions en question.
Divers facteurs jouent un rôle dans la prise en
compte individuelle de la maladie: âge, sexe, si-
tuation sociale, contexte culturel, entre autres.
Une perception amplificatrice représente une
forme extrêmement défavorable de perception
corporelle, particulièrement en présence de dou-
leurs, car celles-ci sont ressenties avec une in-
tensité et un impact exagérés. Pour l’individu
concerné, cela complique la catégorisation
concrète et objective à partir de son autopercep-
tion. La perception catastrophiste, quant à elle,
concerne l’évaluation, dont les traits seront eux
aussi résolument exagérés. Selon l’étude de Pi-
caret et al. [7], la tendance au catastrophisme
constitue un indicateur prédictif de la chronifica-
tion, notamment en cas de lombalgie.
Tendances hypocondriaques
L’hypocondriaque interprète son intéroception: il
s’acharne à attribuer un sens aux troubles ainsi
perçus. Selon la CIM-10 [2], le «trouble hypocon-
driaque» se caractérise essentiellement par: «… une
préoccupation persistante concernant la présence
éventuelle d’un ou de plusieurs troubles soma-
tiques graves et évolutifs, se traduisant par des
plaintes somatiques persistantes […]. Des sensa-
tions et des signes physiques normaux ou anodins
sont souvent interprétés par le sujet comme étant
anormaux ou pénibles. L’attention du sujet se
concentre habituellement sur un ou deux organes
ou systèmes. Le sujet peut nommer la pathologie
somatique […] dont il craint d’être affecté …»
Les lignes directrices suivantes peuvent dès lors
guider le diagnostic:
1 persistance de la conviction qu’une maladie
grave au moins est la cause des symptômes
réels observés, même si des examens répétés
n’ont pas pu déterminer une cause somatique
suffisante;
2 refus continuel d’accepter le conseil et le diag-
nostic confirmé par plusieurs médecins, éta-
blissant que les symptômes ne résultent pas
d’une pathologie somatique.
Durant l’examen, il faut donc demander au pa-
tient quelle est, selon lui, la signification de cha-
cun de ses problèmes.
Toutefois, de nombreux sujets présenteront une
tendance diffuse à l’interprétation hypocondriaque
plutôt que le tableau complet décrit ci-dessus.
Bénéfice tiré de la maladie
Dans un environnement civilisé, la maladie n’ap-
porte pas que des désavantages. Depuis Sigmund
Freud, le «bénéfice tiré de la maladie» est une dé-
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