LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ET LE RÉCHAUFFEMENT
CLIMATIQUE : ADAPTATION ET/OU ATTÉNUATION ?
IL FAIT TOUJOURS PLUS CHAUD SUR LA PLANETE TERRE
Selon les 750 experts réunis par le Forum de Davos 2016, "le risque numéro un en termes de
probabilité d’occurrence est désormais le phénomène des migrations forcées de grande
ampleur". Mais c'est "l’échec des efforts d’atténuation du changement climatique (qui) est
identifié comme étant le risque global numéro un en termes d’impact".1 Comme le constate
Dina Ionesco2, dans un ouvrage récemment publié et consacré aux migrations
environnementales3, le réchauffement climatique aura un impact sur les mouvements
migratoires : "Aujourd'hui, un habitant de la planète sur sept est un migrant. La dégradation
de l'environnement est une cause majeure de cette mobilité humaine sans précédent : une
réalité largement ignorée que le changement climatique en cours ne faire qu'amplifier".
Pour reprendre les expressions de Dominique Bourg4, Les liens évidents entre les deux
thèmes de l'édition 2017 du FAP confirment que "le monde est complexe" : ces réalités
n'étant pas "détachables les unes des autres", chacune des deux résolutions qui seront
soumises au débat le 31 mars 2017 ne devra donc pas être "conçue comme un silo"5.
"Il fait toujours plus chaud sur la planète Terre"6 : tel est le titre donné par le journal Le
Monde à un article décrivant les informations fournies par le dernier rapport de la NOAA,
l’agence américaine responsable de l’étude de l’atmosphère et des océans. " Températures
de l’air et de l’océan, montée du niveau des mers, émission de dioxyde de carbone, fonte des
glaces, multiplication d’événements climatiques extrêmes, pluies diluviennes et incendies
gigantesques… Des dizaines de records sont battus sur la cinquantaine d’indicateurs
présentés dans cet Etat du climat en 2015. Et la plupart d’entre eux montrent
indiscutablement « une tendance au réchauffement de la planète », assurent les auteurs."
Selon Le Monde, "les nouvelles n'ont jamais été aussi mauvaises". On nous annonce ainsi
qu'à l'avenir, non seulement la Terre deviendra de plus en plus chaude, mais la distribution
des eaux changera : "Les régions humides deviendront plus humides, avec davantage de
précipitations, les régions sèches comme la Méditerranée ou l’Afrique centrale, plus sèches
encore. Cela signifie des adaptations nécessaires et, évidemment, des coûts." Thomas
Stocker7, professeur à l'Université de Berne, directeur du Département de physique
climatique et environnementale et ancien coprésident du Groupe I du GIEC, précise encore
ceci : "L’humanité tire des prestations de la nature, sans elle, nous ne pouvons tout
simplement pas exister. Mais ces prestations nécessitent un climat stable. L’humanité
récente s’est développée dans des conditions climatiques équilibrées. Sous ce régime,
1 http://www3.weforum.org/docs/Media/GRR16/GRR16_NR_FR.pdf
2 Conférence au Lycée-Collège de la Planta, 27 janvier 2017
3 Dina Ionesco et al., Atlas des migrations environnementales, Paris, SciencesPo, 2016
4 Conférence au Lycée-Collège de la Planta le 7 décembre 2016
5 Sous la direction de Gérald Hess et Dominique Bourg, Science, conscience et environnement. Penser le monde
complexe, Paris, PUF, 2016, p. 20
6 http://www.lemonde.fr/climat/article/2016/08/03/il-fait-toujours-plus-chaud-sur-la-planete-
terre_4977858_1652612.html#Xg8pIJSJkLpGFHTu.99
7 Conférence au Lycée-Collège de la Planta le 31 mars 2016
l’agriculture s’est développée, l’homme s’est sédentarisé, a développé des techniques, des
savoirs et est devenu ce qu’il est aujourd’hui. (...). Le contexte dans lequel nous évoluons et
avec lequel nous nous sommes développés change avec une rapidité et d’une manière qui
menacent nos conditions de vie et nos moyens de subsistance."8
ATTENUATION ET ADAPTATION
Il est généralement admis que la réduction des risques engendrés par le réchauffement
climatique peut se faire par deux voies :
- L'atténuation : "On dit qu’une activité contribue à l’atténuation du changement
climatique si elle contribue à la stabilisation des concentrations de Gaz à effet de serre
(GES) dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique
dangereuse du système climatique. D’après l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), il s’agit d’activités permettant :
* de réduire ou limiter les émissions de gaz à effet de serre ;
*la protection et l’amélioration des puits et réservoirs des GES (ex. forêts et sols)."
- L'adaptation : "Une action contribue à l’adaptation au changement climatique dès lors
qu’elle permet de limiter les impacts négatifs du changement climatique et d’en
maximiser les effets bénéfiques. D’après le Conseil Économique pour le Développement
Durable (2012), ces actions d’adaptation peuvent concerner :
*nos modes d’organisation ;
*la localisation de nos activités ;
*les techniques que nous employons."9
L'adaptation et l'atténuation sont considérées comme deux approches complémentaires.
"L’adaptation et l’atténuation (actions permettant de réduire l’effet de serre) prises
isolément ne permettront pas de prévenir totalement les effets du changement climatique.
Sans une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre (atténuation), on risque
d’atteindre un seuil critique au-delà duquel l’adaptation pourrait devenir extrêmement
difficile, voire impossible. Certains effets du changement climatique sont par ailleurs déjà
observés et même si les efforts d’atténuation portent leurs fruits, le climat continuera de se
modifier du fait de la durée de vie des gaz à effet de serre dans l’atmosphère (de 100 ans
pour le CO2 à des milliers d’années pour les gaz fluorés) et de l’inertie du cycle de l’eau.
L’atténuation permet de préserver le climat avec un effet à moyen et long terme du fait de
l’inertie climatique. L’adaptation permet de préserver nos sociétés contre les effets du
changement climatique à court et moyen terme. Plus l’atténuation sera efficace, moins
l’adaptation sera coûteuse : mais quoi qu’il advienne il faudra forcément s’adapter car le
climat a déjà commencé de changer."10
8 Thomas Stocker, interview parue dans L'Illustré, 44/13
9 http://www.ademe.fr/expertises/changement-climatique-energie/quoi-parle-t/lattenuation-ladaptation
10 http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-principes-de-l-adaptation,14478.html
L'ACCORD DE PARIS (2015)
Le fait que le réchauffement climatique est lié principalement aux activités économiques
semble désormais établi avec un degré de probabili très élevé : "Les émissions
anthropiques de gaz à effet de serre, qui ont augmenté depuis l’époque préindustrielle en
raison essentiellement de la croissance économique et démographique, sont actuellement
plus élevées que jamais, ce qui a entraîné des concentrations atmosphériques de dioxyde de
carbone, de méthane et d’oxyde nitreux sans précédent depuis au moins 800 000 ans. Leurs
effets, associés à ceux d’autres facteurs anthropiques, ont été détectés dans tout le système
climatique et il est extrêmement probable qu’ils aient été la cause principale du
réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle."11
La plupart des Etats de la planète semblent s'accorder sur la gravité de la situation, sur
l'urgence et sur l'ampleur des mesures à prendre. L'avenir dira s'il faut prendre au sérieux le
célèbre tweet de Donald Trump, qui date de 2012, bien avant qu'il ne se lance dans la
campagne présidentielle :
Donald J. Trump Compte certifié @realDonaldTrump
The concept of global warming was created by and for the Chinese in order to make U.S.
manufacturing non-competitive.
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11:15 - 6 nov. 2012
C'est pourquoi les Etats ont adopté à la fin de 2015 l'Accord de Paris. " La Suisse, qui s'est
beaucoup engagée dans les négociations, se réjouit de cette issue. L'accord de Paris est une
base solide qui contient des éléments différenciés, solides, durables et dynamiques. "12
L'Accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre 2016. "Le seuil des ratifications 55
Etats représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre a été atteint en moins d’un
an », se félicite l’Elysée. « C’est la preuve que la communauté internationale a pris toute la
mesure de l’urgence climatique et c’est le résultat de la mobilisation de la France dans le
cadre de la présidence de la COP21 assurée par Ségolène Royal."13
Mais, à l'heure débute la COP22 à Marrakech, on peut se demander si cet enthousiasme
est vraiment de mise : "Lorsque les Etats se quittent à Paris en décembre dernier, ils ont
adopté un accord exceptionnel, car en phase avec la science. Cet accord fixe l’objectif (rester
bien en dessous des 2°C de réchauffement) et surtout, il reconnaît ce que cela implique
(atteindre le « zéro émission nette » dans la deuxième moitié du siècle). Cependant, cet
11 GIEC, Résumé à l'intention des décideurs, 2014, p. 4
12 http://www.bafu.admin.ch/klima/13805/15238/?lang=fr
13 Le Monde, 4 novembre 2016
accord repose exclusivement sur ce que les Etats veulent bien faire individuellement, les
fameux « INDCs » dans le jargon climatique les engagements intentionnels et
nationalement définis »). Sa philosophie est celle du strict respect du principe de souveraineté
nationale. Or, la somme des engagements nationaux pris pour 2030 ne permettra pas de
rester sous la barre des 2°C, mais conduit au contraire la planète vers les + 3,5°C. Ils
convergent vers des émissions globales d’environ 55 gigatonnes d’équivalent CO2 en 2030
(+ 5 Gt par rapport à aujourd’hui), quand celles-ci devraient avoir déjà été ramenées à 40 Gt.
Aussi, la cision annexée à l’accord de Paris « invite » les Etats à présenter en 2020 des
objectifs révisés pour 2030. Une formulation suffisamment vague pour qu’aucun Etat ne se
sente contraint, ce qui a évidemment facilité l’adoption de ce texte. Le texte de l’accord
adopté à Paris est très général. Les règles nécessaires à sa mise en œuvre restent à négocier
et à écrire. C’est ce travail qui commence vraiment à Marrakech. Parmi les sujets
« techniques » restés pendants, les deux principaux sont, d’une part, le financement et la
répartition des 100 milliards de dollars annuels versés par les pays riches aux pays du Sud à
partir de 2020 et promis en 2009, sachant que ce montant est sans commune mesure avec
les investissements que requiert la transition bas carbone, estimés à 6 000 milliards de
dollars par an à l’échelle mondiale, dont au moins la moitié pour les pays émergents et en
développement."14
"ON NOUS DIT TOUT, MAIS ON NE FAIT RIEN."15
L'Allemagne, pour ne prendre que cet exemple, " veut promouvoir activement la lutte contre
le changement climatique. Pour ce faire, elle a lancé la loi autorisant la ratification de
l’Accord international de Paris."16 Si nous prenons l'exemple de l'Allemagne, c'est parce que
ce pays se présente lui-même comme " un précurseur de la protection du climat à
l’international et un pionnier dans l’extension des énergies renouvelables". 17
Or le Bundestag a voté le 8 juillet 2016 la nouvelle loi sur les énergies renouvelables, qui
limite radicalement la production de courant vert. Certains accusent même cette loi
d'enterrer la transition énergétique.
Cet exemple est emblématique d'une tendance : d'un côté, on constate que "la plupart des
dirigeants mondiaux, alertés par leurs conseillers scientifiques, semblent avoir pris conscience
du fait que le réchauffement climatique représente une menace sans précédent pour
l’humanité et qu’il y a urgence à agir."18
Ces "conseillers scientifiques" lancent en effet des appels ou des manifestes. En 2012,
Yohan Ariffin19, Dominique Bourg, Marc Dufumier (pour ne citer que des conférenciers du
FAP) et d'autres, ont ainsi publié un "Manifeste pour une sortie de crise par l'écologie" : "La
débâcle économique et écologique à laquelle nous assistons découle de la perte organisée du
contrôle des instances politiques sur les grands choix collectifs. L’idéologie néolibérale qui
domine en partie le monde politique est fondée sur la croyance, quasi religieuse, en la toute-
14 Antoine de Ravignan, "A quoi sert la COP22 qui s'ouvre à Marrakech ?", AlterEcoPlus, 7 novembre 2016,
http://www.alterecoplus.fr/a-quoi-sert-cop22-souvre-a-marrakech/00012549
15 Campus, no 83
16 https://www.bundesregierung.de/Content/FR/Artikel/2016/07_fr/2016-07-06-ratifizierung-pariser-
klimaabkommen_fr.html
17 https://www.tatsachen-ueber-deutschland.de/fr/un-pionnier-de-la-politique-climatique
18 http://www.alertes-meteo.com/vague_de_froid/rechauffement-climatique.htm
19 Conférence au Lycée-Collège de la Planta le 8 février 2017.
puissance des marchés ; elle marginalise la sphère démocratique. Or, les conséquences du
défaut de régulation, local et global, sont d’ores et déjà dramatiques : les inégalités
explosent, les limites des ressources naturelles et la vulnérabilité des grands équilibres qui
nous font vivre sont ignorées. Nous appelons avec force à un éveil des consciences et de la
solidarité mondiale, à un sursaut moral de tous. La solution ne peut passer que par le
renouveau du civisme et la réaffirmation de la puissance publique."20
Mais d'un autre côte, on ne peut qu'être frappé par la modestie des mesures prises à ce
jour.
Comment comprendre un tel décalage ?
Une première hypothèse nous est proposée par Thomas Stocker : "L’humanité a été
confrontée ces dernières années à d’autres grosses difficultés: la crise financière, des conflits
dans de nombreuses régions du monde. Ces événements frappent les gens au jour le jour et
exigent des solutions immédiates qui focalisent l’attention des dirigeants et des décideurs.
Quand on doit faire face à des problèmes de licenciement, de chômage ou de guerres, le
réchauffement climatique, qui développe ses effets à long terme, reçoit évidemment moins
d’attention."21
Dans un ouvrage paru récemment, Romain Felli22 prétend qu'il n'y a pas de volonté politique
des grandes puissances (Etats-Unis, UE, Chine) de mettre en œuvre une réduction drastique
des leurs émissions de GES. En fait, selon Felli, les élites politiques et économiques ont
abandonné la lutte contre les changements climatiques et décidé de privilégier l'adaptation
aux bouleversements qu'ils entraînent. Bien sûr, on peut accroître l'efficacité énergétique,
développer les énergies renouvelables, maîtriser l'aménagement du territoire, etc. Mais les
émissions de CO2 ne sont-elles pas "le revers nécessaire de la médaille du
développement"23? "Dans le fond, la possibilité de réduire les émissions de dioxyde de
carbone afin de limiter les changements climatiques est perçue comme politiquement trop
difficile au plan international et comme étant beaucoup trop coûteuse pour des économies
qui dépendent massivement des énergies fossiles."24 C'est pourquoi, désormais, "l'adaptation
proactive" ou la "construction de la résilience" vont être les voies privilégiées. La quinzaine
d'années durant lesquelles aura été privilégiée la voie de l'atténuation n'aura en fait
constituer qu'une courte parenthèse, qui se fermera définitivement en 2009 à la COP de
Copenhague.
Romain Felli constate également que "certains économistes perçoivent rapidement la
question climatique comme une menace. Non pas celle de la catastrophe climatique, mais
celle de l'extension de la régulation publique"25. C'est pourquoi les politiques climatiques
proposées le plus souvent sont celles qui sont " le plus possible conformes au
fonctionnement du marché".26 Politiques que l'on peut résumer par l'expression de
20 http://vertigo.revues.org/11958
21 L'Illustré, 44/13
22 La grande adaptation : climat, capitalisme et catastrophe, Seuil, 2016
23 Romain Felli, p. 56
24 Romain Felli, p. 68
25 Romain Felli, p. 72
26 Romain Felli, p. 73. Certains arguments développés dans le cadre du débat portant sur l'initiative "Economie
verte" soumise au peuple suisse le 25 septembre 2016 semblent confirmer cette affirmation de Felli :"
Economiesuisse dit également non à l’initiative extrême des Verts «Économie verte». Ses auteurs font fi de la
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