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Syntaxe générale, une introduction typologique
Mais les langues ont souvent aussi des formes verbales intégratives, inaptes à
être la tête de phrases indépendantes mais ayant par ailleurs des propriétés
syntaxiques de verbes, parmi lesquelles on peut distinguer deux grands types :
(a) Certaines formes issues de lexème verbal, tout en étant inaptes à constituer
la tête d’une phrase simple indépendante, non seulement s’utilisent comme tête de
constituants dont la structure est exactement identique à celle d’une phrase simple
indépendante, mais ont en outre une flexion qui présente globalement les mêmes
caractéristiques que celle des formes verbales indépendantes – cf. 10.7.2.
(b) D’autres formes verbales intégratives, généralement désignées comme
non
finies
, se distinguent des précédentes par une flexion moins différenciée que celle
des formes verbales indépendantes. Dans les langues où les formes verbales
indépendantes présentent un phénomène d’accord obligatoire avec un ou plusieurs
arguments, les formes de ce type ignorent typiquement l’accord, ou bien ne le
connaissent que de manière facultative. En outre, syntaxiquement, les constituants
dont ces formes sont la tête ont une structure interne qui, tout en étant de type
phrastique, peut s’écarter de celle d’une phrase simple indépendante en ce qui
concerne le terme sujet. En effet, il n’est pas rare que la construction de telles
formes ne puisse comporter aucun terme analogue au sujet des formes
indépendantes correspondantes, ou que le caractère facultatif de sa présence
contraste avec le caractère obligatoire du sujet des formes verbales indépendantes2.
La forme
ayant identifié
de la phrase
[Les policiers ayant rapidement identifié le
criminel], ils ont pu aussitôt procéder à son arrestation
est selon ces définitions une
forme verbale non finie. En effet, cette forme a des propriétés clairement verbales
au sens où elle peut prendre exactement les mêmes compléments qu’une forme
verbale indépendante, mais elle ne présente pas l’accord obligatoire avec le sujet qui
caractérise en français les formes verbales indépendantes, et sa relation au sujet est
différente de celle qu’ont les formes verbales indépendantes : en français, en dehors
de l’impératif, une forme verbale indépendante doit nécessairement, ou bien se
construire avec un sujet, ou bien s’attacher un indice pronominal de la série
je / tu /
il …
, mais cette contrainte ne vaut pas pour une forme comme
ayant identifié
(cf.
par exemple
Ayant identifié le criminel, les policiers l’ont aussitôt arrêté
).
Il ne faut pas se cacher qu’une notion de forme verbale non finie plus restreinte
que la notion purement syntaxique de forme verbale intégrative ne s’impose
vraiment que pour les langues qui ont à la fois une morphologie verbale riche et une
contrainte syntaxique selon laquelle l’argument sujet d’une forme verbale
indépendante doit se manifester nécessairement, soit sous forme de constituant
nominal, soit sous forme d’indice pronominal. Mais il s’agit d’une notion cruciale
pour décrire l’organisation syntaxique d’un nombre considérable de langues, ce qui
explique la place qui lui est accordée dans cet ouvrage, en dépit de la difficulté qu’il
y a à l’appliquer à certaines langues.
déverbaux dénotant des événements sont typiquement ceux qui accompagneraient le
verbe dont ils dérivent, et leur interprétation renvoie au schème argumental du verbe.
2 Lorsqu’un terme correspondant au sujet des formes verbales indépendantes est présent,
mais avec une mise en forme qui est en principe celle du dépendant génitival d’un nom, on
considèrera selon les définitions adoptées ici qu’on n’a plus véritablement affaire à une
forme verbale non finie, mais plutôt à une forme hybride – cf. 13.5.