COMPRIMÉS DE CANNEBERGES ET INFECTION URINAIRE

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COMPRIMÉS DE CANNEBERGES ET INFECTION URINAIRE
QUESTION :
Est-ce que la prise de comprimés de canneberge a un impact dans la
prévention des infections urinaires ?
AUTEUR :
Geneviève Bustros-Lussier
(Avril 2009)
P
:
patients avec infections urinaires à répétition
I
:
comprimés de canneberges
C
:
placebo
O
:
diminution du nombre d'infections urinaires
CONTEXTE :
Lors de mon stage à Cowansville, j'ai vu une patiente qui prenait un comprimé de
canneberge die pour la prévention d'infection urinaire. Cette dame avait souffert
d'infection urinaires à répétition dans le passé et un spécialiste (la patiente ne se
souvenait pas qui) lui avait prescrit des comprimés de canneberge die en prévention. Je
me suis alors demandée si les canneberges en comprimés avaient un rôle à jouer dans
la prévention des infections urinaires à répétition.
RECHERCHE
Cochrane : méta-analyse trouvée en inscrivant les termes << cranberries and urinary
tract infections>>
Résultats
1) Jepson RG et al., Cranberries for preventing urinary tract infections, Cochrane
Library, 2009, issue 2
10 études, n = 1049, dont 4 études sur les canneberges en comprimés
1re étude : Walker en 1997
N=19, Lieu : États-Unis, en médecine de famille
Population : jeunes femmes avec infections urinaires récurrentes, âge moyen 37 ans.
Critères d’inclusion : non enceinte, femmes entre 18 et 45 ans actives sexuellement
avec infections urinaires récurrentes (i.e. 4 infections urinaires durant la dernière année
ou au moins une dans les derniers 3 mois)
Intervention : 400 mg de canneberge en comprimé po (nombre par jour non spécifié) vs
placebo. Durée de l’étude : 3 mois (chaque patient avait 3 mois de traitement actif et 3
mois de placebo)
Outcome:
infection urinaire symptomatique (définition d’une infection urinaire
symptomatique : patiente avec symptômes les mentionnaient au médecin et remettait
par la suite un échantillon urinaire). Technique de collection de l’urine: non spécifiée
Allocation : non claire. Perte au suivi : 47.4 % ( ie 9 patientes sur 19/19). Double
aveugle. ITT : non claire.
Résultats:
Placebo:
15 infections urinaires,
Comprimés de canneberge: 6 infections urinaires, p < 0.05. (sur combien de patientes,
puisque seulement 10 patientes ont fini l’étude).
Lors de la prise de comprimés de canneberge (vs lors de la prise de placebo): 7 patients
sur 10 ont eu moins d’infections urinaires, 2 patients ont eu le même nombre d’infections
urinaires et un patient a eu une infection urinaire de plus.
Étude avec peu de patient (10), beaucoup de perte de suivi, mais fait avec un échantillon
de population représentatif de ma pratique.
2e étude : Stothers en 2002
N=150, Lieu : Canada, lieu exact non clair. Population: femmes avec infections
urinaires récurrentes (âgées entre 21 et 72 ans et actives sexuellement). Critères
d’inclusion: au moins 2 infections urinaires symptomatiques, à un organisme, avec une
culture positive dans l’an dernier.
Intervention
Groupe 1: jus placebo + comprimés de canneberge (jus concentré 1:30, prise bid)
Groupe 2: 250 ml jus de canneberge tid + comprimés de placebo
Groupe 3 : jus placebo (eau + colorant alimentaire + 20 ml de jus d’ananas) +
comprimés de placebo
Durée de l’étude: 12 mois
Technique de collection de l’urine: miction
Allocation: oui (ordinateur et enveloppes scellées)
Perte au suivi: 2 patientes sous traitement avec jus de canneberge
Double aveugle
ITT : oui
Résultats
19 patients/100 ont eu une infection urinaire lors de la prise de produits de canneberge,
16/50 patients ont eu une infection urinaire lors de la prise de placebo. Diminution du RR
de 18 % avec les comprimés de canneberge (p < 0.05). Diminution de > 50% d’infection
urinaire par ans (i.e. symptômes + ≥ 100 000 un seul organisme/ml), diminution de >
50% d’antibiotiques par an, traitement coût bénéfique (coût annuel pour prophylaxie
avec comprimés de canneberge : 624$ (vs 1400$ pour jus de canneberge organique)
(coût bénéfique surtout si >2 infections urinaires par années, >2 jours de travaille
manqué)
Conclusion :
Étude pouvant s’appliquer à des patientes de ma pratique, comprenant tout de même un
petit nombre de patients. Par contre, étude avec bonne méthodologie (allocation
concealment, double aveugle, ITT, etc.). Aussi, comparativement aux autres études de
la méta-analyse, peu de perte au suivi. Intéressant d’avoir analysé coût-bénéfice, mais
pourquoi avoir mis du jus de canneberge organique (peu de gens boivent du jus
organique, et il est plus cher) ?
3e étude : Linsenmeyer en 2004
N=21
Lieu : États-Unis, dans une clinique d’urologie de réadaptation
Population : patients avec blessure à la colonne vertébrale et vessies neurogènes
(critères d’inclusions non spécifiés)
Intervention : 400 mg de comprimés de canneberge vs placebo
Durée de l’étude : 3 mois (4 semaines de comprimés de canneberge, 4 semaines de
placebo et 1 semaine pour élimination)
Technique de collection de l’urine : cathéter ou miction (définition de bactériurie : ≥
10 000 / ml pour une miction, > 100 /ml pour un échantillon par cathétérisme)
Allocation : non claire. Perte au suivi : 16 patients (37 patients au départ, 21 ont été
analysés)
Double aveugle
ITT : non
Valeur de p ci-bas
Les auteurs ont mentionnés qu’ils n’ont pas identifié un effet statistiquement significatif
d’un traitement préventif aux comprimés de canneberge vs placebo (t20=-0.05, p =0.96),
gb urinaire (t20= 1.14, p=0.27) ou bactéries urinaires et gb en combinaison (t20=1.14,
p=0.27).
Conclusions donc non significatives, les comprimés de canneberge n’ont pas d’effets
pour prévenir les infections urinaires. Cependant, étude sur peu de patients, et
population particulière (avec blessure à la colonne vertébrale et vessie neurogène).
Étude ne s’applique donc pas à la population générale de ma pratique.
4e étude:
Waites 2004
N=48
Lieu : États-Unis, dans une clinique à l’hôpital
Population : patients avec blessure à la colonne vertébrale et vessies neurogènes.
Critères d’inclusions : minimum 1 an post blessure à la colonne vertébral, 16 ans et
plus, vessie neurogène, pas d’antimicrobien systémique ou agent acidifiant depuis 7
jours, pas de symptômes infectieux
Intervention : 2g de jus de canneberge concentré en comprimés vs placebo
Durée de l’étude : 6 mois (analyse et culture d’urine à la visite initiale et q mois pour 6
mois)
Technique de collection de l’urine : cathéter ou miction (définition de bactériurie : ≥
100 000 /ml)
Allocation : non claire
Perte au suivi : 26 patients
Double aveugle
ITT : non
Résultats: 10 patients sur 26 ont fait une infection urinaire avec la prise de comprimés
de canneberge; 8 patients sur 22 ont fait une infection urinaire avec la prise de placebo.
RR1.06 IC 0,51-2,21
Les résultats sont donc non significatifs, car l’intervalle de confiance est trop étendu et
traverse le 1. Aussi, la dose de canneberge dans les comprimés pour cette étude était
particulièrement élevée.
C’est une étude qui comprend peu de patients et qui a eu un gros taux d’abandon (peutêtre à cause du fait que les patients avaient une blessure à la colonne vertébrale et donc
l’analyse et la culture d’urine était moins évidente, ou parce que ces patients sont déjà
polymédicamentés ??). Aussi, comme la 3e étude, elle est basée sur des patients avec
blessures à la colonne vertébrale et vessies neurogènes, donc non représentatif de mes
patients.
CONCLUSION
Cochrane a une méta-analyse de 4 études sur les comprimés de canneberge en
prévention des infections urinaires. Les deux premières études concluent à un effet
préventif des comprimés de canneberge tandis que les deux dernières sont non
significatives.
La première étude démontre que pour les patientes avec infections urinaires récurrentes,
7 patientes sur 10 ont eu moins d’infections urinaires, 2 patientes ont eu le même
nombre d’infections urinaires et une patiente a eu 1 infection urinaire de plus. Il s'agit
d'une petite étude (19 patientes au départ) avec beaucoup de perte au suivi (9/19) mais
avec une population représentative de la population de ma pratique.
La deuxième étude démontre, toujours pour les patientes avec infections urinaires
récurrentes, une diminution du RR de 18% avec les comprimés de canneberge (p <
0.05), diminution de > 50% d’infection urinaire par an (i.e. symptômes + ≥ 100 000 un
seul organisme/ml), diminution de > 50% d’antibiotiques par an, traitement coût
bénéfique (coût annuel pour prophylaxie avec comprimés de canneberge: 624$ vs
1400$ pour jus de canneberge organique). C'est encore une petite étude, mais il y a peu
de perte au suivi et les patientes représentent bien mes patientes en pratique. Aussi, ils
ont analysé jus de canneberge organique, qui coûte en moyenne 2 dollars de plus par
bouteille que jus non organique.
La troisième étude est non significative car il n'y a pas un effet statistiquement significatif
d’un traitement préventif aux comprimés de canneberge vs placebo (t20=-0.05, p =0.96),
gb urinaire (t20= 1.14, p=0.27) ou bactéries urinaires et gb en combinaison (t20=1.14,
p=0.27).
La quatrième étude est non significative car IC traverse le 1 (RR 1.06, IC 0,51-2,21).
Aussi, ces deux dernières études sont basées sur des patientes bien particulières ne
reflétant pas ma pratique (i.e. patientes avec blessure à la colonne vertébrale et vessie
neurogène). De plus, ce sont deux études avec peu de patientes (n=20, n=48) et
beaucoup de perte au suivi.
Pour mieux conseiller nos patientes, il serait intéressant de faire un PICO sur le jus de
canneberge en prévention d'infections urinaires et de comparer son efficacité avec les
comprimés de canneberge.
Pour l'instant, puisque les deux premières études répondent directement à mon pico et
sont valides, je crois que, pour mes patientes qui font plusieurs infections urinaires à
répétition, j'expliquerais les résultats de mon PICO et je suggérerais l'essai de
comprimés de canneberge (tout en mentionnant qu'il ne s'agit pas d'un traitement curatif
des infections urinaires mais bien d'un traitement préventif).
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